Dossiers
pédagogiques/Collections du Musée
Un mouvement,
une période
Futurisme, Rayonnisme, Orphisme Les avant-gardes avant 1914 |
|
Umberto Boccioni, Nature morte à la bouteille, 1912 |
LES AVANT-GARDES avant 1914 : l'héritage du cubisme
Les artistes et leurs œuvres
Umberto Boccioni, Nature morte à la bouteille, 1912
Luigi Russolo, Dynamisme d'une automobile, 1912-1913
Michel Larionov, Journée ensoleillée,1913-1914
Nathalie Gontcharova, Les Porteuses 1911
Robert Delaunay, Une fenêtre, 1912-1913
Sonia Delaunay, Prismes électriques, 1914
Textes
de référence
F. T. Marinetti, Extrait du Manifeste du Futurisme,
février 1909
Robert Delaunay, extrait de Du cubisme à l'art abstrait,
1957
Robert Delaunay, Correspondance Albert Gleizes-Robert
et Sonia Delaunay, 1926-1947
Ce dossier sinscrit dans une série Un mouvement,
une période, qui sera régulièrement augmentée dans cette partie du
site.
- Ces dossiers sont réalisés autour dune sélection duvres
des principaux mouvements ou tendances représentés dans les collections du Musée
national dart moderne.
- Sadressant en particulier aux enseignants ou aux responsables de groupe,
ils ont pour objectif de proposer des points de repères et une base de
travail pour faciliter l'approche et la compréhension de la création
au 20e siècle, ou pour préparer une visite au Musée*.
Chacun de ces dossiers comporte :
- une présentation générale permettant de définir et de situer le mouvement
dans un contexte historique, géographique et esthétique,
- une sélection des uvres des collections du Musée les plus représentatives,
traitées par fiches comportant une notice duvre,
une reproduction et une biographie de lartiste,
- un ou plusieurs textes de référence apportant en complément une approche théorique,
- une chronologie,
- une bibliographie sélective.
*À NOTER
Les collections du Musée comportent 59 000 œuvres. Régulièrement, le
Musée renouvelle les œuvres présentées dans ses espaces situés aux 4e et 5e
niveaux du Centre Pompidou. Les dossiers pédagogiques sont réalisés en lien
avec ces accrochages.
Pour en savoir plus sur les collections du Musée : www.centrepompidou.fr/musee
La recherche artistique européenne connaît autour de 1910 une accélération sans précédent. A la suite des ruptures stylistiques que représentent le Cubisme et le Fauvisme en France, ou lExpressionnisme en Allemagne, une grande diversité dinitiatives se manifeste dans le domaine des arts plastiques. En particulier, après le travail de Braque et Picasso, qui produisent alors une peinture hermétique analysant la construction mentale qui sopère dans la perception des formes, certains peintres à travers toute lEurope ressentent le besoin de réintroduire la vie au centre de lart. Cest ainsi que la couleur et le mouvement, abandonnés par le Cubisme analytique, reviennent au premier plan des préoccupations picturales avec les Futuristes, les Rayonnistes ou Robert et Sonia Delaunay.
Les peintres du Futurisme italien, principalement Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo et Gino Severini, regroupés en 1910 autour du poète Filippo Tommaso Marinetti, proclament lidentité de lart et de la vie par le biais de la notion de vitesse. Héritant de la philosophie de Bergson et de la théorie de la relativité dEinstein selon lesquelles la stabilité est une illusion rétrograde, ils choisissent la vitesse comme moyen de percevoir et dacquiescer au principe fondamental qui régit le monde moderne, le mouvement. Ils souhaitent un art total, comme lindiquent leurs nombreuses activités parallèles à la peinture : la musique, larchitecture, le théâtre, le cinéma, la mode, la décoration et même la cuisine. Le Futurisme est un art de vivre.
À leur suite, les Rayonnistes, du nom de la théorie formulée en 1912 et mise en pratique par Michel Larionov et son épouse Nathalie Gontcharova, font surgir la vie de leur peinture en rendant visibles les vibrations sans cesse en émulation qui lient un sujet à son milieu.
Robert et Sonia Delaunay, dont luvre est baptisée par Guillaume Apollinaire du nom de Cubisme orphique, célèbrent la vie en centrant leurs recherches sur les manifestations de la lumière, qui est pensée comme un principe créateur originaire. Se diffractant en disques colorés, animés entre eux dune tension perpétuelle grâce au principe des contrastes simultanés et à leur texture plus ou moins transparente, la lumière exprime à elle seule le dynamisme du tout. La couleur, libérée de la fidélité au réel par les Fauves et les Expressionnistes, est désormais parfaitement autonome, affranchie de la forme.
Jusquà la Première Guerre mondiale, ces artistes, parfois alliés, parfois rivaux, poussent leurs recherches à leur apogée, participant à toutes les expositions les plus radicales de lépoque, par exemple le Premier Salon dAutomne de Berlin en 1913, où ils sont tous présents.
Après la guerre, leur optimisme commun nest plus dactualité. En Italie, avec larrivée au pouvoir des fascistes en 1922, un second Futurisme plus ambigu poursuit ses activités, à côté dune nouvelle peinture introspective, celle de Giorgio De Chirico, Mario Sironi ou Alberto Morandi. En Russie, la Révolution soviétique stimule lutilisation des techniques mécaniques appropriées à un art de masse, le graphisme, la photographie, le cinéma. Tandis quen France, la guerre met fin aux initiatives davant-garde pour privilégier un retour à la perspective classique, un retour ou un rappel à lordre.
La plupart de ces textes sont extraits ou rédigés à partir des ouvrages La Collection, Musée national dart moderne, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1987, et La Collection, Acquisitions, 1986-1996, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1996.
Umberto Boccioni
Reggio di Calabria, 1882 - Vérone, 1916
Umberto
Boccioni, Nature morte à la bouteille, 1912
Huile sur toile marouflée sur isorel
52,7 x 52,7 cm
© Domaine public
Ce tableau est probablement une étude préparatoire pour la célèbre sculpture
Développement dune bouteille dans lespace, de 1912. Sa
composition, encore marquée par le style symboliste des premières uvres
de Boccioni, révèle néanmoins la leçon apprise du Cubisme
quant à la décomposition des formes. Cependant, si les Cubistes structurent
leurs images par une grille qui juxtapose différentes phases de perception,
lartiste leur emprunte ce procédé de composition pour exprimer, au
contraire, la continuité de moments apparemment successifs.
Le réseau parcourant la toile représente les lignes de force qui relient un objet à son environnement, phénomène qui se perçoit progressivement. La perspective, qui isole un objet de son milieu en lui assignant une position précise, est brisée, au profit dune compénétration des plans qui manifeste linteractivité du fond et de la forme, le dynamisme qui anime potentiellement toute chose. Enfin, le choix du motif, une nature morte à la bouteille, parodie un des thèmes chers aux Cubistes pour mieux indiquer les reproches que le peintre futuriste leur adresse : les Cubistes sisolent dans une problématique uniquement picturale, alors que les Futuristes estiment que lart consiste à prendre acte de lavènement dun monde nouveau fait de vitesse et de mouvement.
Ainsi, lart de Boccioni exprime une vision du monde, formée à partir de lobservation des innovations modernes et des dernières théories philosophiques et scientifiques, selon lesquelles la nature nest plus statique, mais fondamentalement dynamique.
Biographie
Après lobtention du diplôme de lInstitut technique de Catane en 1897, Umberto Boccioni se rend à Rome où sa personnalité intellectuelle se forme : il lit les grands philosophes du 19e siècle comme Nietzsche, Renan ou Sorel, prend des cours de dessin auprès dun affichiste et fréquente latelier de Balla qui linitie à la peinture impressionniste.
En 1906, il séjourne à Paris, puis voyage à Moscou, Saint-Pétersbourg, Vienne, et de nouveau Paris, où il se rend en octobre 1907 pour assister à la rétrospective des uvres de Cézanne. Après ce voyage, il sinstalle définitivement à Milan.
Sa peinture, qui allie la facture post-impressionniste à une iconographie symboliste, senrichit de la connaissance de Munch et étudie particulièrement la diffraction de la lumière en un tourbillon de couleurs.
En janvier 1910, il fait la connaissance du fondateur du Futurisme, le poète Filippo Tommaso Marinetti, et adhère à sa cause. Stimulé par cette rencontre, il rédige avec Balla, Carrà, Russolo et Severini le Manifeste des peintres futuristes, premier texte dune longue série de déclarations dintentions et de réflexions théoriques. Luvre futuriste de Boccioni, peinture et sculpture, se caractérise par un rendu du dynamisme, que le peintre saisit dans un sens bergsonien : lartiste assimile le dynamisme au développement continu dune force dans lespace, à la différence des autres peintres futuristes qui réduisent le temps à lespace en représentant le mouvement comme une succession de moments.
En 1914, il publie un ouvrage fondamental pour lart du 20e siècle, Dynamisme plastique, peinture et sculpture futuristes. Dans ce texte, il énonce les techniques révolutionnaires quil met en pratique, particulièrement dans sa sculpture : utilisation du plâtre pour sa faculté dabsorption de la lumière, introduction dobjets "ready-made" qui jouent dans luvre leurs propres rôles. En 1915, alors que lItalie sengage dans la Grande Guerre, il obéit à son parti pris militariste en incorporant un bataillon de volontaires, décision fatale car il meurt au cours dune manuvre en 1916.
Luigi Russolo
Portogruaro, 1885 - Cerro di Laveno, 1947
Luigi Russolo, Dynamisme dune automobile, 1912-1913
Ancien titre : Composition, Automobile in corsa
Huile sur toile
106 x 140 cm
Don de Sonia Delaunay 1949
AM 2917 P
Ce tableau, qui a appartenu à Robert Delaunay, constitue à lui seul, par son sujet et sa facture, un emblème du Futurisme. Il applique en effet les principes énoncés dans le Manifeste technique de la peinture futuriste de 1910 : "Nous déclarons ( ) quil faut balayer tous les sujets déjà usés, pour exprimer notre tourbillonnante vie dacier, dorgueil, de fièvre et de vitesse".
À travers lautomobile, sujet récurrent chez les peintres futuristes, cest le thème de la vitesse qui est traité et, particulièrement chez Russolo, ses résonances optiques et sonores. La représentation de la machine se trouve ici éclipsée au profit de la traduction plastique de la vitesse : sa silhouette, soulignée par un contre-jour bleu soutenu, est à peine visible, morcelée dans lespace quelle dynamise tout entier. Couleurs en fusion, bâtiments basculés en arrière, chaussées aspirées dans son sillage synthétisent les perceptions visuelles accélérées que lautomobiliste expérimente. La succession dangles aigus concentriques, sur laxe médian de la toile, ordonne toute la surface picturale. Elle traduit, par son rythme même, laccélération puissante du moteur, comme sa vibration sonore qui sétend à lespace tout autour.
Biographie
Issu dune famille de musiciens, Russolo se dirige pourtant dans un premier temps vers les arts plastiques, et notamment la gravure. Il expose des eaux-fortes symbolistes à Milan en 1909, et cest à cette occasion quil rencontre le jeune peintre Umberto Boccioni. Il commence alors à aborder, dans sa peinture, le thème du paysage urbain moderne.
En 1910, en compagnie de Boccioni, il fait la connaissance de Marinetti et adhère au Futurisme. Il signe les manifestes du groupe, participe à leurs expositions collectives ainsi quà leurs tapageuses soirées. Il peint de nombreuses toiles en accord avec lidéologie futuriste dun espace essentiellement dynamique, quil parvient à exprimer grâce à sa maîtrise des couleurs vives et à la clarté de son dessin.Cest en 1913 quil revient à la musique : à lissue dune réflexion sur lutilisation des bruits produits par la vie moderne, il publie son manifeste de la musique futuriste, LArt des Bruits. Dans la nécessité de disposer dinstruments nouveaux adaptés à sa musique, il commence à fabriquer des Intonarumori, des machines à jouer des bruits. Après la Première Guerre mondiale, il donne de grands concerts à Paris, notamment en 1921 au Théâtre des Champs-Elysées, et en Italie. Cocasses et révolutionnaires, ses expérimentations sonores sont à lorigine de la musique concrète et de la musique électronique qui apparaissent à partir des années cinquante.
Michel Larionov
Tiraspol, Bessarabie, 1881 - Fontenay-aux-Roses, 1964
Michel Larionov,
Journée ensoleillée, 1913-1914
(Structure pneumo-rayonniste
basée sur la couleur ; composition )
Huile, pâte à papier et colle sur toile
89 x 106,5 cm
Michel Larionov a offert cette toile
en 1914 à Guillaume Apollinaire
pour le remercier davoir perçu dans son oeuvre "un
raffinement nouveau, apporté non seulement à la peinture
russe, mais encore à la peinture européenne".
En effet, Larionov a contribué à la création
dun style pictural nouveau, le Rayonnisme.
Né autour de 1912, ce mouvement hérite à la fois du
Cubisme, de lOrphisme
des Delaunay et du Futurisme italien,
dont le manifeste général paraît dès le 8 mars dans
un journal russe. Au-delà de ces références, le Rayonnisme
forme son identité à partir de la théorie des "hommes-rayons",
selon lexpression dun autre artiste russe,
Vélimir Khlebnikov :
la peinture, en rendant visible le rayonnement qui
lie un objet à son milieu, se détache de la figuration
pour nexprimer que les seules vibrations.
Journée ensoleillée appartient à la dernière phase du Rayonnisme :
comme lindique son sous-titre, cest une peinture "pneumo-rayonniste",
dans laquelle, comme le dit Larionov lui-même, la "suprême importance est
donnée à la couleur".
Hormis quelques lettres ou notes de musique, toute représentation a disparu. Les éléments du paysages sont dilatés dans le rayonnement de la couleur. Lartiste est parvenu à dissoudre les formes, notamment grâce aux différents reliefs de papier mâché qui parsèment la toile.
Biographie
Après des études à lEcole de peinture, sculpture et architecture de Moscou, où il se plie difficilement à lautorité de ses maîtres, Michel Larionov se rend à Paris en 1906 avec sa compagne Nathalie Gontcharova où leurs toiles sont exposées par le chorégraphe Serge de Diaghilev, organisateur de la section russe du Salon dAutomne.
Visiter un site sur Michel Larionov
De retour en Russie, soucieux de diffuser lart contemporain français dans son pays, il organise en 1908 à Moscou le premier Salon de la revue La Toison dOr, dans lequel il présente, face aux uvres des avant-gardistes russes, des toiles de Pissarro, Van Gogh, Matisse, Braque Soit 450 uvres au total.
À la suite de cette première expérience, il participe à de nombreuses manifestations de lavant-garde russe. Il organise en décembre 1910, en compagnie des frères Bourliouk, peintres du Futurisme russe, la première exposition de lassociation du Valet de carreau, cadre dans lequel il expose les bases de sa théorie rayonniste de la peinture.
En 1911, il réoriente son travail à partir dicônes et dimages populaires russes et fonde le groupe de la Queue dâne avec, entre autres, Casimir Malévitch et Vladimir Tatline.
En 1912, il participe aux manifestations du groupe expressionniste allemand du Blaue Reiter.
En 1913, il organise lexposition La Cible, dont le titre fait référence aux uvres des Delaunay, à laquelle participent Malévitch et Marc Chagall ; à cette occasion, il publie son manifeste, Rayonnisme. La même année, il participe au premier Salon dAutomne de Berlin organisé par la galerie Der Sturm, spécialisée dans le Futurisme russe et italien.
Après la guerre, il sinstalle définitivement à Paris et recentre son activité sur la création de costumes et décors de théâtre.
Nathalie Gontcharova
Negaevo (Russie), 1881 - Paris, 1962
Nathalie Gontcharova, Les Porteuses de la série "Vendanges",
1911
Huile sur toile
130,5 x 101 cm
Les Porteuses font partie dun polyptyque composé
de neuf éléments, intitulé Vendanges. Il sagit dune immense
frise qui, par sa technique et son sujet, sinspire de lart populaire
russe. Les différentes toiles représentent des scènes de paysans dansant, buvant,
ou au travail. Pour exprimer la pérennité de ces activités rurales, Nathalie
Gontcharova a utilisé, comme le montrent les Porteuses, des couleurs
mates cernées de contours ocres, qui rappellent les estampes populaires tirées
à partir de gravures sur bois.
Toutefois, le schématisme des formes indique lintérêt de Nathalie Gontcharova pour le Post-impressionnisme européen, en particulier Gauguin, et pour le Fauvisme fréquemment exposé en Russie. Ainsi, cette toile est lun des témoignages de lélaboration de la peinture moderne russe, à la croisée de lart vernaculaire et des recherches formelles des avant-gardes.
Biographie
Originaire dune famille de la petite noblesse russe vraisemblablement apparentée à Pouchkine, Nathalie Gontcharova effectue toutes ses études à Moscou, et notamment à lEcole de peinture, sculpture et architecture, où elle rencontre son compagnon de toute une vie, Michel Larionov.
En 1906, à lappel du chorégraphe et directeur des Ballets russes Serge de Diaghilev, qui organise cette année-là une exposition de peinture russe au Salon dAutomne, elle se rend à Paris pour présenter ses toiles.À la suite de cette expérience, sa peinture, dabord impressionniste, senrichit de la connaissance du Fauvisme et du Cubisme. Mais de retour en Russie, de même que Larionov, elle redécouvre la richesse du patrimoine traditionnel russe et oriental, les icônes et lart paysan vernaculaire. Sa personnalité artistique ainsi affirmée, elle participe à toutes les grandes manifestations davant-gardes russes et internationales, sa notoriété culminant avec la rétrospective de son uvre à Moscou, en 1913, où sont exposées plus de 700 toiles.
Durant cette même année, elle participe avec Larionov et le poète Maïakovski à la création dun cabaret futuriste à Moscou, où les maquillages des visages quelle réalise font scandale.
À partir de 1914, elle se consacre de plus en plus à la création de costumes et décors de théâtre, essentiellement pour les Ballets russes de Diaghilev, ainsi quà lillustration de livres.
En 1917, elle sinstalle définitivement à Paris avec Larionov, sans jamais revoir son pays.
Robert Delaunay
Paris, 1885 - Montpellier, 1941
Robert Delaunay,
Une fenêtre, 1912-1913
Huile sur toile
111 x 90 cm
Achat 1950
AM 2975 P
Cette fenêtre, étude préliminaire à la réalisation dune plus vaste toile, est lune des dernières dune série de vingt-deux, peintes entre 1912 et 1913.
À ce stade de sa recherche, Delaunay parvient à matérialiser "lidée dune peinture qui ne tiendrait techniquement que de la couleur, des contrastes de couleur, mais se développant dans le temps et se percevant simultanément, dun seul coup".
La couleur assume à elle seule la composition de limage, provoquant la sensation de rythme par le seul effet de la confrontation de ses teintes. Les plans colorés se succèdent posés en aplats brillants ou épais et raclés donnant cet effet cadencé. Delaunay propose ainsi une issue à la peinture cubiste de cette époque, qui, concentrée sur la fragmentation de lobjet en phases perceptives, ne produit quune peinture en camaïeux éteints.
Le dessin est relégué au rôle ponctuel débauches de signes qui pointent vers des objets réels, maisons ou Tour Eiffel. Grâce à ces signes, la fenêtre oriente le regard du spectateur vers le monde moderne, la ville où trône une nouvelle Tour de Babel. Ces deux motifs iconographiques, auparavant centraux dans son uvre, passent au second plan, noyés dans une lumière que Delaunay considère comme la véritable essence de la nature. Il sachemine vers labstraction.
Biographie
Après avoir travaillé deux ans dans un atelier de décors de théâtre, Robert Delaunay commence à peindre des toiles impressionnistes quil présente au Salon des Indépendants de 1904. Il enrichit sa réflexion sur la lumière avec la lecture de louvrage scientifique de Chevreul sur la perception des couleurs, ainsi quen observant luvre de Seurat.
En 1907, il découvre le travail de Cézanne, au cours de la grande rétrospective qui lui est consacrée. Cest sans doute grâce à la leçon apprise de ce dernier quil entame une recherche cubiste dans le sens de la déconstruction des formes, par exemple dans les séries des Villes ou des Tour Eiffel de 1910. Mais déjà il réintroduit la couleur, grande absente du Cubisme contemporain, encouragé par le peintre russe Sonia Terk quil vient dépouser. Cette voie le rapproche dartistes comme Paul Klee ou Vassily Kandinsky dont il fait la connaissance, et qui diffusent son travail en Allemagne. Cest ainsi quil devient un modèle pour les peintres expressionnistes du Blaue Reiter.
Sa première exposition parisienne a lieu en 1912, sur linitiative de Guillaume Apollinaire. Cest à lui que lon doit lexpression de "Cubisme orphique" pour qualifier les toiles de son ami, en particulier la série des Fenêtres : dans le mythe dOrphée, la lumière est à lorigine du monde.
En 1913, il est consacré par une grande manifestation à la galerie avant-gardiste berlinoise Der Sturm. Après la guerre, il revient à la figuration en traitant des thèmes modernistes comme le sport ou laviation, puis réalise des peintures décoratives monumentales, comme cest le cas des fresques murales de lExposition universelle de 1937.
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Sonia Delaunay
Gradizhsk (Russie), 1885 - Paris, 1979
Sonia Delaunay,
Prismes électriques, 1914
Huile sur toile
250 x 250 cm
Achat de l'Etat, attribution 1958
AM 3606 P
Chef-d'uvre de la période orphique, cette vaste toile adopte le même format carré que le Manège de cochons, 1922, de Robert Delaunay. Visant à fixer sur la toile les variations éphémères de la lumière colorée émanant des globes électriques, Sonia Delaunay propose une peinture où la couleur devient le sujet unique du tableau : les signes figuratifs, encore lisibles sur le Manège de cochons, s'évanouissent ici au profit d'un ensemble purement formel d'unités colorées.
Le cartouche à gauche hérite de sa récente collaboration avec Blaise Cendrars pour la confection de la Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, ouvrage qui suggère, par leur confrontation sur la page, une équivalence sensible entre les mots et les couleurs.
Ici, l'il ébloui par la lumière décomposée en toutes les couleurs du prisme passe d'une unité colorée à une autre. Il est entraîné par les modifications des couleurs qui circulent en coulées soyeuses et transparentes, élargissant leurs orbes en un parcours impérieux au point d'envahir tout l'espace pictural.
Totalement inobjectifs, c'est-à-dire sans référence à aucun objet ni figure, les disques astraux de Sonia Delaunay ne sont cependant pas des signes neutres : ils vibrent du mouvement qui circule dans leurs veines, de l'énergie de londe ou de la matière en fusion, et traduisent avec éclat l'infinitude de l'espace sensible.
Biographie
Après avoir reçu une éducation cosmopolite à Saint-Pétersbourg, Sonia Terk part étudier le dessin à Karlsruhe, en Allemagne, puis s'installe en 1905 à Paris, où elle découvre la peinture fauve. Elle y rencontre le galeriste et critique Wilhelm Uhde, chez qui elle expose en 1908 et qu'elle épouse en 1909 afin de régulariser sa situation en France. Mais la même année, Uhde la présente à un jeune peintre, Robert Delaunay. Ils se marient en 1910 après l'officialisation du divorce de Sonia, et s'engagent de concert dans l'aventure abstraite.
En 1911, elle réalise sa première uvre abstraite, une couverture de tissus pour leur fils Charles, travail qui manifeste la volonté des artistes de lavant-garde russe de traduire dans un langage moderne leur tradition artisanale vernaculaire. En 1912, elle peint sa première toile abstraite, Contrastes simultanés, qui, à la suite du peintre tchèque Kupka, réduit son motif à la vibration des couleurs sous formes de disques concentriques. Cette lumière est désormais en mouvement, comme le démontrent les théories dEinstein.
En 1913, elle se lie damitié avec Blaise Cendrars et invente avec lui le premier "livre simultané", la Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France. Ce poème, qui se déplie sur un parchemin long de deux mètres, se donne à lire en regard des cercles de couleur peints, comme si le texte et les couleurs exprimaient une inspiration originaire.
1913 est aussi lannée durant laquelle elle crée ses premières robes simultanées, occasion pour Cendrars de lui dédier son poème Sur la robe elle a un corps. Ses vêtements mettent en pratique sa conviction selon laquelle les contrastes de couleurs ne constituent pas seulement une théorie optique, mais sont lessence même de toutes les choses de la vie.
Après la guerre, elle réalise des costumes de théâtre, édite des tissus simultanés, décore des espaces, et même des automobiles, puis se consacre de nouveau à la peinture au sein du groupe Abstraction-Création, fondé par Auguste Herbin et Georges Vantongerloo.
F. T. Marinetti, Extrait du Manifeste du Futurisme,
février 1909
Ce texte est reproduit intégralement par Fanette Roche-Pézard,
LAventure futuriste 1909-1916, Ecole française de Rome, 1983, pp.
65-72.
Manifeste du Futurisme
1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité.
2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace et la révolte.
3. La littérature ayant jusquici magnifié limmobilité pensive, lextase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, linsomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing.
4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre ornée de gros tuyaux tels des serpents à l'haleine explosive... une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que La Victoire de Samothrace.
5. Nous voulons chanter lhomme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite.
6. Il faut que le poète se dépense avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux.
7. Il n'y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-duvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues pour les sommer de se coucher devant l'homme.
8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles !... À quoi bon regarder derrière nous, du moment qu'il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l'impossible ? Le temps et l'Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l'absolu, puisque nous avons déjà créé l'éternelle vitesse omniprésente.
9. Nous voulons glorifier la guerre seule hygiène du monde , le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme.
10. Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.
11. Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées ; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés ; les paquebots aventureux flairant lhorizon ; les locomotives au grand poitrail, qui piaffent sur les rails, tels dénormes chevaux dacier bridés de longs tuyaux et le vol glissant des aéroplanes, dont lhélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de foule enthousiaste.
C'est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd'hui le Futurisme, parce que nous voulons délivrer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires.
LItalie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs.
Nous voulons la débarrasser des musées innombrables qui la couvrent dinnombrables cimetières.
Musées, cimetières ! Identiques vraiment dans leur sinistre coudoiement de corps qui ne se connaissent pas. Dortoirs publics où lon dort côte à côte avec des êtres haïs ou inconnus. Férocité réciproque des peintres et des sculpteurs sentretuant à coups de lignes et de couleurs dans le même musée.
Quon fasse une visite chaque année comme on va voir ses morts une fois par an ! Nous pouvons bien ladmettre ! Quon dépose même des fleurs une fois par an aux pieds de la Joconde, nous le concevons ! Mais que lon aille promener quotidiennement dans les musées nos tristesses, nos courages fragiles et notre inquiétude, nous ne ladmettons pas ! Voulez-vous donc vous empoisonner ? Voulez-vous donc pourrir ?
Que peut-on bien trouver dans un vieux tableau si ce nest la contorsion pénible de lartiste sefforçant de briser les barrières infranchissables à son désir dexprimer entièrement son rêve ?
Admirer un vieux tableau cest verser notre sensibilité dans une urne funéraire, au lieu de se lancer en avant par jets violents de création et daction. Voulez-vous donc gâcher ainsi vos meilleures forces dans une admiration inutile du passé, dont vous sortez forcément épuisés, amoindris, piétinés ?
En vérité la fréquentation quotidienne des musées, des bibliothèques et des académies (ces cimetières defforts perdus, ces calvaires de rêves crucifiés, ces registres délans brisés ! ) est pour les artistes ce quest la tutelle prolongée des parents pour des jeunes gens intelligents, ivres de leur talent et de leur volonté ambitieuse.
Pour des moribonds, des invalides et des prisonniers, passe encore.
Cest peut-être un baume à leurs blessures que ladmirable passé, du moment que lavenir leur est interdit Mais nous nen voulons pas, nous, les jeunes, les forts et les vivants futuristes !
Viennent donc les bons incendiaires aux doigts carbonisés ! Les voici ! Les voici ! Et boutez donc le feu aux rayons des bibliothèques ! Détournez le cours des canaux pour inonder les caveaux des musées ! Oh ! quelles nagent à la dérive, les toiles glorieuses ! À vous les pioches et les marteaux ! Sapez le fondement des villes vénérables !
Les plus âgés dentre nous nont pas encore trente ans ; nous avons donc au moins dix ans pour accomplir notre tâche. Quand nous aurons quarante ans, que de plus jeunes et de plus vaillants que nous veuillent bien nous jeter au panier comme des manuscrits inutiles ! Ils viendront contre nous de très loin, de partout, en bondissant sur la cadence légère de leurs premiers poèmes, griffant lair de leurs doigts crochus, et humant, aux portes des académies, la bonne odeur de nos esprits pourrissants, déjà promis aux catacombes des bibliothèques.
Mais nous ne serons pas là. Ils nous trouveront enfin, par une nuit dhiver, en pleine campagne, sous un triste hangar pianoté par la pluie monotone, accroupis près de nos aéroplanes trépidants, en train de chauffer nos mains sur le misérable feu que feront nos livres daujourdhui flambant gaiement sous le vol étincelant de leurs images.
Ils sameuteront autour de nous, haletants dangoisse et de dépit, et tous, exaspérés par notre fier courage infatigable, sélanceront pour nous tuer, avec dautant plus de haine que leur cur sera ivre damour et dadmiration pour nous. Et la forte et la saine injustice éclatera radieusement dans leurs yeux. Car lart ne peut être que violence, cruauté et injustice.
Les plus âgés dentre nous nont pas encore trente ans, et pourtant nous avons déjà gaspillé des trésors, des trésors de force, damour, de courage et dâpre volonté, à la hâte, en délire, sans compter, à tour de bras, à perdre haleine.
Regardez-nous ! Nous ne sommes pas essoufflés Notre cur na pas la moindre fatigue ! Car il sest nourri de feu, de haine et de vitesse ! Ça vous étonne ? Cest que vous ne vous souvenez même pas davoir vécu ! Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles !
Vos objections ? Assez ! Assez ! Je les connais ! Cest entendu ! Nous savons bien ce que notre belle et fausse intelligence nous affirme. Nous ne sommes, dit-elle, que le résumé et le prolongement de nos ancêtres. Peut-être Soit ! Quimporte ? Mais nous ne voulons pas entendre ! Gardez-vous de répéter ces mots infâmes ! Levez plutôt la tête !
Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles !
F. T. Marinetti
Directeur de Poesia
Robert Delaunay, extrait de Du cubisme à l'art abstrait
Chapitre "Notes sur le développement de la peinture".
Lappellation : les Fenêtres comme titre est encore un souvenir de la réalité concrète, mais au point de vue des moyens expressifs on entrevoit déjà une nouvelle forme dexpression. Ce sont des fenêtres sur une nouvelle réalité. Cette nouvelle réalité nest que lABC des modes expressifs qui ne puisent que dans les éléments physiques de la couleur créant la forme nouvelle. Ces éléments sont, entre autres, des contrastes disposés de telle ou telle manière, créant des architectures, des dispositions orchestrées se déroulant comme des phrases de couleur. Dans cette peinture on retrouve encore des suggestions rappelant la nature, mais dans un sens général et non analytique et descriptif comme dans lépoque antérieure, cubiste. Ces toiles marquent, du reste, la réaction colorée juste en pleine évolution du cubisme.
Cest la naissance, lapparition en France des premières peintures dites inobjectives. Ne partant daucune représentation extérieure, ni allusion aux choses, ni aux figures géométriques, ni aux objets, comme le cubisme qui tourne autour et décrit laspect des objets sous toutes leurs formes et côtés dans un langage plus danalyse que de synthèse et qui encore se cramponne à lancienne position renaissante, spatiale : perceptions compliquées mais toujours ayant un point de départ dans la représentation des aspects de la nature, un rappel, une allusion.
Robert Delaunay, Correspondance
Albert Gleizes-Robert et Sonia Delaunay, 1926-1947
(Association des Amis d'Albert Gleizes, Ampuis, 1993, pp.1-2)
Robert Delaunay, Lettre à Albert Gleizes (extrait), probablement de 1926.
Cest historiquement dans la couleur, élément fonctionnel lié à la forme que je concevais le moyen plastique dexpression. A la couleur, je donnais le rôle unique à construire, élément rythmique et vivant et représentatif, la représentation même.
Ayant fini le clair-obscur, dans le premier cubisme, je navais de croyance que dans la couleur. Je ne laissais pas à la couleur son rôle de coloriage, seulement danimation des surfaces comme chez les primitifs ou limpressionnisme, mais je concevais dès 1912 que le tableau est fonction de la couleur, que ce sont les réactions des couleurs entre elles qui formaient le sujet.
Il y a une grande confusion à notre époque quand on parle de deux catégories de peinture. On emploie le grand mot de peinture abstraite et les primaires, ceux qui sont myopes et stupides de raisonnement parce quils ne discernent rien dans la peinture actuelle qui subit une renaissance fabuleuse, et parce quils ne sont pas de leur temps, empoisonnent toute une critique et le public dit des amateurs. Ce que lon ne peut discerner sappelle abstrait.
Que lon appelle la peinture actuelle peinture pure, celle qui recherche le plus sincèrement les éléments purs qui servent à la conception dun monde nouveau de formes évoquant la nature ou lunivers, cela na rien danormal. La question pour moi dès 1912 était de trouver quels étaient les moyens vivants (pas dans le sens extérieur), les moyens rythmiques.
1909
En février, Marinetti fait paraître à la une du Figaro
la première version du Manifeste du Futurisme.
Ce texte fondateur est composé dun récit mythique
sur la naissance dun homme nouveau qui, une
fois sa métamorphose accomplie, énonce les tables
de la loi futuriste.
Marinetti rédige ensuite une seconde version plus
soignée quil sefforcera par la suite de
faire passer pour la seule unique.
En mars, le Manifeste est traduit et publié
en russe.
En juillet, Louis Blériot traverse la Manche en avion.
Delaunay assiste à son retour triomphal à Paris.
1910
Les peintres que Marinetti a rassemblés autour de lui publient deux manifestes,
Le Manifeste des peintres futuristes et le Manifeste technique de
la peinture futuriste. Au cours de lannée, ils organisent de nombreuses
soirées pour exposer littéralement leur conception de lart : ce sont
des opérations "coup de poings" qui se terminent, pour la plupart,
en bagarre générale qui saccage les lieux. Ils organisent à la hâte leurs deux
premières expositions de groupe à Milan.
En décembre, Larionov organise à Moscou la première exposition de lassociation
du Valet de carreau qui présente des artistes contemporains russes, par
exemple Malévitch, Exter, Kandinsky, Jawlensky, mais aussi des Français comme
Gleizes ou Le Fauconnier : cest vraisemblablement à cette occasion
quil fait connaître sa théorie rayonniste de la peinture.
Delaunay se lie
damitié avec les Cubistes de la Closerie des Lilas, notamment Gleizes,
Metzinger et Le Fauconnier qui ont déjà acquis une renommée internationale.
Il se marie avec Sonia Terk qui lui présente de nombreux artistes de lavant-garde
russe.
1911
Au printemps, Boccioni propose à Milan une Esposizione dArte Libera
(Exposition dart libre) : installée dans une usine désaffectée, la
manifestation présente des artistes davant-garde, mais aussi des peintres
amateurs et des ouvriers. Il sagit pour Boccioni de "montrer que
le sens artistique
est inné dans la nature humaine et que ses formes expressives
correspondent simplement à la plus ou moins grande sensibilité de celui qui
les concrétise".
En désaccord avec le groupe du Valet de carreau quil juge trop
"cézannien" Larionov fonde, en compagnie de Gontcharova, Malévitch
et Tatline le groupe de la Queue dâne, plus proche de lart
vernaculaire russe, sinspirant en particulier des "Loubki",
gravures populaires sur bois.
Delaunay expose à Munich avec le groupe de peintres
expressionnistes du Blaue Reiter, dont font partie Kandinsky et Marc.
1912
Les Futuristes organisent leur première grande exposition hors dItalie,
à Paris, à la galerie Bernheim-Jeune. Puis lexposition voyage à
Londres, Bruxelles
et bien sûr Berlin, à la galerie Der Sturm que
léditeur des manifestes futuristes en Allemagne, Herwarth Walden, vient
dinaugurer. Delaunay désapprouve leur méthode "mécanique", mais
il expose quelques toiles à leurs côtés pour la deuxième exposition de la galerie
Der Sturm.
Un groupe futuriste se forme en Russie avec, à sa
tête, le poète Maïakovski : il publie son Manifeste
du Futurisme russe, La Gifle au goût du public.
Delaunay présente sa première exposition personnelle à Paris, organisée par
Guillaume Apollinaire. Dans lannée, il peint ses premières Fenêtres,
toiles qui sacheminent vers labstraction.
1913
Le premier janvier, Papini, Palazzeschi et Soffici, artistes proches du Futurisme,
font paraître le premier numéro de Lacerba, revue qui collabore largement
à la diffusion de la propagande futuriste jusquen 1915, année dune
rupture violente entre les deux camps.
Russolo organise ses premiers concerts dIntonarumori et publie
son manifeste de la musique futuriste, LArt des Bruits.
Larionov publie le manifeste de la tendance artistique quil représente,
le Rayonnisme.
Par articles interposés, Boccioni et Delaunay se disputent violemment, saccusant
lun et lautre de plagiat.
Sonia Delaunay crée ses premiers vêtements "simultanés".
Walden organise lHerbstsalon, Premier Salon dAutomne de Berlin,
à la galerie Der Sturm : Futuristes, Orphistes et Rayonnistes sont
invités.
La célèbre exposition de lArmory Show à New York, qui fait
découvrir les avant-gardes européennes au public américain, le travail de Picasso,
de Duchamp ou de Delaunay par exemple, se déroule sans les Futuristes qui ont
refusé dy participer : ils nacceptent pas que leurs travaux
soient présentés parmi dautres. Cette décision est fatale à la diffusion
du mouvement outre-Atlantique.
1914
Au début de lannée, Marinetti se rend à Moscou et Saint-Pétersbourg :
il se fâche avec Larionov qui lui reproche dêtre passéiste, alors que
Malévitch le soutient contre Larionov.
En août, lAllemagne déclare la guerre à la Russie et à la France. Les
Futuristes militent pour lintervention de lItalie dans la guerre.
Balla réalise ses premiers vêtements futuristes anti-neutres, aux couleurs du
drapeau italien.
Delaunay peint son Hommage à Blériot qui annonce son
retour à la figuration.
1915
La revue Lacerba rompt violemment avec le Futurisme qui na plus
dorgane de presse pour faire sa promotion.
En décembre, la dernière exposition
futuriste présentée en Russie, 0.10, est organisée par Pougny. Malévitch
y participe en faisant découvrir ses toiles suprématistes : du Futurisme,
il passe à lart abstrait dont il devient une figure majeure.
1916
Boccioni, qui sétait engagé volontairement dans larmée italienne,
meurt dun accident de cheval. Avec lui disparaît une certaine conception
du Futurisme.
Larionov et Gontcharova renouent avec les Futuristes italiens,
avant de sombrer dans loubli. Séjournant à Rome, ils collaborent à la
création de décors de spectacles avec Balla, Depero et Prampolini.
1918
La revue Roma Futurista est fondée : cest le début dune
seconde époque pour le Futurisme.
Essais
- Georges Bernier et Monique Schneider-Maunoury,
Robert et Sonia Delaunay : naissance de l'art
abstrait, Editions J.C. Lattès, Paris,
1995.
- Gérard-Georges Lemaire, Le Futurisme, Editions
du Regard, Paris, 1995.
- Fanette Roche-Pézard, LAventure futuriste
1909-1916, Ecole Française de Rome, 1983.
Catalogues dexposition
-
Robert et Sonia Delaunay, catalogue raisonné, Centre Pompidou-Musée national d'art moderne,
2003
-
Robert Delaunay, 1906-1914, de l'impressionnisme
à l'abstraction, Mnam/Cci, Paris, 1999
-
Nathalie Gontcharova, Michel Larionov, Mnam, Paris, 1995
- Futurisme et Futurismes, catalogue réalisé à l'occasion de l'exposition Futurismo & Futurismi du Palazzo Grassi de Venise, 1986, Paris, Editions
Le Chemin Vert, 1986
- Le Futurisme: 1909-1916, Mnam, Paris, 1973.
Textes dartistes et
témoignages
- Umberto Boccioni, Dynamisme
plastique. Peinture et sculpture futuriste, Editions
de lAge dHomme, Lausanne, 1975.
- Giovanni Lista, Futurisme. Manifestes
Documents Proclamations, Editions de lAge
dHomme, Lausanne, 1973.
- Bénédikt Livchits, LArcher à un il
et demi, Editions de lAge dHomme,
Lausanne, 1971.
- Robert Delaunay, Du cubisme à l'art abstrait,
documents inédits, S.E.V.P.E.N., Paris, 1957.
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