Dossiers pédagogiques
Parcours exposition
L'ATELIER Du 10 mars 2010 au 19 juillet 2010, Galerie 2, niveau 6
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Working
at Night, 2005 |
Lucian Freud, repères
La
rencontre avec Francis Bacon
Années
70-90 : la période de maturité
Lucian Freud, le corps
contenu
Vision
intérieure
Intimité
Théâtralité
L’amitié
avec Francis Bacon
Âgé aujourd’hui de 88 ans, Lucian Freud est l’un des plus grands
peintres britanniques de son temps. L’exposition s’articule autour du thème de l’atelier, cet espace forclos qui détermine profondément
la démarche créative de l’artiste, condition d’une pratique reposant sur l’interminable
scrutation du modèle.
Composée d’une cinquantaine de grandes peintures, elle est complétée d’œuvres
graphiques et de documents photographiques. Elle s’organise en quatre sections qui
se veulent à la fois chronologiques et thématiques : Intérieur/Extérieur, Réflexion, Reprises et Comme
la chair.
Ce dossier reprend les principaux thèmes de l’exposition en y approfondissant certains
sujets qu’elle n’aborde pas comme, par exemple, la relation avec le peintre
Francis Bacon.
23 ans après la dernière rétrospective du peintre au Centre Pompidou, voici donc l’occasion de refaire le point sur une légende vivante de la peinture figurative.
Petit-fils de Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse moderne, Lucian naît à Berlin dans l’entre-deux-guerres. En 1934 ses parents fuient l’arrivée du nazisme en Allemagne pour s’installer à Londres. Ce départ anticipé permet à sa famille d’emmener ses biens. Freud va bénéficier d’une éducation de qualité dans sa nouvelle patrie d’adoption. Il est envoyé, avec ses deux frères, à la Darlington Hall School, école aux idées progressistes, puis à Bryanston, une école plus classique. N’appréciant guère son professeur de dessin, il refuse d’assister aux cours et préfère se consacrer à l’équitation.
La rencontre avec Francis Bacon
En 1945, il se lie d’amitié avec Francis Bacon. Tous deux
fréquentent les milieux bohèmes de Londres, dans le quartier de Soho. Ils se
verront régulièrement jusque dans les années 1970. En 1946, il séjourne pendant
deux mois à l’hôtel d’Isly à Paris. Il y fait la rencontre d’Alberto Giacometti
et de Pablo Picasso. Giacometti exerce une certaine influence sur le jeune
artiste. Des éléments surréalistes peuvent transparaître dans certaines toiles
de cette période, comme The Painter’s Room réalisée en 1944.
Au début des années 50, Lucian Freud abandonne brusquement la pratique du
dessin qui occupait jusqu’alors une place importante dans son travail. Il
décide de se consacrer désormais entièrement à la peinture. En 1954, avec Francis Bacon et Ben Nicholson, il est
choisi pour représenter la Grande-Bretagne à la 27e Biennale de Venise. Une
vingtaine de ses travaux y sont exposés.
Le grand tournant dans sa démarche picturale va se produire en 1958. Influencé probablement par l’inhabituelle fusion de figuration et d’expressionnisme chez Francis Bacon, il renonce aux pinceaux souples et précis, pour les remplacer par des brosses aux poils durs et élastiques. L’aspect caractéristique de sa peinture, sa texture épaisse à la fois précise et expressive, découle de cette modification. Peints dans des tons bruns, gris et blancs, ses portraits témoignent d’une certaine violence scopique exercée par le regard scrutateur du peintre, et reconduite par celui curieux de l’amateur.
AnnÉes 70-90 : la pÉriode de maturitÉ
Dès le milieu des années 60, Freud se consacre de plus en plus au nu. Les portraits d’après modèles occupent une place dominante dans sa production qui s’échelonne des années 70 aux années 90. C’est sa période de maturité, qui a fait sa réputation. En 2001, il va réaliser le très controversé portrait de la Reine Elizabeth. Si les critiques s’accordent pour dire qu’il est peu flatteur, notamment dans sa façon virile de représenter la partie basse du visage, cela n’en réduit pas la pertinence. Une Reine n’est-elle pas dans sa constitution mythique cet être double[1] se suffisant à lui-même, Femme par nature et Homme par l’exercice du pouvoir ? Freud a parfaitement donné à voir la duplicité inhérente à la fonction royale. Il a juste choisi d’inscrire cette double identité dans la chair.
En 2002, il réalise le portrait d’une autre célébrité, chose qui ne va pas passer inaperçu dans la presse. Rompant avec son habitude de ne peindre que des proches ou des amis, il exécute en quelques mois le portrait de Kate Moss ; la grossesse du célèbre top-modèle, et la transformation progressive de son corps l’obligeant à terminer son tableau. En règle générale, la maternité ou ses séquelles sur le corps féminin est un des sujets récurrents de sa peinture.
[1] Les Deux Corps du roi. Ernst Kantorowicz, Gallimard, 2000.(Première édition en anglais, 1957)
Lucian Freud, le corps contenu
Vision IntÉrieure
L’atelier : un espace protégé
Painter’s Garden with Eli, 2006
[Le Jardin
du peintre avec Eli]
Photographie, 56,5 x 75,8 cm
© David Dawson, courtesy of Hazlitt Holland-Hibbert, Londres
L’atelier joue un rôle crucial dans l’univers de Lucian Freud. Cela
se constate tout d’abord dans sa thématique. Ce qu’il choisit de peindre se
situe le plus souvent à l’intérieur de son atelier. Les plantes ou les vues
de jardins pourraient constituer des exceptions si elles n’étaient, la plupart
du temps, des plantes d’intérieur ou des vues à partir de l’atelier. Même quand
son regard décide de s’aventurer dans la ville, il le fait de préférence depuis
une fenêtre. Qu’il s’agisse de la cour jonchée d’ordures à Paddington, ou de la
vue sur les toits du quartier W11, l’extérieur semble toujours perçu à partir
d’un intérieur.
Quand la fenêtre n’est pas explicitement représentée, c’est le cadrage et
l’angle de vue qui évoquent ce positionnement. C’est le cas de Factory in North London, peint en 1972.
L’usine, sans grand intérêt, est observée par dessus le mur d’enceinte. Le gros
plan sur l’édifice légèrement désaxé s’effectue très certainement à partir d’un
édifice adjacent.
S’il ne sort pas physiquement de son atelier pour peindre, Freud n’en sort pas non plus mentalement. Sa démarche picturale fondée sur l’observation scrupuleuse du réel, le contraint à une forclusion complète. Dans cet espace protégé, Freud va travailler en alternance sous deux régimes de lumière. Il y a les peintures de nuit, inondées de lumière électrique, et les peintures de jour réalisées sous éclairage naturel.
L’atelier devient l’outil d’un contrôle total par l’artiste de tout
ce qui risque d'agir sur la réalité qu’il choisit de représenter. Peindre
devient un acte intime, privé, rendu possible par l’enfermement de l’artiste et
de son modèle dans un espace protégé. Dans certaines toiles, l’atelier et son
rôle dans la constitution de la vision du peintre sont un thème à part entière.
L’interdépendance entre un intérieur dépeint et le peintre en tant que
subjectivité capable de témoigner, semble être un sujet récurrent de la
peinture figurative. Freud va le développer pour lui donner une dimension
rarement atteinte.
L’atelier, par sa façon de contenir ce qui obsède sa vue devient partie de
lui-même. Les murs sont autant de parois internes qui retiennent son champ
visuel : des extensions de son orbite oculaire. C’est ainsi que l’espace clos de l’atelier peut en
venir à signifier l’intériorité du
peintre.
Le devenir corps de l’atelier
Cet enfermement obsessionnel acquiert une nouvelle dimension chez Freud par sa façon d’inclure, dans certaines toiles, les taches de peinture faites sur le mur[2]. Le devenir corps de l’atelier s’intensifie quand on réalise que les taches qui souillent les murs sont les mêmes qui servent habituellement à dépeindre les corps. Une tache sur le mur dans le tableau est la trace d’un excédent de couleur qui a servi à représenter un corps, dans une autre toile. La mise en abîme déclenchée par ce retour, rend manifeste l’étrange équilibre qui traverse toute l’œuvre de Freud dans sa façon de concevoir son atelier comme le réceptacle de ce qu’il peint. Sans pouvoir vraiment parler de similitude, on ne peut s’empêcher de ressentir un certain rapport entre la matière murale et la matière corporelle.
Girl in Attic Doorway, 1995
[Jeune fille
dans une embrasure de grenier]
Huile sur toile, 107 x 71 cm
Collection
particulière
Courtesy
Acquevella Galleries, New York
© Lucian
Freud
Dans Girl in Attic Doorway, réalisé en 1995, le modèle émerge de l’embrasure d’un comble : elle sort littéralement du mur. Il s’agit de la jeune veuve de Leigh Bowery, mort en 1994 ; célèbre performer des boites de nuit londoniennes et qui fut pour Freud un modèle hors pair (voir ci-dessous Leigh under the Skylight, 1994). Les tons de la surface du mur sont très proches de ceux employés pour dépeindre la peau du modèle. Cette similitude, sensée restituer l’intense luminosité qui frappe simultanément les deux surfaces, illustre parfaitement l’idée d’un rapport entre le corps peint et l’atelier qui le contient. Si elle n’est pas partout aussi lisible, cette analogie traverse pourtant toute l’œuvre du peintre. La matière murale rejoint le corps dans leur disposition commune à refléter la lumière.
[2] Lire à ce sujet le texte de Laurence des Cars, Echos réalistes chez Lucian Freud, dans le catalogue de l’exposition.
IntimitÉ
La représentation de la personne
Peindre pour Freud est un long processus d’exposition d’un sujet à sa propre vue. Un tableau peut facilement l’occuper pendant une ou deux années, durant lesquelles le modèle doit s’exposer une à deux fois par semaine. Cette démarche confirme ce qui se trame entre le modèle et le peintre. Une liaison intense, sorte de télescopage forcé de deux subjectivités amenées à se rencontrer autour du tableau. Dans ces conditions, la pose ne peut être immuable. La durée rend cela impossible. Les corps évoluent, se relâchent. La présence du modèle semble souvent plus importante que l’exactitude de la pose. Freud ne scrute pas simplement la forme, mais aussi et surtout le rayonnement de celui qui se tient face à lui. Les interminables séances se répercutent dans l’ennui ou la fatigue dont témoignent souvent les modèles. Epuisés, endormis, souvent allongés, ils attestent de la pénibilité de la tâche qu’ils supportent.
Les modèles sont souvent des parents ou des amis. Sous cet angle le portrait acquiert sa véritable signification de représentation de la personne. Il ne s’agit pas d’une image quelconque de la forme générique du corps humain, mais d’un véritable portrait. La série de tableaux de sa mère Lucie, dont la réalisation s’échelonne sur plus de quinze ans à compter de 1970, incarne parfaitement ce rapport intime entre l’artiste et son modèle. Commencées à la suite d’une tentative de suicide qu’elle aurait commise, ces représentations sont impitoyables dans leur façon de donner à voir le vieillissement, et un certain ennui de vivre.
Avec le regard objectif du biologiste
Leigh under the Skylight, 1994
[Leigh sous la lucarne]
Huile sur
toile, 271 x 121 cm
Collection
particulière
© John
Riddy
© Lucian
Freud
Cette étroite liaison entre peintre et modèle s’applique aussi aux très nombreux nus qu’il réalise à partir des années 70. Freud ne peint pas des nus quelconques ; il peint plutôt des proches dénudés. La différence est de taille. Cela ne l’empêche pas de se déclarer « biologiste » concernant quant à sa volonté de capter le réel. Freud insiste sur l’animalité de la figure humaine, pour couper court à toute interprétation de portrait psychologique. L’intimité avec les modèles et le regard objectif du biologiste ne sont pas deux choses nécessairement contradictoires. L’importance accordée au corps ne nie pas l’intention de dépeindre la personne.
Lucian Freud est très probablement, comme Nietzsche[3], quelqu’un qui situe l’essence de l’identité humaine dans le corps, et non dans l’abstraction qu’on appelle l’âme. L’épuisement des visages, l’ennui comme expression récurrente entrent eux aussi dans ce schéma. Si le regard a été pendant des siècles la fenêtre de l’âme, la peinture de Freud semble vouloir rompre avec cet usage. Quand il n’est pas impassible et fermé comme pour les portraits de sa mère Lucie, il est tout simplement inexistant comme dans celui aux yeux baissés du peintre Frank Auerbach. L’austérité expressive ou le sommeil de certains modèles sont autant d’indices du rejet de cette fonction signifiante du regard. Un rejet que l’on peut dater puisque, dans ses premiers tableaux, les yeux scintillants peuvent évoquer une certaine expressivité du regard. C’est à partir de 58, que le regard perd sa transparence cristalline. Fermé, endormi, sobre, il semble dorénavant incapable de porter la personne, comme il peut le faire dans Girl with a Kitten en 1947.
Ce sont d’autres parties du corps qui vont prendre le relais, comme les organes génitaux par exemple. Freud pousse le réalisme dans la représentation des parties cachées, notamment masculines, à un point rarement atteint. Cela non pour choquer, mais pour trouver dans ces détails de corps les précieux indices qui vont venir compléter le portrait de la personne, le parfaire. L’exposition sans retenue des parties cachées est une trace, un signe de cette animalité recherchée.
[3] « Mais l’homme éveillé, celui qui sait, dit : Corps suis tout entier, et rien d'autre, et âme n’est qu’un mot pour désigner quelque chose dans le corps. Le corps est une grande raison, une pluralité à sens unique, une guerre et une paix, un troupeau et un pasteur. » Ainsi parlait Zarathoustra, Friedrich Nietzsche, NRF Gallimard, Œuvres Complètes, partie I, chap. Des contempteurs du corps, p.44.
ThÉÂtralitÉ
Un usage inhabituel de la théâtralité en peinture
Pour un peintre obsédé par la réalité, Freud fait un usage inhabituel de la théâtralité en peinture. Il semble maîtriser parfaitement l’écart entre le réel et la chose représentée : ses tableaux ne sont pas de simples traductions d’une réalité éprouvée par la subjectivité de l’artiste. Freud préfère constituer des degrés de concordance au réel au sein de ses compostions. Dans une même toile, différents éléments vont avoir des degrés de véracité variables. Cette échelle faite de surprises, d’accentuations et de ralentissements, rend dynamique notre propre perception du tableau. Les reprises de Watteau ou de Cézanne illustrent parfaitement ce réalisme tirant sa force d’une manipulation mesurée de l’artifice. Dans ces deux cas, Freud peint des vues réalistes à partir de scènes reconstituées avec des modèles vivants. Il ne s’agit pas d’atteindre une ressemblance parfaite puisqu’il fait le choix de ne pas utiliser des habits d’époque. Ce qu’il recherche avant tout, c’est l’esprit de la composition initiale, qu’il situe dans l’interaction des corps. Ses modèles deviennent ainsi des figurants sensés rejouer le tableau initial.
L’amitiÉ avec Francis Bacon
Convergences thématiques et rapprochements techniques
De toutes les influences qui ont modelé sa pratique, celle de Francis Bacon est la plus importante[4]. Il ne s’agit pas d’une influence au sens commun du terme mais d’une amitié et d’un échange mutuel. La place de Bacon dans l’œuvre de Freud n’est ni celle de Giacometti qu’il fréquente pendant son séjour à Paris en 1946, ni celle des autres peintres qui l’inspirent, comme Watteau ou Cézanne. Bacon est un ami, c'est-à-dire son égal. L’influence qu’il en tire n’est donc ni un enseignement, ni un emprunt.
Malgré les différences notoires, plusieurs éléments rapprochent ces
deux acteurs de l’école de Londres. Il y a tout d’abord certaines convergences
thématiques : une obsession commune
pour le corps. Puis viennent des rapprochements d’ordre technique :
chez Freud comme chez Bacon, le réalisme tire sa vigueur d’une certaine violence
picturale. Plus discrète, comparée aux accidents abstraits de Bacon, cette
violence prend chez Freud la forme d’une certaine férocité du regard.
Si le résultat diffère, la véracité chez les deux peintres est de même nature.
Il s’agit de restituer non pas l’image du corps, mais certains de ses attributs
physiques. L’un comme l’autre peignent la
chair de sorte que soit traduite sa
vulnérabilité. Chez Bacon la chair est vivante par les plaies que lui
infligent ses débordements expressionnistes. Chez Freud, ce sont les traces du
temps qui s’inscrivent indélébilement sur la surface de la peau. Ce temps de
l’ennui des modèles, de l’affaissement des chairs, de l’usure physique et
mentale qui se lit dans les regards vides. Ce temps, à la fois réel et
représenté, porte à lui seul tout le crédit de la véracité de sa peinture.
Contrairement à la
vraisemblance qui est une illusion, la
véracité s’obtient quand le peintre réussit à faire fusionner une qualité
réelle avec une qualité représentée. La gestualité de l’action painting appartient à la fois au registre de la
représentation et à celui de la réalité tangible. Il en va de même pour un
certain sens du temps qui pèse dans la peinture de Freud. L’image qu’il
produit, d’hommes et de femmes atterrés, n’est que l’indice d’une épreuve
réelle subie pendant les longues séances de pose. C’est la patience, pour ne
pas dire la souffrance des modèles, qui confère au tableau sa part de vérité.
En 1954, Freud appelle cela une «
intensification de la réalité ». Le peintre cherche à rendre réel pour
autrui ce qu’il éprouve devant une personne ; cela par une observation
implacable qui ne se soucie guère des convenances.
Le tableau volé
Un petit portrait de Bacon, de la taille d’une carte postale, peint sur cuivre, fut volé à la rétrospective berlinoise de 1988. Il s’agit là d’un des deux seuls portraits de son ami jamais réalisés, contrairement aux nombreux portraits de Freud par Bacon. En 2001, dans un geste désespéré pour le retrouver, Freud a réalisé une affiche, véritable avis de recherche pour le précieux tableau. La figure du peintre décédé en 1992 au-dessus du terme Wanted pouvait induire un tout autre sens, relevé par de nombreux commentateurs. L’affiche, évoquant les avis de recherche du 19e siècle, largement diffusée dans Berlin, transformait la figure du jeune Bacon en dangereux criminel. Les liens qu’entretenait Bacon avec des délinquants ont toujours fasciné Freud ; peut-être fut-ce en hommage à son ami qu’il a choisi de rappeler le côté sulfureux de sa personnalité. Le dernier point, qui ne manque de transformer cet avis de recherche en véritable œuvre conceptuelle, est la ville à laquelle il fut destiné. Afficher un avis de recherche dans sa ville natale, que sa famille avait dû quitter pour fuir la persécution, n’est pas un geste dépourvu d’arrière-pensée ; Berlin lui doit un tableau, et peut-être un peu plus.
[4] Lire à ce sujet, Etrange et fatidique réalité de Jean-Louis Prat, dans le catalogue de l’exposition Bacon-Freud : Expressions, réalisée en 1995 par la Fondation Maeght.
La récurrence des thèmes (le corps, l’atelier) ainsi qu’une certaine constance stylistique peuvent donner l’impression d’une œuvre sans variations, arrêtée dans la confrontation sans fin du peintre à son modèle. Or une lecture plus approfondie des tableaux en révèle la complexité. L’œuvre de Lucian Freud est subtilement hétérogène, ne serait-ce que dans sa façon de donner à voir le corps nu.
La nudité dans After Cezanne n’est pas du même ordre que celle de Sleeping by the Lion Carpet. Elle passe de théâtrale dans le premier, à libidinale dans le second. Le réalisme aussi n’est pas de même nature dans ces deux tableaux. La reprise de Cézanne tire sa véracité d’un artifice dévoilé. Dans le portrait allongé de Sue Tilley, ce même réalisme prend la forme d’un matérialisme radical, tel que pouvait l’entendre Bataille en 1929 dans la revue Documents. Cet exemple de profonde divergence entre deux tableaux, indistinctement qualifiés de nus, rend à présent nécessaire un décryptage détaillé de certaines toiles.
Red-Haired Man on a Chair, 1962-1963
[Homme
roux sur une chaise]
Huile sur
toile, 90 x 90 cm
Collection
particulière
Dr
© Lucian
Freud
Un changement radical va se produire au début des années 60. Le
style de Freud, de linéaire et appliqué qu’il est, va se relâcher. Les formes
semblent posées par grandes masses colorées. Freud a remplacé ses pinceaux par
des brosses. Toute la vitalité de sa peinture est peut-être due à cette
évolution qui, pour certains, doit beaucoup à la fréquentation de Bacon.
Red-Haired Man on a Chair est l’un
des premiers tableaux où Freud expérimente ce nouveau procédé. On y voit Tim
Behrens, étudiant à la Slade School of Fine Art, accroupi sur une chaise dans
l’atelier. L’homme en deux pièces gris semble déstabilisé par sa façon de se
tenir. Plus que son léger désaxement, c’est toute la posture accroupie qui
rompt le voile des convenances. Assis à la manière d’un enfant ou d’un aliéné,
cet homme se livre à nous. Le fait qu’il soit vêtu n’y change rien. C’est déjà comme s’il était nu. Cette façon
d’exposer la personne par un travail sur le corps préfigure les nus à
venir.
Reflection
with Two Children (Self-Portrait), 1965
[Reflet avec deux enfants (autoportrait)]
Huile sur
toile, 91 x 91 cm
Madrid,
Museo Thyssen-Bornemisza
Photo © José Loren, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
© Lucian Freud
Cet autoportrait en contre-plongée est réalisé en 1965. Si l’angle
choisi augmente la distorsion du visage de l’artiste, ce n’est pas là l’élément
déstabilisateur qui rend la composition
inquiétante. Tout modifié qu’il soit, le visage comme l’ensemble du corps
obéit aux règles d’une figuration réaliste. Le peintre semble avoir posé un
miroir au sol pour saisir son image de bas en haut. Les deux lampes derrière
lui, l’une près de sa tête et l’autre au niveau de la hanche, confirment
l’angle de vue inhabituel et augmentent la vraisemblance de l’ensemble.
L’élément déstabilisant est plutôt l’exergue que constituent les deux enfants
en bas du tableau. Deux figures souriantes peintes par-dessus le trait gris qui
fait office de rebord. Contrairement à leur père perçu en contre-plongée, eux
le sont frontalement. En plus de l’angle, leur taille les renvoie à une échelle
différente. Tout concorde pour que les deux jeunes enfants constituent à eux
seuls un autre degré de représentation.
Pas vraiment image dans l’image, mais plutôt portrait à côté d’un autoportrait, cet insert complexifie la
composition. Leur position en marge est comme l’annonce anticipée du rapport
que va entretenir l’artiste avec ses nombreux enfants. Malgré leur importance
pour lui, ils vont souvent devoir se tenir à l’écart de leur père.
Large Interior, Paddington 1968-1969
[Grand
Intérieur, Paddington]
Huile sur
toile, 183 x 122 cm
Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza
Photo © José Loren, Museo
Thyssen-Bornemisza, Madrid
© Lucian Freud
Réalisé de jour dans son atelier, le tableau représente une fillette
allongée par terre. Il s’agit d’Isobel Boyt, une de ses filles. La fillette semble écrasée par la
pesanteur, et contraste avec le déploiement vigoureux de la plante. Toute la
dynamique de la composition naît de la
confrontation entre deux principes opposés. D‘un côté, la lourdeur qui
cloue l’enfant au sol et tire vers le bas le manteau accroché. De l’autre, la
liberté de la plante qui nie par son développement ce principe écrasant.
L’importance de la pesanteur dans ce tableau est accentuée par l’attention
apportée au plan du sol. Le parquet occupe un bon tiers de la toile ;
l’ensemble parait chaleureux, malgré l'incommodité de la pose ; la lumière qui
inonde par la baie vitrée derrière la plante y est pour beaucoup.
Two Japanese Wrestlers by a Sink, 1983-1987
[Deux
lutteurs japonais près d’un évier]
Huile sur
toile, 50,8 x 78,7 cm
The Art Institute of
Chicago, Chicago, Restricted gift of Mrs Frederick G. Pick; through prior gift of
Mr. and Mrs Carter H. Harrison, 1987.275
© The Art Institute of Chicago, Chicago
© Lucian
Freud
Il a fallu cinq ans, de 1983 à 1987, pour que soit réalisée cette
toile de taille moyenne. Il s’agit de l’évier de l’atelier W11 de Notting Hill,
peint de nuit. L’architecture du tableau, notamment la façon d’arrêter le cadre
sur le bord de l’évier, évoque un cadrage photographique. L’effet est renforcé
par le choix d’excentrer aussi bien les lutteurs que les robinets. Cette nature
morte est une tentative réussie de représenter du mouvement.
L’eau coule des deux robinets à la fois, et le regard s’aventure à suivre le fil
d’eau jusqu’à son évacuation. Freud choisit de peindre un élément fuyant. Il
lui oppose l’immobilité de l’image des lutteurs. Ce contraste entre le fil d’eau
et la position figée des lutteurs crée un étrange effet de vitalité. L’eau
représentée échappe à sa condition de représentation du simple fait d’être
confrontée à une représentation d’image.
Si l’image de l’eau qui coule diffère une fois de la réalité, l’image des
lutteurs s’en écarte doublement, puisqu’il s’agit de l’image d’une image. Cette échelle interne d’adéquation au réel augmente la vraisemblance du double fil d’eau. Le point de convergence ultime
entre la réalité du tableau et celle du monde est peut-être la saleté au fond
de l’évier. Les tons marrons qui ont servi pour la représenter sont les mêmes
qui maculent le véritable évier. Il s’agit des mêmes pigments. Comme pour les
taches sur les murs reprises dans certains tableaux, la saleté de l’évier opère
comme un point d’identité absolue entre notre réalité et celle du tableau.
Two Irishmen in W11, 1984-1985
[Deux Irlandais
dans W11]
Huile sur toile, 172,7 x 141,6 cm
Collection particulière
© John Riddy
© Lucian Freud
Two Irishmen in W11 est
peint en 1984. La composition s’avère dynamique dans l’étrange va-et-vient
qu’elle instaure, entre le centre du tableau et sa périphérie. Il s’agit d’un
double portrait, où le visage inexpressif du personnage assis occupe le centre
du tableau. Pourtant, sa position centrale ne parvient pas à le rendre
essentiel. Son regard détourné, comme celui absent de son jeune compagnon, nous
pousse vers la fenêtre. Un peu comme dans un ascenseur où la proximité empêche
de se dévisager, on cherche une issue. On la trouve en haut à gauche. Ce qui
nous y attend n’est autre qu’une plongée vertigineuse dans le réel. La
représentation minutieuse de la ville contraste avec les grands coups de brosse
horizontaux employés pour peindre le parquet. Rejetant les règles communes pour
générer l’effet de profondeur, Freud exécute de manière expressive l’avant-plan
et choisit de détailler l’arrière-plan.
La persistance de la vue extérieure et le déséquilibre provoqué par l’excès de
détails nous oblige à revenir à l’intérieur, avec l’impression cette fois-ci de
parcourir un tableau connu. Le dénouement se trouve dans deux petites esquisses
de visages posées contre le mur. Deux fragments, comme pour souligner l’échec du regard comme élément central du
portrait. Ce que dit la composition n’est autre que l’impossibilité de se
concentrer sur un visage, surtout quand la ville à l’arrière nous appelle.
Painter
Working Reflection, 1993
[Peintre
au travail, reflet]
Huile sur
toile, 101,6 X 81,7 cm
Collection
particulière
Courtesy Acquevella Galleries, New York
© Lucian Freud
Dans cet autoportrait réalisé en 1993, Freud se représente nu, une
palette à la main, portant de vieilles chaussures sans lacets. Le peintre
semble scruter du regard son propre corps dans un miroir posé verticalement
face à lui. Contrairement aux portraits de ses proches, allongés, endormis, le
regard fuyant ou distrait, Freud se représente concentré, le regard acéré.
Les muscles sont tendus et l’attitude générale évoque l’action et la vigueur, et non le relâchement habituel qui
caractérise ses modèles. Freud choisit de se peindre en train de peindre,
augmentant ainsi le réalisme du portrait. Le tableau se transforme ainsi
littéralement en miroir.
1. Pluto and the Bateman Sisters, 1995
[Pluto et
les sœurs Bateman]
Huile sur
toile, 175 x 135 cm
Colección
Patricia Phelps de Cisneros
© Patricia Phelps de Cisneros
© Lucian Freud
2. Sunny Morning - Eight Legs, 1997
[Matinée ensoleillée – Huit Jambes]
Huile sur
toile, 234 x 132,1 cm
The Art Institute of Chicago, Joseph Winterbotham
Collection, 1997.561
© The Art Institute of Chicago, Chicago
© Lucian
Freud
Les deux tableaux peints respectivement en 1997 et 1995 ont cela en
commun, de figurer un animal couché, un
humain et une partie de corps.
Dans Sunny Morning - Eight Legs,
David Dawson pose allongé avec un chien dans les bras. Il est éveillé. Une paire
de jambes, les siennes apparaît de sous le lit. La somme des jambes humaines
équivaut aux quatre jambes du chien. Le même équilibre homme-animal ordonne Pluto and the Bateman Sisters. De la
deuxième sœur allongée, on ne perçoit que la partie inférieure du corps. Cette
façon de mêler indistinctement des êtres humains et des animaux a poussé
certains critiques à comparer l’attitude du peintre à celle d’un biologiste. Freud
trouve dans la figure du biologiste un personnage capable de résumer la violence
scopique qu’il exerce sur ses modèles. Les corps morcelés de ces deux tableaux
en sont des indices.
Biologiste, il l’est aussi dans sa façon de dénuder l’homme de son déguisement social et de ses artifices
psychologiques. Dans son devenir animal, l’homme livre son identité profonde.
L’animalité n’exprime pas un mépris de la spécificité humaine ; elle sert
à la définir. Elle est là, dissimulée sous ses vêtements, dans ses rêves et ses
désirs.
Lucian Freud n’aime pas les parallèles avec la science de son grand-père, mais
il est difficile de ne pas voir dans l’usage qu’il fait de l’animalité une
référence à la libido.
Sleeping by the Lion Carpet, 1995-1996
[Endormie
près du tapis au lion]
Huile sur
toile, 228,6 x 121,3 cm
Collection
Lewis
© John
Riddy
© Lucian
Freud
C’est par l’intermédiaire de Leigh Bowery que Freud fait la
connaissance de Sue Tilley. Le corps pléthorique de cette personne obèse a,
pour lui, les mêmes qualités qui ont pu le fasciner dans la corpulence de Bowery : un excès de chair humaine, une
nature démesurée qu’il va falloir contenir dans une représentation. L’enjeu est
le même : pousser l’excès à ses limites, et relever le défi de l’exécution
d’une image fidèle à son modèle.
Les portraits de Sue Tilley, comme ceux de Bowery, ne cachent pas un certain
plaisir de l’artiste à peindre ce qu’il peint. Une jouissance presque
fellinienne de faire face à un corps qui transforme celui qui l’affronte en
enfant. Face à l’énorme Sue, Lucian Freud est bien petit. Il n’est pas nécessaire
de recourir à la psychanalyse pour mesurer ce qu’un tel rapport de force peut
avoir d’érotique. Sue Tilley n’est certainement pas un monstre mais bien une
odalisque : c'est-à-dire une femme
désirée. Encore faut-il se libérer la vue des canons actuels, réduisant le
corps désirable à quelques standards précis, pour s’en rendre compte. Ce nu
endormi est l’incarnation du désir qui assume son propre débordement.
Naked Portrait with Red Chair, 1999
[Portrait
nu avec fauteuil rouge]
Huile sur
toile, 204,5 x 120,7 cm
Collection
Lewis
© John
Riddy
© Lucian
Freud
Réalisé en 1999, ce tableau surprend par l’articulation raisonnée
des différents éléments peints. Les meubles, fauteuil et lit, ne sont pas
secondaires à la composition. La chair du modèle, tout en restant centrale,
n’épuise pas les ressources picturales mises en œuvre par le peintre. Le corps
décharné de la jeune fille se déploie en diagonale, constituant avec l’autre
diagonale que dessine le lit, une croix.
Le fauteuil inoccupé ne semble là que pour souligner l’inconfortable posture de
celle qui ne s’en sert pas. Le corps,
tout en étant au centre du tableau, n’est qu’un élément parmi d’autres dans l’architecture de
l’ensemble. C’est plutôt la chambre et sa façon de contenir qui serait le sujet
de cette toile.
After Cézanne, 2000
[D’après Cézanne]
Huile sur
toile, 214 x 215 cm (dimensions irrégulières)
Canberra, National Gallery of Australia, Purchased
with the assistance of the Members of the NGA Foundation, including David Cœ,
Harold Mitchell AO, Bevelly Mitchell, John Schaeffer and Kerry Stokes AO, 2001
Photo © National Gallery of Australia, Canberra
© Lucian
Freud
Réalisé en 2000, After Cezanne est une reprise d’un tableau peint entre 1872 et 1875 : l’Après-midi à Naples. Une Servante apporte des boissons à
un couple enlacé. C'est un sujet cher à Cézanne, qu'il va décliner en plusieurs versions différentes. Freud achète en 1999 à New York celle qu'il reprend. S'il choisit de maintenir les principaux
éléments de la composition initiale, il est intéressant de voir ce qu’il en
fait. Freud ne
peint pas, comme Cézanne, un instant intime perçu sur le vif, mais une mise en
scène élaborée s’efforçant de rendre lisible une lecture personnelle du tableau
initial. Comme dans le cas d’autres reprises, Freud se fait commentateur. Il
choisit de laisser des indices du caractère reconstitué de la scène. Un peu
comme un metteur en scène, il rejoue avec des modèles l’Après-midi à Naples. La scène
reconstituée redevenant à son tour peinture. Si la disposition générale des personnages est la même dans les deux tableaux, le réalisme de la version de Freud produit un étrange effet d'artificialité. Un peu comme un instantané dont l'excès de détails dévoilerait le caractère recomposé. Dans les deux toiles, la chaise est renversée comme pour insinuer que des ébats ont pu se dérouler auparavant dans la pièce. L’amant semble s’éloigner de celle avec qui il vient de partager
la couche.
Chez Freud comme chez Cézanne, la servante constitue un contrepoint dans
l’équilibre du couple. Elle parait plus attrayante que la compagne du jeune
homme. Le thème des deux tableaux semble être l’amour consommé, la troisième
personne incarnant le changement désiré.
Les nombreuses relations dans la vie du peintre en font un tableau autobiographique, évoquant peut-être sa propre façon
d’éprouver la fin d’une relation. Le fait qu’un des modèles soit son fils
augmente cette interprétation. La toile initialement rectangulaire a été
augmentée d’un rectangle, en haut à gauche, pour pouvoir contenir la servante.
Une troisième personne qui n’ayant initialement pas sa place, va la trouver
dans l’espace d’un ajout.
After Cezanne fait partie des nombreux tableaux réalisés d’après d’autres œuvres : outre Cézanne, il a repris des peintures de Chardin, Watteau ou Constable. After Watteau, par exemple, s’inspire du Pierrot Content peint en 1712. Il ne s’agit pas d’une copie mais d’une interprétation personnelle de la mise en scène initiale.
Catalogues sur Lucian Freud
• Lucian Freud, L’atelier, sous la direction de Cécile
Debray, Centre Pompidou, 2010
• Bacon – Freud : Expressions, Fondation Maeght, 1995
Autres ouvrages
• Les Deux Corps du roi, Ernst
Kantorowicz, Gallimard, 2000
• Francis Bacon, Centre Pompidou, 1996
• Documents,
réédition intégrale de la revue, éd. Jean-Michel Place, Paris, 1991
• Francis Bacon : Logique de la sensation, Gilles Deleuze, Seuil, 1989 (1ère édition)
• Trois essais sur la
théorie sexuelle, Sigmund
Freud, Gallimard, 1989
• Ainsi parlait Zarathoustra, Friedrich Nietzsche, Œuvres Complètes, Gallimard
Liens internet
De nombreuses vidéos consacrées à Lucian Freud peuvent être consultées sur le réseau internet
• Table ronde avec
Cécile Debray, commissaire de l’exposition, Jean Clair, historien de l’art,
François Rouan, peintre, Claire Brunet, psychanalyste et critique d’art, le
mercredi 16 juin à 19h, Petite salle.
• Une œuvre vue par…
Jean-Louis Gaillemin, maître de conférences à l’Université de Paris IV, le
samedi 10 avril à 17h et Philippe Comar, professeur à l’École nationale
des beaux-arts de Paris, le samedi 17 avril à 17h. Rendez-vous dans
l’exposition.
• Visites commentées le
samedi à 15h30 en français.
• Visites pour le public handicapé,
le 10 avril.
• Guide multimédia,
présentation de l’exposition dans un parcours de 40’.
• Catalogue sous la
direction de Cécile Debray ; Album de l’exposition ; DVD réalisé
par David Dawson.
En savoir plus : consulter la page Agenda de l’exposition
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Crédits
© Centre Pompidou,
Direction de l’action éducative et des publics, mars 2010
Texte : Christophe Catsaros
Maquette : Michel Fernandez
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education
rubrique
’Dossiers pédagogiques’
Coordination : Marie-José Rodriguez (responsable éditoriale des dossiers
pédagogiques)