Le Nouveau festival du Centre Pompidou
Du 19 fÉvrier au 10 mars 2014
Galerie sud, Espace 315, Forum, Forum -1, Cinéma 1 et 2, Petite salle, Grande salle

Début du contenu du dossier

Xavier Le Roy, Le Sacre du printemps, 2007


Xavier Le Roy, Le Sacre du printemps, 2007

5e Édition : l’oubli, le souvenir, la réminiscenceRetour haut de page

Sur le thème de l’oubli, du souvenir et de la réminiscence, la 5e édition du Nouveau festival du Centre Pompidou réunit, pendant trois semaines, des artistes de la scène artistique contemporaine : plasticiens, performers, musiciens, cinéastes, chorégraphes.

Ainsi, les œuvres et projets de Rémy Zaugg, Pierre Bismuth, Mario Garcia Torres, Ryan Gander et Tris Vonna-Michell côtoient ceux de Matthew Buckingham, Joachim Koester, Kerry Tribe, Rayyane Tabet, Olaf Nicolai et Xavier Le Roy, Ivo Dimchev ou encore Miguel Gutierrez tandis que Charles de Meaux installe son Train fantôme dans le Forum -1.

Des projections de films, signés Nanni Moretti, Charles de Meaux, Dominique Gonzalez-Foerster, George Stevens, le Groupe Dziga Vertov, Matt Reeves, Shôhei Imamura, Lawrence Weiner, ou encore Apichatpong Weerasethakul complètent la programmation quotidienne autour de philosophes, d’historiens, de penseurs et d’artistes tels que Jacques Aumont, Peter Szendy, Simon-Daniel Kipman, Arno Gisinger, Didier Rittener ou Nathalie Quintane. Enfin, Vidéodanse s’associe au festival et, dans l’espace 315, invite le spectateur à redécouvrir les grands moments de la danse contemporaine en écho au thème de cette 5e édition.

Imaginé en 2009 par Alain Seban, président du Centre Pompidou, le Nouveau festival est placé depuis sa création sous la direction artistique de Bernard Blistène. Ce dossier vous propose de découvrir cette 5e édition avec son directeur artistique et ses commissaires : Jean-Pierre Criqui (pour la manifestation « Allégories d’oubli » et le cycle de rencontres « Éblouis par l’oubli »), Serge Laurent (pour les spectacles vivants dont Rétrospective par Xavier Le Roy), Sylvie Pras (pour la programmation cinéma sur un projet de Charles de Meaux, Le Train fantôme) et Valérie Da Costa (commissaire invitée pour Vidéodanse).

Entretien avec Bernard BlistèneRetour haut de page

« L’oubli, comme mÉthode »Retour haut de page

Directeur du Département du développement culturel de 2009 à 2013, c’est, avec l’ensemble de ses équipes de programmation, oralité, spectacles vivants et cinéma, que Bernard Blistène a préparé cette nouvelle édition, heureux, comme il le rappelle ici, de la synergie que ce festival a su susciter chaque année. En janvier 2014, Bernard Blistène a été nommé directeur du Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle.

« L’oubli, une idée très ancienne »

Xavier Le Roy, Rétrospective, Fundació Antonì Tàpies, Barcelone, 2012

Xavier Le Roy, Rétrospective, Fundació Antonì Tàpies, Barcelone, 2012

 

Marie-José Rodriguez. Comment avez-vous choisi ce thème de la mémoire et de l’oubli ?

Bernard Blistène. Il se trouve que ce n’est pas moi qui l’ai défini. Nous avons bâti ce festival à partir de projets, d’œuvres, auxquels mes collaborateurs s’intéressaient au moment où nous nous mettions à préparer cette 5e édition. Le premier était celui du chorégraphe Xavier Le Roy, que j‘ai vu en 2012 à la Fondation Tàpies de Barcelone avec Serge Laurent, Rétrospective, dont l’idée est d’exposer la danse dans des salles de musée, de solliciter des danseurs pour rejouer des pièces à partir du souvenir qu’ils ont de leur chorégraphie.
Le deuxième projet était, je crois, lié à une œuvre de l’artiste mexicain Mario Garcia Torres, qui parle d’effacement, d’oubli, de remémoration ; le troisième à un livre de Paul Ricœur sur la question de la mémoire1. Côté cinéma, Sylvie Pras était en contact avec Charles de Meaux. Alors que nous réfléchissions à ces projets, Jean-Pierre Criqui nous a fait remarquer qu’ils tournaient tous autour de l’oubli.

Sur cette base nous avons fait des recherches, dans la parole, la littérature, la philosophie, dans le champ des arts plastiques, dans celui des spectacles vivants, du cinéma. Nous avons mis ensemble tous ces possibles. Suite à quoi nous avons travaillé à savoir si ces œuvres pouvaient être exposées, si elles étaient disponibles, et au fil du temps s’est dessiné un corpus autour de cette idée. Puis Florencia Chernajovsky est arrivée, insistant pour que ce festival se rapproche de jeunes créateurs. Des artistes comme Nina Beier et Marie Lund, Jeremiah Day, Alexandra Pirici et Manuel Pelmus, Mark Geffriaud… ont été sollicités pour produire des projets souvent liés au champ de la performance, en tout cas au corps et au public autour de cette idée d’oubli.

L’oubli, paradoxalement, est une idée très ancienne, les textes les plus reculés de l’antiquité en parlent, ceux de Platon ou Aristote aussi. À la fin de la République, Platon reprend le mythe d’Er où les âmes ont à traverser le Léthé, le fleuve de l’oubli, pour découvrir leur liberté. Sa théorie de la réminiscence nous dit, d’un autre côté, que nous avons perdu la connaissance en devenant un corps.

Entre oubli et savoir, il y a deux hypothèses : soit se construire à partir d’une accumulation de connaissances, soit s’en défaire, tout oublier pour inventer. Montaigne l’a dit dans des textes mémorables sur l’oubli. Nietzsche est à l’ère moderne, au tournant du XXe siècle, le philosophe de l’oubli, affirmant que trop de pensées historiées éprouvent la créativité, qu’il faut construire à partir de l’oubli.

Mais « l’oubli, c’est moderne »

Simon Fujiwara, New Pompidou, 2014

Simon Fujiwara, New Pompidou, 2014
Le 22 février en Petite salle, à 15h, Simon Fujiwara présentera le projet qu’il a spécialement conçu pour le Nouveau festival

 

Une part d’oubli n’est-elle pas le propre de toute création ?

Jusqu’au tournant du XXe siècle, les artistes n’ont jamais été que dans la répétition idéalisée et emblématique d’un modèle qui aurait précédé. Et même si le modèle était pour eux prétexte, leur but était l’idéal, celui des Grecs. L’idéal moderne est sceptique par rapport à cela. Il est intéressant que Nietzsche préfère Bizet à Wagner et qu’il soit un contemporain absolu de Cézanne, lequel disait qu’un tableau tient quand on oublie ce qui l’entoure, quand il se suffit à lui-même. L’oubli, c’est moderne en soi.

Il se trouve que beaucoup d’artistes aujourd’hui ne sont pas dans la remémoration, dans le souvenir, la citation, mais s’intéressent à l’oubli, à ses différentes formes, car l’oubli n’a pas une définition simple. Et peut-être est-il une méthode : décider de créer en se défaisant de ce qui a existé ou, au contraire, faire revenir au jour des choses oubliées ou enfouies. Jeremiah Day, par exemple, dans son installation The Frank Church - River of No Return Wilderness (2012) fait resurgir, à travers des documents et archives, les malversations commises par ce politicien américain, Frank Church, au milieu des années 1970.

En Galerie sud, quelque cinquante œuvres étayeront différentes approches de l’oubli et leurs relations avec la mémoire. Du New Pompidou (2014) de Simon Fujiwara à The Shape of Memory (And the Space of Forgetfulness), s.d. de Mario Garcia Torres, d’Une Fatigue, trop savoir (1973-1989) de Rémy Zaugg à Invent arisiert (2000) d’Arno Gisinger, et à Marcel Duchamp, toujours lui, qui avait écrit sur un fragment de papier retrouvé dans ses notes : « Allégorie d’oubli »2, deux mots qui donnent son titre à cette manifestation.

L’oubli est une attitude paradoxalement sélective, et c’est particulièrement vrai dans une époque comme la nôtre qui est mémorielle, on parle plus de la Guerre de 14, par exemple, que de la Guerre d’Algérie et pour cause. Avec Jean-Pierre Criqui, nous poursuivrons nos investigations en donnant la parole à des artistes et des chercheurs. Simon-Daniel Kipman  viendra parler des forces positives de l’oubli, Nathalie Quintane d’oubli et de littérature, Sabina Loriga de l’oubli historique, Milad Doueihi de l’oubli numérique à l’heure où tout est numérisé et conservé, Peter Szendy d’oubli et musique. Ce cycle de rencontres a pour titre : « Éblouis par l’oubli ».

« Parmi les ouvrages qui ont, dit Bernard Blistène, contribué à dessiner la cartographie de cette 5e édition, il y a ce très célèbre livre de l'écrivain et neurologue Oliver Sacks, L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau (1985, éditions Point-Essais), un homme qui savait décrire et reconnaître les objets de formes simples, tel un chapeau, mais pas les visages, dont le sien et celui de sa femme. »
Voir Bibliographie – Repères : une liste d'ouvrages recommandés par le Nouveau festival.

Le palimpseste, une écriture qui en submerge une autre

Pierre Huyghe, Timekeeper, 1999

Pierre Huyghe, Timekeeper, 1999
Intervention murale in situ, dimensions variables
Vue de l'exposition, Centre Pompidou, Galerie sud, 2013


Charles de Meaux, Le Train fantôme, 2012

Charles de Meaux, Le Train fantôme, 2012
Collage sur un dessin de Renzo Piano


 

D’autres figures de l’oubli ont été requises pour ce festival, le palimpseste notamment … Comment cela se traduit-il ?

Le palimpseste est la forme religieuse, en quelque sorte, de l’oubli. De fait, historiquement, c’est l’idée d’une écriture qui en submerge une autre, qui en efface une autre.
J’ai toujours voulu − sans toujours y réussir −, que ce festival explore de nouvelles formes d’exposition. Ainsi, allons-nous nous infiltrer dans le dispositif de l’exposition Pierre Huyghe qui précédait le festival dans la Galerie sud − nous remémorant, comme dit Mallarmé, qu’il n’y a eu d’autres lieux que le lieu. Nous en conservons aussi une des œuvres, Timekeeper [Gardien du temps], que Huyghe a réalisée en creusant le mur pour révéler les strates de peinture des expositions antérieures. Cette œuvre reste comme une réminiscence de l’exposition qui précède. Dans ce contexte, Ryan Gander a conçu une pièce, une proposition faite à Emma Lavigne qui en a été la commissaire, de revenir dans l’espace et de se remémorer ce qui était présent sur les murs.

Certaines œuvres que nous allons montrer ont été élaborées dans cette idée de palimpseste. Celles de Rémy Zaugg, par exemple, construites par stratification de couches successives qui semblent recouvrir un texte, et d’où resurgit, écrit à la surface, le mot oubli. Une série de photographies de Tim Maul, prises dans New York, joue aussi avec cette idée de recouvrement par le présent d’un passé.

Le Train fantôme de Charles de Meaux − appelé ainsi certainement par allusion au train fantôme qu’abritait le Crocrodrome de Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, présenté au Centre Pompidou en 1977, une installation monumentale aux allures de kermesse −, me paraît être un objet qui se confronte à cette notion. Il s’agit d’un tunnel dont la structure est faite à partir des tuyaux du Centre Pompidou, qu’on verra resurgir dans le Forum comme les tentacules d’une pieuvre, comme s’ils étaient là de manière souterraine. Au fur et à mesure qu’on avancera dans ce long tuyau, on verra défiler des images, en se retrouvant dans cette opposition entre ce qu’on découvre en marchant et ce qui s’efface, de fait, derrière soi.

 

Alexandra Pirici et Manuel Pelmus, An Immaterial Retrospective of the Venice Biennale, 2013

Alexandra Pirici et Manuel Pelmus, An Immaterial Retrospective of the Venice Biennale, 2013
Enactment de La Nona Ora (1999) de Maurizio Cattalan, 49e Exposition internationale d’Art : « Plateau de l’humanité », La Biennale de Venise, 2001

 

Pour filer la métaphore, Nina Beier et Marie Lund, avec une performance intitulée L’Empreinte (2009), inviteront les médiateurs du festival, à partir de la lecture d’un cartel fixé sur la cimaise, à décrire des œuvres qui ne seront pas là mais qui auraient pu l’être − des œuvres que nous avions choisies et que, finalement, nous n’avons pas retenues.
D’autres travaux jouant sur l’idée de mémoire et d’oubli feront le lien spatial entre le Forum, la Galerie sud et l’Espace 315. Ainsi, dans le Forum, le duo roumain, Alexandra Pirici et Manuel Pelmus, sur le principe des performances qu’il a données à la dernière Biennale de Venise, concocte une rétrospective immatérielle de l’histoire du Centre Pompidou, à partir d’anecdotes, de souvenirs d’œuvres mimées sous forme de tableaux vivants, etc.

Dessiner un état, un climat, des perspectives

Ici, plutôt que de parler d’oubli, ne faut-il pas évoquer l’absence ?

Oubli est le mot que nous avons choisi. À partir de ce mot, il est évident qu’il y a différentes perspectives. En tout cas, il ne s’agit pas de faire une exposition qui donnerait le sentiment du deuil. Le festival se veut ludique dans ses formes. Par ailleurs, il n’est pas un objet théorique, c’est un objet qui dessine un état, un climat, des perspectives. C’est un projet qui fait le pari d’un lien spécifique entre certains artistes aujourd’hui.

 

Très bien pour l’oubli. Parlez-nous maintenant de la mémoire.

On ne dit que la banalité quand on parle de la mémoire. La mémoire est un continent de l’esprit dont on ne sait pas trop comment l’aborder. Je crois que nous nous en sommes tenus en grande partie à l’oubli parce qu’il est plus facile de trousser la chose, comme on dit, à partir de l’oubli, que de la trousser à partir de la mémoire. Dernier exemple que je veux vous donner : celui de l’Expérience Furkart. Haut lieu de l’art contemporain aujourd’hui oublié, l’hôtel Furkablick, situé dans les Alpes suisses, a accueilli entre 1983 et 1999 une soixantaine d’artistes pour y réaliser des œuvres. Nous allons réactiver cette expérience à partir d’archives et d’objets, un chapeau de Joseph Beuys par exemple envoyé à James Lee Byars en gage d’amitié, les traces d’une sculpture qui avait servi pour une performance, des dessins froissés de Steven Parrino, les sets de table que Jenny Holzer avait conçus pour l’hôtel.

 

Et le devoir de mémoire, vous en tenez compte ?

Catherine Diverrès, Ô Sensei

Catherine Diverrès, Ô Sensei
Le 1er mars à 15h, Espace 315, dans le cadre de Vidéodanse,
Catherine Diverrès présente le film  Ô Sensei (réal. Luc Riolon, 2012)
en hommage à Kazuo Ohno

 

Bien évidemment, nous avons invité certaines grandes figures de la pensée théorique qui viendront parler d’histoire, d’oubli et de politique, ainsi l’historienne Sabina Loriga ou, autour du programme de films et conférences « Amnésies » – conçu par Jacques Aumont et Jean-Pierre Criqui –, Alain Bergala, qui donnera une conférence sur « l’amnésie communiste » avant la projection du film de Nanni Moretti, Palombella Rossa (1989), sur l’Italie à la fin des années 80. Ou encore Vinzenz Hediger, qui nous entretiendra des « spectres de l’histoire », de l’oubli de et dans l’histoire, à propos du film de Jürgen Böttcher, Die Mauer (1990), sur le démantèlement du mur de Berlin.

La danse est l’expression artistique qui nous semble la plus proche de la question de l’oubli. Car non mémorisée d’une manière ou d’une autre, elle ne laisse derrière elle que la trace de l’oubli. C’est pourquoi, dans le cadre de ce petit pôle du Département du développement culturel, Vidéodanse, j’ai invité une historienne de l’art et de la danse, Valérie Da Costa, à réaliser un projet, dans l’Espace 315, sur ce sujet particulier.

 

Comme pour les festivals précédents, de nombreuses activités se succéderont tous les jours.

Tous les jours et plus encore que pour les éditions précédentes. Florencia a mis beaucoup d’obstination pour que le festival ne se fige pas en exposition mais fasse découvrir de nouvelles formes d’exposition et de production. Je pense, à l’instar de Clement Greenberg, qu’une œuvre d’art doit toujours affronter la reddition à son médium. Aujourd’hui, justement, quantité d’artistes interrogent leur médium, que ce soit la danse, la littérature ou les arts visuels, pour essayer de leur arracher d’autres formes.

L’Expérience Furkart

Du 19 février au 10 mars 2014, Galerie sud

Une proposition de Jean-Paul Felley & Olivier Kaeser, codirecteurs du Centre culturel suisse

 

Daniel Buren. Photo-souvenir [Sans titre], mars 1990

Daniel Buren. Photo-souvenir
[Sans titre], mars 1990
Travail in situ permanent
Hôtel Furkablick, Fürkapass Höhe, Suisse (détail)
Le 22 février à 18h, Petite salle : table ronde en présence de Daniel Buren, Jean-Hubert Martin, Max Wechster, Jean-Paul Felley & Olivier Kaeser…

 

Entre 1983 et 1999, sous l’impulsion de l’éditeur et galeriste neuchâtelois Marc Hostettler, 63 artistes se sont rendus à l’hôtel Furkablik, au col de la Furka dans les Alpes suisses : Abramovic & Ulay, Daniel Buren, Niele Toroni, Olivier Mosset, Terry Fox, Jenny Holzer, Richard Long, Claude Rutault, Lawrence Weiner ou Rémy Zaugg... Le Nouveau festival fait  redécouvrir ce projet presque oublié, par des œuvres et des documents rares ainsi qu’un ensemble de films dont la plupart sont encore inédits.

Les mots de la mémoire et de l’oubli, selon Bernard Blistène

Souvenir, réminiscence, remémoration, réactivation,
Savoir, connaissance,
Modèle, idéal, citation, sélection,
Recouvrement, effacement, palimpseste, rétrospective,
Amnésie, absence, trace, empreinte, fantôme, enfouissement,
Archives, le Léthé, devoir de mémoire, oubli

Entretien avec Jean-Pierre criquiRetour haut de page

d’« Allégories d’oubli » à « éblouis par l’oubli »Retour haut de page

Jean-Pierre Criqui est co-commissaire, avec Bernard Blistène, de l’exposition Allégories d’oubli. Responsable du service de la Parole, il a organisé, avec la collaboration de William Chamay, le cycle de conférences Éblouis par l’oubli qui accueillera des artistes présents dans l’exposition ainsi que des chercheurs − psychanalyste, écrivain, philosophe, historien, spécialiste de la mémoire numérique − pour parler de l’oubli. Il a co-organisé, avec Jacques Aumont, essayiste et universitaire, le second cycle de rencontres/projections, Amnésies, consacré au cinéma.

Comment représenter l’oubli ?

Marie-José Rodriguez. Vous êtes co-commissaire de l’exposition présentée dans la Galerie sud : « Allégories d’oubli ». Pourquoi ce titre?

Marcel Duchamp, Allégorie d'oubli, 1912 - 1968

Marcel Duchamp, Allégorie d'oubli, 1912 - 1968
Mine graphite au revers d'une feuille ronéotypée, 7,1 x 9,2 cm

 

Jean-Pierre Criqui. L’oubli est une composante du fonctionnement de la mémoire, un phénomène historique aussi bien que personnel. Il serait assez difficile de trouver une œuvre qui n’aurait pas à voir avec la mémoire. Mais l’oubli est assez paradoxal en ce qui concerne les arts visuels. Alors qu’il est présent dans bien des œuvres littéraires ou cinématographiques, le représenter au moyen d’un tableau, d’une photographie ou d’une sculpture, notamment, ne va pas de soi. C’est par des approximations, des phénomènes qui lui sont proches, qu’il peut se dire visuellement : j’entends par là l’effacement, la disparition, la dissimulation…, ou par des phénomènes de réification.

Parmi les œuvres exposées dans la Galerie sud, celles du peintre suisse Rémy Zaugg, par exemple, sont à la fois des palimpsestes, des recouvrements de textes. Les feuilles des carnets d’Ed Ruscha, artiste américain, font apparaître le mot « oubli » lui-même comme composante visuelle : I forgot to remember, I remembered to forget ! (2009). Le grand dessin mural du jeune artiste suisse Didier Rittener sur lequel on peut lire : Disparaître ici (2007), reprend le slogan qui parcourt le roman de Bret Easton Ellis : Moins que Zéro (1985), dans lequel le personnage aperçoit sur divers panneaux publicitaires de Los Angeles, la phrase : « Disappear here ».

Je citerai aussi la vaste pièce du photographe autrichien Arno Gisinger installé à Paris depuis une dizaine d’années, Invent Arisiert (2000, 648 photographies), faite en liaison avec le Mobilier national autrichien, et qui est une sorte de répertoire des objets disparus ou confisqués au cours de la Seconde Guerre mondiale aux familles juives autrichiennes. Celle de Pierre Bismuth, Erased de Kooning Drawing, Robert Rauschenberg 1953 by Xu Yang (2010). En faisant redessiner par un calligraphe professionnel le dessin de de Kooning effacé à la gomme par Robert Rauschenberg, Bismuth propose une mise en abîme de la disparition, de l’effacement… Ou  encore, de l’artiste américain Matthew Buckingham, The Six Grandfathers, Paha Sapa, in the Year 502,002 C.E. (2000), un photomontage montrant les visages érodés, effacés, des présidents des États-Unis sculptés sur le Mont Rushmore, comme s’ils avaient été photographiés en 5020 et quelque, après JC.

L’oubli se montre donc le plus souvent par le biais d’une figure, d’une métaphore, d’où le terme « allégorie ». Nous aurions pu y préférer le mot « métaphore ». Mais nous avons retenu « allégorie », à cause de cette feuille de Marcel Duchamp intitulée Allégorie d’oubli. Sous le registre du mot « allégorie », il y a cette idée de saisir quelque chose de l’oubli, soit à travers un message verbal, soit à travers une représentation.

Alighiero Boetti, Senza titolo, Verso sud l'ultimo dei paesi abitati è l'Arabia, 1968

Alighiero Boetti, Senza titolo, Verso sud l'ultimo dei paesi abitati è l'Arabia, 1968
Enduit acrylique gravé, sur panneau en fibre de bois, 185 x 159 x 6 cm
… une œuvre qui aurait pu figurer dans l’exposition,
mais qui fut oubliée par ses commissaires…


 

Des œuvres de la collection du Mnam auraient pu figurer dans cette exposition. Senza titolo (1968) d’Alighiero Boetti, par exemple, un monolithe épais et gris dans lequel s’enlisent les premiers mots des Histoires d’Hérodote, relatant « les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les Barbares, [afin qu’ils] ne tombent pas dans l'oubli ». Ou des œuvres surréalistes dont beaucoup peuvent être vues comme des remèdes à l’oubli au travers de leurs procédés de réalisation : l’écriture automatique, le recours au rêve et à l’inconscient.
Comment avez-vous choisi les œuvres exposées dans la Galerie sud ?

L’œuvre de Boetti aurait pu être là mais, comme je l’ai dit, il existe en réalité peu d’œuvres où l’oubli soit directement perceptible. Quant aux œuvres surréalistes, l’écriture automatique, le récit de rêve, tout ce qui est de l’ordre des phénomènes parapsychiques qui intéressaient tant Breton et ses amis, ont à voir avec notre thématique mais, pour le coup, elles étaient un peu trop « patrimoniales » et lointainement historiques au regard des priorités du Nouveau festival.

Nos choix se sont faits de façon empirique, par recherches, découvertes, suggestions des uns et des autres, enthousiasmes. Le Nouveau festival est une manifestation légère, organisée pour un temps relativement court de trois semaines, il veut se consacrer à des formes nouvelles de production artistique et d’exposition. Le spectacle du chorégraphe Xavier Le Roy, Rétrospective, qui propose d’exposer la danse tout en traitant la question de l’oubli, est de ce point de vue, très innovant.

Jouer à mettre en scène l’oubli ou la disparition
Faire table rase…

Sophie Calle, Que voyez-vous ? Le concert. Vermeer, 2013

Sophie Calle, Que voyez-vous ? Le concert. Vermeer, 2013
Détail. Photographie couleur, textes, encadrements


 

Quand un artiste parle d’oubli dans son œuvre, à quoi fait-il référence ? À l’histoire de l’art, à un apprentissage dont il veut se défaire, parle-t-il de sa vie ? Peut-on dire que chaque artiste y va de sa vision de l’oubli ?

Selon les cas, la réponse est très variable. Elle peut être de l’ordre du jeu. Jouer à mettre en scène l’oubli, ce que fait Pierre Bismuth quand il fait redessiner le dessin effacé de de Kooning. Jouer avec des phénomènes de langage, comme Ed Ruscha avec sa phrase à tiroirs. L’oubli a, en effet, beaucoup à voir avec le langage : c’est le mot qu’on a sur le bout de la langue, celui dont on ne se souvient pas…
La réponse peut aussi être liée à l’histoire de l’art. Ainsi Rémy Zaugg, qui recouvrait souvent ses toiles d’un badigeon ocre, monochrome, a dissimulé, sous l’une d’entre elles, la reproduction d’une copie d’un tableau de Greco par Picasso. Plus généralement, la question de l’oubli a traversé toutes les avant-gardes depuis le début du XXe siècle. Faire table rase, tel était notamment l’idéal de Malevitch, sorte d’oubli programmé, volontaire.

Mais le fil rouge à travers ces œuvres, aussi bien en ce qui concerne les installations, les tableaux que les photographies, outre ces axes qu’on peut déceler, est sans doute la récurrence de procédures telles que l’effacement, la dissimulation, c’est-à-dire le recouvrement, la disparition. Toutefois, je vois ces œuvres-là comme une série de cas, comme des occurrences particulières de l’oubli. À l’image de notre mémoire trouée par l’oubli, elles ne dessinent pas une cartographie intégrale ou cohérente.

 

Effacer, recouvrir, déplacer, ces procédures ne font-elles pas déjà partie des moyens traditionnels mis en œuvre par les artistes ?

En effet, l’effacement et la trace sont présents dans beaucoup d’œuvres mais pas de manière aisément saisissable, explicite. Utilisés comme processus de création, ils ne sont pas forcément donnés à voir comme une finalité, une visibilité recherchée. Nous nous sommes appliqués à trouver, avec un certain souci didactique, des œuvres dont chacun puisse déduire devant elles, seul ou seulement aidé par des cartels, que c’est bien d’oubli, de disparition ou d’effacement qu’il s’agit.

Allégories d’oubli

Du 19 février au 10 mars 2014, Galerie Sud, Forum, Petite salle, Cinéma 1

Une proposition de Bernard Blistène et Jean-Pierre Criqui avec la collaboration de Florencia Chernajovsky
Cette manifestation est dédiée à la mémoire de Michèle Zaugg.

 

Tris Vonna-Michell, Prelude : Capitol Complex, 2013

Tris Vonna-Michell, Prelude : Capitol Complex, 2013
Projecteur télex sur socle, 80 diapositives,
œuvre sonore sur casque (6’38’’)
Installation à T293, Rome, 2013

 

« Allégories d’oubli » rassemble une cinquantaine de projets majeurs ou d’œuvres inédites d’Ed Ruscha, Mel Bochner, Stephen Prina, Tim Maul, Tris Vonna-Michell, confrontés à des performances, des  conférences et interventions d’Alex Cecchetti, Mark Geffriaud, Jeremiah Day, Sébastien Rémy, Nina Beier et Marie Lund, Meris Angioletti, ainsi que Manuel Pelmus et Alexandra Pirici. Simon Fujiwara réalise, quant à lui, un projet produit par la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette et spécialement conçu pour le Nouveau festival du Centre Pompidou.

 

Cycle de rencontres avec les artistes « Ne pas oublier !»
Voir l’agenda du Nouveau festival

 

Au titre de la Parole, vous organisez, en Petite salle, le cycle de rencontres « Éblouis par l’oubli ». Titre qui mériterait également une explication…

Ce cycle propose 9 rencontres ou conférences. Une partie d’entre elles vont aborder l’oubli à travers des questions que tout un chacun se pose, l’autre partie étant des invitations faites à des artistes exposés.

Dans le champ neuropsychologique, j’ai invité, dès le jeudi 20 février, Simon-Daniel Kipman. Psychiatre de formation, Simon-Daniel Kipman a été longtemps chef de clinique à l’hôpital Trousseau, et à ce titre concerné par le fonctionnement physiologique et les effets médicaux de l’oubli. Il est aussi psychanalyste et s’est intéressé à la mémoire, au souvenir écran et au trou de mémoire, mais aussi à la maladie d’Alzheimer, la perte des repères. Il vient d’écrire L’oubli et ses vertus (2013, éditions Albin Michel) et donnera une conférence sous le titre : « La palette des oublis ».

Nathalie Quintane, auteur d’une dizaine d’ouvrages (édités la plupart chez POL) interrogera les rapports entre « oubli ET littérature » et plus particulièrement ce vaste champ, non de la poésie mais, dit-elle, de la « psychologie poétique » (« la psychologie des gens qui se posent la question de la poésie »).

Sabina Loriga parlera de l’oubli historique. Directrice d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris, elle travaille sur la notion de biographie en histoire, une réhabilitation du travail biographique en tant que travail historique qui, depuis l’École des Annales, était passé au second plan. Cette notion a évidemment des liens avec l’oubli dans la mesure où l’on ne se souvient évidemment jamais de tout ce qui constitue une personnalité historique. Sabina Loriga a, par ailleurs, travaillé en tant qu’historienne sur Paul Ricœur et sur son ouvrage La mémoire, l’histoire, l’oubli (2000, éditions du Seuil). Elle reviendra, au cours de sa conférence, sur les deux formes d’oubli distinguées par le philosophe.

Milad Doueihi, philosophe spécialiste des médias numériques, auteur de Pour un humanisme numérique (2011, éditions du Seuil), interviendra pour sa part sur l’oubli numérique. Que deviennent, en effet, toutes ces données entassées sur Internet ? À quoi sert l’enregistrement quotidien d’un milliard de conversations téléphoniques par les services secrets américains ? Comme il y a une dialectique de l’oubli et de la mémoire, il y a une dialectique de l’archive et de l’archivage. La question de l’obsolescence dans l’informatique sera aussi évoquée. Nous n’avons plus accès aux fichiers que nous avons produits il y a quinze ans. Le fait d’avoir voulu les conserver les a souvent rendus inaccessibles, et nous met en demeure de les oublier. La dialectique est amusante.

Avec Peter Szendy, maître de conférences au département de philosophie de l’université de Paris-Nanterre, auteur de nombreux ouvrages dont Tubes. La philosophie dans le juke-box (2008, éditions de Minuit), nous disserterons à la fois de ces tubes, refrains et rengaines qui nous obsèdent et, à l’inverse, de ces musiques dont on ne peut se souvenir. Ce qui pourrait être une définition de toute une part, la plus importante, de la musique du XXe siècle : siffloter un peu de Webern, pour le simple mélomane, reste très difficile !

 

Chacun restera-t-il dans son champ de compétence ou s’introduira-t-il quand même dans le domaine artistique ?

Là encore, cela dépendra des cas. Dans son dernier ouvrage Simon-Daniel Kipman, par exemple, s’est penché sur la littérature. Je ne sais s’il traitera des arts plastiques, mais en tout cas, dans la discussion qui suivra la conférence, ou dans les réflexions que chacun pourra en tirer, il y aura évidemment des résonances avec des œuvres qui seront montrées. En ce qui concerne le champ historique, j’espère que nos réflexions nous conduiront à parler des nombreux oubliés de l’histoire, oubliés de la Grande Guerre, oubliés sociaux, prolétaires et sans nom. Artistes oubliés aussi et du coup redécouverts. Georges de La Tour a été oublié pendant presque trois siècles, Le Greco célébré de son vivant, longtemps oublié et « redécouvert » au tournant du XXe siècle … Et puis ces grandes oubliées de l’histoire, les femmes.

 

Quels sont les artistes invités dans le cadre de ce cycle ?

Arno Gisinger, photographie de la série Invent Arisiert, 2000

Arno Gisinger, photographie de la série Invent Arisiert, 2000

 

Parmi les artistes exposés, nous accueillerons, en Petite salle donc, quatre d’entre eux pour parler de leurs œuvres et du lien qu’elles entretiennent avec l’oubli. Mario Garcia Torres, jeune artiste conceptuel mexicain, dont on présente The Shape of Memory [Forme de mémoire] (2014), s’entretiendra avec Michel Gauthier, conservateur au Mnam/Cci. Didier Rittener, qui opère dans la lignée de l’art conceptuel et de la trouvaille surréaliste, conversera avec son compatriote Olivier Kaeser, co-directeur du Centre Culturel Suisse de Paris. Je m’entretiendrai avec Pierre Bismuth qui joue, depuis ses débuts, avec les formes les plus diverses et les plus inattendues de l’oubli ; il est connu par le grand public pour avoir coécrit avec Michel Gondry le scénario de Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), film qui a reçu un oscar en 2005. Enfin, Arno Gisinger, dont j’évoquais le travail sur les objets confisqués ou disparus pendant la Seconde Guerre à Vienne, s’associera pour une soirée lecture/projection à l’écrivain Annie Zadek, suivie d’une conversation avec Clément Chéroux, conservateur au Mnam/Cci, responsable de la photographie.
Je rappelle que beaucoup d’autres artistes interviendront pour des rencontres «  Ne pas oublier ! »,  dans l’exposition elle-même, tous les jours, sauf le week-end.

Éblouis par l’oubli

Du 19 février au 7 mars 2014. Les mercredis, jeudis, vendredis à 18h30. Petite salle

Une proposition de Jean-Pierre Criqui, avec la collaboration de William Chamay

 

• Mercredi 19 février. Rencontre avec Mario Garcia Torres.
• Jeudi 20 février. Simon-Daniel Kipman : « La palette des oublis ».
• Vendredi 21 février. Rencontre avec Didier Rittener.
• Mercredi 26 février. Nathalie Quintane : « oubli ET littérature ».
• Jeudi 27 février. Sabina Loriga : « De l'oubli historique ».
• Vendredi 28 février. Rencontre avec Pierre Bismuth.
• Mercredi 5 mars. Milad Doueihi : « L'oubli numérique ».
• Jeudi 6 mars. Peter Szendy : « Les Tubes de Léthé ».
• Vendredi 7 mars. Rencontre avec Arno Gisinger.

Nanni Moretti, Palombella Rossa, 1989Shôhei Imamura, L'Évaporation d'un homme, 1967, 130'

Nanni Moretti, Palombella Rossa, 1989, 89’

Shôhei Imamura, L’Évaporation d’un homme, 1967, 130’
Production : Japan ATG / Nihon Eiga Shinsha et Imamura Production


 

Vous avez co-organisé avec Jacques Aumont « Amnésies », un cycle de conférences-projections sur le cinéma et l’oubli.

Éblouis par l’oubli, c’est moi-même qui m’en suis chargé, en mêlant l’art à des domaines de la pensée : histoire, psychologie, littérature, musique, numérique, où l’oubli peut  intervenir comme une instance intéressante. Amnésies qui traite de l’oubli au cinéma est une invitation lancée à Jacques Aumont, lequel s’est appliqué à ne pas montrer des films connus − le Rebecca d’Hitchcock, les Oubliés de Buñuel ou l’Année dernière à Marienbad de Resnais.

« Le cinéma est fait d'images, et s'il y a une chose qu'il ne faut pas oublier concernant l'image, toute image, c'est le pouvoir qu'elle a d'oblitérer le jeu de la mémoire, en la figeant, en la réifiant. Qui plus est, l'image de film est faite de temps, d'un temps dérobé à la réalité, modelé et refait, qui se substitue plus violemment encore à notre temps propre et à ses plis mémoriels. L'image est un signe de notre expérience du monde, mais un signe ambigu, qui a choisi, et nous impose, certains aspects pour en laisser d'autres dans l'invisible. Qu'est-ce qui s'oublie dans l'image ? Comment et pourquoi peut-elle oublier ? Si, comme le dit la psychologie, la capacité d'oublier est le signe d'un esprit sain, faut-il être rassuré de penser que le cinéma, lui aussi, est capable d'oubli ? Réponse en six films, et six commentaires argumentés. » J.A.
Jacques Aumont est essayiste et universitaire (EHESS) ; il enseigne également aux Beaux-arts de Paris. Il a publié cette année Les Limites de la fiction (Bayard).

Ce cycle propose des films rares, comme L’Évaporation d’un homme (1967) du cinéaste japonais Shôhei Imamura – un homme a disparu, il s’est « évaporé » ; de lui ne restent que des récits douteux, malveillants −, A Place in the Sun (1951) du cinéaste américain George Stevens − quand on a accédé à une « place au soleil », peut-on oublier d’où l’on vient ? ce que l’on a accepté de faire pour y parvenir ?
On y verra aussi des films expérimentaux du Groupe Dziga Vertov des années 70, ou du cinéaste allemand Jürgen Böttcher − autour du démantèlement du mur de Berlin −, ou Cloverfield (2008) de Matt Reeves – ce film donne à voir la dévastation de New York par un colosse extraterrestre, enregistrée par un caméscope passant de main en main, entraînant des effacements, des disparitions d’images, mais transformant aussi l’archive en mémorial.

Chaque projection sera précédée d’une conférence. Alain Bergala ouvrira le cycle avec l’oubli politique ou « l’amnésie communiste », suivie de la présentation du film de Nanni Moretti, Palombella Rossa (1989) qui, sous couvert de montrer les vicissitudes d’une équipe de waterpolo, fait de l’amnésie passagère de son personnage une table rase pour repenser le communisme en Italie, à la fin des années 80. Jacques Aumont clôturera le cycle avec une conférence intitulée : « L’absence, l’oubli », suivie de la projection du film d’Imamura, L’Évaporation d’un homme.

Nous sommes tous commandés par l’oubli, et nous maîtrisons moins bien l’oubli que la mémoire, ne serait-ce que parce que nul ne sait comment on peut volontairement oublier quoi que ce soit. On peut ne rien dire, mais ce qui est refoulé, consciemment ou non, refait toujours surface à un moment ou à un autre. Le silence est souvent une marque de la volonté d’oublier, mais ce n’est pas l’oubli. L’oubli procède à la fois de l’aveuglement et de l’excès de lumière, de là cette idée et le titre du cycle : Éblouis par l’oubli.

Amnésies. Ce que l’oubli fait au cinéma (et vice versa)

Conférences/ Projections. Les samedis et dimanches 22 et 23 février, 1er et 2 mars, 8 mars à 14h30, le 9 à 14h. Cinéma 2

Une programmation de Jacques Aumont, à l’invitation Jean-Pierre Criqui, responsable de la Parole au Centre Pompidou

 

• Samedi 22 février. Alain Bergala : « Palombella Rossa ou l'amnésie communiste ». Conférence suivie de la projection de Palombella Rossa (1989) de Nanni Moretti.
• Dimanche 23 février. Laurent Jullier : « N'y pensons plus ». Conférence suivie de la projection de A Place in the Sun (1951) de George Stevens.
• Samedi 1er mars. Dork Zabunyan : « L'oubli organisé ». Conférence suivie de la projection de Letter to Jane du Groupe Dziga Vertov (1972), et d'une sélection de films du collectif syrien Abounaddara, 2013 et 2014.
• Dimanche 2 mars. Hervé Aubron : « Filmer/Effacer ». Conférence suivie de la projection de Cloverfield, de Matt Reeves (2008).
• Samedi 8 mars. Vinzenz Hediger : « Spectres de l'histoire, oubli vital ». Conférence suivie de la projection de Die Mauer de Jürgen Böttcher (1990).
• Dimanche 9 mars, à 14h. Jacques Aumont : « L'absence, l'oubli ». Conférence suivie de la projection de L'Évaporation d'un homme de Shôhei Imamura (1967).

Les mots de la mémoire et de l’oubli, selon Jean-Pierre Criqui

Effacement, disparation, dissimulation, perte,
Recouvrement, palimpseste,
Confiscation, érosion, trace,
Allégorie, représentation, réification,
Ecriture automatique, rêve, inconscient, trouvaille,
Souvenir écran, trou de mémoire, maladie d'Alzheimer, obsolescence,
Biographie, archivage,
Refrain, rengaine, obsession, résonnance,
Oublié de l'histoire, sans nom, prolétaire
Évaporation, refoulement, absence, mémorial.

Valérie da costaRetour haut de page

VidÉodanse : « Oublier la danse »Retour haut de page

Dans l’Espace 315, Vidéodanse aborde les questions de transmission − que laisse un  chorégraphe  −, d’interprétation − à partir notamment de deux œuvres du répertoire : L’Après-midi d’un faune et Le Sacre du printemps −, ainsi que le rapport de la danse contemporaine à l’Histoire − comment la danse œuvre-t-elle avec la mémoire collective et la mémoire individuelle ? Un choix d’une quarantaine de films de danse, parmi lesquels les projets de Dominique Bagouet, Pina Bausch, Odile Duboc, Dominique Brun, Boris Charmatz, Catherine Diverrès, Cristian Duarte, Olga de Soto, Rachid Ouramdane...
Une proposition de Valérie Da Costa.

Le corps comme mémoire

Dominique Bagouet, Jours étranges, 2003, 45'

Dominique Bagouet, Jours étranges, 2003, 45’
Réalisation Myriam Copier

 

Marie-José Rodriguez. Que nous enseigne le spectacle vivant, et en particulier la danse contemporaine, sur le thème de l’oubli et de la mémoire ?

Valérie Da Costa. Cette question de la mémoire et de l’oubli est au cœur de la pratique et de la réflexion de tout chorégraphe. S’il y a des outils pour la mémoire, les systèmes de notation, les photographies et maintenant les captations vidéo, le chorégraphe a toujours la conviction que la mémoire, c’est lui, lui en tant que corps. Parmi les modes de transcription graphique des mouvements du corps qui ont compté3, il y a eu le système de notations Feuillet (1700)4, système complexe d’écriture qui a fait rayonner le répertoire français du XVIIIe siècle ; ou celui de Rudolf Laban5, dans les années 1920, qui a renouvelé la représentation du mouvement. Connu des chorégraphes contemporains, il n’est, cependant, quasiment plus utilisé pour traduire des pistes chorégraphiques. La transmission se fait du corps au corps. Mais cette transmission compose avec l’oubli. C’est ce que veut signifier le jeu visuel du titre de Vidéodanse : Oublier la danse, avec le verbe oublier barré d’un trait : il ne faut pas oublier la danse, mais la mémoire de la danse est une « mémoire trouée ». Je me suis rendu compte en cherchant des captations de spectacles qui, pour moi, entrent dans cette thématique très large de l’oubli, que certaines n’existent pas, ou que, si les spectacles ont été filmés, elles ne sont pas montrables dans un espace d’exposition car cela reste des documents de travail.

Ribatz, Ribatz ! ou le grain du temps, film réalisé par Marie-Hélène Rebois illustre bien cette problématique. Il montre les interprètes de la Compagnie Bagouet en train de reconstruire une pièce à partir d’une dizaine de photographies, prises au moment de sa création avec le chorégraphe6. Intervenant les uns après les autres, chacun y va de ses souvenirs. On voit comment un danseur construit le souvenir du geste, comme un puzzle, laissant à certains moments apparaître des « trous ».

Les Carnets Bagouet. Vendredi 21 février
Histoire d'une transmission, So Schnell à l'Opéra (1999, 54', réalisation Marie-Hélène Rebois) / Dominique Bagouet, So Schnell (1992, 47', réalisation Charles Picq).
Rencontre avec Olivia Grandville, danseuse et chorégraphe.

Dominique Bagouet. Samedi 22 février
Jours étranges (2003 (création 1990), 45', réalisation Myriam Copier) / Jours étranges (2012, 42', direction artistique Catherine Legrand et Anne-Karine Lescop, réalisation Catherine Maximoff).
Rencontre avec Catherine Legrand, interprète.

 

Les Carnets Bagouet. Lundi 24 février
Ribatz, Ribatz ! ou le grain du temps (2003, 83', réalisation Marie-Hélène Rebois) / Noces d'or ou la Mort d'un chorégraphe (2006, 74', réalisation Marie-Hélène Rebois).
Rencontre avec Anne Abeille, Les Carnets Bagouet et Marie-Hélène Rebois, réalisatrice.

Une mise en abyme

Quand un chorégraphe ne laisse pas d’indications sur les déplacements des corps, peut-il laisser un texte qui décrirait l’esprit de sa chorégraphie ? En est-il qui ne veulent rien laisser ?

Cette question de l’héritage et de la transmission est le premier axe de cette programmation. Chez Dominique Bagouet ou Trisha Brown, par exemple, outre les captations de leurs spectacles, il existe des systèmes de notation, des mouvements dessinés sous forme de flèches, de lignes associées à des lettres et des numéros, qui sont les indications du mouvement.
Le cas d’Odile Duboc est très particulier. Décédée en 2010, Odile Duboc avait décidé, qu’après elle, ses spectacles ne seraient plus dansés, voulant une sorte de mise en abyme, d’oubli de ses chorégraphies. Alors qu’en reste-t-il ? Quelques captations faites avec son accord, par sa collaboratrice pendant de longues années, Françoise Michel. J’ai choisi avec elle les films qui seront présentés dans le festival.
Il reste également un travail soutenu par Odile Duboc, réalisé par l’une de ses interprètes, Anne-Karine Lescop, à partir de sa très belle chorégraphie créée au début des années 1990, Projet de la matière. Les danseurs, sous sa direction, se livraient à une aventure sensorielle avec la matière – des coussins d'air ou des réserves d'eau – qu’ils retranscrivaient à partir de leurs souvenirs. En 2009, Anne-Karine Lescop a mis en place des ateliers pédagogiques avec des enfants de maternelle et de primaire pour qu’ils vivent cette expérience et la restituent, à leur manière d’enfant, avec leurs souvenirs. C’est devenu le Petit projet de la matière.7

Odile Duboc. Dimanche 2 mars
Projet de la matière (1998, 58', réalisation Odile Duboc et Françoise Michel) / Petit projet de la matière (2013, 25', réalisation Hervé Portanguen et Françoise Michel) / Projet de la matière, une transmission (2010, 52', réalisation Hervé Portanguen) / Odile Duboc, une conversation chorégraphique (2007, 56', réalisation Laszlo Horvath) / Overdance (1989, 17', réalisation Odile Duboc et Françoise Michel).
Rencontre avec Françoise Michel, co-auteur, et Anne-Karine Lescop, danseuse.

Foofwa d'Imobilité, Inter-face to face-view, 2009, 23'

Foofwa d’Imobilité, Inter-face to face-view,2009, 23’
Réalisation Foofwa d’Imobilité

 

Pour Pina Bausch, ses chorégraphies sont entrées dans le répertoire du Tanztheater Wuppertal. Il en existe des captations et des photographies. Mais, pour l’essentiel, les danseurs qui ont accompagné son travail jouent le rôle de transmetteurs. Après sa mort, Dominique Mercy a dirigé la compagnie et c’est aujourd’hui un autre des grands danseurs de la compagnie, Lutz Förster. Il n’y a évidemment pas de nouvelles chorégraphies, mais c’est désormais la mémoire des œuvres qui circule de corps en corps, de génération en génération de danseurs. D’ailleurs, la compagnie continue de recruter de jeunes interprètes.

Merce Cunningham, lui, a préparé son héritage avec son projet des « Dance Capsules » dans son « Legacy Plan » permettant de diffuser son œuvre auprès des générations futures. Le travail de David Vaughan, archiviste de la compagnie, a été crucial dans cette accumulation de documentation sur chacune des chorégraphies.

Foofwa d’Imobilité, par exemple, qui a dansé pendant plusieurs années dans la compagnie, a réalisé une très belle vidéo en filmant le chorégraphe en face à face, avec une petite caméra. Il l’a notamment interrogé sur la question de la mémoire et de la transmission de son œuvre. Foofwa d’Imobilité viendra nous parler de cela car la dernière soirée de la programmation sera consacrée à Merce Cunningham.

Pina Bausch. Dimanche 9 mars
Café Müller (1985, 45', réalisation Pina Bausch) / Dominique Mercy danse Pina Bausch (2003, 56', réalisation Régis Obadia) / La plainte de l'impératrice (1987-1989, 98', réalisation Pina Bausch).
Rencontre avec Anne Martin, danseuse et chorégraphe, et Jean-Marc Adolphe rédacteur en chef de la revue Mouvement.

Foofwa d'Imobilité/ Merce Cunningham. Lundi 10 mars
Inter-face to face-view (2009, 23', réalisation Foofwa d'Imobilité).
Boris Charmatz. 50 ans de danse (2009, 53', vidéo Sima Khatami).
Rencontre avec Foofwa d'Imobilité, danseur et chorégraphe.

Autre cas, celui de Catherine Diverrès, qui a été marquée par sa rencontre avec Kazuo Ohno dans les années 1980, ce grand danseur de buto dont elle a suivi l’enseignement au Japon. À sa mort, elle lui a rendu hommage dans un solo intitulé Ô Sensei.
On verra le film de ce solo, ainsi que la chorégraphie Stance II, autre solo qu’elle a créé à la fin des années 90, en partie sur un enregistrement de la voix de Pier Paolo Pasolini lisant un de ses poèmes, La Terra di lavoro. Catherine Diverrès a transmis ce solo à deux danseuses : Rita Quaglia et Carole Gomes. C’est donc à une double transmission que nous sommes ici conviés : celle de Kazuo Ohno à Catherine Diverrès et celle de Catherine Diverrès à ses deux interprètes.

Catherine Diverrès / Kazuo Ohno. Samedi 1er mars
Ô Sensei (2012, 30', réalisation Luc Riolon) / Kazuo Ohno (1995, 15' réalisation Daniel Schmid)
Stance II (2012, 25', réalisation Luc Riolon).
Rencontre avec Catherines Diverrès, chorégraphe.

Le Sacre du printemps, pas moins de 200 versions

Deuxième axe de cette programmation : l'interprétation ou la réinterprétation. Vous le traitez notamment à travers deux œuvres phares du répertoire du début du XXe siècle : L'Après-midi d'un faune et Le Sacre du printemps8, dont plusieurs chorégraphes contemporains se sont emparés.

Olivier Dubois, Faune(s), 2008, 58'

Olivier Dubois, Faune(s), 2008, 58’
Réalisation Andrea Keiz

 

Conçu originellement par Nijinski en un acte, l'Après-midi d'un faune devient chez Olivier Dubois une partition en 4 tableaux. Dominique Brun, qui a beaucoup travaillé sur les œuvres du répertoire, en a aussi conçu une version. Elle a également travaillé sur le Sacre du printemps, dont la chorégraphie de Nijinski, n'ayant été ni notée ni filmée, a disparu. Il existe aujourd'hui plus de deux cents versions du Sacre, des interprétations faites à partir de dessins, de Valentine Hugo entre autres, de photographies, de textes… Dominique Brun a travaillé à partir de ces accumulations de traces et de ces différentes versions. Son diptyque « selon et d'après Le Sacre du printemps de Nijinski » se compose de Sacre # 197, une création, la 197e version du Sacre du printemps, et Sacre # 2, une reconstitution historique de la danse de Nijinski.


Dominique Brun, + One, Sacre # 197, 2013, 40'

Dominique Brun, + One, Sacre #197, 2013, 40’
Réalisation Ivan Chaumeille

 

Pour le festival sera projeté, en présence de la chorégraphe, + One, un film sur son interprétation du Sacre qui fera par ailleurs partie de la programmation des spectacles vivants en mai.9 Raimund Hoghe, ancien dramaturge de Pina Bausch, a aussi donné une vision très personnelle de ce Sacre ainsi que Xavier Le Roy ou encore Carlotta Ikeda, qui a réalisé un Sacre marqué par le Buto.

Autour du Sacre du printemps. Mercredi 19 février
Pina Bausch, Le Sacre du printemps (1978, 36', réalisation Pit Weyrich) / Dominique Brun, + One (2013, 40', réalisation Ivan Chaumeille) / Xavier Le Roy, Le Sacre du printemps (2013, 15') / Raimund Hoghe, Sacre, the Rite of Spring (2004, 42', réalisation Sandeep Mehta) / Carlotta Ikeda, Haru no saïten-Un Sacre du printemps (1999, 21', réalisation Fabrice Levillain).
Rencontre avec Dominique Brun, Xavier Le Roy et Raimund Hoghe, chorégraphes.

 

Autour de l'Après-midi d'un faune. Dimanche 23 février
Quatuor Albrecht Knust, « …d'un faune » (éclats) (2000, 28', montage Quatuor Albrecht Knust) / Dominique Brun, Le Faune – un film ou la fabrique de l'archive (2007, extrait 12', réalisation Antoine Châtelet et Ivan Chaumeille) / Olivier Dubois, Faune(s) (2008, 58' réalisation Andrea Keiz).
Rencontre avec Olivier Dubois, chorégraphe et interprète.

Cet axe consacré à la réinterprétation comportera également des œuvres chorégraphiques qui ont donné envie à des chorégraphes de les réactiver à partir de leurs souvenirs. C’est le cas notamment de la chorégraphie de Rita Quaglia, Une hypothèse de réinterprétation, construite à partir des souvenirs d’une chorégraphie de Loïc Touzé, intitulée 9. Mais son interprétation n’a plus rien à voir avec l’original, car c’est ce qui reste dans sa mémoire.
Cristian Duarte, jeune chorégraphe brésilien, proposera avec The Hot One Hundred Choreographers, une traversée de la danse à travers 100 chorégraphes. Dans la captation de cette chorégraphie, que l’on découvrira, on reconnaît des bribes de langage de tel ou tel chorégraphe, mais le passage d’un langage à un autre se construit à travers une très grande fluidité comme si Cristian Duarte avait assimilé tous ces mouvements.

Loïc Touzé/Rita Quaglia. Lundi 3 mars
Loïc Touzé, 9 (2007, 57', réalisation Jocelyn Cottencin) / La Chance (2009, 61', réalisation Mathieu Bouvier)
Rita Quaglia, Une hypothèse de réinterprétation (2013, 38', réalisation Rita Quaglia et Lluis Ayet)
Rencontre avec Loïc Touzé et Rita Quaglia.

 

Cristian Duarte. Mercredi 5 mars
The Hot One Hundred Choreographers (2011, 50', realisation Osmar Zampieri)
Rencontre avec Cristian Duarte.

Chorégraphies et témoignages

Olga de Soto, histoire(s), 2004, 53'

Olga de Soto, histoire(s), 2004, 53’
Réalisation Olga de Soto


Rachid Ouramdane, Des témoins ordinaires, 2009, 75'

Rachid Ouramdane, Des témoins ordinaires, 2009, 75’
Réalisation Nathalie Gasdoué

 

Troisième axe : le rapport de la danse à l’histoire à travers des œuvres d’Olga de Soto, Rachid Ouramdane ou de Faustin Linyekula, auxquelles vous associez la captation de quelques performances.

Le rapport qu’entretient la danse contemporaine avec l’histoire concerne à la fois la mémoire personnelle et la mémoire collective. Ainsi, Olga de Soto sera-t-elle présente, d’une part avec un film, histoire(s), réalisé au début des années 2000, à partir du témoignage de spectateurs ayant assisté à la première du Jeune homme et la mort de Roland Petit10, en 1946. Que leur en reste-t-il cinquante ans plus tard ?
D’autre part, avec une photographie prise au cours d’une de ses conférences performées − intitulée Une introduction −, où elle expliquait son travail autour de La Table verte de Kurt Jooss (Débords. Réflexions sur La Table verte), la chorégraphie de Jooss étant prémonitoire de la montée du nazisme et de l’établissement du Troisième Reich. Sur cette photographie, on voit sa main tenir un cliché pris au cours de la dernière tournée de la compagnie, en 1942, sur le quai de la gare d’Essen, avant que ses danseurs ne soient obligés d’émigrer en Angleterre.
Cette image, reproduite en très grand, sous la forme d’un papier peint, dès le mur d’entrée (recto et verso) de l’Espace 315, est, pour moi, très importante. D’abord dans le rapport qu’elle entretient avec la mémoire, ensuite parce qu’elle sera le seul signe fixe dans l’espace d’exposition, tout entièrement habité par les images en mouvement.

De Rachid Ouramdane, qui travaille souvent sur des faits historiques, on verra la captation de sa chorégraphie Des témoins ordinaires, conçue à partir des témoignages qu’il a recueillis de personnes ayant fui leur pays, pour des raisons de guerre civile ou de génocide. On y voit leurs visages tandis que les danseurs, sans illustrer les propos de ces réfugiés, font un travail sur le plateau, un travail sur la matière corporelle. Matière sonore et matière corporelle se rencontrent, d’où émane quelque chose de lourd et de grave.

Faustin Linyekula, d’origine congolaise, travaille quant à lui sur l’histoire politique de son pays. Le Cargo s’inspire du déplacement des populations, de la guerre civile et de ceux qui ont disparu.

Faustin Linyekula. Mercredi 26 février
Le Cargo (2011, 56', réalisation Centre national de la danse).
Rencontre avec Gérard Mayen, critique de danse.

 

Rachid Ouramdane. Vendredi 7 mars
Des témoins ordinaires (2009, durée 75', réalisation Nathalie Gasdoué).
Rencontre avec Rachid Ouramdane, chorégraphe.

 

Olga de Soto. Samedi 8 mars
histoire(s) (2004, 53', réalisation Olga de Soto).
Rencontre avec Olga de Soto, danseuse et chorégraphe.

Babette Mangolte, Staging Lateral Pass, 2013

Babette Mangolte, Staging “Lateral Pass”, 2013, 31'
Réalisation Babette Mangolte


Fabio Mauri, Che cosa è il fascismo ?, 1993, 60'

Fabio Mauri, Che cosa è il fascismo ?, 1993, 60’
Réalisation Dante Lomazzi

 

Dans ce chapitre consacré à l’histoire, plusieurs captations de performances seront projetées. Babette Mangolte, grand témoin de la performance et de la danse américaine dans les années 1960-70, présentera son film réalisé sur Marina Abramović (Seven Easy Pieces) où celle-ci réactive certaines performances d’artistes historiques. Ainsi que Roof Piece on the High Line, tourné en 2012, où les danseurs de la compagnie de Trisha Brown redansent cette chorégraphie mythique (Roof Piece), emblème de la post-modern dance, qu’elle a créée sur les toits de New York en 1970.

On verra aussi le film de la performance de Fabio Mauri, Che cosa è il fascismo ? Fabio Mauri, qui est mort en 2009 et dont le travail est très mal connu en France, a été une personnalité essentielle de la performance en Italie dans les années 1970-80. Ce sera l’occasion de voir ce travail très politique dans lequel Fabio Mauri a mis en scène ses propres souvenirs d’adolescent, liés à la Seconde Guerre mondiale, période où il s’est trouvé obligé d’assister à certaines cérémonies fascistes.

Babette Mangolte/Marina Abramović. Vendredi 28 février
Seven Easy Pieces (2007, 93', réalisation Babette Mangolte).
Présentation par Valérie Da Costa.
Babette Mangolte/Trisha Brown. Dimanche 9 mars
Staging « Lateral Pass » (2013, 31' réalisation Babette Mangolte. Film projeté en avant-première) / Roof Piece on the High Line (2012, 35', réalisation Babette Mangolte).
Rencontre avec Babette Mangolte, photographe et réalisatrice.

 

Fabio Mauri. Samedi 8 mars
Che cosa è il fascismo ? (1993, 60', réalisation Dante Lomazzi).
Rencontre avec Achille Mauri, président du Studio Fabio Mauri, Rome.

Un besoin d’oubli

Loïc Touzé, La Chance, 2009, 61'

Loïc Touzé, La Chance, 2009, 61’
Réalisation Mathieu Bouvier


Suzushi Hanayagi, dans une répétition d'un spectacle de Robert Wilson

Suzushi Hanayagi, dans une répétition d’un spectacle de Robert Wilson
Bob Wilson, Richard Rutkowski
, The Space in Back of You, 2011, 65’
Réalisation :  Richard Rutkowski


 

Oublier n’est-ce pas, aussi, indispensable pour un danseur ? Qu’est-ce qu’un corps de danseur qui oublie ?

C’est, en effet, une question à laquelle on ne peut échapper. Loïc Touzé y a réfléchi dans un beau spectacle que l’on verra en vidéo, La Chance, en montrant la nécessité pour un danseur d‘oublier les langages appris, si tant est qu’il puisse repartir à zéro. Ainsi, a-t-il fait travailler ses interprètes à partir de l’hypnose, comme un moment de lâcher-prise pour qu’ils se départissent de ce qui les a construits. C’est probablement cela oublier pour un danseur : essayer de se dégager de tous les langages traversés. Car danser avec Anne Teresa De Keersmaeker, ce n’est pas la même chose que danser avec Pina Bausch, Trisha Brown, Boriz Charmatz ou Xavier Le Roy. Une mémoire se modèle au fur et à mesure, perd des éléments et en gagne d’autres, mais ne les perd jamais complètement. Sauf quand la maladie est là et gomme toutes traces.

Robert Wilson a travaillé pendant une vingtaine d’années avec la danseuse et chorégraphe japonaise, Suzushi Hanayagi. Cette femme, qui a beaucoup compté dans son travail, a aujourd’hui la maladie d’Alzheimer. Le film du réalisateur américain Richard Rutkowski retrace leur parcours commun à partir de documents d’archives et du spectacle que Robert Wilson a réalisé en hommage à Suzushi Hanayagi (Kool. Dancing in my mind, 2009). À la fin du film, celle-ci dit, quand Robert Wilson lui propose de faire ensemble un nouveau spectacle : « Je danse dans ma tête ».

Robert Wilson/Suzushi Hanayagi. Jeudi 27 février
The Space in Back of You (2011, 65', réalisation Richard Rutkowski) / La femme à la cafetière (1989, 7', réalisation Robert Wilson).
Rencontre avec Robert Wilson.

Entrer dans l’image

Olga de Soto, Une introduction, 2012

Olga de Soto, Une introduction, 2012

 

Ce n’est pas dans une salle de cinéma mais dans une galerie d’exposition que tous ces films seront projetés. Vous voulez exposer la danse ?

Lorsque Bernard Blistène m’a confié le commissariat de ce projet, je me suis posé deux questions en tant qu’historienne d’art et critique : quels films de danse choisir pour aborder la question de la mémoire et de l’oubli – sachant que ce n’est pas une programmation exhaustive –, et comment exposer ces films sachant que cette nouvelle édition de Vidéodanse se tient pour la première fois dans un espace d’exposition du Centre Pompidou : l’Espace 315. J’ai souhaité que l’image en mouvement habite totalement l’espace par un jeu de grandes projections qui invite le spectateur à entrer dans l’image et à vivre le mouvement dansé. Face à cela, il y a cette photographie tirée au format papier peint, issue d’une conférence performée de la chorégraphe Olga de Soto, qui est un signe fixe dans l’espace.

Ces projections seront accompagnées chaque jour d’un temps de rencontre avec des chorégraphes, mais aussi des interprètes, des critiques et des historiens de la danse. Exposer la danse signifie, ici, donner à voir des images mais aussi donner une place centrale à la parole, à la mémoire vive du chorégraphe.
Chacune de ces rencontres sera filmée et rediffusée le lendemain, sur un petit écran, ce que j’ai appelé la petite mémoire. Au fil des jours, on aura ainsi cette accumulation de rencontres qui constituera la mémoire de ces trois semaines de Vidéodanse. Une mémoire à laquelle les internautes auront ensuite accès sur le CPV11.  Ce sera, je l’espère, un moyen de ne pas oublier la danse.

Vidéodanse : Oublier la danse

Espace 315. Du 19 février au 10 mars.
Une proposition de Valérie Da Costa

 

Séances en semaine à 18h (sauf celle du jeudi à 17h). Le samedi et le dimanche à 15h.

 

Séances spéciales :
Fabio Mauri, samedi 8 mars à 11h30
Babette Mangolte, dimanche 9 mars à 11h30.

 

Voir l'agenda complet des séances

Les mots de la mémoire et de l’oubli, selon Valérie Da Costa

Oublier, corps, transmission
Souvenir, mémoire trouée, mémoire personnelle,
Mémoire collective, témoignage,
Transcription, notation, écriture,
Photographie, captation, vidéo,
Héritage, répertoire, réinterprétation, reconstitution, réactivation,
Accumulation, archive, documentation, hommage,
Repartir à zéro, hypnose

Entretien avec serge laurentRetour haut de page

Rétrospective par Xavier le RoyRetour haut de page

La mémoire, l’oubli et la réminiscence sont au cœur de la programmation danse, théâtre et performance au sein du festival, resserrant de nouveau les liens entre les arts plastiques et le spectacle vivant.
Rétrospective par Xavier le Roy, présentée en Galerie sud, qui entrelace présent et passé, trouve son pendant en Grande salle avec deux œuvres emblématiques du chorégraphe, Self Unfinished et Gizselle, un solo cosigné par la chorégraphe Eszter Salamon. Également des pièces du chorégraphe américain Miguel Gutierrez et du performer bulgare Ivo Dimchev.
Une proposition de Serge Laurent, programmateur des Spectacles vivants.

Exposer la danse

Xavier Le Roy, Retrospective, Fundació Antonì Tàpies, Barcelone, 24 février- 22 avril 2012

Xavier Le Roy, Rétrospective, Fundació Antonì Tàpies, Barcelone, 24 février- 22 avril 2012
Interprètes : Cristina Nunez et Mariona Naudin

 

Marie-José Rodriguez. Il y a plus d’un an, alors que vous évoquiez le dialogue qui s’est installé entre arts de la scène et art contemporain (voir dossier Arts de la scène et art contemporain12), vous donniez comme exemplaire la proposition de Xavier Le Roy, Rétrospective. La voilà sur le devant de la scène pour ce Nouveau festival autour du thème de la mémoire et de l’oubli.  

Serge Laurent. Quand Xavier Le Roy m’a parlé de son projet, Rétrospective, début 2012, j’ai tout de suite été intéressé par son idée d’exposer la danse. Il rejoignait des préoccupations que nous avions alors, depuis plusieurs années : exposer le cinéma. Ce que nous n’envisagions pas de façon affirmée pour le spectacle vivant. Car la danse ou le théâtre ont un temps qui ne peut être celui de l’exposition.

Rétrospective fonctionne entièrement sur cet enjeu : exposer la danse. Le temps de la performance devient celui de l’exposition − la journée entière, et ce pendant toute la durée du festival −, les performers occupent tout l’espace de la galerie qui n’accueille, sur ses cimaises, aucune œuvre, puisque ce sont eux qui sont les œuvres. À cela, Xavier Le Roy ajoute ces trois critères, qui sont constitutifs d’un accrochage d’exposition : la boucle − l’action (le geste) est interprétée comme une vidéo en boucle −, l’installation − la relation entre le public et l’œuvre instaure un espace tridimensionnel −, et la sculpture − qui est le corps, dans l’espace, du danseur.
Enfin, cette notion de rétrospective est attachée, en général, à l’œuvre d’un artiste visuel et au vocabulaire du musée. Elle est très peu utilisée pour le spectacle vivant car remonter des pièces et les montrer dans un temps limité, en un même lieu, est pratiquement impossible.

Une Rétrospective par Xavier Le Roy

Xavier Le Roy, Retrospective, Fundació Antonì Tàpies, Barcelone, 24 février-22 avril 2012

Xavier Le Roy, Rétrospective, Fundació Antonì Tàpies, Barcelone, 24 février-22 avril 2012
Interprètes : Cristina Blanco et Karolina Rychlik

 

Ce faisant, Rétrospective met en avant l’idée de mémoire et d’oubli…

La danse est sans doute l’art qui a le plus à craindre de l’oubli, ce qu’illustrera le programme conçu par Valérie Da Costa pour Vidéodanse. Toutefois, Rétrospective ne propose pas une anthologie des chorégraphies de Xavier Le Roy mais, comme l’indique son titre, par Xavier Le Roy. Le chorégraphe a demandé à des performers, des danseurs, de se remémorer les pièces qu’ils ont vues de lui depuis ces dix dernières années et de les réinterpréter avec la mémoire qu’ils en ont.
Comme une sculpture tient la pose, comme un tableau tient le mur, le performer aura pendant tout le temps de l’exposition, non pas à improviser, mais à tenir un rôle : raconter au public son propre parcours et sa rencontre avec telle ou telle œuvre, et en exécuter des extraits tels qu’il se les remémore. Xavier Le Roy sera là tous les jours, attentif au récit et à l’exécution des pièces choisies par chacun. Dans un espace de documentation, les visiteurs pourront aussi consulter à partir d’ordinateurs, accompagnés des danseurs, les archives du chorégraphe et de la compagnie Le Roy.

 

Xavier Le Roy, Self Unfinished, 1998

Xavier Le Roy, Self Unfinished, 1998
D'après une collaboration avec Laurent Goldring

 

Parallèlement à cette manifestation dans la Galerie sud, deux chorégraphies de Xavier Le Roy seront présentées dans la Grande salle, réservée aux spectacles.

Jouant sur le terrain de la mémoire et de la rétrospective, j’ai souhaité montrer deux œuvres qui sont pour moi emblématiques de son travail.
D’une part, Self Unfinished (1998). Ce solo surprenant, quasi inaugural de son répertoire, scrute ce que son travail n’a cessé de questionner par la suite : quelles situations peuvent transformer le corps ? Est-il capable de devenir machine ou animal ou quelqu’autre objet non identifié ?13 Dans Self Unfinished, on ne voit pas le corps dansant traditionnel mais déjà le corps qui s’expose, utilisé comme un médium proche de la sculpture.
D’autre part, Giszelle (2001), un solo écrit avec et interprété par Eszter Salamon à sa création. Une série de séquences dansées où apparaissent des figures symboliques de notre culture – une ballerine dansant Giselle, le penseur de Rodin mais aussi Brigitte Bardot dans Le Mépris... – se succèdent selon des procédés propres aux effets cinématographiques: accélération, ralenti, image par image… Puis, on nous donne à voir l’envers du processus de création du spectacle : les séquences qui n’ont pas été retenues. L’ensemble veut montrer comment le corps, à travers des représentations toujours changeantes, trouve une identité. Aujourd’hui le rôle est repris par Salka Ardal Rosengren et nous assisterons à cette transmission. La première semaine du festival sera donc une actualité Xavier Le Roy, d’autant que, pour le jour d’ouverture, Valérie Da Costa lui a demandé, dans le cadre de Vidéodanse, de parler du Sacre du printemps dont il a donné, lui aussi, une version.

Giszelle

Danse. Jeudi 20 et vendredi 21 février 2014, 20h30, Grande salle
Conception et chorégraphie : Xavier Le Roy et Eszter Salamon
Interprétation : Salka Ardal Rosengren

Self Unfinished

Danse. Dimanche 23 février 2014, 17h, Grande salle
D'après une collaboration avec Laurent Goldring 
Conception et interprétation : Xavier Le Roy / Par et avec : Xavier Le Roy / Musique : Diana Ross

Xavier Le Roy

Le parcours de Xavier Le Roy est peu conventionnel. Après des études de biologie moléculaire, il se tourne, en 1991, vers la danse en tant qu'interprète. Self Unfinished (1998) est l'une de ses premières chorégraphies. Particulièrement attentif à la question du corps et à son statut, au processus de création de l'œuvre, aux relations entre interprètes et public, ses recherches l'amènent à sortir du dispositif scénique pour explorer d'autres modes de représentation.
À partir de 2004, il mène différentes expériences d'enseignement. 2007-2008, artiste associé au Centre national chorégraphique de Montpellier, il codirige avec Mathilde Monnier le programme de formation EX.E.R.CE et travaille notamment sur Le Sacre du Printemps (2007).
En 2012, il réalise l'exposition Rétrospective conçue pour six performers à la Fondation Antoni Tàpies de Barcelone…
www.xavierleroy.com

Oubli et autodérision

Également au programme de ce festival : deux focus sur les performers Miguel Gutierrez et Ivo Dimchev.

Miguel Gutierrez, Heavens What Have I Done, 2013

Miguel Gutierrez, Heavens What Have I Done, 2013

 

Toujours en lien avec ce thème de la rétrospective, l’idée est de proposer un regard appuyé sur le travail de ces artistes. Tous deux sont des performers qui jouent avec la narration et le  souvenir. Dans son spectacle Heavens What Have I Done [Ciel, qu’est-ce que j’ai fait], Miguel Gutierrez raconte, avec une énergie contagieuse et humour, comment un performer américain découvre la vie culturelle et institutionnelle en France. Être performer aux États-Unis, c’est faire de petits jobs le jour, et bosser le soir dans des lieux alternatifs. Rien à voir avec les équipements dont nous disposons ici ! C’est drôle et en même temps c’est juste. Le public participe, presque à son insu, à ce qui se passe sur scène. Miguel Gutierrez ne fait pas que raconter des souvenirs, il danse, il chante aussi.
La seconde pièce, Storing the Winter, saluée l’année dernière comme l’une des plus importantes découvertes par le New York Times, est un solo de danse avec un musicien, Mind over Mirrors (Jaime Fennelly) – donc un duo –, qui combine harmonium indien et sons électro. Les deux artistes s’y livrent à une improvisation qui engage un échange intense entre musique et danse.

Heavens What Have I Done

Danse. Jeudi 27 et vendredi 28 février 2014, 20h30, Grande salle
Création et interprétation Miguel Gutierrez / lumières Lenore Doxsee / costumes Machine Dazzle  / décor Miguel Gutierrez & Jason Simms.

Storing the Winter

Danse-musique. Dimanche 2 mars 2014, 17h, Grande salle
Création et performance Miguel Gutierrez & Mind Over Mirrors (Jaime Fennelly) / lumières Lenore Doxsee.

Miguel Gutierrez

Performer de la scène new-yorkaise, plusieurs fois primé, chorégraphe, interprète, musicien, Miguel Gutierrez s’amuse des héritages de la grande histoire chorégraphique pour mieux s’attaquer à la place de l’artiste dans notre société et aux conditions de création auxquelles il doit se soumettre. La voix est pour lui un mouvement et le corps un vecteur d’émotions et d’idées. Depuis 2001, il alterne projets solos, performances et œuvres collectives sous le nom de « Miguel Gutierrez and The Powerful People ».
www.miguelgutierrez.org

Ivo Dimchev, Fest

Ivo Dimchev, Fest

 

Dans Fest, Ivo Dimchev relate, lui aussi, son expérience de performer. Mais cette fois, non plus sous l’angle émerveillé et un peu ironique d’un Américain qui arrive en France. Performer bulgare, vivant à Bruxelles, Ivo Dimchev raconte la folie que peut rencontrer un artiste dans le monde du spectacle, se vendant même aux fantasmes de ses interlocuteurs pour se faire produire. Là aussi, c’est drôle, si on accepte la provocation et la caricature.
Avec Concerto, Ivo Dimchev propose un récital chanté très personnel. Se muant en star du rock ou en prima donna, il se met dans la peau de personnages extravagants. Dimchev semble littéralement capable de tout chanter !

Fest

Théâtre. Jeudi 6 et vendredi 7 mars, 20h30, Grande salle
Conception et mise en scène Ivo Dimchev / performers Ivo Dimchev, Annina Machaz, Nicola Schössler, Mirko Feliziani / lumières Giacomo Gorini / création sonore Emilian Gatsov.

Concerto

Musique. Dimanche 9 mars, 17h, Grande salle
Conception Ivo Dimchev / avec Ivo Dimchev, Jens Bouttery et Benjamin Sauzereau.

Ivo Dimchev

Né en 1976 en Bulgarie, Ivo Dimchev est chorégraphe et performer. Ses travaux, présentés à travers l’Europe et l’Amérique du Nord, ont reçu plusieurs prix internationaux de danse et de théâtre. Parallèlement à ses activités de création, il enseigne à Budapest, Anvers, Bern et Vienne. Il est le fondateur et le directeur de la Humarts Foundation en Bulgarie. Depuis 2009, installé à Bruxelles, il a ouvert son propre espace dédié à la performance, la Volksroom, où il s’attache à promouvoir la jeune génération d’artistes internationaux.
www.ivodimchev.com

Que ce soit  Miguel Gutierrez ou Ivo Dimchev, tous deux se servent de leurs souvenirs pour faire rire.

Le rire est un mode de communication extraordinaire avec le public. Et dans ce champ du rire, il y a ce sous-ensemble qu’est l’autodérision, et dont relèvent ces deux performances, Heavens What Have I Done et Fest. Retourner la violence en autodérision, c’est beaucoup moins stérile que l’oubli ou la volonté d’oublier.

 

La mémoire, l’oubli, la réminiscence sont également au cœur de la programmation des Spectacles vivants pour une partie du premier semestre 2014.

En amont et en aval du Nouveau festival seront présentés la recréation d’une pièce de Tino Sehgal, Sans Titre (2000), interprétée par Boris Charmatz & Frank Willens (du 22 au 24 janvier), un Sacre du jeune chorégraphe français David Wampach (du 29 au 31 janvier) et les deux versions du Sacre du printemps de Dominique Brun, Sacre # 197 et Sacre # 2, une reconstitution de la version originale avec 30 danseurs (les  15 et 16 mai).

Les mots de la mémoire et de l’oubli, selon Serge Laurent

Rétrospective,
Remémoration, réinterprétation, rôle, répertoire
Emblème, transmission,
Souvenir, narration, autodérision

Entretien avec Sylvie PrasRetour haut de page

« Arriver devant le Centre Pompidou, s’arrêter sur la Piazza… Regarder les tuyaux blancs qui sortent du sol. Se demander où ils vont. Imaginer les entrailles du bâtiment. Et si ces tuyaux ressortaient au milieu du Forum ? » écrit Charles de Meaux qui, pour ce Nouveau festival, invite le public à un voyage dans la mémoire en revisitant la figure du train fantôme. En complément du Train fantôme, le Nouveau festival propose de découvrir une sélection de films rares, pour certains inédits, d’artistes avec lesquels Charles de Meaux a collaboré : Dominique Gonzalez-Foerster, Apichatpong Weerasethakul, Melvil Poupaud et Lawrence Weiner.
Une proposition de Sylvie Pras, responsable des Cinémas du Département du développement culturel au Centre Pompidou, en collaboration avec Amélie Galli.

Le train fantÔme de charles de meauxRetour haut de page

Entre cinéma et art contemporain

Charles de Meaux, Le Train fantôme, 2014

Charles de Meaux, Le Train fantôme, 2014
Dessin. Maquette de l’installation
Vue du Forum

 

Marie-José Rodriguez. Vous êtes responsable de la programmation du service Cinémas. Et pourtant, ce que vous proposez, en premier lieu, pour ce Nouveau festival n’est pas un cycle cinématographique mais une installation.

Sylvie Pras. Le cinéma et la mémoire ont une longue histoire commune. Mais je ne me suis pas attelée à cette thématique. Jean-Pierre Criqui et Jacques Aumont l’ont développée avec un cycle intitulé Amnésies, consacré à des films sur l’oubli et associant conférences et projections. Je me suis attachée, pour ma part, à montrer une œuvre, une installation, ce fameux Train fantôme de Charles de Meaux.

Artiste inclassable, cinéaste, voyageur, producteur, Charles de Meaux a toute sa place dans le Nouveau festival. Il a, dès les années 1990, été l’un des rares à créer des liens entre cinéma et art contemporain. Avec d’autres artistes, Philippe Parreno, Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster, ainsi qu’avec Xavier Douroux et Franck Gautherot − qui ont, entre autres, conçu le Consortium de Dijon −, il a, en 1997, fondé la société de production et de distribution Anna Sanders Films, société qui a permis à ces artistes de produire leurs propres œuvres, que ce soit des films ou des installations, et de soutenir d’autres créateurs. L’initiative est suffisamment originale pour que le MoMA de New York ait acheté Anna Sanders Films comme une œuvre, c’est-à-dire le concept et les masters de tout ce qu’a produit et produira ce collectif, qui existe toujours aujourd’hui.

Parmi ces artistes, de Meaux est celui qui porte la production. Depuis le début des années 2000, il a notamment réalisé trois longs métrages, Le Pont du trieur (2000, avec Philippe Parreno), Shimkent Hotel (2003) et Stretch (2011), dans lesquels il traite le paysage et les espaces comme des personnages. Ses installations sont exposées dans de nombreux musées, aussi bien aux États-Unis qu’en Asie ou en Europe. En 2012, il a présenté, dans le cadre de l’Exposition internationale de Yeosu en Corée du Sud, une installation sonore et vidéo, Shin-ji-ke, composée d’un écran de 200 mètres de long sur 40 mètres de large.

Vivant à Paris et venant souvent au Centre Pompidou, le projet de son installation pour le festival vient, dit-il, des questions qu’il s’est posées en voyant ces grands tuyaux blancs resurgir sur la piazza. D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Tuyaux à la fois fonctionnels et esthétiques, imaginés par les architectes Richard Rogers et Renzo Piano, et par quoi le Centre Pompidou est connu partout dans le monde.

Entre rêve et défi

Charles de Meaux, Le Train fantôme, 2014

Charles de Meaux, Le Train fantôme, 2014
Dessin. Écran de simulation

 

Ainsi a-t-il imaginé, entre rêve et défi, d’installer deux énormes tuyaux enchevêtrés, de la taille des tuyaux de la Piazza, au beau milieu du Forum -1. Là où Jean Tinguely avait érigé, l’année de l’ouverture du Centre, son train fantôme, au cœur de son installation le Crocrodrome.

Le visiteur pourra entrer dans l’un des deux tuyaux pour un voyage dans les entrailles de Beaubourg mais aussi dans la mémoire commune. Une vingtaine d’écrans, disposés de chaque côté de ce qui paraîtra comme un long tunnel, vont diffuser, comme des messages subliminaux, des images de films que l’on a tous en mémoire, auxquelles de Meaux a associé des scènes et des paysages, splendides ou défaits, qu’il a filmés en Asie.
En avançant dans ce tuyau, éclairé exclusivement par les écrans vidéo, dans une atmosphère sonore très élaborée, le visiteur verra de part et d’autre défiler ces images en continu d’un poste à l’autre, sans possibilité de retour en arrière, comme s’il s‘agissait d’un paysage qu’il verrait défiler depuis un train en marche.

 

La réalisation de ces tuyaux, la synchronisation écrans/images doivent être une véritable prouesse !

Elles le sont, en effet. Le cinéma c’est de l’image en mouvement, c’est de l’espace et c’est du temps. Charles de Meaux nous propose, avec cette installation qui tient compte du déplacement du visiteur, une autre manière d’appréhender des images en mouvement, un autre rapport au temps et à l’espace, entre images et réminiscence.

Le Train fantôme, une œuvre poétique et une prouesse technologique

Du 19 février au 10 mars 2014, Forum -1


- 2 tuyaux reprenant l'aspect et les dimensions des structures de Renzo Piano et Richard Rogers : 3 mètres de circonférence, 15 mètres de long,
- plus de 40 écrans munis de serveurs,
- 35 haut-parleurs,
- ouvert au public en libre accès, au Forum -1 du Centre Pompidou, de 11h à 21h.

 

« Les scènes se succèdent dans le parcours comme des flashs, des réminiscences. Les images viennent des profondeurs d’une mémoire commune. Non pas une mémoire qui trie, qui analyse, qui compare, simplement le souvenir d’une sensation. Comme dans la fête foraine, le train fantôme a recours à des codes, des images, faisant référence à des éléments déjà sus. »

CdM

La Face B de Charles de Meaux

Charles de Meaux, Stretch, 2011, 90'Charles de Meaux, Shimkent Hotel, 2003, 90'

Charles de Meaux, Stretch, 2011, 90'
Avec Nicolas Cazalé, Fan Bingbing, David Carradine

Charles de Meaux, Shimkent Hotel, 2003, 90'
Avec Yann Collette, Caroline Ducey, Romain Duris,
Thibault de Montalembert, Melvil Poupaud


 

En parallèle à cette installation, vous nous proposez quand même en salle de cinéma, avec Charles de Meaux, une sélection de films produits à travers Anna Sanders Films.

Nous allons, en effet, regagner la salle de cinéma pour plusieurs séances. Et, pour la première fois depuis que ce festival existe, les projections en salle seront gratuites. De plus, le programme sera présenté deux à trois fois pour que chacun puisse découvrir l’ensemble de la proposition.

Il y aura donc Charles de Meaux l’artiste avec son installation Le Train fantôme, Charles de Meaux le cinéaste avec ses longs métrages, et Charles de Meaux le producteur. Ce programme s’intitule La Face B de Charles de Meaux − en référence aux « B sides and rareties » des disques américains des années 50 −, et présente les œuvres les plus rares de chacun des artistes.

Anna Sanders Films soutient des artistes de toutes les générations comme en témoigne ce programme. De Mati Diop, née en 1982 − elle est la nièce du cinéaste Djibril Diop Mambety −, nous verrons Atlantiques (2010) et Mille Soleils (2013), pour lequel elle a reçu le Grand Prix de la Compétition internationale au Fid de Marseille. Ce film sera présenté en avant-première, avant qu’il ne sorte en salles, le 1er mars prochain. De Lawrence Weiner, figure historique de l’art conceptuel qui se sert du langage comme matière première, né, lui, au début des années 40, sera projeté un film inédit, Dirty Eyes (2010).

 

Apichatpong Weerasethakul, Mysterious Object at Noon, 2000, 85'Melvil Poupaud, Melvil, 2006, 66'

Apichatpong Weerasethakul, Mysterious Object at Noon, 2000, 85'
Film inédit

Melvil Poupaud, Melvil, 2006, 66'
Film inédit


 

Anna Sanders Films a soutenu très tôt le cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, palme d’or en 2010 avec Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), un long métrage également coproduit par le collectif. Deux de ses films, My Mother’s Garden (2007, film de 7’) et Mysterious Object at Noon (2000, 85’), film inédit, montreront ses qualités de cinéaste-artiste. Dans My Mother’s Garden, qui est à la fois une évocation poétique de la couleur et une réflexion intime sur la mémoire, il mêle l’expérimental, l’abstraction, le réel, dessinant sur l’image la maison et le jardin puis, sur la maison et le jardin réels, sa mère en ombres chinoises.

Quant à Melvil Poupaud, connu en tant qu’acteur − il a joué dans Stanwix et Shimkent Hotel de de Meaux −, son désir de passer derrière la caméra l’ayant saisi très tôt, il a pu, grâce à Charles de Meaux, réaliser des films souvent étranges, dans lesquels il met en scène son propre corps et ses sensations. Nous en verrons un inédit, Melvil (2006, 66’), où un personnage évolue entre cinéma et réalité, à la recherche d’une famille, d’une place à prendre, d’un rôle à jouer.

Des poèmes cinématographiques

Pierre Huyghe, Block Party, 2002, 6'Dominique Gonzalez-Foerster, Parc Central, 2006, 50'

Pierre Huyghe, Block Party, 2002, 6’

Dominique Gonzalez-Foerster, Parc Central, 2006, 50'


 

Charles de Meaux a également choisi de montrer quelques films de ses compagnons de route, Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe et Philippe Parreno.

De Pierre Huyghe, il s’agit de deux courts métrages, Block Party (2002, 6’) – une histoire du mouvement hip hop − et Antartica (2005, 2’30), réalisé au cours de son expédition en Antarctique, dont il avait ramené les séquences de son film A Journey That Wasn’t (2005). Un clin d’œil à son exposition présentée dans la Galerie sud avant que le Festival ne s’y installe pour sa composante arts visuels et danse.

De Philippe Parreno seront présentés deux courts métrages rares : Ou (1996), très brève séquence dont le long générique met en avant les souvenirs qui l’ont inspirée, et Birthday Zoé (1996), qui met en scène une petite fille se rêvant à 20 ans.

Dans Parc Central (2006, 50’), Dominique Gonzalez-Foerster part sur les traces de films qui l’ont marquée et la mémoire des lieux où ils ont été tournés. Ainsi est-elle allée, avec sa caméra, de Kyoto à Rio en passant par Buenos-Aires, Brasilia ou Paris. À Taipei, par exemple, elle a voulu voir ce que regardaient les acteurs qui pleuraient, assis dans un parc, à la fin du film du cinéaste chinois Wong Kar-Wai, Chungking Express (1995). À Rio, ce sont les places filmées dans L’Homme de Rio (1964), histoire trépidante avec Jean-Paul Belmondo, qu’elle a voulu retrouver. Le souvenir de ces lieux de films fait naître en elle un désir de cinéma.

 

N’est-ce pas plutôt un désir de réalité ? Connaître ce que le film ne donne pas à voir.

Peut-être est-ce un désir de réalité. Mais si la réalité, seule, l’intéressait, elle ne la filmerait pas forcément. Elle veut recréer des images en mouvement, à partir de ses propres sensations. Quand elle est allée à Taipei pour filmer ce qu’auraient pu voir les acteurs qui pleuraient, le hasard a fait qu’il s’est mis à pleuvoir comme il peut pleuvoir dans ces pays-là. Du coup, un nouveau lien s’est créé entre ces acteurs qui pleuraient et cette pluie qui tombait. Ces associations sont, au cinéma, toujours sensibles et émouvantes. Autant de séquences qui s’apparentent à des poèmes cinématographiques.

Face B de Charles de Meaux

Cinéma 2, entrée libre, chaque jour à 20 h, et une séance à 17h30, chaque dimanche

Une proposition de Charles de Meaux et Sylvie Pras


Mati Diop, Atlantiques, 2010 ; Mille Soleils, 2013. 1er mars
Dominique Gonzalez-Foerster, Parc Central, 2002. 20 février et 6 mars.
Pierre Huyghe, Antartica, 2005. 20 février et 6 mars.
Pierre Huyghe, Block Party, 2002. 21 février et 10 mars.
Charles de Meaux, Marfa Mystery Lights, a concert for the UFO's, 2008. 21 février et 10 mars.
Charles de Meaux, Stretch, 2011. 23 février.
Charles de Meaux, Shimkent Hotel, 2003. 2 mars.
Charles de Meaux et Philippe Parreno, Le Pont du trieur, 2000. 9 mars.
Philippe Parreno, Birthday Zoé, 1996. 20 février et 6 mars.
Philippe Parreno, Ou, 1996. 21 février et 10 mars.
Melvil Poupaud, Melvil, 2006. 22 et 28 février et 9 mars.
Apichatpong Weerasethakul, My Mother's Garden, 2007 ; Mysterious Object at Noon, 2000. 24 février, 2 et 8 mars.
Lawrence Weiner, Dirty Eyes, 2010. 23 février, 3 mars et 7 mars.

 

Voir l’agenda complet du cycle

Les mots de la mémoire et de l’oubli, selon Sylvie Pras et Charles de Meaux

Train fantôme, tunnel, entrailles,
Mémoire commune, message subliminal,
Image en mouvement, flash, réminiscence, code,
Référence, face B,
Génération, vie antérieure, mère, rôle,
Compagnon de route, histoire, rêve, trace,
Mémoire des lieux, recréation

Bibliographie – RepÈresRetour haut de page

à lireRetour haut de page

« Veux-tu voler, veux-tu être chez toi dans les hauteurs ? Jette à la mer le plus lourd de toi-même ! Voici la mer, et toi, jette-toi dans la mer ! Divin est l'art d'oublier ! »

Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal. Prélude d'une philosophie de l'avenir
(Jenseits von Gut und Böse - Vorspiel einer Philosophie der Zukunft), 1886

Une liste d’ouvrages recommandés par le Nouveau festival.

Liens

Une autre mÉdiationRetour haut de page

Explorer de nouvelles formes d’exposition et de production, tel est le but du Nouveau festival. Cette année, Bernard Blistène a voulu qu’il soit aussi le temps de nouvelles formes de médiation, en instaurant une autre économie d’échanges entre artistes et médiateurs.

Ainsi, Nina Beier et Marie Lund proposent-elles aux médiateurs de réactiver, pendant le temps du festival, le récit qu’elles leur ont fait, de façon orale, sur dix œuvres qui auraient pu être exposées. Une proposition performance, intitulée L’Empreinte, où la mémoire et les oublis de chacun individualiseront la restitution du récit.

Avec The Roof Holding The Walls Together (2010), Marie Lund demande, par ailleurs, à un conférencier de lire le synopsis suivant : un architecte danois, dont la carrière a été reconnue par des récompenses pour ses plans visionnaires mais pas pour leur réalisation, se remémore un musée qu’il a conçu il y a plus de vingt ans. Le but sera de donner à voir, sans autres documents, ce bâtiment imaginaire. Le samedi à 17h.

Enfin, Sébastien Rémy a rédigé un parcours de médiation à partir d'une sélection d'œuvres qu'il a croisée avec d'autres références et documents réalisés par lui. Muni de ce carnet, chaque médiateur pourra l'utiliser de manière personnelle et faire participer le visiteur en l'invitant à ajouter des commentaires.

Crédits

© Centre Pompidou, Direction des publics, février 2014
Texte : Marie-José Rodriguez
Coordination : avec la collaboration de Florencia Chernajovsky
Design graphique : Michel Fernandez
Intégration : Cédric Achard / RDSC
Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques Retour haut de page

Références

_1 Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.

_2 Dans l’avant-propos de Duchamp Notes (Flammarion, 1999), Paul Matisse explique : « À sa mort en 1968, Marcel Duchamp avait laissé parmi ses papiers un petit paquet de notes manuscrites qui couraient au moins sur les cinquante dernières années précédentes. Ces notes font partie depuis 1997 des collections du Centre Georges Pompidou. En 1976, Teeny Duchamp − sa veuve et ma mère – me demanda de les mettre en ordre en vue d’une publication. Le résultat en fut un livre, dans lequel la quasi-totalité de ses notes étaient reproduites en fac-similé et en couleur, accompagnées de leur transcription en français et de leur traduction en anglais. […] Duchamp les conservait groupées dans différentes enveloppes ou chemises. J’ai divisé l’ouvrage en quatre sections, la première avec les notes concernant le concept de l’Inframince. […] » Allégorie d’oubli est la note 16 de cette première section. Elle n’est accompagnée d’aucune explication. « Convaincu », poursuit Paul Matisse, qu’à l’instar de Duchamp, « les explications n’expliquent rien ».

_3 En 1991-92, alors qu’il était directeur des Musées de Marseille, Bernard Blistène a organisé, en collaboration avec l’historienne de la danse Laurence Louppe, l’exposition Danses tracées : Dessins et notation des chorégraphes. Des prémices à ce festival ?

_4 Raoul-Auger Feuillet (1660-1710), danseur et chorégraphe, publie, en 1700, Chorégraphie, ou l'art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs, ouvrage suivi par les nombreux Recueils de danse contenant des danses de bal et des entrées de ballets composées, pour la plupart, par lui-même ou par Louis Pécour (1653-1729), autre compositeur de ballets célèbres. Recueil de contredanses décrit des opéras de Lully ou Marais Marin. Le « système Feuillet » a favorisé la diffusion du répertoire français à travers l'Europe entière (notice sur Raoul-Auger Feuillet d’après l’encyclopédie wikipedia).

_5 Rudolf Laban, Kinetographie, 1928. Laban établit son système de notations, dit Cinétographie Laban ou Labanotation, à partir des quatre éléments suivants : l’espace, le temps, le poids, la force. La lecture transversale de ces coordonnées temporelles et spatiales, écrites verticalement, permet de saisir d’un seul regard les déplacements du corps.

_6 Les carnets bagouet, http://www.lescarnetsbagouet.org/ : un site de ressources sur le chorégraphe français Dominique Bagouet et d’informations sur l'association les carnets bagouet, fondée après son décès en 1992.

_7 En savoir plus sur le Petit projet de la matière.

_8 L’Après-midi d’un faune, ballet en un acte de Nijinski, sur une musique de Claude Debussy, inspiré d’un poème de Mallarmé, a été créé par les Ballets russes dirigés par Serge Diaghilev, à Paris, au Théâtre du Chatelet en 1912. Le Sacre du printemps, sous-titré Tableaux de la Russie païenne en deux parties, composé par Igor Stravinski, a également été chorégraphié par Nijinski et créé en 1913 par les Ballets russes au Théâtre du Châtelet.

_9 Dominique Brun, Sacre # 197 et Sacre # 2, les jeudi 15 et vendredi 16 mai 2014, Centre Pompidou, Grande salle.

_10 Le Jeune homme et la mort, chorégraphie de Roland Petit, sur un livret de Jean Cocteau, création au Théâtre des Champs-Elysées en 1946.

_11 CPV : Centre Pompidou Virtuel, le site internet du Centre Pompidou.

_12 Cf. le dossier Arts de la scène et art contemporain, Entretien avec Serge Laurent.

_13 Dans son avant-dernier spectacle, low pieces (2009-2011), Xavier Le Roy interroge une nouvelle fois la manière dont nous percevons un corps, peut-il devenir machine, animal, objet ? Les danseurs, déshabillés sur scène, couchés ou à quatre pattes, deviennent animaux au repos, meute de lions au soleil, composition végétale...

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