Hors Pistes
Un autre mouvement des images

Du 18 janvier au 3 février 2013 - Cinéma 2, Petite salle, Forum -1

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Hors Pistes. Affiche

Hors Pistes. Affiche

Hors des pistes et des catégoriesRetour haut de page

Hors Pistes « n’est pas un festival ‘sur’ »Retour haut de page

Rendez-vous organisé depuis 2006, Hors Pistes se lance chaque année hors des pistes éprouvées, par tous les temps et sur les continents, pour explorer la variété que revêt l’image en mouvement aujourd’hui. 2006, l’année de sa première édition, était aussi celle de l’accrochage des collections modernes et contemporaines, Le mouvement des images. Un accrochage surprenant, qui plongeait le visiteur du Musée dans des salles obscures, apportant un regard novateur sur les rapports qu’ont entretenus, depuis les années 1920, les arts plastiques et l’image cinématographique. Hors Pistes a gardé la passion de ces mariages et cousinages, de ces images où tendent à disparaître les frontières entre les arts.

« Je suppose que le festival Hors Pistes n’existerait pas en tant que tel s’il était possible d’écrire un texte résumant ses objectifs ; il me semble que toute sa légitimité vient justement de là : ce n’est pas un « festival sur ». Les films qui y sont montrés n’ont pas de points communs, tant d’un point de vue formel que narratif… », écrivait, en 2008, la critique et historienne de l’art Elisabeth Wetterwald. Bien que véridique, il faut bien faire la part du paradoxe dans cette formulation. Sans doute, serait-il plus exact de dire qu’il n’y a pas de définition simple de Hors Pistes.
Si Hors Pistes a l’ambition de lancer des passerelles avec d’autres programmations du Centre Pompidou, de Vidéodanse à Prospectif cinéma en passant par Vidéo et après et Cinéma du réel, c’est-à-dire programme aussi bien des films sur la danse, des films ou des vidéos d’artistes, des courts ou moyens métrages documentaires, c’est à chaque fois en opérant un certain déplacement. L’artiste enrichit la dimension documentaire de son regard singulier ; la confrontation au réel donne une signification nouvelle aux recherches sur la forme ; la réintroduction du récit, voire de la fiction, renouvelle les différents genres.
Hors Pistes n’a jamais dévié de sa trajectoire : découvrir de la nouveauté dans le labyrinthe international des productions de chaque année en cours. Pour l’édition 2013, pas moins d’un millier de films ont été visionnés.

Intuitif et interdisciplinaireRetour haut de page

Festival Hors Piste détails de l'affiche

Hors Pistes. Affiche (détails)

La première édition, en 2006, présentait, sur trois jours, des moyens métrages français et internationaux, un format alors en plein essor qui permettait de créer de nouvelles formes de narration dans des durées cinématographiques inusuelles. Réalisés par des cinéastes, des chorégraphes, des plasticiens, ces films, peu diffusés, devaient y trouver une audience. L’édition s’ouvrait de plus avec une carte blanche donnée à Valérie Mrejen, romancière, plasticienne et cinéaste, « une touche-à-tout exigeante », à la recherche d’une « interdisciplinarité instinctive », comme l’est l’ensemble de ce festival, intuitif et interdisciplinaire en étant les maîtres mots.
La seconde édition ajoutait, aux trois journées de projections, des tables rondes avec les réalisateurs qui partagèrent avec le public leurs expériences de fabrication : de l’écriture à la mise en chantier du film, de son élaboration aux moyens de sa réception, décrivant ainsi peu à peu les contours d’une œuvre Hors Pistes.

Au fur et à mesure des années, les week-ends se sont étendus sur plusieurs semaines, puis, à partir de 2011, les projections ont été programmées sur trois semaines complètes. S’y ajoutait une partie « exposition », pour présenter d’autres dispositifs d’images en mouvement, des installations multimédias. Depuis trois ans, Hors Pistes est donc à la fois un festival et une exposition. Dans les salles, une sélection délibérément hétéroclite de l’image contemporaine, symptomatique de l’année écoulée, plonge le spectateur seul dans l’obscurité, tandis que l’espace d’exposition devient une expérience collective en rassemblant des œuvres autour d’une thématique étroitement liée à l’image.

La variété des formes de l’image en mouvementRetour haut de page

S’il reste difficile de résumer les objectifs de Hors Pistes, on peut en donner des caractéristiques. Sa première particularité est donc de présenter la variété des formes de l’image en mouvement aujourd’hui, la seconde de ne pas se limiter aux images artistiques mais d’y mêler des images scientifiques, télévisuelles ou encore des images d’amateurs. Ainsi, Hors Pistes est-il un observatoire qui remet en cause les catégories qui séparent radicalement images savantes et images d’amateurs, pratiques savantes et pratiques amateurs.

Les projections

La projection d’un film utilise un dispositif type. La pellicule, sous l’effet d’une source lumineuse est projetée sur l’écran dans une salle obscure et fermée, où le spectateur, assis, regarde défiler l’image. La description semble aller de soi, mais c’est en interrogeant précisément ce dispositif et en le remettant en cause que sont nées d’autres formes d’images en mouvement.
Hors Pistes montre donc des projections classiques et des propositions plus performatives où l’artiste interagit avec l’image qu’il a fabriquée au préalable ou qu’il produit en direct, soit sous forme musicale ou à l’aide de logiciels qui permettent de la manipuler. Il peut aussi capter des images provenant de webcams…

Les installations

L’installation propose la mise en scène de l’image en mouvement dans un dispositif. Elle peut être interactive et nécessiter la contribution du spectateur.

Les images performatives en réseau

Le film est travaillé à partir de jeux vidéo en ligne, de Second Life ou d’une webcam, par exemple. Souvent très graphiques, les images produites constituent des mondes singuliers, interrogeant des sujets liés au réseau : l’avatar, l’immatériel, le copyright, le regard de l’internaute, producteur et regardeur pouvant être savant ou amateur.

Ces images peuvent être présentées sous forme de projection ou d’installation, être déjà fabriquées ou produites en direct et, dans ce cas, n’être qu’éphémères, n’exister que le temps de la réalisation du film.

La programmation 2013Retour haut de page

Dans les salles, une sélection internationale de films, 30 focusRetour haut de page

En salles, Cinéma 2 et Petite salle (Forum, niveau -1), Hors Pistes présente une sélection de plus de 60 films internationaux, célébrant les récits déconstruits, les films hybrides et les narrations détournées aux démarches novatrices. Trente focus sont consacrés à autant d’artistes qui, après la projection de leurs travaux les plus récents, présentent leurs pièces antérieures et débattent de leur démarche avec le public.

Yuri Ancarani, Justin Bennett, Gaelle Boucant, Lucien Castaing Taylor, Barry Doupé, Redmond Entwistle, Simmohammed Fettaka, Elise Florenty, Luke Fowler, Beatrice Gibson, Go Shibata, Raphael Grisey, Anthony Gross, Stefan Lugbauer, Mathias Meyer, Olafur Olafsen et Libia Castro, Alex Pou, Marie Reinert, Ben Rivers, Till Roeskens, Denis Savary, Raphaël Siboni et Fabien Giraud, Amanda Treger et Erik Moskowitz, Sarah Vanagt, Eleonore Weber…

Quelques exemples

Pas de visuel pour cette oeuvre

Redmond Entwistle, Walk-Through
USA / UK / 2012 / 18' / vostf

Walk-Through porte sur la fameuse école d'art de Los Angeles, the California Institute of the Arts. La documentant comme une abstraction, comme une possible fiction, le film en fait le point de départ d'un questionnement sur les modèles pédagogiques des années 1970 et leurs évolutions, ainsi que sur les discours qui entourent la production artistique. Redmond Entwistle déploie dans ce film tout son talent de réalisateur, en imaginant notamment une formidable remémoration collective et critique du cours de Michael Asher.

Anthony Gross, The Shrinking City (Sipowicz in Detroit)

Anthony Gross, The Shrinking City (Sipowicz in Detroit)
GB / 2012 / 33'29" / vostf

Sorti tout droit de la série NYPD Blue, le détective Sipowicz enquête à Detroit sur les causes économiques de l'effondrement de la ville. Il suit un explorateur urbain qui, devant les mêmes faits que lui, voit les choses sous une toute autre perspective. La projection de The Shrinking City est accompagnée à la batterie par David Aylward, lequel, comprenant l'œuvre davantage comme une sculpture visuelle que comme un film, viendra déconstruire un peu plus le récit présenté.

Marie Reinert, Roll-On Roll-Off

Marie Reinert, Roll-On Roll-Off
France / 2012 / 24'

Roll-On, Roll-Off explore les entrailles d'un navire, scrute le plein et le vide de cette architecture navale, contraignant le corps des navigants et celui des manutentionnaires. L'enregistrement de cet espace, opéré de manière parcellaire, crée une distorsion des repères et prolonge cette logique d'abstraction et d'espaces fragmentés propre à l'univers de l'artiste.

Till Roeskens, Plan de situation : Consolat-Mirabeau

Till Roeskens, Plan de situation : Consolat-Mirabeau
France / 2012 / 86’

Qu'il soit à Sélestat, dans la banlieue parisienne, en Palestine ou au Québec, Till Roeskens enquête sur les lieux, leurs histoires et leurs hommes. Ses travaux n'ont de cesse de penser l'espace tel qu'il est vécu, perçu, partagé, et d'interroger les micro-histoires qui le constituent. S'ils peuvent prendre la forme de conférences, de films tels que Plan de situation, d'expositions ou de livres, le ton en est toujours le même : celui d'une fascination toujours renouvelée pour le réel et les territoires, et d'une évidente propension à l'insoumission.
« Nous mettrons quelques chaises en cercle au coin d'une rue, et je vous raconterai ce que j'ai vu et entendu là, autour de vous, dans ce petit coin du grand Nord de Marseille. Je prendrai un bout de craie et tracerai sur le sol une carte des espaces fragmentés que j'ai parcourus deux années durant, du port jusqu'au sommet de la colline. Je vous dirai les êtres que j'ai croisés là et ce qu'ils m'ont confié de leurs vies mouvementées. »

Simohammed Fettaka, The Greatest Show on Earth

Simohammed Fettaka, The Greatest Show on Earth
Maroc / 2012 / 5'12

The Greatest Show on Earth, vidéo de Simohammed Fettaka, s'appuie sur la technique du collage et reprend l'histoire du poste de télévision. Ce poste entré dans les foyers et perçu comme diffuseur de la bonne parole, qui a façonné les esprits et les comportements jusqu'à devenir acteur de l'histoire moderne. L'artiste reprend et modernise ainsi une thématique des vidéos des années 1960-1970.

Au Forum, niveau -1, « À la loupe ! »Retour haut de page

Depuis 2011, l’exposition est, contrairement aux projections qui sont monographiques, inspirée par une thématique liée à l’image en mouvement. Et c’est ce qui constitue la troisième spécificité du festival : intuitif et attentif aux influences, orientations, fractures, tendances, Hors Pistes puise ses thématiques dans le monde de l’amateurisme et du web, à l’écoute d’un bruit, d’une rumeur par l’image, d’une préoccupation de société.

Ainsi, en 2011, Hors Pistes a présenté une digression visuelle autour du sport, suite au mondial de football et à l’omniprésence des images que l’événement avait provoquée.
Performances, installations et écrans de projection proposaient une lecture du sport tantôt mis en scène, tantôt détourné de ses fonctions, avec des œuvres qui puisaient dans l’univers des formes, des gestes et des attitudes sportives.
En 2012, la proposition autour de la thématique animale a naturellement fait intervenir des réalisateurs, des artistes mais également des philosophes, des juristes, des scientifiques, des vétérinaires, des écrivains, comme si une véritable chorale, un orchestre polyphonique était nécessaire pour faire entendre la voix mystérieuse de l’animal. La philosophe Élisabeth de Fontenay, auteure notamment du Silence des bêtes, était des nôtres. 

Les deux premiers thèmes s’inspiraient d’une image en mouvement à double titre : en tant que support (l’image en mouvement) et en tant que thématique (le mouvement comme expression vitale du sportif et de l’animal).
L’exposition 2013 s’attache à un sujet plus formaliste : la miniature, charriant avec elle un autre mouvement de l’image : gros plan, plan large, plan rapproché, zoom arrière, zoom avant, soit autant de changements d’échelle propres à la grammaire du médium.
L’image transforme le petit en grand, un minuscule décor devient une gigantesque ville, un infime mouvement se métamorphose en une immense bataille et un petit personnage devient un colosse, telle est la magie de l’image, de Méliès à Kubrick.

Ces transformations d’échelle sont aussi une des tendances actuelles du web, appelée tilt-shift. Le tilt & shift (bascule et décentrement en français), peut-on lire sur différents sites, était, au départ, obtenu par l’utilisation d’objectifs à décentrement pour des besoins professionnels, notamment pour photographier des maquettes en architecture. Démocratisé à l’ère numérique grâce à des logiciels tels que Photoshop et à l’évolution des appareils photos eux-mêmes, ce procédé permet de générer le flou. Nette sur le sujet mais floue autour, la photo ou la vidéo tilt-shift laisse croire qu’elle a été prise de très près, et produit un effet de maquette ou de miniature, la scène apparaissant comme minuscule.

L’édition 2013 se consacre donc à cette thématique à travers une dizaine d’installations qui jouent sur la transformation du réel tout en mettant à nu le dispositif technique qui, ici, participe de l’œuvre.

Cécile Babiole, Pierre-Yves Boisramé, Mohamed Bourouissa, Teri Wehn-Damisch, Flatform, David Guez, Jennifer et Kevin McCoy…

Quelques exemples

Jennifer et Kevin McCoy, Eternal Return, 2003

Jennifer et Kevin McCoy, Eternal Return, 2003
Installation

Dans Eternal Return et Traffic, les artistes américains Jennifer et Kevin McCoy revisitent les trucages propres au cinéma. Des dizaines de caméra pointent leurs objectifs sur trois grandes maquettes, un désert, un bal, un embouteillage. Tour à tour les images des caméras, projetées en grand format, métamorphosent les scénettes en bal hollywoodien, en aride désert ou encore en une cacophonie de klaxon, la magie opérant aux yeux des visiteurs. La maquette, nouvel outil de scénarisation du réel, devient l’essence de la fiction.

Pas de visuel pour cette oeuvre

Teri Wehn-Damisch, Je me souviens
Installation

L’installation de Teri Wehn-Damisch, Je me souviens, propose, une restitution imaginaire d’un voyage autour du monde. Des dizaines de miniatures, Tour Eiffel, Taj Mahal, Big Ben, Centre Pompidou… s’exposent comme des pépites, alors qu’un petit film les met en scène ensembles dans un tour du monde improbable. Les miniatures deviennent les protagonistes de la projection d’un souvenir, d’une utopie.

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Mohamed Bourouissa, L’Utopie d’August Sander, 2012
Installation

Dans son installation L’Utopie d’August Sander, Mohamed Bourouissa installe le mouvement inverse en scannant des humains – et plus particulièrement des demandeurs d’emploi –, pour les réduire à de petites statuettes en résine. Les immenses scanners, qui font partie de l’œuvre, permettent de voir de haut la foule de ces hommes. Ils deviennent un outil donnant corps à une masse généralement invisible.

Dans toutes les œuvres présentées, la réduction va au-delà d’une proposition ludique, elle questionne le statut de l’image au sens propre comme au sens figuré.

Hors Pistes 2013
Paroles d’artistesRetour haut de page

FABIEN GIRAUD & RAPHAËL SIBONI

Fabien Giraud & Raphaël Siboni, La mesure Aglaé, 2011

Fabien Giraud & Raphaël Siboni, La mesure Aglaé, 2011
Boucle Vidéo / Full HD / 35 min

Si le cinéma s’est inventé comme enregistrement des mouvements du monde, réglant la cadence de ses images sur la fréquence du vivant, comment alors filmer le minéral et la singularité de son temps propre ? Tourné à l'aide d'une caméra de super-ralenti dans l'aile de minéralogie fermée au public du Muséum National d'Histoire Naturelle, ce film nous montre un musée devenu pierre. Dans ces espaces minéralisés, nous nous tenons au sein d'un objet radicalement indifférent à notre présence. Ce que nous contemplons donc, c'est la possibilité de notre propre absence.

Fabien Giraud (né en 1980) et Raphaël Siboni (né en 1981) vivent et travaillent à Paris. Issus des pratiques du documentaire et du cinéma, Fabien Giraud et Raphaël Siboni se sont rencontrés à l’ENSAD. Après un passage au Fresnoy, ils débutent leur collaboration en 2007. D’un questionnement initial sur les communautés contemporaines et les modes d’individuation qui les travaillent, leur démarche s’ouvre progressivement à une redéfinition de la notion même d’expérience artistique.
www.fabiengiraudraphaelsiboni.com

DAVID GUEZ

David Guez, Disque dur papier, 2012

David Guez, Disque dur papier, 2012
Installation, livre, voix, projection

Disque dur papier propose le stockage de données numériques sur un support « papier » via la miniaturisation du code informatique des fichiers, permettant ainsi une sauvegarde et un 'reload' éventuel en cas de disparition de la version magnétique.
Disque dur papier parle de la fragilité d'une civilisation du « tout numérique ».
En réduisant la taille de la police de caractère imprimable à la limite du visible, ce livre ne dépasse pas quelques centaines de pages et permet, en cas de disparition de la version numérique, d'avoir une véritable mémoire de sauvegarde. Chaque page du livre Disque dur papier constitue un segment de mémoire qui, par la magie d'une fonction de reversion (le scanning), permettra de reconstituer le film dans son entièreté.

Ce passage du numérique au papier, et plus généralement le passage de nos données du monde virtuel au monde réel par l'hyper réduction du code et son inscription sur des supports solides, empêche l'amnésie collective, contrainte par la fragilité de ces nouveaux supports de stockage.
Pour Hors Pistes, David Guez présente le Disque dur papier du code informatique du film de Chris Marker, La Jetée, réalisé en 1962.

Depuis 1995, David Guez réalise des projets artistiques dont les deux moteurs fondamentaux sont la notion de « lien » et la participation du « public ». Ces deux approches lui ont permis d’inventer des « objets » et des « matrices » qui questionnent des sujets contemporains et leurs liens avec les nouvelles technologies.
www.guez.org
Disque dur papier : www.guez.org/disquedurpapier/

PIERRE-YVES BOISRAMÉ

Pierre-Yves Boisramé, Installation vidéo sans titre, 2012

Pierre-Yves Boisramé, Installation vidéo sans titre, 2012
Animation 3D, caméra, cadre vidéo, structure métallique,
vidéo projecteurs et poudre de polyamide

L’installation est constituée d’une cabine téléphérique miniaturisée et de trois écrans dont la forme résulte de l’intersection des différents volumes des montagnes qu’ils restituent. Une caméra capte et diffuse en temps réel une image de la cabine dans un cadre vidéo.
J’étais dans un premier temps tenté de filmer depuis une cabine de téléphérique, je l’ai d’ailleurs fait auparavant, mais sans jamais réussir à m’approprier réellement ces images. Une cabine semble donner accès à la réalité d’un paysage dans sa consistance. Et pourtant, le mouvement à travers les fenêtres, l’absence de son et de vent produisent un rapport cinématographique et dès lors fictionnel entre le paysage et les spectateurs. Comme si la cabine était une salle de cinéma se déplaçant tout entière pour produire vainement l’illusion d’un paysage se trouvant déjà sous nos yeux.

L’écart qui existe entre la réalité d’un point A dans une vallée habitée et celle d’un point B au sommet d’une montagne n’est pas vraiment mesurable. D’une part, parce que les deux réalités représentées sont en profond décalage, d’autre part, parce que le mouvement de la cabine joignant ces deux points trouble notre rapport à la réalité. Elle en dessine les contours à mesure que nous en disparaissons, c’est-à-dire à mesure que la réalité de ce paysage nous en exclut, et qu’il ne nous reste plus que la représentation que nous nous en faisons pour interagir avec lui.

« La neige n’est plus un don du ciel, elle tombe exactement aux endroits marqués par les stations d’hiver », disait Baudrillard.
Un des objectifs importants pour moi dans cette installation est de confronter le visiteur à un dispositif produisant le simulacre d’une réalité à une échelle qui n’est pas la sienne. Qu’il soit conscient de la présence, du statut et du fonctionnement du dispositif − de la nature artificielle des éléments le constituant −, ainsi que de son propre statut de spectateur averti et extérieur, tout en éprouvant lui-même physiquement l’illusion du mouvement produit.

Pierre-Yves Boisramé vit et travaille à Roubaix. Il a étudié aux Arts décoratifs de Strasbourg, ainsi qu’à la School of Museum of Fine Arts de Boston, aux États-Unis. Il a ensuite intégré l’École du Fresnoy, où il a réalisé Installation vidéo sans titre pour son projet de fin d’études.
www.pierreyvesboisrame.com

MOHAMED BOUROUISSA

Mohamed Bourouissa, L'Utopie d'August Sander, 2012

Mohamed Bourouissa, L'Utopie d'August Sander, 2012
Installation, scanner, imprimantes 3D, film, photo, statuettes en résine, avec la présence de l’artiste

Au départ, il y a l'idée de faire un monument pour des gens qui ne sont pas visibles, qui n'ont pas d'existence dans notre société, qui sont laissés à la marge. À une époque où chacun est défini selon son activité professionnelle, une importante fraction de la population, sans emploi, souffre d'être considérée comme sans identité, car sans travail.

Une absence de statut à laquelle j’ai souhaité répondre par l'individuation de demandeurs d'emploi, rencontrés pour donner corps à ceux qui constituent cette masse invisible. Des silhouettes sculptées, au visage indistinct, ont été réalisées grâce à un fab-lab mobile servant de studio de prises de vues, et à des imprimantes 3D.
Alignées sur les tables d'expo, elles illustrent le concept marxiste d'« armée de réserve ». Je m'inspire du photographe allemand August Sander, auteur dans les années 1920 d'un ouvrage-monument, Les Hommes du XXe siècle, rassemblant des portraits d'hommes et de femmes classés par archétypes sociaux. À travers ces miniatures, je souhaite montrer mon attachement à une réalité sociale plus qu'à délivrer un message politique.

À trente-quatre ans, Mohamed Bourouissa, né à Blida en Algérie, fait partie de la jeune génération de plasticiens français dont le nom circule sur toutes les lèvres. Représenté par la galerie Kamel Mennour depuis 2010, remarqué à la Biennale de Venise en 2011, exposé cette année au MAXXI de Rome, Mohamed Bourouissa s'est fait connaître grâce à ses photographies d'une banlieue rejouant des conflits millénaires (série Périphérique, 2007-2008) et à une vidéo, Temps mort, aussi poignante que conceptuellement déroutante. Avec pour seuls outils des téléphones portables, l'ancien élève de l’École du Fresnoy y montrait un échange de SMS et d'images entre un détenu et lui-même.

La miniature, le géant et le philosopheRetour haut de page

Le très grand et le très petit, inséparables comme le passage de l’un à l’autre, ont toujours occupé une place essentielle dans l’ordre de la pensée et de l’imaginaire, dans la religion, les arts ou la philosophie.

Dans la mythologie : les géants, nains, lutins…

Laura Heit, Untitled

Laura Heit, Untitled

Au début était le mythe ou la légende. On y prête aux êtres qui s’écartent de la mesure humaine, des caractéristiques qui correspondent à leur taille. Les géants qui peuplent les mythes grecs ont eu l’audace d’affronter Zeus et les dieux ; ils incarnent justement cette démesure, la  fameuse hybris, qui s’étend à tous les aspects de leur personnalité et constitue, dans la civilisation grecque, la faute majeure. Les nains, les lutins, les gobelins ou les gnomes nous viennent quant à eux de la mythologie nordique ou germanique. On leur accorde un caractère industrieux et une grande habileté technique dans la métallurgie…  mais le fer et le feu ne sont jamais très loin de l’enfer. Ils sont réputés malicieux (encore le Malin), ils vivent sous terre. Bref, ils ont mauvaise réputation jusqu’à ce que Wall Disney change leur image auprès du grand public en en faisant les fidèles alliés de Blanche-Neige. Comme on le voit, les représentations liées à la taille sont elles-mêmes sujettes à variations.

Mais les humains ne se contentent pas d’interpréter le monde, ils visent à y exercer du pouvoir. L’idée est qu’en représentant en modèle réduit les personnes, les villes, le monde entier, on peut les dominer ou acquérir sur eux une sorte de maîtrise. Ainsi, les innocentes poupées avec lesquelles jouent les enfants peuvent-elles se muer en armes redoutables permettant de prendre possession d’une personne ou lui jeter un sort funeste (poupée vaudou ou fétiche africain). À l’opposé, les jardins japonais sont pensés un résumé harmonieux d’un monde idéal où les guerriers retrouvaient la sérénité après avoir croisé le fer dans le monde plein de bruit et de fureur qui était le leur. Mais il s’agit ici plutôt d’une salutaire tentative de maîtrise de soi.

Ce sont cependant les changements d’échelle qui nourrissent les perspectives les plus troublantes, les plus suggestives, les plus divertissantes parfois. Pascal fait figure de précurseur en nous faisant sentir la fragilité extrême de la condition humaine, en équilibre précaire entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Mais, c’est un peu plus tard, au 18e siècle, avec l’avènement des Lumières, que ce jeu sur les échelles connaît la plus grande faveur et offre l’occasion aux meilleurs esprits (Jonathan Swift, Voltaire et plus tard avec Lewis Carroll), de brillantes variations dont l’humour ne doit dissimuler la fonction critique. Avec Les Lettres persanes, Montesquieu avait montré qu’un regard éloigné est une arme redoutable pour mettre en lumière les ridicules et les abus que seule l’habitude rend moins visibles à nos yeux.

Le Micromégas de Voltaire

Le changement d’échelle joint à l’éloignement géographique et culturel radicalise le procédé. Dans le Micromégas, publié en 1752, Voltaire mobilise un géant venu de Sirius. Encore que le terme de géant soit ici mal adapté puisque cela suggère l’idée d’êtres humains de très grande taille… Or, Micromégas, jeune et honorable habitant de Sirius, ne mesure pas moins de 8 lieues ou 120 000 pieds soit 36 km. La disproportion rend abstrait le rapport des tailles. À part quelques effets comiques, il ne peut y avoir de relations physiques entre le Sirien et les Terriens. En passant par Saturne, Micromégas s’est trouvé un compagnon de voyage qui ne dépasse pas 1 000 toises, soit 6 000 pieds, soit en principe 1,8 km. Leçon de relativité que commence par nous donner Voltaire puisque cette miniature, 20 fois moins haute que lui, un peu ridicule aux yeux de Micromégas, est encore 1 000 fois plus grande qu’un « nano-terrien ». À la leçon de relativité succède une leçon d’humilité, quand les deux compères débarquent sur la Terre. Comme souvent chez Voltaire, c’est l’église catholique et ses dogmes qui sont la cible principale de la satire. Quand ils entendent une de ces microscopiques créatures leur annoncer fièrement que dieu a mis l’homme au centre de l’univers et qu’il a créé le reste du monde à son usage, les deux voyageurs sont pris d’un fou rire inextinguible dont l’écho résonne encore aujourd’hui.

Les voyages de Gulliver de Jonathan Swift

Dans le genre burlesque, Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift sont une charge violente contre les pouvoirs établis d’une plus grande ampleur et peut-être d’une plus grande portée que le Micromégas. La première édition de 1726 subit d’ailleurs des coupes pour éviter les rigueurs de la censure. Gulliver ne change pas de taille mais, à la suite de ses naufrages, il s’échoue au pays des nains (Lilliput) puis des géants (Brobdingnag). L'identification est plus forte puisque le héros est un humain et que c’est lui qui donne la mesure des êtres et des choses. En outre, la disparité des tailles qui est moindre (de 1 à 12, un lilliputien mesure une quinzaine de centimètres) permet des effets comiques ou dramatiques plus efficaces. La démonstration ne s’appuie pas seulement sur des discours mais sur des situations. Gulliver s’empare à lui tout seul de la flotte du royaume ennemi de Lilliput, il faut mobiliser des troupeaux de bœufs et de moutons pour assurer sa nourriture quotidienne, et des armées d’éboueurs pour évacuer ses excréments. Car, dans la lignée d’un Rabelais, Swift ne recule pas devant la scatologie (ni devant l’érotisme). Ainsi Gulliver éteint-il un terrible incendie qui ravage le Palais Royal en urinant abondamment sur les flammes. Ce pour quoi il sera poursuivi pour sacrilège et condamné, grâce à l’extrême mansuétude du Prince, à avoir seulement les yeux crevés.

Les Aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll

Les Aventures d’Alice au pays des merveilles sont plus tardives (1864 pour le premier exemplaire). Les changements d’échelle n’occupent pas la place centrale dans ce conte centré plutôt sur les jeux de langage. C’est pourtant un « incontournable » car, destiné aux petits comme aux grands (au sens de l’âge cette fois), il aura façonné de façon indélébile l’imaginaire de ses lecteurs par les textes, les illustrations qui les accompagnent, les films qu’ils inspirent. Ah, cette chère Alice devenue géante et imaginant envoyer un courrier à un de ses pieds à qui elle ne peut plus parler directement, pauvre Alice devenue toute petite et manquant de se noyer dans le lac formé par les larmes qu’elle a versées quand elle était géante, pathétique Alice qui se demande si, à force de rétrécir, elle ne va pas tout bonnement disparaître. Elle pourrait ainsi demeurer prisonnière de son cauchemar. Mais ce n’est qu’un rêve. Rêvons donc un instant, ou pour l’éternité, puisque c’est peut-être pareil, avec Lewis Carroll, digne héritier des Lumières et souriant prédécesseur du surréalisme.

Permanences contemporaines

Laura Heit, Untitled

Laura Heit, Untitled

Ces changements d’échelle recèlent une irréductible polysémie qui s’oppose à l’apparente simplicité des termes initiaux. Ils dessinent un troublant paysage propre à séduire et à inspirer penseurs et artistes, depuis l’aube de la modernité jusques aux formes les plus contemporaines de la création qui ne cesse, elle aussi, de jouer avec les ambiguïtés de l’image.
Au-delà de variations liées aux transformations de la société, il est frappant de constater la permanence des thématiques et des genres. Le burlesque, le côté « soap opera », l’érotisme servent toujours de toile de fond à une interrogation essentielle et récurrente : ce qui fait notre humanité est-il altéré par les changements de taille ? 
Comment la critique de la démesure et de la manipulation prend-elle une acuité supplémentaire avec l’expérience des tragédies totalitaires ? Comment la poésie et l’autodérision demeurent-elles les vaccins les plus sûrs contre ce type de tentation ?
Les créateurs d’aujourd’hui aiment être les auteurs et les personnages de leurs histoires, ils se veulent tout à la fois les petits-cousins de Voltaire et de Micromégas, d’Alice et de Lewis Carroll. Dans cette veine, auteure et actrice de ses histoires, Laura Heit est tout à la fois la cousine d’Alice et de Lewis Carroll dans la meilleure tradition de l’art contemporain.

 

Ouverture Hors Pistes, vendredi 18 janvier, 20h, Cinéma 1

Laura Heit, The Matchbox Shows
États-Unis / 2012 / 20' / vostf

Hors Pistes confie sa soirée d’ouverture à la performeuse de Portland, Laura Heit.
Le spectacle qu’elle présente : un jeu d’échelle à partir de boîtes d'allumettes qu’elle manipule et qui sont projetées sur un écran géant. Elle initie ainsi une « comédie » visuelle et sonore en direct, tendre et cruelle à la fois.
Une manière de conclure le cycle autour de la jeune scène artistique de la ville de Portland, proposé par Les spectacles vivants du Centre Pompidou.

Et vous, de la puce au géant,
Quelle histoire vous vient à l’esprit ?Retour haut de page

Contributions du public : textes, films, photographies…Retour haut de page

De la puce au géant, en préparant ce dossier, chacun d’entre nous avait une histoire, une anecdote souvent des plus comiques à raconter, des références de films ou littéraires à citer autour de cette thématique de la miniature et du changement d’échelle. Nous avons donc eu envie de connaître les vôtres.
Envoyez-nous par notre adresse mél ou notre adresse facebook, de courts textes imaginés par vous, des citations, des noms d’ouvrages représentatifs pour vous de ce sujet. Vous pouvez également nous indiquer l’url par laquelle nous pourrions retrouver vos photos ou vos vidéos où la notion de changement d’échelle joue un rôle structurel, ou dans la forme, ou dans le récit.
À la fin de Hors pistes, nous mettrons en ligne vos meilleures propositions.

Notre adresse mél : horspistes@centrepompidou.fr
Notre adresse facebook
 : www.facebook.com/hors.pistes

Références, ressourcesRetour haut de page

GlossaireRetour haut de page

Échelle

Vocabulaire
Taille, mesure, démesure, monumental, petit/grand, loin/près, architecture, géographie, perspective, carte, plan, proportion, dimension, maquette, profondeur, illusion

Repères
Jean-Pierre Raynaud, Claes Oldenburg, Jeff Koons, Christo et Jeanne-Claude, Gordon Matta-Clark.

Miniature

Vocabulaire
Enluminure, minuscule, petit, réduire, miniaturisation.

Repères
Olivier Rebufa, Tom Drahos, Antoine d’Agata, Marcel Broodthaers.

OuvragesRetour haut de page

Ressources en ligneRetour haut de page

Lieux à découvrir

 

Pour tout savoir sur les manifestations proposées par Hors Pistes, consulter l’Agenda. Du 18 janvier au 3 février 2013, Cinéma 2, Petite salle, Forum -1

Utopies : des mondes imaginaires vus à la loupe. Du 8 décembre 2012 au 3 février 2013, les mercredis, samedis et dimanches de 14h à 18h. Pendant les vacances scolaires : tous les jours sauf le mardi. Studio 13/16 - Centre Pompidou. Œuvres de l'artiste italien Adalberto Abbate.

 

 

Crédits

© Centre Pompidou, Direction des publics, décembre 2012

Dossier préparé par :
Géraldine Gomez, responsable de la programmation Hors Pistes, Département du développement culturel, assistée de Charlène Dinhut
Roger Rotmann, directeur adjoint du Département du développement culturel
Claire Couffy, chargée de développement des publics, responsable pédagogique, Département du développement culturel
Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques, Direction des publics
Pierre Ryngaert, chargé de médiation pour les publics adultes, Direction des publics.

Michel Fernandez, design graphique
Cyril Clément, intégration
Marie-José Rodriguez, coordination

Dossier en ligne sur mediation.centrepompidou.fr Retour haut de page

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