Dossiers
pédagogiques - Collections du Musée
Un mouvement, une période
Le Pop Art |
|
|
Andy
Warhol,
Ten Lizes,
1963
|
Qu'est-ce
que le Pop Art ?
Les artistes et leurs
œuvres
Jasper Johns, Figure
5, 1960
Roy Lichtenstein, Modular
Painting with four panels, 1969
Claes Oldenburg, « Ghost »
Drum Set, 1972
Robert Rauschenberg,
Oracle, 1962-1965
James Rosenquist, President
Elect, 1960-1961
Andy Warhol, Ten Lizes,
1963
Textes de référence
Lawrence Alloway, Le développement du Pop Art
anglais, 1966
Propos d'Andy Warhol
CHRONOLOGIE
Bibliographie sélective
Contact
Ce dossier s’inscrit dans
une série : Un mouvement, une période, qui
sera régulièrement augmentée dans cette partie du
site.
• Ces dossiers sont réalisés autour d’une
sélection d’œuvres des principaux mouvements ou tendances
représentés dans les collections du Musée national
d’art moderne.
• S’adressant en particulier aux enseignants
ou aux responsables de groupe, ils ont pour objectif
de proposer des points de repères et une base de travail
pour faciliter l’approche et la compréhension de la
création au 20e siècle, ou pour préparer une visite
au Musée*.
Ce dossiers comporte :
- une présentation générale permettant de définir
et de situer le mouvement dans un contexte historique,
géographique et esthétique,
- une sélection des œuvres des collections du Musée
les plus représentatives, traitées par fiches comportant
une notice d’œuvre, une reproduction et une biographie
de l’artiste,
- un ou plusieurs textes de référence apportant en
complément une approche théorique,
- une chronologie,
- une bibliographie sélective.
*À NOTER
Les collections du Musée comportent plus de 65 000
œuvres. Régulièrement, le Musée renouvelle les œuvres
présentées dans ses espaces situés aux 4e et 5e niveaux
du Centre Pompidou. Les dossiers pédagogiques sont
réalisés en lien avec ces accrochages.
Pour en savoir plus sur les collections du Musée : www.centrepompidou.fr/musee
Si le terme Pop Art est aujourd'hui
largement diffusé, en revanche le champ artistique
qu'il désigne ainsi que la problématique qu'il soulève
restent souvent méconnus.
Le Pop Art anglais désigne un groupe
dartistes qui se manifeste à partir de la moitié
des années 50. Son identité se construit autour du
cercle intellectuel lIndependent Group.
Constitué des peintres Eduardo Paolozzi et
Richard Hamilton, du couple darchitectes
Alison et Peter Smithson, du critique
dart Lawrence Alloway, lIG
a essentiellement centré sa recherche théorique sur
la technologie, doù la référence récurrente
du Pop Art anglais à la science-fiction.
Sans communication explicite avec le Pop Art
anglais, le Pop Art américain désigne une tendance
née dinitiatives individuelles. Sil nest
pas un mouvement structuré au sens dun groupe
qui organise des manifestations collectives, il a
néanmoins une cohérence. Globalement issu du travail
de Robert Rauschenberg et surtout de Jasper
Johns, il se caractérise par un intérêt
pour les objets ordinaires, l'ironie, ainsi que par
la confiance en la puissance des images. Le foyer
du Pop Art américain est localisé à New York,
où exposent tout dabord des artistes comme Claes
Oldenburg et Jim Dine, Roy Lichtenstein,
Andy Warhol, puis James Rosenquist,
George Segal, et Tom Wesselman.
Au-delà de leur divergence généalogique, Pop Art
anglais et Pop Art américain se retrouvent
sur le terrain dun postulat commun exprimé par
le terme même de Pop Art. Inventé par Lawrence
Alloway à la fin des années cinquante, ce terme indique
que lart prend appui sur la culture populaire
de son temps, lui empruntant sa foi dans le pouvoir
des images. Mais, si le Pop Art cite une culture
propre à la société de consommation, cest sur
le mode de lironie, comme le donne à
entendre la définition du peintre anglais Hamilton
de sa production artistique : « Populaire,
éphémère, jetable, bon marché, produit en masse, spirituel,
sexy, plein dastuces, fascinant et qui rapporte
gros. »
Cependant, cette référence à
la culture populaire n'est pas sans faire question.
Jusquà quel point le Pop Art peut-il
la citer sans se confondre avec elle ?
Si chaque artiste apporte singulièrement sa réponse,
il apparaît que Pop Art et « Culture
Pop » ne se confondent pas, quils
entretiennent un rapport dialectique. Car si le Pop
Art emprunte ses matériaux à la culture de masse,
celle-ci en retour profite de ses innovations stylistiques.
La tendance Pop prend dès le
début des années 60 jusquen 1970 une dimension
pluridisciplinaire et internationale qui se manifeste
principalement à travers le design italien (par exemple
le célèbre fauteuil Sacco, 1968, de Piero
Gatti qui rappelle les objets mous de Claes
Oldenburg) et les architectures utopiques du groupe
Archigram (comme Walking City, 1964,
imaginée par Ron Herron) issues de lunivers
futuriste de la bande dessinée.
À partir des années 70, les artistes se tourneront
vers des préoccupations beaucoup plus contestataires.
La plupart de ces textes sont extraits ou rédigés à partir des ouvrages La Collection, Musée national dart moderne, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1987, et La Collection, Acquisitions, 1986-1996, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1996.
Jasper Johns
Augusta, Géorgie 1930
Jasper
Johns, Figure 5, 1960
Peinture à l'encaustique sur
toile et papier journal collé
183 x 137,5 cm
Seule peinture de Jasper Johns figurant dans les collections publiques françaises, ce grand numéro 5, enfoui dans la peinture, apparaît comme une figure emblématique de l'art de l'époque. Il représente, presque synthétiquement, le passage d'un art expressionniste abstrait, tel qu'il s'est développé aux Etats-Unis après la guerre, à un recours à la figure qui va dominer, en revanche, la décennie suivante.
Mais ici, comme c'est souvent le cas chez Johns, le motif est ambigu, car il n'est au départ qu'une représentation abstraite et, s'il apparaît comme universellement lisible, il ne renvoie pour autant à aucune symbolique. On songe, bien sûr, à l'emploi du même numéro 5 par Charles Demuth dans une peinture célèbre aux Etats-Unis : I saw the figure 5 in gold, 1928 (New York, The Metropolitan Museum). Cependant, chez Johns, l'usage des nombres, repris périodiquement à partir de 1955, n'est pas idéalisé comme il l'est chez Demuth. Le chiffre 5 est ici objet de peinture, brossé de blanc et de noir, traité en larges touches laissant par endroit apparaître le papier journal collé sur la toile.
Figure 5 provient de la Collection Scull, particulièrement riche en uvres d'art américain d'après-guerre. Le Musée conserve également une série de dix collages originaux sur lithographies reprenant le thème des chiffres : Figure 0 à 9, 1960-1971.
Biographie
Jasper Johns étudie à lUniversité de Caroline du Sud jusquen 1948. Puis, il sinstalle à New York où il apprend le dessin publicitaire, avant dêtre enrôlé dans larmée américaine. De retour en 1952, il réalise des vitrines et travaille dans une librairie. Il se lie damitié avec Robert Rauschenberg à partir de 1954. Ses premières peintures exécutées à la cire, matière épaisse et translucide, présentant des drapeaux, des cibles et des nombres, sont dévoilées au public à loccasion de sa première exposition personnelle à la Galerie Leo Castelli de New York en 1958. Le choix des objets, bidimensionnels et familiers, ainsi que la dissociation opérée entre peinture et expression personnelle annoncent lavènement du Pop Art en même temps que léclipse progressive de lExpressionnisme abstrait.
Cependant, Johns sefforce de se tenir à distance du mouvement, afin de préserver la singularité de son uvre. En utilisant une imagerie issue de lieux communs, « des choses que lesprit connaît déjà », il sinterroge sur la fonction propre de la peinture. La représentation dun même motif lui permet de pratiquer différentes techniques de mise en relief de lobjet.Après sa rencontre avec Marcel Duchamp, par le biais du compositeur John Cage et du chorégraphe Merce Cunningham avec lesquels il collabore, il commence, vers 1960, une série de sculptures représentant des objets ordinaires, comme des ampoules électriques ou des boîtes de bière, en bronze peint, afin de mettre en relief leur toute nouvelle banalité dans le monde humain.
Simultanément, il réalise des dessins et des lithographies qui font de lui un des maîtres contemporains dans le domaine des arts graphiques.
Roy Lichtenstein
New York, 1923-1997
Roy Lichtenstein,
Modular Painting with four panels, 1969
(Peinture modulaire en
quatre panneaux)
Huile et magna sur toile
4 panneaux de 137 x 137 cm
Modular Painting, 1969, est composée de quatre panneaux identiques tant dans leurs dimensions que dans les motifs que lon peut y lire. Cependant leur assemblage est à lorigine de la forme géométrique centrale doù naît limpression que ces panneaux ont des formes hétérogènes.
Lichtenstein est un illusionniste.
Modular Painting, à lexécution impersonnelle
et mécanique, tient le regard à distance pour mieux
le leurrer. Ce tableau, dune simplicité apparente
et austère, peut être interprété comme une référence
ironique à la peinture abstraite.
Toutefois, il ne sagit pas exactement dun
tableau abstrait. Lart abstrait renvoie à lui-même
et nest jamais limage de quelque chose.
Or, le tableau de Lichtenstein est une reproduction,
comme lindique la trame des points, trame que
lon trouve également dans les photographies
imprimées et dans certaines bandes dessinées.
Modular Painting, reproduction peinte de formes
modulaires imprimées dans un journal, est la copie
dune copie. Elle est un agrandissement de ce
quelle reproduit puisque la trame est très visible.
Mais rien nautorise à penser que les formes
modulaires reproduites par Lichtenstein soient de
vraies copies dun original. Loriginal
peut ne pas avoir existé, ni par conséquent sa reproduction.
Ce tableau, dabord pris pour une peinture géométrique
abstraite, qui par définition ne reproduit rien, ne
fait peut-être que simuler sa fonction représentative.
Biographie
Roy Lichtenstein est une des figures majeures du Pop Art américain. En 1961, au moment de l'éclosion du mouvement, il a l'idée de peindre lagrandissement dune image de bande dessinée choisie dans un magazine. Cest le point de départ de toute une série réalisée à partir de bandes dessinées et d'images publicitaires quil poursuit jusqu'en 1964. Lichtenstein est fasciné par l'efficacité de ces représentations populaires où les objets et les passions sont réduits à un essentiel accessible et anonyme qui lui paraît d'une vitalité bien supérieure à l'Expressionnisme abstrait, lequel sombrait alors dans l'académisme.
À la recherche de la plus grande neutralité, il en vient à peindre les effets produits par les techniques de l'imprimerie et les contraintes publicitaires : ses hachures, les aplats de quelques couleurs standard et la trame de points pour l'ombre et le relief. Il conserve ce vocabulaire technique lorsqu'il commence en 1964 une autre série de motifs : des paysages touristiques, des tableaux issus des icônes de l'histoire de l'art moderne, des miroirs hyperréalistes et des toiles qui sont autant de citations de ses uvres anciennes.
Le style qui homogénéise spectaculairement son uvre depuis le premier Look Mickey de 1961 met une distance sensible entre le modèle et son spectateur. Cette manière de traiter les images peut en constituer la critique ironique, acerbe, ou spéculative, comme dans les Modular Paintings de 1969-1970 dont fait partie la version du Musée.
Claes Oldenburg
Stockholm, 1929
Claes
Oldenburg, « Ghost »
Drum Set, 1972
10 éléments en toile, cousus
et peints (peinture vinylique), contenant des billes
de polystyrène
80 x 183 x 183 cm
Avec sa « batterie fantôme » (« Gost » Drum Set), en toile cousue puis peinte en blanc, Oldenburg s'empare d'un objet typique de la culture pop-rock pour lui faire subir une transformation à la fois grotesque et spirituelle. Constituée d'une matière molle, la batterie devient absurde puisqu'elle perd l'un de ses attributs essentiels, la rigidité des caisses de résonance. Mais l'objet devient encore plus fragile et tend à s'effacer, à disparaître, par le biais de sa blancheur, qui évoque le cliché enfantin du fantôme.
La version fantôme est conçue sur la base d'une version molle, qu'Oldenburg a réalisée en 1967 pour une exposition au Guggenheim Museum de New York. Parallèlement à ce travail réalisé en couleur, un projet monumental de chapiteau pour un parc de loisirs à Londres, où les tambours abritaient des auditoriums, a été imaginé dès 1966. Des versions miniatures portables ont vu le jour en 1970.
À travers cette série d'uvres, Oldenburg parcourt un cycle qu'il se propose d'imposer aux objets sur lesquels il travaille. Après une première phase d'énergie et d'activité représentée par une version dure, l'objet se dégrade en s'amollissant, il subit l'entropie jusqu'à la mort, pour achever son cycle dans une version fantôme, phase de décomposition où sa matière s'efface au profit de l'idée. « Gost » Drum Set est cette dernière phrase.
Biographie
Après avoir étudié lart et la littérature dans la prestigieuse université de Yale, Oldenburg suit des cours du soir à lArt Institute de Chicago, de 1950 à 1952. Il sinstalle à New York en 1956 où il rencontre Allan Kaprow, linventeur du happening, qui linvite à participer à ses spectacles. Cest ainsi quOldenburg commence à organiser ses propres happenings.
Influencé par l'art brut, ses premières uvres plastiques assemblent des matériaux de rebut. Au début des années 60, il crée ses premiers objets colorés en plâtre qu'il met en vente dans son atelier The Store. Comme son nom lindique, ce lieu revêt les apparences dune boutique munie d'une vitrine : la démarche de l'artiste consiste à brouiller les codes qui distinguent le marché de lart du commerce courant.Ses sculptures molles sont présentées pour la première fois au public à la Green Gallery de New York en 1962. Il s'agit d'uvres qui bouleversent l'échelle et la matière d'objets quotidiens, objets de l'industrie agro-alimentaire - glaces, frites ou hamburgers - ou accessoires qui meublent imperceptiblement la maison moderne - prises, téléphones ou lavabos. Par la suite, il étend sa recherche en présentant ses objets selon trois versions, une version dure en bois peint, une version molle en tissu ou vinyle, et une version fantôme qui est une reproduction sans couleur de lobjet, chacun de ces états correspondant à l'évolution de la matière vers l'entropie finale.
En complément de ce travail sur la transformation de l'objet, Oldenburg se consacre à des projets de monuments publics, qu'il conçoit à partir des années 70 en collaboration avec sa compagne, l'historienne de l'art hollandaise Coosje van Bruggen. Par le biais desquisses graphiques il propose de peupler le paysage urbain dobjets ordinaires tellement agrandis quils provoquent un effet visuel grotesque, comme le tube de rouge à lèvres installé à lUniversité de Yale en 1969 ou la bicyclette à demi enterrée, récemment réalisée dans le parc de La Villette à Paris.
Robert Rauschenberg
Port Arthur, Texas, 1925
Robert
Rauschenberg, Oracle, 1962-1965
Environnement sonore
236 x 450 x 400 cm
Réalisée en collaboration avec les ingénieurs Billy Klüver et Harold Hodges, Oracle est une sculpture interactive composée de cinq éléments qui sont autant d'objets de récupération (baignoire avec douche, escalier, montant de fenêtre, portière de voiture, conduits de ventilation), appartenant au monde de la « technologie quotidienne », et auxquels est intégré un système sophistiqué de radio captant les diverses émissions du lieu où est présentée la pièce. Les postes de radio étaient à lorigine reliés à une console manipulable par les visiteurs. Les cinq éléments, dont l'emplacement peut varier en fonction de l'espace d'accueil, ont chacun une structure et un fonctionnement particuliers.
Proche de certaines
machines de Tinguely, cet environnement
de machines vivant de leur vie propre, interrogeant
les relations de la Junk Culture
et de la technologie, est cependant chez Rauschenberg
plus tragique que ludique.
Présentée en 1965 à la galerie Leo Castelli de New
York, cette uvre a aussi figuré dans l'exposition
The Machine as seen at the end of the Machine Age,
organisée au Museum of Modern Art de New York en 1968.
Biographie
Après des études de pharmacie et un engagement dans la marine américaine pendant la Deuxième Guerre mondiale, Robert Rauschenberg commence ses études artistiques au Kansas City Art Institute. En 1948, il séjourne à Paris où il sinscrit à lAcadémie Jullian. De retour aux Etats-Unis lannée suivante, il entre au Black Mountain College où il rencontre notamment le compositeur John Cage, avec qui il collabore régulièrement à partir de 1951, et le chorégraphe Merce Cunningham.
Au milieu des années 50, après un grand voyage en Europe, il réalise ses premières peintures intégrant des objets trouvés, les Combines paintings. Héritant de Schwitters, des collages cubistes et des associations surréalistes, ces uvres confrontent des parties peintes dans le style subjectif des expressionnistes abstraits avec des éléments neutres importés des medias.
Grâce à ce type de travail, il triomphe, et avec lui lart américain, en obtenant le premier prix de la Biennale de Venise en 1964.En 1966, il crée, avec lingénieur électronicien Billy Klüver, l'organisme « Experiments in Art and Technology », destiné à orienter les recherches des artistes dans les nouvelles technologies.
Parallèlement, il collabore aux créations de ses amis John Cage et Merce Cunnigham en réalisant régulièrement les décors et costumes de leurs performances.
James Rosenquist
Grand Forks, North Dakota,
1933
Robert James Rosenquist,
President Elect, 1960-1961
Triptyque, huile sur isorel
228 x 366 cm
Rosenquist a très vite trouvé son identité d'artiste : des formats immenses, une manière de peindre à larges et souples coups de brosse, des couleurs vives mais presque toujours éclaircies de blanc qui donnent un effet de profondeur et d'ambiguïté, effet qu'il recherche aussi dans ses brusques ruptures d'échelle apprises de son métier passé de peintre industriel.
President Elect est l'une
de ses rares uvres directement inspirées des
affiches publicitaires. Kennedy était alors
une image d'optimisme pour les Etats-Unis, le gâteau
et la voiture, les signes tangibles de cette nouvelle
ère de prospérité.
Cependant, l'originalité de Rosenquist s'y décèle
déjà : division tripartite de la surface, qui rompt
la monotonie de l'image et permet de multiplier les
points de vue et les significations, ondoiement de
la lumière sur le visage du Président, travail en
grisaille pour les mains qui se greffent comme des
apparitions, où certains ont pu voir une influence
du Surréalisme, niée par l'artiste lui-même.
Biographie
Tout en gagnant sa vie comme peintre industriel, Rosenquist suit à partir de 1953 des cours de peinture traditionnelle à l'Université du Minnesota. Puis il passe l'année 1955 à l'Art Students League de New York dont l'enseignement le déçoit. Pendant ce temps, pour subsister, il s'emploie à peindre de gigantesques panneaux-réclames sur Times Square, apprentissage qui lui sera plus utile que toute autre formation académique.
Devenu l'ami de Rauschenberg et de Johns, mais aussi d'Ellsworth Kelly, il prend définitivement conscience de sa vocation de peintre. Il commence par réaliser des toiles abstraites, mais ne se satisfait pas des tendances contemporaines expressionnistes ou minimales. Il en conserve quelques caractéristiques stylistiques, comme le grand format, les couleurs rompues de blanc, mais s'oriente vers des motifs figuratifs typiques de la société américaine.
En 1962, lors de sa première exposition personnelle à la Green Gallery de New York, ses sujets comme sa technique provoquent de violentes controverses, mais toutes ses toiles sont vendues. Désormais, bien qu'il se soit toujours défendu de toute interprétation de son uvre trop unilatéralement Pop, il participe à toutes les manifestations de cette tendance artistique.
Andy Warhol
Pittsburg, Pensylvannie,
1928 - New York, 1987
Andy Warhol, Ten
Lizes, 1963
Huile et laque appliquées en
sérigraphie sur toile
201 x 564,5 cm
En 1963, lorsque Warhol réalise cette
toile, Elizabeth Taylor est au centre
de l'actualité médiatique : sa prestation dans le
Cléopâtre de Joseph Mankiewicz
est vivement contestée, elle est « trop
grasse » et « trop
bien payée »,
dit un critique à la sortie du film le plus cher de
l'histoire du cinéma.
Toutefois, Warhol n'utilise pas dans cette uvre
une photographie contemporaine, mais un cliché probablement
commandé par les studios de la Columbia Pictures,
pour la promotion d'un autre film, Soudain, l'été
dernier, tourné par le même Joseph Mankiewicz
en 1959.
Cette photographie appartenait à Warhol, parmi une cinquantaine d'autres portraits de Liz Taylor. L'artiste, en donnant à voir cette image, invite à comparer les traits de l'actrice, avant et après la pneumonie virale qui avait menacé de l'emporter en 1961. Le portrait glamour de 1959 prouve que l'enregistrement photographique a d'ores et déjà immortalisé celle-ci au moment de l'apogée de sa beauté, ce que Warhol, avec cette toile, rappelle à la mémoire du public.
Il utilise ici le procédé sérigraphique
qui consiste à reporter mécaniquement une image sur
une toile en la réduisant à ses traits essentiels.
Dépouillée de ses détails, la forme acquiert une plus
grande efficacité visuelle. Outre ce pouvoir,
cette technique, issue de l'industrie publicitaire
pour laquelle Warhol a travaillé, lui permet d'approcher
son idéal d'objectivité, selon lequel la perfection
serait la reproduction à l'identique. Cette opération
aurait pour effet de séparer l'image des significations
qu'on lui attribue pour n'en conserver que l'apparence,
l'image pure.
Pourtant, la multiplication des portraits de « Liz »
ne satisfait pas à l'exactitude de la reproduction
: aucune image n'est identique à l'autre.
Avec cette uvre, Warhol s'achemine vers le cinéma qu'il pratique dès la fin de l'année 1963 : d'une peinture composée sur le modèle d'un photogramme et représentant l'actrice la plus emblématique d'Hollywood, il passe à la réalisation de films expérimentaux qui sont comme la dilatation dans le temps d'un arrêt sur image.
Biographie
Issu d'une modeste famille d'origine slovaque, Andrew Warhola entreprend à partir de 1945 des études de graphisme à Pittsburgh, puis, après lobtention de son diplôme en 1949, s'installe à New York comme illustrateur pour des revues telles que Vogue ou The New Yorker. Il réalise aussi des décors pour les vitrines de grands magasins. À cette occasion, il peint en 1960 ses premières toiles représentant Popeye ou Dick Tracy. Mais il constate lannée suivante quun peintre exposé à la célèbre galerie Leo Castelli, Roy Lichtenstein, sest déjà approprié ces personnages pour les introduire dans lart. Il leur préfère alors, à partir de 1962, dautres poncifs de la société de consommation, tels que les boîtes de soupe Campbell ou les bouteilles de Coca-Cola, quil met en image grâce au procédé sérigraphique.
À la mort énigmatique de Marilyn Monroe en août 1962, il travaille à partir de clichés, largement diffusés par la presse mondiale, du visage désormais mythique de la star. Cest à ce moment quil devient l'un des artistes majeurs du Pop Art. Cette fascination pour limage de la mort, qu'il exprime de nouveau dans les séries des accidents ou des chaises électriques, n'est pas sans lien avec son intérêt pour la reproduction mécanique où, finalement, il est toujours question de réduire l'être à sa simple enveloppe.
À partir de 1963, Warhol sentoure dassistants dans son atelier, la Factory, poussant ainsi à son paroxysme le caractère industriel de son travail. Il se consacre alors au cinéma ainsi quà lorganisation, vers la fin des années 60, de performances multimédias avec le groupe de rock le Velvet Underground.
En 1968, après avoir été grièvement blessé par balle dans son atelier, il met fin à l'aventure collective et commence la série des portraits de célébrités, comme Mick Jagger, Calvin Klein, Mao
Au début des années 80, il encourage la jeune génération dartistes new-yorkais, en collaborant par exemple avec Jean-Michel Basquiat. Le site du musée Andy Warhol de Pittsburgh
Qu'est-ce qui distingue le Pop Art
de la Culture populaire ?
« Le développement
du Pop Art anglais », Lawrence
Alloway, 1966 (in Lucy R. Lippard, Le Pop Art,
Paris 1996, Thames & Hudson pour la traduction
française, p. 27)
« Le Pop Art » a été
associé à la « communication de
masse » tant sur le ton de la plaisanterie
que dans les discussions sérieuses : les emprunts
du Pop Art aux mass media ont servi
de prétexte à une identification complète entre la
source dinspiration et son adaptation. Et par
voie de conséquence, on en est arrivé à identifier
les artistes Pop à leurs sources. Une telle
conception est doublement fausse : dans le Pop
Art, limage existe dans un contexte complètement
nouveau, et cest là une différence fondamentale
; de plus, les mass media sont plus complexes
et moins inertes que ce point de vue ne le laisserait
supposer. La célébrité rapide de certains artistes
a été comparée, non sans malveillance, à la gloire
tapageuse de certaines vedettes éphémères. Vers la
fin des années 1940 et au début des années 1950, lart
abstrait américain a établi, à légard de lart
et de ses spectateurs, un nouveau système de références
; au cours de la décennie suivante, cette fonction
normative revint au Pop Art. Alors quon
se posait jusque-là des questions dont limportance
était couramment admise (À quel moment peut-on considérer
quun tableau est terminé ? Quel est le minimum
acceptable pour décréter quun tableau en est
un ?), le Pop Art a donné lieu à dautres
questions : jusquà quel point une uvre
dart peut-elle se rapprocher de sa source sans
perdre son identité ? ou combien de significations
simultanées une uvre dart peut-elle revêtir ? »
Warhol (extraits de Andy Warhol. Rétrospective,
Centre Georges Pompidou, 1990, pp. 457-467)
« Si vous voulez tout savoir sur Andy
Warhol, vous navez quà regarder la surface
de mes peintures, de mes films, de moi. Me voilà.
Il ny a rien dessous. »
« Si je peins de cette façon, cest
parce que je veux être une machine, et je pense que
tout ce que je fais comme une machine correspond à
ce que je veux faire. »
« On a souvent cité cette phrase de moi
: "jaime les choses barbantes". Eh
bien je lai dit et cest ce que je pense.
Mais cela ne veut pas dire que ces choses-là ne me
barbent pas. Bien sûr, ce que je trouve barbant ne
doit pas le paraître à dautres, car je nai
jamais pu regarder jusquau bout les émissions
daventure à la télé, parce que ce sont à peu
près les mêmes intrigues, les mêmes plans et les mêmes
montagnes encore et encore. Apparemment, la plupart
des gens adorent regarder à peu près la même chose
du moment que les détails changent. Moi, cest
tout le contraire. Si je dois regarder la même chose
que la veille au soir, je ne veux pas que ce soit
à peu près la même, je veux que ce soit exactement la
même. Parce que plus on regarde exactement la même
chose, plus elle perd son sens, et plus on se sent
bien, avec la tête vide. »
« Ce qui est formidable dans ce pays, cest
que lAmérique a inauguré une tradition où les
plus riches consommateurs achètent en fait la même
chose que les plus pauvres. On peut regarder la télé
et voir Coca-Cola, et on sait que le président boit
du Coca, que Liz Taylor boit du Coca et, imaginez
un peu, soi-même on peut boire du Coca. Un Coca est
toujours un Coca, et même avec beaucoup dargent,
on naura pas un meilleur Coca que celui que
boit le clodo du coin. Tous les Coca sont pareils
et tous les Coca sont bons. Liz Taylor le sait, le
président le sait, le clodo le sait, et vous le savez. »
« Une fois quon est pop, on ne peut
plus voir les signaux de la même façon. Et une fois
quon a commencé à penser pop, on ne peut plus
voir lAmérique de la même façon. À partir du
moment où on met une étiquette, on franchit le pas.
Je veux dire, on ne peut plus revenir en arrière et
voir la chose sans son étiquette. On voyait lavenir
et ça ne faisait aucun doute. On voyait des gens passer
devant sans le savoir, parce quils pensaient
encore comme autrefois, avec des références au passé.
Mais il suffisait de savoir quon était dans
lavenir, et cest comme ça quon sy
retrouvait. Il ny avait plus de mystère, mais
les surprises ne faisaient que commencer. »
« Les artistes pop faisaient des images
que tous les passants de Broadway pouvaient reconnaître
en un quart de seconde : des bandes dessinées, des
tables de pique-nique, des pantalons, des personnes
célèbres, des rideaux de douche, des réfrigérateurs,
des bouteilles de Coca
Toutes ces choses modernes
formidables, que les expressionnistes abstraits sefforçaient
de ne surtout pas remarquer. »
« Je ne crois pas que ce soit bientôt la
fin du Pop Art. Les gens sy intéressent et lachètent
encore, mais je ne saurais pas vous dire ce que cest
que le Pop Art, cest trop compliqué. Ça consiste
à prendre ce qui est dehors et à le mettre dedans,
ou à prendre le dedans et à le mettre dehors, à introduire
les objets ordinaires chez les gens. Le Pop Art est
pour tout le monde. Je ne crois pas que lart
devrait être réservé à quelques privilégiés, je crois
quil doit sadresser à la masse des Américains,
et dailleurs ils sont généralement ouverts à
lart. Je pense que le Pop Art est une forme
dart aussi légitime que les autres, limpressionnisme,
etc. Ce nest pas de la frime. Je ne suis pas
le grand prêtre du Pop Art, je suis simplement un
de ceux qui travaillent là-dedans. Je ne minquiète
ni de ce quon écrit sur moi ni de ce que les
gens peuvent penser de moi en le lisant. »
« Je nai jamais compris pourquoi,
quand on meurt, on ne disparaît pas tout bonnement.
Tout pourrait continuer comme avant, à la seule différence
quon ne serait plus là. Jai toujours pensé
que jaimerais avoir une tombe sans rien dessus.
Pas dépitaphe, pas de nom. Jaimerais en
fait quon lise dessus : "fiction". »
1956
Exposition This is tomorrow à la Whitechapel
Gallery, Londres, organisée par le critique Lawrence
Alloway, inventeur du terme « Pop Art ».
Les uvres exposées intégraient des éléments
de la culture populaire : images de Marilyn Monroe,
publicité pour le film Planète interdite
1957
Leo Castelli, qui sera lun des grands promoteurs
du Pop Art, ouvre sa galerie à New York.
1958
Premières expositions personnelles de Jasper Johns
et de Robert Rauschenberg à la Galerie Leo Castelli
à New York.
1960
Andy Warhol exécute ses premières peintures à partir
de bandes dessinées : Dick Tracy, Superman,
Popeye
1961
Première exposition personnelle de Rauschenberg à
Paris, galerie Daniel Cordier.
Oldenburg ouvre le Store, un atelier-magasin
où il expose des objets en plâtre peints, et organise
des happenings. Ce lieu deviendra lannée suivante
le Ray Gun Theater.
1962
Roy Lichtenstein expose ses premières uvres
composées à partir de vignettes de BD, à la galerie
Leo Castelli.
Marilyn Monroe meurt en août, son image est diffusée
dans tous les journaux et magazines. Andy Warhol commence
son travail de portrait multiple à partir de son effigie.
En octobre, la galerie Sidney Janis de New York organise
lexposition The New Realists.
Les artistes européens nouveaux réalistes y sont présentés
comme les précurseurs imparfaits dune démarche
artistique qui ne sépanouit pleinement quavec
les artistes du Pop Art.
Ileana Sonnabend (première femme de Leo Castelli)
ouvre une galerie à Paris qui va introduire les artistes
américains en Europe : elle expose Johns en 1962,
Rauschenberg en 1963, Warhol en 1964.
1963
En novembre, Warhol transforme un loft en studio quil
appelle la Factory, lieu légendaire de la
culture pop, dont les murs sont recouverts de papier
aluminium ; cest le lieu de rendez-vous de tous
les participants à la vie underground new-yorkaise.
Warhol y réalise ses premiers films, Eat et
Kiss.
1964
Le grand prix du jury de la 34e Biennale
de Venise est décerné à Rauschenberg, signe de la
nouvelle prédominance de lart américain sur
lart européen.
1965
Warhol rencontre le groupe du Velvet Underground
quil produit, dont il réalise les pochettes
de disques et organise les concerts.
1967
La galerie Sydney Janis de New York présente l'exposition
Hommage to Marilyn Monroe, qui rassemble de nombreux
artistes, américains et européens, de la tendance
Pop.
1968
Warhol est grièvement blessé de plusieurs coups de
revolver par Valérie Solanas, actrice féministe et
fondatrice du SCUM (Society for Cutting Up
Men), à la Factory.
1969
Une grande rétrospective consacre l'uvre d'Oldenburg
au Museum of Modern Art de New York.
1971
Warhol conçoit la pochette de Sticky Fingers
pour les Rolling Stones, exemple de collaboration
entre les différents domaines de la culture pop.
1974
Lawrence Alloway propose une vision globale du Pop
Art à travers la rétrospective qu'il lui consacre
au Whitney Museum of American Art de New York : le
Pop Art est désormais identifié comme un
moment achevé de l'histoire de l'art.
2001
Exposition Les années Pop : 1956-1968,
Centre Pompidou, Paris.
Essais sur le Pop Art
- Tilman Osterwold, Pop Art, éd. Taschen, 2003
- Lucy R. Lippard, Le Pop Art, Thames
& Hudson, Paris 1996, pour la traduction française.
- Marco Livingstone, Le Pop Art, Hazan, Paris,
2000.
- Artstudio, Spécial Andy Warhol, Printemps
1988.
- François Pluchart, Pop Art et Cie, 1960-1970,
Editions Martin Malburet, Paris, 1971.
Catalogues dexposition
- Les années Pop : 1956-1968,
Centre Georges Pompidou, Paris, 2001
- De Klein à Warhol. Face à face France/Etats-Unis,
Musée dart moderne et dart contemporain
de Nice, novembre 1997-mars 1998
- Andy Warhol. Rétrospective, Centre Georges
Pompidou, Paris, 1990
- Le Pop Art américain aujourdhui, Galerie
dart contemporain des musées de Nice, 1979.
Textes dAndy Warhol
Ma philosophie de A à B, Flammarion,
Paris, 1977 pour la traduction française.
À consulter sur internet
- Les œuvres de ces artistes dans les
collections du Mnam
- George Segal, Movie House, 1966-1967
Pour consulter les autres dossiers sur les expositions, les collections du Musée national d'art moderne, les spectacles, l'architecture du Centre Pompidou
En français
En anglais
Contacts
Afin de répondre au mieux à vos attentes, nous souhaiterions connaître vos réactions et suggestions sur ce document
Vous pouvez nous contacter via notre site Internet, rubrique Contact, thème éducation
Crédits
© Centre Pompidou, Direction de l'action éducative et des publics,
2001
Pour les œuvres d’Andy Warhol, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, James Rosenquist : © Adagp, Paris 2010
Conception : Florence Morat
Documentation, rédaction : Vanessa Morisset
Mise en page : Michel Fernandez
Mise à jour : Aleth Vinchon, 2005 ; Ariane Cock-Vassiliou, 2006 ; Iris Dussolier, 2007 ; Florence Thireau, 2010
Coordination : Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques