Le surréalisme et l'objet
Du 30 octobre 2013 au 3 mars 2014 – Galerie 1, niveau 6

Début du contenu du dossier

Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930-1931


Le Surréalisme et l’objet
Vue de l’exposition, Galerie 1, octobre 2013
Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930-1931
Bois, fer et corde, 60,4 x 36,5 x 34 cm - AGD 1457

IntroductionRetour haut de page

« Toute découverte changeant la nature, la destination, d'un objet ou d'un phénomène constitue un fait surréaliste. »

Préface de la première livraison de La Révolution surréaliste, 1er décembre 1924

« L’homme, ce rêveur définitif, mécontent de son sort, fait avec peine le tour des objets dont il a été amené à faire l’usage... »

André Breton, Manifeste du surréalisme, 1924

Le surréalisme occupe une place essentielle dans l’histoire de l’art et des idées pour la première moitié du 20e siècle. Lors de sa fondation, en 1924, il affirme son ambition subversive, réinventer la création en mettant en avant l’inconscient et le rêve. Cette première phase du surréalisme est connue, celle qui suit beaucoup moins. En 1927, une partie de ses membres, parmi les plus influents, s’engage au Parti Communiste Français et, pour rendre compatible art et matérialisme dialectique, cherche de nouvelles pratiques pour subvertir le réel sans le nier. Après avoir mis au défi la peinture jugée trop bourgeoise, par la pratique du collage, ce sont les limites de la sculpture que le surréalisme va défier en faisant appel à l’objet.

À travers plus de 200 œuvres, des premiers ready-made de Marcel Duchamp aux sculptures de Miró de la fin des années 1960, l’exposition retrace les moments clés de ce recours à l’objet quotidien et propose, sous l’égide de son commissaire, Didier Ottinger, de répondre à ces questions : comment les surréalistes ont-ils procédé pour concilier, dans la pratique artistique, communisme et surréalisme ? Quelles solutions ont-ils trouvées pour les rendre non seulement compatibles mais solidaires ? Pour que le rêve libidinal et la réalité politique, le freudisme et le marxisme, l’idéal et le tangible s’accordent entre eux en vue d’un avenir commun ?

Surréalisme et communismeRetour haut de page

Wang Du, Becompddg, 2013

Le Surréalisme et l’objet
Entrée de l’exposition, Galerie 1, octobre 2013
Wang Du, Becompddg, 2013
De gauche à droite et de haut en bas :
René Magritte, André Breton, Picasso,
Meret Oppenheim, Alberto Giacometti, Max Ernst,
Giorgio De Chirico, Marcel Duchamp, Salvador Dali
Plâtre. Dimensions variables

Trois ans après la publication du premier Manifeste du surréalisme, André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon, Benjamin Péret et Pierre Unik1 s’engagent au Parti Communiste Français. Ils sont convaincus que la rencontre entre surréalisme et communisme est possible. En effet, certaines promesses du communisme coïncident avec les aspirations du surréalisme et parfois les inspirent : la collectivisation, le partage et la libre circulation des ressources et des productions, la « libération » et l’égalité des hommes2, l’internationalisme, etc. De son côté, le PCF refuse de mettre le rêve et l’art surréaliste sur le même plan que sa ligne politique. L’agitation surréaliste lui paraît purement idéaliste et forcément très éloignée du matérialisme historique. Si, pour Breton, le « changer la vie » de Rimbaud rime avec la « transformation du monde » prônée par Marx, du point de vue du PC, l’appartenance des surréalistes en son sein n’a rien d’évident. Il incombe alors aux surréalistes d’inventer des mesures pour cesser d’être « un acteur sans voix », comme le réclame Pierre Naville dans son texte « Mieux et moins bien ».3
La question est grave et la réponse difficile, surtout que la solution doit, selon eux, passer par la production, la matière et la forme artistique et non pas par le contenu ou la signification des œuvres. Il importe de trouver « ce point d’intersection de la ligne politique (philosophique) et de la ligne artistique, à partir duquel [ils] souhait[ent]qu’elles s’unifient dans une même conscience révolutionnaire, sans que soient pour cela amenés à se confondre les mobiles d’essences différentes qui les parcourent »4.

La première réponse, les surréalistes la cherchent, d’abord, dans le collage qui, comme l’écrit Aragon, « est pauvre ». Puis, assez vite, ils se tournent vers les potentialités de l’objet, bien plus solidement ancré dans la réalité quotidienne, en vue de fonder une « physique de la poésie », selon l’expression de Paul Éluard que reprendra Breton.
Les objets deviennent alors les vecteurs de cette nouvelle poésie, qui incite à retrouver les puissances du rêve dans la réalité la plus concrète, celle des objets − qu’ils soient naturels, interprétés, trouvés, perturbés ou, même, des animaux empaillés. Ce sont les supports improbables d’un merveilleux qui n’est pas une négation de la réalité mais son complice le plus précieux.

Ready-made et mannequinsRetour haut de page

Salle 1

L’exposition suit un parcours chronologique. La première salle confronte plusieurs objets « tout faits » de Marcel Duchamp aux mannequins de Giorgio De Chirico et de Man Ray. Dix ans avant la naissance du surréalisme, en 1914, Duchamp et Chirico inventent, en effet, pour l’un le ready-made, pour l’autre un motif, le mannequin, sorti tout autant d’une vitrine moderne que d’une collection d’automates des XVIIe et XVIIIe siècles, qui vont profondément marquer l’imaginaire du mouvement.

Les ready-made de marcel duchampRetour haut de page

Marcel Duchamp, In advance of the Broken Arm, 1915-1964 et Porte-bouteilles (Hérisson), 1914-1964

Le Surréalisme et l’objet
Vue de l’exposition, Galerie 1, octobre 2013
Au premier plan :
Marcel Duchamp, In advance of the Broken Arm, 1915-1964
Bois et fer galvanisé, 132 x 35 cm
et Porte-bouteilles (Hérisson), 1914-1964
Fer galvanise, h : 64 cm, diam. : 42 cm
Au second plan :
Giorgio De Chirico, L’Inquiétude de la vie ou L’astronome, 1915
Huile sur toile, 42 x 33 cm

« En 1913 j’eus l’heureuse idée de fixer une roue de bicyclette sur un tabouret de cuisine et de la regarder tourner », écrit Marcel Duchamp5, le premier à avoir extrait du quotidien des objets qui n’ont « rien d’unique », pour les introduire tels quels (ready-made) ou presque (ready-made aidés) dans le musée. « Fondé sur une réaction d’indifférence visuelle », leur choix n’a rien à voir avec la « délectation esthétique »6. Ce geste est celui d’un ex-peintre qui se méfie d’un art simplement « rétinien ».

Le ready-made, c’est-à-dire l’objet tout fait, plus le titre qui souvent l’accompagne, inaugure une réflexion sur la place et les déterminations de l’art dans la société moderne : « Comme les tubes de peinture utilisés par l’artiste sont des produits manufacturés tout faits, déclare Duchamp, nous devons conclure que toutes les toiles du monde sont des ready-made aidés et des travaux d’assemblage ». Cette incitation à revoir tout l’art du point de vue de l’objet et de l’anonymat de la production industrielle en série ne peut laisser indifférents les surréalistes. Dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme, publié à l’occasion de l’exposition surréaliste de 1938 dont Duchamp assure la scénographie, on peut lire cette entrée : « Les ready-made et ready made aidés, objets choisis ou composés, à partir de 1914, par Marcel Duchamp, constituent les premiers objets surréalistes ». Duchamp est sans doute l’unique artiste que Breton n’a jamais cessé d’admirer et de vouloir à ses côtés dès que l’occasion s’en présente (voir les chapitres consacrés aux Expositions surréalistes de 1947 et de 1959).

Marcel Duchamp, Peigne, 1916/1964

Marcel Duchamp, Peigne, 1916/1964
Ready-made : peigne à chien en acier gris dans un boîtier
1,6 x 18,5 x 5,4 cm

Daté de 1916, ce ready-made est un peigne à chien en acier gris sur la tranche duquel Marcel Duchamp a gravé : « 3 ou 4 gouttes de hauteur n’ont rien à faire avec la sauvagerie », avant de le poser dans son boîtier. Cette formule énigmatique est « destinée à emporter l’esprit du spectateur vers d’autres régions plus verbales »7.

Marcel Duchamp avait l’art de pratiquer les jeux de mots. Les titres de ses ready-made et la formule qui parfois les accompagne, comme c’est le cas ici, sont polysémiques et constituent une clé pour parcourir le réseau de réflexions dont ils proviennent. Ici, la formule peut renvoyer à l’usage du peigne pour chien : une domestication de leur allure sauvage. Le titre peut également évoquer ceux qui peigne(nt) et témoigner du mépris de Duchamp pour cette activité. Il aimait citer cette maxime de la fin du dix-neuvième, dénonçant l’insuffisance conceptuelle de cet art : « bête comme un peintre ».

Les mannequins de giorgio de ChiricoRetour haut de page

Fusions d’humain et d’automate, baignant dans des lumières artificielles, comme en suspens dans des positions et des contextes pour le moins mystérieux, les inquiétants pantins de Giorgio De Chirico, souvent dépourvus de bouche et d’yeux humains, paraissent mécaniques et organiques, modernes et primitifs, industriels et artisanaux, vieux et neufs à la fois. Ils stimulent largement l’imaginaire surréaliste. Entrelaçant le rêve et le cauchemar, ces tableaux, apparemment réalistes par leur composition et l’espace architectural qu’ils décrivent, provoquent d’extraordinaires dépaysements.

Les objets de man rayRetour haut de page

Man Ray, The Coat-stand, 1920

Man Ray, The Coat-stand, 1920
(Porte manteau)
Épreuve gélatino-argentique, 40,4 x 26,9 cm

Au sérieux cérémonial des mannequins de Chirico répondent les objets de Man Ray. Ce dernier n’hésite pas à immortaliser, par la photographie, d’étranges mises en scène qui prennent des allures de collage. Ici, une femme se tient nue derrière un porte-manteau qui remplace ses bras, masque son visage et couvre ses épaules. L’image du corps-pantin est renforcée par le pied en métal qui scinde froidement le corps en deux. Le mi-bas noir porté à la jambe droite en renforce l’effet. Mannequin versus corps vivant, poupée interloquée versus être émancipé. Et Man Ray d’appeler son collage photographique The Coat-stand comme pour éliminer tout doute : ici, c’est l’objet qui prévaut.

Objets à Fonctionnement SymboliqueRetour haut de page

Salle 2

Après leur fascination pour les ready-made duchampiens et les mannequins de Chirico ou Man Ray, les surréalistes s’engagent dans une pratique artistique, le collage, qui ancre l’art dans le réel puis ils vont recourir à l’objet. Dans ce passage du collage à l’objet, la Boule suspendue d’Alberto Giacometti est le déclencheur qui conduit Salvador Dali à inventer les objets à fonctionnement symbolique.

Le passage du collage à l’objetRetour haut de page

En 1930, Louis Aragon organise, à la galerie Goemans à Paris, avec Jean Arp, Georges Braque, Salvador Dalí, Marcel Duchamp, Max Ernst, Juan Gris, Joan Miró, René Magritte, Man Ray, Francis Picabia, Pablo Picasso et Yves Tanguy, une exposition de collages intitulée La peinture au défi. Il l’accompagne d’un long texte dans lequel il affirme la primauté du collage sur la peinture qui ne peut se prêter efficacement au combat contre la société bourgeoise. « Pourquoi se servir de couleurs ? Une paire de ciseaux et du papier, voilà la seule palette qui ne nous ramène pas aux bancs de l’école »8. Citant Lautréamont, il s’exclame : « C’est en ce sens que j’entends la pensée d’Isidore Ducasse : La poésie doit être faite par tous. Non par un. Pauvre Hugo ! Pauvre Racine ! Pauvre Coppée ! [...]. Tics, tics et tics, et que je vous prie de l’adapter à la peinture. »9

Le collage apparaît comme la seule pratique capable de faire converger le surréalisme et le communisme. « La peinture tourne au confortable, flatte l’homme de goût qui l’a payée. Elle est luxueuse. Le tableau est un bijou. »10 Si la peinture participe de l’institution car le musée guette les peintres11, a contrario, « le collage est pauvre », il aide à dépasser l’idée de l’artiste comme génie − « l’art a véritablement cessé d’être individuel »12 − et à « s’affranchir de cette domestication par l’argent »13.

Si les surréalistes n’abandonneront jamais vraiment le collage et « ce qu’il représente de possibilité humaine »14, celui-ci perdra néanmoins sa position centrale au profit de l’objet, comme l’annonce déjà, de manière prémonitoire, Aragon dans son texte : « Duchamp ornant de moustaches la Joconde, et la signant, [...] Picabia signant une tache d’encre et l’intitulant la Sainte-Vierge, sont pour moi les conséquences logiques du collage. […] Un objet manufacturé peut aussi bien être incorporé à un tableau, constituer le tableau à lui seul »15. En effet, les promesses du collage seront bientôt prises en charge par l’objet.

Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930-1931

Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930-1931
Bois, fer et corde, 60,4 x 36,5 x 34 cm - AGD 1457

Non seulement Boule suspendue ressemble à un objet, voire à un jouet d’enfant mais, de plus, le spectateur peut, s’il le désire − chose inédite −, la mettre en mouvement. Constituée d’une boule en plâtre, fendue sur toute sa partie inférieure et suspendue par un fil au-dessus d’une forme en demi-lune également en plâtre, l’œuvre s’insère à l’intérieur d’une structure en métal, recouverte de plâtre elle aussi. En touchant ce fil, le spectateur peut initier le mouvement pendulaire de la sphère, sa fente glissant alors de façon répétitive au-dessus de la forme saillante, sans pour autant la toucher. Ce jeu perpétuel ne peut manquer de marquer l’esprit, de déclencher « l’imagination amoureuse » du spectateur.

Perçue tantôt comme une image de l’onanisme féminin, tantôt comme une scène mystérieusement frustrante, l’œuvre dérange et fascine. Maurice Nadeau note, par exemple : «  Tous ceux qui ont vu fonctionner cette boule […] ont éprouvé une émotion violente mais indéfinissable, en rapport bien entendu avec les désirs sexuels inconscients. Cette émotion ne ressemble pourtant en rien à une satisfaction, mais bien plutôt à un agacement semblable à l'impression d'un manque, au sentiment de quelque chose qui ne peut s'accomplir, mais qui est toujours sur le point d'arriver, un peu comme l'asymptote des mathématiciens ». Selon Rosalind Krauss, La Boule hérite de Sade et évoque la passion pour le sacrifice et la violence que partage le cercle de Bataille auquel appartient, encore à l’époque, Giacometti.16

Tout au long du printemps 1931, Maxime Alexandre17, Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, René Crevel, Pierre Unik, Yves Tanguy, Georges Sadoul et de nouveaux venus, Luis Buñuel, Salvador Dalí, Francis Ponge, Alberto Giacometti et André Thirion se retrouvent dans le petit hôtel particulier de Tristan Tzara, autour de la question des objets. On y parle beaucoup de la Boule suspendue. Les fruits de leurs recherches sont publiés à la fin de l’année 31, dans le n°3 du Surréalisme A.S.D.L.R. (Le Surréalisme au service de la révolution)18.

« Une boule de bois, marquée d’un creux féminin, est suspendue par une fine corde à violon, au dessus d’un croissant dont une arête affleure la cavité ; le spectateur se trouve instinctivement forcé de faire glisser la boule sur l’arête, ce que la longueur de la corde ne lui permet de réaliser que partiellement. »19 C’est ainsi que la Boule suspendue est décrite par Dalí dans ce numéro. Son texte est accompagné d’une photographie de l’œuvre, qui apparaît dans sa deuxième version de l’automne 1930. Les parties en plâtre sont désormais en bois et le métal de la structure a été découvert. Avec ses étranges surfaces lisses, à la fois pointues et arrondies, la sculpture est celle qu’on connaît aujourd’hui20.

les objets à fonctionnement symbolique

C’est dans ce même texte que Dali présente les Objets à fonctionnement symbolique. La boule l’a perturbé au point de les lui avoir inspirés. « Ces objets, qui se prêtent à un minimum de fonctionnement mécanique, sont basés sur les fantasmes et représentations susceptibles d’être provoqués par la réalisation d’actes inconscients. [...] Les objets à fonctionnement symbolique ne laissent aucune chance aux préoccupations formelles. Ils ne dépendent que de l’imagination amoureuse de chacun et sont extra-plastiques. » Dès lors, plusieurs surréalistes vont s’adonner à l’assemblage d’objets célébrant la logique des associations libres et le règne de l’ambiguïté : Breton, Dalí, mais aussi Gala et Valentine Hugo.

Valentine Hugo, Objet, 1931

Valentine Hugo, Objet, 1931
Assemblage d’objets divers : tapis de jeu vert, dès, mains gantées
32,5 x 23 x 9,5 cm

Dali décrit ainsi l’Objet de Valentine Hugo (1931) : « Sur un tapis vert de roulette dont on a enlevé les  quatre derniers numéros, sont posées deux mains, l’une gantée de blanc, l’autre rouge et à poignet d’hermine. La main gantée présente la paume, et entre le pouce et l’index, ses deux seuls doigts mobiles, tient un dé. La main rouge qui étreint la main gantée et dont tous les doigts sont souples, introduit l’index dans l’ouverture du gant, en le relevant légèrement. Les deux mains sont prises dans un réseau de fils blancs aussi ténus que des fils de la vierge et qui sont fixés sur le tapis de jeu par des pointes à tête rouge et blanche diversement disposées. »21

Cette effigie d’un double mouvement arrêté, celui du dénuement des mains et celui du dénouement du coup de dès, captive et excite l’imagination, chosifiant le hasard et suspendant l’entrelacement érotique. L’objet rassemble plusieurs éléments propres au surréalisme : le jeu de roulette et les dés (venus de Mallarmé et Duchamp), tous deux symboles du hasard, ainsi que le gant (présent dans les premières toiles de Chirico, sans oublier un des étonnants gants bleu ciel que portait Lise Deharme, comme Breton le raconte dans Nadja22) ou encore la fourrure (que reprendra Meret Oppenheim pour son Déjeuner en fourrure). La charge érotique est évidente dans cette main qui « s’empourpre d’émotion ou s’ensanglante » (Salvador Dali), se livrant à une caresse intime sur l’autre main qu’elle dégante.
André Breton qui a une relation amoureuse avec Valentine Hugo, en ce début des années 1930, gardera cet objet jusqu’à sa mort dans son atelier de la rue Fontaine.

Alberto GiacomettiRetour haut de page

Salle 3

À la fin des années 1920, Alberto Giacometti rencontre le cercle qui se forme autour de la revue Documents, créée par l’historien de l’art primitif Carl Einstein et le philosophe Georges Bataille. Ses œuvres s’emparent alors des thématiques violentes, sacrificielles, qui caractérisent l’orientation donnée par Bataille à sa revue. Il se rapproche également d’André Masson, Robert Desnos, Max Ernst et de Joan Miró, des surréalistes « dissidents ». Ses sculptures impressionnent André Breton qui lui propose de rejoindre le mouvement surréaliste. Jusqu’en 1935, Giacometti participe aux manifestations du groupe, réalisant des sculptures-objets.

La période surréaliste de Giacometti constitue une phase à part dans son œuvre. C’est en effet la seule, dans sa production, où le rapport à la mémoire (et au rêve) remplace le travail d’après modèle. Avant et après son appartenance au groupe, Giacometti travaillera de manière plus proche de la représentation et de la sculpture traditionnelles.

Alberto Giacometti, Pointe à l'oeil, vers 1931-1932

Alberto Giacometti, Pointe à l’oeil, vers 1931-1932
Bois, fer peint en noir, 12,7 x 58,5 x 29,5 cm - AGD 1326

Alberto Giacometti, Objet désagréable à jeter, 1931

Alberto Giacometti, Objet désagréable à jeter, 1931
Bronze patiné, 22 x 28 x 29 cm - AGD 286

Pendant cette période, Giacometti produit plusieurs pièces dont Pointe à l’œil et Objet désagréable à jeter (1931). Il préfère les appeler « objets mobiles et muets » plutôt qu’objets à fonctionnement symbolique et il s’en explique en ces termes : « L’objet une fois construit, j’ai tendance à y retrouver transformés et déplacés des images, des impressions, des faits qui m’ont profondément ému (souvent à mon insu), des formes que je sens m’être très proches, bien que je sois souvent incapable de les identifier, ce qui me les rend toujours plus troublantes ».23
Giacometti s’intéresse autant, si ce n’est davantage, au mouvement réel qu’aux agitations de l’inconscient : « Malgré tous mes efforts, il m’était alors impossible de supporter une sculpture qui donne l’illusion d’un mouvement, une jambe qui avance, un bras levé, une tête qui regarde de côté, ce mouvement-là, je ne pouvais le faire que réel et effectif, je voulais donner aussi la sensation de le provoquer… ».24

La poupéeRetour haut de page

Salle 4

Cette troisième et dernière salle dédiée aux objets à fonctionnement symbolique, suscités par Giacometti et inventés par Dalí, est consacrée aux différentes versions et inquiétantes apparitions de la poupée de Hans Bellmer. Au début des années 1930, un faisceau d’événements conduit Bellmer à mettre en chantier la fabrication d’une poupée hautement érotisée, concentrant et dilatant le désir, laquelle signe le retour du mannequin chez les surréalistes.

 « Une excitation subjective, ou son image-souvenir, va au-devant de la perception et la prédétermine. »

Hans Bellmer, La petite anatomie de l’image, 1957

Hans Bellmer, La Poupée [1933 - 1936]

Hans Bellmer, La Poupée [1933 - 1936]
Objet articulé - Bois peint, papier mâché collé et peint,
cheveux, chaussures, chaussettes
61 x 170 x 51 cm

Peintre, dessinateur, graveur, sculpteur et théoricien, Hans Bellmer naît à Kattowitz en Allemagne au tout début du XXe siècle. Il entreprend initialement des études de mathématiques supérieures et d’électricité. À Berlin, il travaille comme typographe aux éditions Malik de John Heartfield grâce à Georg Grosz, fréquente les dadaïstes et le milieu de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit). Après une courte carrière comme maquettiste de livres d’enfants, il décide de cesser toute activité pouvant s’avérer utile à l’état nazi naissant et ceci dès 1933. C’est alors qu’il commence la fabrication de la première poupée. Plusieurs événements l’y conduisent : hiver 1932, sa mère lui expédie une caisse contenant les jouets de son enfance, dont quelques vestiges de poupées aux membres disjoints ; au moment où il se rapproche de Grosz, le peintre des automates dadaïstes, il découvre dans un opéra d’Offenbach, L’Homme au sable, la poupée Olympia, qui réactive son souvenir du « fétiche » de Kokoschka.25.

Ce sont ses photographies de la poupée qui sont d’abord connues en France. Publiées en 1934 dans le n°6 de la revue Minotaure sous le titre « Poupée, variations sur le montage d'une mineure articulée », elles signent le retour du mannequin chez les surréalistes.
L’artiste allemand fabrique un être anthropomorphe, clairement féminin qu’il décline entre sculpture, photographie et dessin. Contrairement aux prophètes, astronomes et philosophes métaphysiques des tableaux de Giorgio De Chirico, la poupée est hautement érotisée et dispose d’un visage impressionnant et expressif alors que son corps est constamment ré-agencé et démantelé. Fidèle à l’inquiétante étrangeté que Freud analyse à partir de Gradiva26, la poupée ressemble à la vie mais en est manifestement dépourvue. Avec ses membres manquants, déformés ou en surplus, elle concentre et dilate le désir, elle cristallise les lacunes du rêve et entrecroise les éléments du monstrueux.

Désarticulée et disloquée, elle énonce et bégaie les anatomies du désir et celle de l’image en même temps. Cela devient encore plus tangible dans les dessins de Bellmer. Il illustre des auteurs comme Sade, Kleist, Aragon, Camus, etc. Mais ce sont ses illustrations pour la seconde édition de L’Histoire de l’œil de Georges Bataille et, plus tard, pour son propre livre, La petite anatomie de l’image (1957) qui accomplissent au mieux les duplicités du corps désirant / désiré. Le corps y devient de plus en plus une anagramme élastique, côtoyant les poésies et dessins automatiques de son amie, l’artiste Unica Zürn.

Claude Cahun, Poupée 2, 1936
Epreuve gélatino-argentique, 19,3 x 17,9 cm
Musée d’art moderne de la Ville de Paris
Don de Luce Ostier-Barbier et Bettina Bichler-Barbier, filles de Charles-Henri Barbier, 2001

Dans cette même salle est exposée une photographie de Claude Cahun, Poupée 2, 1936. On y voit une figure en papier journal, où l’on peut lire : « L’Huma », la moitié du nom du quotidien du PC. « Huma » est très proche de « humain ». Est-ce l’humain alors que l’on regarde ?

Entouré d’objets aussi divers qu’un chapeau franquiste, un miroir et un papillon mort, le pantin exhibe une énorme dentition artificielle au milieu du visage. Le mot « dent » est d’ailleurs écrit à plusieurs reprises sur son corps frêle et un tantinet ridicule. D’autres mots sont discernables : « sixième semaine », « liberté espagnole », « nos seins » et, autour du cou du personnage, le mot « monstre ». Ce monstre, ce soldat de papier journal, muni d’une épée à la main qui semble couper le mot « Huma » au niveau des organes génitaux, n’est-ce pas le pantin fasciste de la guerre d’Espagne ?

objets trouvésRetour haut de page

Salle 5

Les objets trouvés ne sont pas des objets à fonctionnement symbolique. Ce sont les représentants les plus directs de la « physique de la poésie » que désire Breton. Libérés du devoir d’être assemblés, ce sont plutôt des objets témoins du « hasard objectif », des concrétisations diverses de rêves et de désirs  humains.

 « La trouvaille d'objet remplit ici rigoureusement le même office que le rêve, en ce sens qu'elle libère l'individu de scrupules affectifs, paralysants, le réconforte et lui fait comprendre que l'obstacle qu'il pouvait croire insurmontable est franchi. »

André Breton, L’Amour fou, 1937

Le contenu de cette petite salle est avant tout sonore. On y entend l’enregistrement par Didier Ottinger, commissaire de l’exposition, du récit d’André Breton où celui-ci raconte sa visite au marché aux puces en compagnie d’Alberto Giacometti, « un beau jour du printemps 1934 », moment inoubliable qui renforcera les liens d’amitié entre le sculpteur et le poète. Ils y découvrent, ou plutôt rencontrent comme l’explique Breton, car c’est l’objet qui choisit son découvreur et non l’inverse, le Cuiller-soulier pour Breton et le Casque Adrian avec visière à système Polack pour le sculpteur.

Anonyme. Cuiller-soulier (La Grande cuiller), s.d.

Anonyme. Cuiller-soulier (La Grande cuiller), s.d.
Bois à cuilleron pointu, 6,6 x 37,2 x 8,2 cm

« À quelques boutiques de là, un choix presque aussi électif se porta sur moi sur une grande cuiller en bois, d'exécution paysanne, mais assez belle, me sembla-t-il, assez hardie de forme, dont le manche, lorsqu'elle reposait sur sa partie convexe, s'élevait de la hauteur d'un petit soulier faisant corps avec elle. Je l'emportais aussitôt. »
Le Cuiller-soulier est un objet improbable, un collage inattendu entre une petite chaussure et une cuillère. Sa rencontre va conduire Breton dans un méandre d’associations d’idées déposées à deux reprises sur papier dans L’Amour fou.

« Exposition internationale du surréalisme », Paris, galerie Pierre Colle, 7-18 juin 1933Retour haut de page

Salle 6

En 1933 à la galerie Pierre Colle, à côté de peintures, de collages et de sculptures, les surréalistes exposent, pour la première fois, des objets à fonctionnement symbolique.
Tristan Tzara et Max Ernst rédigent la préface du catalogue et annoncent, avec un humour triomphal, l’arrivée des objets dans l’espace de l’exposition.

« Objets désagréables, chaises, dessins, sexes, peintures, manuscrits, objets à flairer, objets automatiques et inavouables, bois, plâtres, phobies, souvenirs intra-utérins, éléments de rêves prophétiques, dématérialisations de désirs, lunettes, ongles, amitiés à fonctionnement symbolique, […] mains, bustes de femme rétrospectifs, saucisses, cadavres exquis, palais, marteaux, libertins, couples de papillons, perversions d’oreilles, merles, œufs sur le plat, cuillers atmosphériques, pharmacies, portraits manqués, pains, photos, langues.
Vous souvenez-vous encore de cette époque où la peinture était considérée comme une « fin en soi » ? […]
Par les recherches expérimentales du surréalisme.
Nous ne voulons pas reconstruire des arches. Partisans sincères du mieux, nous avons essayé d’embellir un peu, physiquement et moralement, la physionomie de Paris.
En tournant le dos aux tableaux. […] »

Max Ernst, Tristan Tzara, « Exposition internationale du surréalisme », 1933, préface du catalogue

Exposés parmi des tableaux, des collages et des sculptures, ces objets (à fonctionnement symbolique) monopolisent l’attention d’un critique apparemment agréablement surpris : « Les expositions d'ensemble des surréalistes sont généralement tristes, peut-on lire dans les Cahiers d’art. […] Celle qui vient de s'ouvrir à la galerie Pierre Colle est gaie : si elle ne fait pas penser, elle fait du moins rire. Ce sont les objets des poètes qui font rire et qui font regretter leurs poèmes. Ceux des artistes tout en nous amusant font penser, ils mettent l'esprit en mouvement, l'exaltent, l'accablent, le font douter et espérer à la fois. N'importe laquelle de ces fantaisies répond fatalement à une nécessité plastique. Il en est ainsi pour Arp, Dalí, Ernst, Giacometti, Miró, Tanguy ».27

L’exposition de 1933 a été, d’une certaine manière, prévue et voulue par Breton, si l’on s’en réfère à ce qu’il écrit en 1926 dans La Révolution Surréaliste : « Prochainement : EXPOSITION D’OBJETS SURRÉALISTES. Retenir dès maintenant le catalogue qui définira formellement l'objet surréaliste et reproduira les types d'objets exposés ». Mais, ce n’est qu’en 1936 que la véritable Exposition surréaliste d’objets aura lieu.

 

Salvador Dalí, Buste de femme rétrospectif, 1933/1976 et Alberto Giacometti, Table, 1933

Le Surréalisme et l’objet
Vue de l’exposition, Galerie 1, octobre 2013
Au premier plan :
Salvador Dalí, Buste de femme rétrospectif, 1933/1976
Edition Galerie du Dragon, Paris, 1976, n°1/8
70 x 54 x 35 cm
Au second plan :
Alberto Giacometti, Table, 1933 - AGD 1495
Créée pour l'Exposition surréaliste, galerie Pierre Colle, Paris,
Plâtre original, 148,5 x 103 x 43 cm

Buste de femme rétrospectif, réalisé par Dalí en 1933, est un assemblage d’objets dont se dégage l’érotisme typique des objets à fonctionnement symbolique. Non seulement les lèvres de la femme sont d’un rouge captivant et ses seins dénudés et protubérants, mais ces objets se tiennent ensemble pour agir sur les pensées « amoureuses » des spectateurs.

Dalí dit avoir trouvé le buste en porcelaine chez un coiffeur. Il y a ajouté une baguette de pain qui coiffe de ridicule le visage et, sur la baguette, un encrier-bibelot représentant l’Angélus de Millet, puis deux épis de maïs qui pendent de part et d’autre du cou. Sur le côté droit du front, il a soigneusement dessiné une constellation de fourmis comme il le fera bien plus tard, en 1974, sur la robe de la femme au miroir dans Transformation d'une peinture anonyme du XVIe siècle (attribuée à Matthias Gerung).

Plusieurs éléments de ce collage à trois dimensions sont des objets récurrents dans l’œuvre du Catalan. Tout d’abord, la baguette de pain, molle et dure à la fois, qu’il a peinte souvent. Le pain, chez lui, sert de substitut aussi bien au phallus qu’aux bras et têtes humaines. Il représente aussi la vie comme substance comestible (Le Cannibalisme des objets, avec écrasement simultané d'un violoncelle, 1932). Plus tard, dans sa période « mystique nucléaire », il sera associé au Christ via le sacrement de l’eucharistie (La Cène, 1955).

De son côté, le maïs, forme phallique et fruit représentatif de la fécondité, apparaît dans plusieurs tableaux de cette période (Œufs sur le plat sans le plat, 1932, par exemple). Quant à la scène de l’Angélus, c’est un véritable leitmotiv protéiforme qui hante et inspire l’imagination de Dalí, des années trente jusqu’à la fin. Ici, il est présent sous la forme d’un produit dérivé aussi inattendu qu’approprié. La scène érotique complexe que Dalí détecte dans le tableau du peintre du XIXe siècle est accompagnée, dans ce petit objet, par deux encriers avec leurs minuscules plumes. Cela a dû attirer l’attention de l’artiste car, en 1933, il est en train d’écrire son essai paranoïaque-critique, Le mythe tragique de l’Angélus de Millet. Son activité d’écrivain, moins connue mais aussi importante, rencontre le motif de son activité picturale.

Enfin, les fourmis, qui ornent le front sans vie du mannequin, symbolisent et concentrent déjà dans La Persistance de la mémoire (Les Montres molles, 1931), ou Le Grand Masturbateur (1929), les phobies principales du jeune Catalan : le pubis aussi bien que la mort, l’horreur de la putréfaction.

« Exposition surréaliste d’objets », Paris, galerie Charles Ratton, 22-29 mai 1936Retour haut de page

Salle 7

L’Exposition surréaliste d’Objets − et non l’Exposition d’objets surréalistes, la nuance vaut d’être soulignée, car elle est essentielle − présentée à la galerie Ratton, en mai 1936, démontre la capacité du surréalisme à transfigurer, à transmuter les objets et, par eux, le réel. Elle est le point d’orgue d’une réflexion appliquée à l’objet, dans une recherche de conciliation entre art et politique, loin de tout savoir-faire et de génie artistique.

« Toute épave à la portée de nos mains peut être considérée comme un précipité de notre désir. »

André Breton, Le Surréalisme et la peinture, 1928, 1965

Man Ray, Exposition surréaliste d'Objets, galerie Charles Ratton, 1936

Man Ray, Exposition surréaliste dObjets, galerie Charles Ratton, 1936
[Reportage-vues d’accrochage], 1936
Tirage récent fait d’après les plaques de verre
appartenant à la galerie Charles Ratton, 18 x 24 cm

Chez Charles Ratton, le marchand et fin connaisseur des arts dits primitifs, l’espace est assez réduit. Du 22 au 29 mai 1936, quelque 200 objets y sont exposés sans la moindre hiérarchie derrière les vitres d’une série d’étagères, côtoyant des objets primitifs. Quelques objets plus volumineux sont posés sur des socles ou se trouvent attachés aux murs.
 
Dans la préface au catalogue signée par André Breton, l’exposition est comparée à un train « qui n'est ni un train de voyageurs ni un train de marchandises », et les objets à des êtres en perpétuelle transformation, « des êtres-objets (ou objets-êtres ?) caractérisés par le fait qu'ils sont en proie à une transformation continue et […] expriment la perpétuité de la lutte entre les puissances agrégeantes et désagrégeantes qui se disputent la véritable réalité de la vie. Le Mouvement-maître ! ».

Plus proches de la vie que d’objets exposés, ces ensembles sont fortement hétéroclites. Un œuf d’æpyornis, divers cristaux aux formes extraordinaires, un impressionnant tamanoir empaillé, une plante carnivore représentent autant d’« objets naturels ».
Ils avoisinent des « objets perturbés » − verres et bouteilles que la chaleur de l’éruption du Mont Pelé en 1902 a définitivement déformés −, des « objets trouvés » (par les surréalistes) mais également des « objets mathématiques » découverts par Max Ernst et photographiés par Man Ray à l’Institut de Raymond Poincaré. Il y a également des « objets sauvages », venant d’Amérique et d’Océanie : masques d'Alaska, de Nouvelle-Guinée et des Nouvelles-Hébrides, poupées Katchina des Indiens Hopi, têtes momifiées jivaros, poteries zapotèques et péruviennes, galets gravés de l'île de Pâques et des îles Loyauté, soit une trentaine de pièces provenant des collections de Paul Éluard, d’André Breton et de Pierre Loeb.

Dans la galerie, ensembles et sous-ensembles côtoient des objets déjà connus, tel Le Verre d’absinthe de Picasso, trois ready-made de Duchamp ainsi que des objets faits pour l’exposition, tous classés comme « objets surréalistes » : Mutilé et apatride de Jean Arp, La Jointure de boules de Bellmer, des Poèmes-objets d'André Breton, La Femme blonde, Pour la poche, La Liberté et Aux lèvres de vermouth de Jacqueline Breton, Le Grand paranoïaque et Le Petit mimétique de Jacqueline et André Breton, Un Air de famille et Souris Valseuses de Claude Cahun, L'Escalier de l'Amour et Psyché de Gala Dalí, Monument à Kant et Le Veston aphrodisiaque de Salvador Dalí, Exacte sensibilité, Spectre du silicium, Conversion de la force d'Oscar Dominguez, L'Objet mobile recommandé aux familles de Max Ernst, L'Objet poétique de Joan Miró, Le Paradis des alouettes de Roland Penrose, De l'autre côté du pont d'Yves Tanguy, Le Déjeuner en fourrure de Meret Oppenheim, et encore bien d’autres.

Salle Exposition surréaliste d'Objets, galerie Charles Ratton, 1936

Le Surréalisme et l’objet
Vue de l’exposition, Galerie 1, octobre 2013
Salle Exposition surréaliste dObjets, galerie Charles Ratton, 1936

Coexistence simultanée d'objets aussi divers qu'étonnants, cette exposition est une des plus importantes pour la compréhension du rôle de l'objet dans la pratique surréaliste. Aux objets en surnombre (sérialisés, industrialisés) qui nous entourent, les objets surréalistes « sont avant tout de nature à lever l'interdit résultant de la répétition accablante de ceux qui tombent journellement sous nos sens et nous engagent à tenir tout ce qui pourrait être en dehors d'eux pour illusoire »28, note André Breton. Aussi onirique que politique, l'action des objets surréalistes indique leur visée : libérer les hommes du connu au profit de l'inconnu, en retrouvant le rêve solidifié dans les objets les plus ordinaires, en repensant l'activité artistique et son rôle dans la société marchande.

Telle est en effet la thèse centrale de Didier Ottinger à propos de l'objet surréaliste : « Sa compléxité poétique autant que théorique font de l'exposition « Ratton » le point d'orgue de la réflexion surréaliste appliqué à l'objet. Elle se place à l'apogée d'une trajectoire retraçant un processus de spiritualisation, celui de l'affirmation d'un surréalisme rendu à sa pureté. En renonçant à être une "exposition d'objets surréalistes", elle résout les apories auxquelles se heurte le surréalisme révolutionnaire. Dans les vitrines, sur les murs de la galerie, plus aucune trace (ou presque), du savoir-faire, du talent, du génie caractéristique de l'âge esthétique "bourgeois". Ready-mades sortis momentanément de leur anonymat fonctionnel, les objets défient la spéculation marchande ».29

« Exposition internationale du surréalisme », Paris, Galerie des Beaux-Arts, 17 janvier-fÉvrier 1938Retour haut de page

Salle 8

Le projet d’inscription du surréalisme dans le monde concret, dont témoigne le recours aux objets, va maintenant s’exprimer par une conquête de l’espace réel. L’Exposition internationale du surréalisme est la première des manifestations du groupe à prendre la forme d’une mise en scène, annonçant l’art de l’installation. Organisée en 1938 à la galerie des Beaux-Arts, scénographiée par Marcel Duchamp, elle invite seize participants à « habiller » seize mannequins.

Seize artistes (quinze hommes et une femme, Sonia Mossé) participent à l’Exposition internationale du surréalisme dont Marcel Duchamp, baptisé « générateur-arbitre », assure la scénographie et le décor. Si Breton comparait l’exposition de 1936 à un train en mouvement, les visiteurs déambulent ici, selon la description d’un critique de l’époque, dans un « train-fantôme ».

Cette exposition signale le grand retour des mannequins. Il ne s’agit pourtant pas ici des créatures étranges des tableaux métaphysiques de Chirico, ni de la Poupée de Bellmer. Venus des grands magasins parisiens, ces modèles féminins, lisses d’aspect, sont extraits de la ville contemporaine où ils donnent corps au système marchand. « Habillés » ou plutôt investis de la manière la plus diverse par les artistes, ils forment une haie de part et d’autre de la Rue surréaliste qui accueille les visiteurs. Séparés les uns des autres de quelques mètres, la partie de rue qui revient à chacun prend un nom différent.

Man Ray. Mannequin de Marcel Duchamp dans la rue aux lèvres, 1938

Man Ray. Mannequin de Marcel Duchamp dans la rue aux lèvres, 1938
Photographie réalisée à l'Exposition internationale du surréalisme, Paris,
galerie des Beaux-Arts, janvier- février 1938
Epreuve gélatino-argentique, 20,2 x 15 cm

On voit ainsi le mannequin nu, orné d’objets phalliques, d’Yves Tanguy qui se situe rue des Lilas, tandis que celui de Jean Arp, juste à côté de lui, se trouve rue Nicolas Flamel. Sous le nom de ce fameux copiste et alchimiste de la pierre philosophale, le mannequin d’Arp est « revêtu », de la tête aux racines des cuisses, d’un grand sac noir opaque sous lequel pend un tissu blanc couvrant tout le reste du corps. Sur les pliures de la toile noire, on peut, d’après les vues d’exposition dont on dispose aujourd’hui, lire le mot « PAPILLON ». Mais selon le témoignage de Georges Hugnet, c’est le mot « Papapillon »30 qui est inscrit en jaune sur le sac de toile cirée noire.

Papapillon : en dédoublant la première syllabe du nom de l’insecte favori des surréalistes, l’artiste de La Mise au tombeau des oiseaux et papillons (1916-17) fait rire et joue sur le mot, le faisant résonner sur un sac opaque, couvrant le corps industrialisé d’un mannequin de vitrine.
Les visiteurs de l’exposition sont munis de lampes de poche (fournies, comme on peut le lire sur une étiquette murale, par la « Pile Mazda »). Ainsi, l’espace de l’exposition devient comme une ville que l’on découvre à tâtons, de nuit ou en rêve.

Mais il se peut que le plus intéressant pour nous aujourd’hui soit le mannequin de Duchamp, perçu comme trop simple et peu spectaculaire à l’époque : « Duchamp posa simplement sur son mannequin le veston et le chapeau qu'il venait d'enlever, comme si le mannequin était un porte-manteau. C'était le moins frappant des mannequins exposés, mais il symbolisait à merveille le désir qu'avait Duchamp de ne pas trop attirer l'attention ».31

On ne sait pas si tel était vraiment le désir de Duchamp, en tout cas son mannequin fut à plusieurs reprises commenté, « [...] portant pour tout costume un veston d’homme dont la pochette était une lampe électrique rouge [...] ».32 Selon Georges Hugnet, « le mannequin de Duchamp, simplement coiffé d’un chapeau d’homme et vêtu d’un gilet et d’une veste, s’agrémentait au crayon, au-dessus du pubis, du nom de Rrose Sélavy et gardait un rien de son originelle indécence soulignée par son allure évoluée et garçonnière ».33
Cet androgyne improvisé jure avec la plupart des autres interventions, qui vont, quant à elles, vers une image du féminin rappelant que le désir surréaliste est surtout le désir masculin (et ceci, même quand l’artiste surréaliste est une femme).

Le surréalisme en exil : l’objet au défi de la sculptureRetour haut de page

Salle 9

La Seconde Guerre mondiale conduit les surréalistes à l’exil. André Breton, Max Ernst, André Masson, Roberto Matta, Yves Tanguy, entre autres, s’installent aux États-Unis et influencent les artistes américains.
Les années 1940 voient l’apparition d’une nouvelle génération de sculptures utilisant l’objet ordinaire, quotidien, selon une logique constructive qui s’apparente à celle du Cadavre exquis (juxtaposition libre d’éléments hétérogènes). En France, Picasso s’empare de cette sculpture d’assemblage.

La plupart des surréalistes se trouvent pendant la guerre de l’autre côté de l’Atlantique. Max Ernst, notamment, conçoit des créatures anthropomorphes en assemblant les moulages de plâtre de ses objets domestiques. Alexander Calder, qui avait rencontré Joan Miró en 1932, a élargi, sous l’impulsion de l’artiste espagnol, son vocabulaire formel à un registre inspiré du végétal et de l’animal. Graduellement, il a expérimenté l’intégration de pièces de bois dans ses sculptures. Apple Monster, de 1938, composé de branches de pommier ramassées aux abords de son atelier de Roxbury, évoque avec humour la fascination des surréalistes pour les monstres. C’est une greffe pour une tératologie joyeuse, joignant l’insignifiant et l’informe à l’imagination du merveilleux. Dans les années 1940, Calder se tourne, de plus en plus, vers des sculptures sur bois car la guerre crée une pénurie de métal.

Dès 1942, les surréalistes organisent à New York des expositions collectives, parmi lesquelles First Papers of Surrealism, à la Whitelaw Reid Mansion, mise en scène par Marcel  Duchamp. L’espace y est envahi de kilomètres de cordages entrecroisés à la manière d’une immense toile d’araignée, enveloppant les œuvres exposées. L’année suivante, comme en prémices à sa collaboration avec l’artiste, architecte et théoricien de l’architecture Frederick Kiesler, c’est pour le numéro 2 de la revue VVV fraichement fondée par Breton, qu’il conçoit le Twin-Touch-Test, un grillage enserré dans la quatrième de couverture, le lecteur étant invité à donner ses impressions lorsqu’il place les mains de part et d’autre du « treillis métallique ».

Picasso, Le verre d'absinthe, printemps 1914

Picasso, Le verre d'absinthe, printemps 1914
Bronze peint et sablé, cuillère à absinthe
21,5 x 16,5 x 6,5 cm
Exemplaire 1/6

Pendant ces années, le recours à l’objet se généralise. Dès 1912, Picasso avait dans sa Composition à la chaise cannée initié l’apparition de l’objet dans l’art et, en 1914, incorporé une cuiller réelle à son Verre d’absinthe. Il en explore à nouveau la démarche dans ses retranchements. Pour sa Tête de taureau (1942), il associe une selle et un guidon de vélo qui recomposent la tête de l’animal. Dans la Vénus du gaz (1945), il utilise tout simplement le brûleur d’un fourneau au gaz, redressé en position verticale, et une Vénus aurignacienne ou paléolithique apparaît à travers l’objet trivial.

Max Ernst, Le Roi jouant avec la Reine, été 1944 - 2001

Max Ernst, Le Roi jouant avec la Reine, été 1944 - 2001
Bronze, patine brun-vert, 97,8 x 46,4 x 52,3 cm
Dernier tirage autorisé, exécuté pour le Centre Pompidou, 2001

En 1941, Max Ernst entreprend, dès son arrivée aux États-Unis, de voyager en Arizona, au Mexique et en Californie. Puis, il s‘installe à New York, où il retrouve Marcel Duchamp et ses amis surréalistes, regroupés autour d’André Breton. De sa fascination pour l’art des Indiens d’Amérique et de sa passion pour le jeu d’échecs, toutes deux partagées avec le groupe, va naître une série de sculptures à laquelle se rattache Le Roi jouant avec la Reine. C’est aussi sous le signe du jeu d’échecs qu’il rencontre, en 1943, sa future compagne, Dorothea Tanning, comme celle-ci le raconte dans son ouvrage, La vie partagée : « Votre jeu est plein de promesses. Je pourrai revenir demain et vous apprendre quelques trucs », lui dit Ernst, après une première partie.34

Réalisé en 1944, dans la lignée de ses créatures aux formes anthropomorphes constituées de moulages d’objets, Le Roi jouant avec la Reine (plâtre) annonce un tournant dans son œuvre, préfigurant la grande sculpture Le Capricorne (1948).
Placé derrière l’échiquier, enserrant le vide de ses bras et de ses cornes, le roi, créature qui s’apparente au Minotaure, montre une disproportion d’échelle avec la reine, relayée sur le côté. À la fois à l’extérieur et à l’intérieur du jeu, il la met en échec. Telles ces deux figures mythiques, Ernst et Tanning composent une mise en abyme du jeu par leur relation amoureuse.

Cette œuvre sera présentée, aux côtés de celles d’Arp, Calder, Duchamp, Man Ray, etc., à l’exposition organisée à la Julien Levy Gallery à New York, en décembre 1944, The Imagery of Chess, A Group Exhibition of Paintings, Newly Designed Chessmen, Music and Miscellany.

« Le Surréalisme en 1947 », Paris, galerie Maeght, 7 juillet-30 septembre 1947Retour haut de page

Salle 10

Trois ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale a lieu l’une des expositions les plus ambitieuses du mouvement. 86 artistes, originaires de 24 pays, y sont invité-es par André Breton et Marcel Duchamp qui en sont les organisateurs. La scénographie est assurée par Frederick Kiesler et Duchamp. Ce sera la dernière collaboration entre les deux hommes qu’une forte amitié unit depuis 1942.35
L’exposition Le Surréalisme en 1947 prolonge la volonté d’élargir le domaine de l’art. L’ésotérisme est le dernier argument avancé par le groupe pour soustraire ces objets au domaine de l’esthétique.

L’accès aux salles de la galerie se fait par vingt et une marches d’un escalier, transformées en dos de livre et intitulées selon les arcanes majeurs du Tarot (sauf le Mat et le Fou). On arrive ainsi à la Salle des Superstitions.
Là, selon la description de Jean Arp, « [...] Kiesler nous montre l’angoisse envahissante.
Du lac sans fond où les enfants chéris, méchants et luisants de Max Ernst grouillent de-ci, de-là, voraces, montrant leurs dents impitoyables, du lac sans fond où le vert foncé indéfini fraye et menace de se multiplier à l’infini, la confusion, la folie et les superstitions surgissent et pullulent, pâles comme la craie.[…]
Au milieu de draperies noires un point de neige, géant, s’élève contre les mauvaises influences.
Un squelette de cendre qui se dresse, mince et sec, au bord du lac, a avalé son crâne. Croix, Gibet, Jubilations, Lamentations, sont les signes du monument aux Totems. Un outil menu, le bâton avec lequel le seigneur de cavernes paré de poils allumait le feu, a inspiré le signe le plus tragique.
De cette découverte est sortie la plus cruelle vanité de l’homme. […]
Dans les draperies noires, Kiesler, par endroits, a fait des ouvertures. Par l’une de ces ouvertures, un Euclide de Max Ernst nous regarde, au travers d’une feuille de vigne avec des yeux de chenille. Ses joues ressemblent à une place carrelée, vue à vol d’oiseau. Euclide aimait les succédanés du monde palpable. Il se promenait sur une plaine qui n’en est pas une, comme nous nous croyons des corps et n’en sommes pas. […]
Le fil d’Ariane que Kiesler a tendu avec soin à travers l’exposition surréaliste nous conduira finalement à une vie plus facile, plus lumineuse, dans laquelle l’homme sera conscient de la courte durée du temps qu’il a à passer sur terre. Il ne se conduira plus comme un chien enragé. Si l’homme ne s’occupait plus avant tout de vilénies, de bavardages et de coassements, il se perdrait bien vite paisiblement dans les nuages. »36

C’est d’une toute autre façon qu’en parle Kiesler : « La Salle des Superstitions présente un premier effort vers une Continuité Architecture-Peinture-Sculpture, avec les moyens et l’expression de notre époque.
Le problème est double : 1° Créer une unité ; 2° dont les Constituantes Peinture-Sculpture-Architecture se métamorphosent l’une dans l’autre.
J’ai dessiné la configuration spatiale. J’ai invité les peintres Duchamp, Max Ernst, Matta, Miró, Tanguy et les sculpteurs Hare et Maria à exécuter mon plan. Ils ont collaboré avec ferveur. J’ai conçu chaque partie du Tout, forme et contenu, spécialement pour chaque artiste. Il n’y a eu aucun malentendu. […] Cette œuvre collective, créée non pas par des artistes d’une seule profession, mais par le bloc Architecte-Peintre-Sculpteur, plus le Poète (auteur du thème), représente même en cas d’échec la plus stimulante promesse de développement pour nos arts plastiques.
J’oppose au mysticisme de l’Hygiène, qui est la superstition de l’« Architecture Fonctionnelle », les réalités d’une Architecture Magique qui prend racine dans la totalité de l’être humain, et non dans des parties maudites ou bénies de cet être. »37

L’exposition est en fait une rétrospective de la production, écrite et plastique, de la décennie précédente. Parmi les nombreux participants, on trouve Arp, Bellmer, Brauner, Breton, Donati, Duchamp, Ernst, Gorky, Heisler, Maurice Henry, Hérold, Marcel Jean, Kiesler, Lam, Matta, Miró, Kay Sage, Seigle, Tanguy, Dorothea Tanning, Toyen. Il est intéressant de noter que, selon le projet initial, devaient y participer également des « surréalistes malgré eux » comme Arcimboldo, Blake, Bosch, Calder, De Chirico, Jacqueline Lamba et, aussi, des excommuniés : Dalí, Domínguez, Magritte, Masson.

Victor Brauner, Loup-Table, 1947

Victor Brauner, Loup-Table, 1947
Bois et éléments de renard naturalisé, 54 x 57 x 28,5 cm

Originaire d’une petite ville des Carpates, Victor Brauner est issu d’un pays où vampires, fées et loups-garous règnent encore, « invisibles ». Enfant, son père lui fait découvrir l’occultisme. Ce sont ces « esprits » que l’on retrouvera dans Loup-table. À partir de 1924, il participe aux mouvements d’avant-garde de la capitale roumaine, proches de l’esprit dadaïste. Après sa découverte de Chirico, lors d’un voyage à Paris, sa peinture devient figurative, mettant en scène des figures d’animaux fantastiques.
Installé en France en 1930, il rencontre, grâce à son compatriote Constantin Brancusi, les Surréalistes. André Breton préface le catalogue de sa première exposition parisienne en 1934. À cette époque, il développe le thème de l’œil énucléé, interprété comme une prémonition lorsqu’en 1938 Oscar Dominguez lui crève un œil au cours d’une bagarre.

Loup-table appartient à la série des Lycanthropes (1938-39), tableaux de la « période floue » de Brauner, contemporaine de son énucléation. On y rencontre le motif du « loup-table » dans : Fascination (1939) et Espace psychologique (1939). « Dans ces deux tableaux, écrit Miguel Egaña, l’hybride est pris dans un espace hanté de fantômes, d’autres chimères (une femme-oiseau) qu’il a l’air de combattre. Devenu objet, notre « loup-table » paraît ici retourner son agressivité contre lui-même, la gueule tournée vers son énorme queue, prêt à la dévorer. C’est donc, comme les premiers objets de Giacometti, un « objet désagréable », provoquant le trouble, jouant sur les fantasmes malsains d’autocastration ».38

Mais c’est aussi un ouroboros en devenir, un serpent qui se mord la queue en même temps qu’un carnivore qui se retourne contre lui-même. L’anthropomorphisme du mobilier dans le langage est rendu sensible par cet assemblage qui confond les pieds de la table et ceux du loup, puisque tous les deux en ont quatre. L’artiste se sert de la métonymie pour produire un objet-poétique. C’est le surgissement de l’agression sauvage dans le lieu de la convivialité. « Loup-table représenterait, à l’opposé de la moderne « table de dissection » ducassienne, le « primitivisme intégral » (Breton), le retour du vieux fond totémique, la revanche de la forêt sur la scierie, le triomphe de l’homme aux loups. »39

« Exposition InteRnatiOnale du Surréalisme » (ÉROS), Paris, galerie Daniel Cordier, 15 décembre 1959-15 février 1960Retour haut de page

Salle 11

La huitième Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme (ÉROS), organisée en 1959 à la galerie Daniel Cordier, célèbre l’érotisme, puissance inspiratrice du mouvement. Duchamp, qui déclarait vouloir l’ajouter à la liste des « ismes » du 20e siècle, imagine une porte « vaginale », un décor animé et olfactif. L’exposition embrasse une vaste chronologie, de la Boule suspendue de Giacometti au Bed de Robert Rauschenberg réalisé en 1955. Dans la « Crypte du Fétichisme », conçue par Mimi Parent, sont présentés des « fétiches » qui viennent rappeler que l’objet surréaliste est consubstantiellement lié à l’érotisme.

« Il va sans dire que la conception surréaliste de l'érotisme proscrit d'emblée tout ce qui peut être de l'ordre de la "gaudriole". Celle-ci, comme l'a fait observer Georges Bataille, "a le sens de l'érotisme inhibé, changé en décharge furtive, en dissimulation plaisante, en allusion". Son tort inexpiable est de profaner le plus grand mystère de la condition humaine. »

André Breton, Exposition InteRnatiOnale du Surréalisme (ÉROS), catalogue, 1959

La galerie Cordier, où l’exposition ÉROS est organisée, se prête particulièrement bien à l’illusion d’une initiation mystique : ses salles se succédent les unes les autres, renforçant l’impression d’une avancée dans l’érotisme. Mis en scène par Pierre Faucheux et Marcel Duchamp, ÉROS se déploie dans quatre salles. On entre d’abord dans la Salle du Désir, on accède ensuite, par une porte de forme vaginale, dans la Forêt du sexe. Quittant cette salle, on avance vers le Fétichisme pour aboutir au Repaire où se trouvent Le Festin cannibal de Meret Oppenheim et les pièces de costume de Jean Benoît réalisées pour L’Exécution du testament du Marquis de Sade.

Dans cette ambiance d’érotisme exacerbé, les surréalistes expérimentent le sensorium humain. Entrant dans la première salle, les visiteurs, plongés dans un grand silence, sentent le sol céder sous leur poids. Après ce léger vertige succède la sensation d’une quantité considérable de sable couvrant le plancher de la Salle du Désir. Et ceci sous un plafond couvert de satin rose clair, bougeant régulièrement, imitant la respiration humaine, d’après une idée de Duchamp. La Poupée de Bellmer est suspendue au plafond, mais on la rencontre aussi en baissant les yeux car ses reflets prennent corps à l’aide d’un miroir posé à même le sol.

Des fleurs odorantes ornent certaines salles. C’est peut-être la première fois qu’une exposition prend en compte plusieurs sens plutôt que la seule vue. Le toucher, l'odorat et également l'ouïe sont sollicités tour à tour. C’est le corps érotique, le corps tout entier qui est le destinataire de ce parcours volontairement initiatique.

Une bande son réalisée par Radovan Ivsic à partir de soupirs de femmes est audible, une fois franchies les parois étroites de la seconde salle qui est oblongue et ressemble à une grotte. Revêtue de velours vert que les visiteurs peuvent toucher, elle accueille, entre autres, The Bed de Robert Rauschenberg (c’est la première fois que l’artiste est exposé à Paris) à côté de L’Objet invisible de Giacometti et L’Objet du couchant de Miró. Dans cette ambiance de nuit, la Forêt du sexe est envahie d’un parfum aux senteurs de patchouli. Il s’agit de Flatterie par Houbigant, spécialement conçu pour l’exposition.

La troisième salle est la plus petite en taille. Tapissée de velours noir, elle accueille la Crypte du Fétichisme de Mimi Parent. C’est une chambre reliquaire où, à la manière des ex-votos, sont présentées plusieurs pièces dont With my tongue in my Cheek de Duchamp, Masculin-Féminin de Mimi Parent, et Le Couple de Meret Oppenheim.

Recouverte de velours rouge, cette fois, la dernière salle surnommée le Repaire présente un buffet. Les invités sont assis autour d’une table où une femme nue se trouve allongée. Elle est bien vivante et son corps, entouré de petites fleurs, sert de plat à une nourriture qui, initialement, la couvre toute entière, à l’exception de son visage peint en doré. C’est Le Festin cannibal de Meret Oppenheim. Le soir du vernissage, ce dîner procure ce qui manque à l’exposition pour solliciter tous les sens : le goût. Par la suite, des mannequins de cire prendront la place de la femme ainsi que celles des convives pour le reste de l’exposition.

André Breton, Le Hasard objectif, 1959

André Breton, Le Hasard objectif, 1959
Plaque de liège, ficelle et amande dans une boîte vitrée
34,6 x 24,6 x 5,4 cm

Le Hasard objectif de Breton, assemblage d’une plaque de liège, d’une ficelle et d’une amande dans une boîte vitrée, date de 1959. Breton dédie cet objet à l’oxymoron qu’il a forgé et qui constitue le cœur de ses convictions et aspirations surréalistes. En effet, le hasard objectif est ce qui arrive lors des dérives dans la ville, au fil des rencontres imprévues et salvatrices entre des êtres. « La sympathie qui existe entre deux, entre plusieurs êtres semble bien les mettre sur la voie des solutions qu’ils poursuivaient séparément en vain », écrit-il dans l’Amour fou.40 Le hasard objectif est ce qui fait que les trajectoires des êtres seuls se croisent. Cela est d’autant plus important que « notre chance est éparse dans le monde, qui sait, en pouvoir de s’épanouir sur tout, mais chiffonnée comme un coquelicot en bouton. Dès que nous sommes seuls à sa recherche elle repousse contre nous la grille de l’univers, elle joue pour nous duper sur la triste ressemblance des feuilles de tous les arbres, elle vêt le long des routes des robes de cailloux ».41

Avec le hasard objectif, Breton vise la possibilité d’une présentation totalement objective, c’est-à-dire appuyée sur des preuves matérielles de certains faits exceptionnels. Il prend en effet très souvent le soin d’énumérer le nombre et l’ordre des coïncidences qui l’amènent à faire la rencontre d’un être ou l’acquisition d’un objet.

Joan MirÓ, le surréalisme en plein soleilRetour haut de page

Salle 12

Répondant à l’appel surréaliste pour fonder « une physique de la poésie », Joan Miró délaissait momentanément, en 1929, la peinture. Il entreprenait une série de Constructions qui tenait à la fois du « collage » et du « ready-made ». Le groupe de sculptures, réalisé au milieu des années 1960, renoue avec la verve ludique des premiers Cadavres exquis. Parapluies, machines à coudre, robinets et jambes de mannequins composent dans l’espace la poésie aléatoire et « faite par tous » imaginée par le comte de Lautréamont.

«Je tiens à vous préciser, et ceci est d’une grande importance, que quand je trouve quoi que ce soit, c’est toujours par une force magnétique, plus forte que moi, que je suis attiré et fasciné. »

Joan Miró

« J’éprouve un mépris profond pour la peinture. »

Joan Miró, Écrits et entretiens, galerie Lelong, Paris, 1995

Joan Miró, Personnage, 1967
Bronze peint, 160 x 63,5 x 11 cm
Fundació Joan Miró, Barcelone
Donació de Joan Miró, 1975 - FJM 7273

En 1930, Joan Miró dit ne plus faire confiance à la peinture. Ce mépris n’est ni passager ni irréfléchi. Quelque vingt ans plus tard, il écrit un manifeste contre les « ismes » et pour un art anonyme et marginal, sous le titre éloquent : « De l’assassinat de la peinture à la céramique ». C’est l’époque où il s’intéresse de plus en plus à l’artisanat, à la céramique mais aussi à la sculpture. Il éprouve également une envie grandissante de collectionner des objets, de trouver des choses inutiles, délabrées, jetées et de les assembler à nouveau. Sa collection étonnante se trouve encore aujourd’hui dans son atelier de Palma de Majorque. On peut y voir « des formes capricieuses de la nature (pierres, citrouilles, squelettes de chauves-souris), photographies de paysans, coupures de journaux, céramique populaire comme les siurells, jouets, œufs de Pâques, feuilles de palmier, fourches, poupées, cuillers... ».42

Dans ses Notes de travail, il écrit: « Pour faire des sculptures, je me sers des objets que je collectionne comme point de départ […] je fais une sorte de collage à partir de différents éléments – ainsi les objets que je garde […] deviennent des sculptures »43.
Ses collages tridimensionnels sont en fait des mannequins insolites. Son attitude face à ses étranges personnages est plutôt celle de la moquerie et de la dérision. Il les fait « en (s)e moquant de l’homme, de cette marionnette que l’on ne saurait prendre au sérieux ».44 Personnage de 1967 pourrait difficilement être plus sommaire. Une tige courbée peinte en vert a été enfoncée dans une lourde pierre cubique. Un pliage blanc joue le rôle de la tête. Un bout de haie ou une sorte de râteau bleu orne cette face improbable que rend convaincante un caillou noir cloué en guise d’œil.

Allée centrale – Résonances de l’objet surréalisteRetour haut de page

Malgré ses efforts répétés pour établir un dialogue fertile, le mouvement surréaliste n’a jamais vraiment convaincu les autorités du Parti qu’une coopération était possible ou même souhaitable. Il a cependant réussi à ouvrir la voie pour ce qui est devenu, dans le milieu de l’art, quelques décennies plus tard, l’installation et aussi l’exposition en tant qu’œuvre d’art.

André Breton, Le Hasard objectif, 1959

Le Surréalisme et l’objet
Vue de l’allée centrale, Galerie 1, octobre 2013
Au premier plan, à droite :
Théo Mercier, La Possession du monde n’est pas ma priorité, 2009-2013
Pierres d’aquarium en résine
En arrière plan :
Arnaud Labelle-Rojoux, À la main du diable, 2013
Techniques mixtes, dimensions variables

Dans l’exposition présentée ici, la Rue (l’allée centrale) accueille plusieurs œuvres contemporaines. On peut y voir un clin d’œil d’Ed Ruscha à la chaise cannée de Picasso, les photographies des inquiétantes vitrines de Paul McCarthy, les reprises infernales de la poupée de Bellmer par Cindy Sherman, les collections sculptées de Théo Mercier, les vitrines aux organes génitaux et autres éléments anatomiques grotesques de Philippe Mayaux, la boutique de farces d’Arnaud Labelle-Rojoux, les étagères de Haim Steimbach, les colis de Mark Dion, le collier à cheveux de Mona Hatoum et, enfin, les photosculptures d’Alina Szapocznikow, présentant d’étonnantes figures réalisées en chewing-gum, mâché puis étiré. Des artistes contemporains très différents dans leurs pratiques et aspirations, reviennent, consciemment ou pas, vers les pratiques inaugurées par les surréalistes qu’ils reprennent ou déplacent.

ChronologieRetour haut de page

 

1914
Après Roue de bicyclette (1913), composée d’une roue et d’un tabouret de cuisine, Marcel Duchamp invente son premier ready-made, Porte-bouteilles, un objet tout fait acheté au Bazar de l’Hôtel de Ville, à Paris.
1917 Duchamp envoie au jury de l’exposition organisée par la Society of Independent Artists, à New York, une « sculpture » signée Richard Mutt. Il s’agit d’un urinoir en faïence émaillée, baptisé Fountain. Le scandale est à son comble.
1924 André Breton publie, en octobre, le Manifeste du surréalisme.
Décembre : parution du premier numéro de la revue La Révolution surréaliste (directeurs : Pierre Naville et Benjamin Péret).
1926 Ouverture de la Galerie surréaliste, rue Jacques-Callot, à Paris.
1927 André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon, Benjamin Péret et Pierre Unik s’engagent au Parti Communiste Français. Ils sont convaincus que la rencontre entre surréalisme et communisme est possible.
1928 Février : Breton publie Le Surréalisme et la peinture, illustré de soixante-dix-sept photogravures d’après des œuvres de Max Ernst, Giorgio De Chirico, André Masson, Man Ray, etc.
1929 Décembre : publication du Second Manifeste du surréalisme dans le dernier numéro de La Révolution surréaliste.
1930 Louis Aragon organise à la galerie Goemans, à Paris, une exposition intitulée La peinture au défi, qu’il accompagne d’un long texte affirmant la primauté du collage sur la peinture.
Alberto Giacometti rejoint le mouvement surréaliste.
1931 Décembre : la revue Le Surréalisme au service de la révolution (Le Surréalisme A.S.D.L.R.), fondée en juillet 1930, publie plusieurs articles sur les « Objets surréalistes », notamment de Salvador Dali.
1932 Breton publie Les Vases communicants, où il est question d’un « objet fantôme ».
1933 Mai : les numéros 5 et 6 du Surréalisme A.S.D.L.R. publient des textes de Roger Caillois, Duchamp, Giacometti, Breton, Dalí, autour du problème de l’objet.
Juin : à la galerie Pierre Colle, à côté de peintures, de collages et de sculptures, sont exposés pour la première fois des objets à fonctionnement symbolique.
Collaboration importante des surréalistes au premier numéro de la revue Minotaure.
1934 Publication des photographies de la Poupée de Hans Bellmer dans le n°6 de la revue Minotaure.
1936 22-29 mai : Exposition surréaliste d’objets à la galerie Charles Ratton, à Paris.
12 juin- 4 juillet : International Surrealist Exhibition, aux New Burlington Galleries, à Londres.
Décembre : ouverture de l’exposition Fantastic Art, Dada, Surrealism au Museum of Modern Art, à New York.
1937 Mai : Breton ouvre la galerie Gradiva, décrite par Éluard comme un « magasin d’objets ».
Novembre : Surrealist Objects and Poems, à la London Gallery.
1938 17 janvier- février : l’Exposition internationale du surréalisme, organisée par Breton et Éluard et scénographiée par Duchamp, à la galerie des Beaux-Arts, à Paris, marque la consécration de l’objet et la conquête de l’espace réel.
1942 14 octobre-7 novembre : Exposition internationale du surréalisme, First Papers of Surrealism, organisée à New York par Breton et Duchamp.
1944 Décembre : The Imagery of Chess, A Group Exhibition of Paintings, Newly Designed Chessmen, Music and Miscellany, à la Julien Levy Gallery à New York.
1947 7 juillet-30 septembre : Le Surréalisme en 1947, à la galerie Maeght à Paris, réunit 86 artistes, de 24 pays, invité-es par Breton et Duchamp. La scénographie est signée Kiesler et Duchamp.
1959 15 décembre 1959-15 février 1960 : la 8e Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme (Éros), organisée à la galerie Daniel Cordier, célèbre l’érotisme, puissance inspiratrice du mouvement.
1965 Décembre : 11e exposition internationale du surréalisme, L’Écart absolu, à la galerie de L’Œil, à Paris.

BibliographieRetour haut de page

Ouvrages

Dictionnaire de l’objet surréaliste, sous la direction de Didier Ottinger

Coédition Éditions du Centre Pompidou / Éditions Gallimard
Le premier ouvrage exhaustif sur le thème de l’objet surréaliste. 247 entrées. Une histoire illustrée des expositions surréalistes, véritables laboratoires de la réflexion surréaliste appliquée à l’objet.
Format : 19 x 24 cm, relié, 384 pages, 203 illustrations et 72 images documentaires. 39,90 €.


Album de l’exposition

Un parcours en images de l’exposition à travers une sélection de 60 œuvres accompagnées de notices. Auteur : Emmanuel Guigon. Format 27 x 27 cm, broché, 60 pages, 58 illustrations couleurs. 9,90 €.


Surréalisme

Une découverte du surréalisme à travers un parcours chronologique et de nombreux focus sur des œuvres majeures du mouvement. Auteur : Didier Ottinger, commissaire de l’exposition, collection Monographies/Mouvements. Format 18.5 x18.5, broché, 55 illustrations couleurs, 96 pages. 12 €.


Le Surréalisme à l’usage des enfants

Pour les enfants à partir de 6 ans. L’album propose à la fois des activités (collages, frottages, poèmes dada) et une découverte de huit grandes figures du mouvement surréaliste. Format 21 x 30 cm, 50 illustrations couleurs, 60 pages. 12 €.

Liens internet

Dossiers pédagogiques

L’agenda de l’exposition

Crédits

© Centre Pompidou, Direction des publics, novembre 2013
Texte : Madeleine Aktypi
Design graphique : Michel Fernandez
Intégration : Cédric Achard
Coordination : Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques Retour haut de page

Références

_1 Pierre Unik, journaliste français, rencontre Breton en 1925 à l’âge de 16 ans. Son premier texte est publié dans le n°6 de La Révolution surréaliste, en mars 1926.

_2 Philippe Soupault, « Interview (1959) », in Surrealism reviewed, LTM Recordings, 2008.

_3 Paru dans La Révolution surréaliste, n°9-10, 1927. Pour Pierre Naville, le surréalisme ne peut rester « un acteur sans voix », il doit se faire entendre du Parti Communiste.

_4 André Breton, « Le Surréalisme et la peinture », p.144, texte de 1938, cité in Encyclopédie du surréalisme, René Passeron, éd. Somogy, Paris, 1975.

_5 Marcel Duchamp, Michel Sanouillet (éd.), Duchamp du signe - Écrits, Flammarion, coll. Champs, Paris, 1975, 1994, p.191.

_6 Ibid.

_7 Ibid.

_8 Louis Aragon, La peinture au défi, Librairie José Corti, Paris, mars 1930, p.63.

_9 Ibid. p.52.

_10 Ibid. p.57.

_11 Ibid. p.51.

_12 Ibid. p.53.

_13 Ibid. p.57.

_14 Ibid. p.54. Pour Aragon, le collage, comme devait l’être la poésie pour Lautréamont, doit être fait par tous.

_15 Ibid. p.49.

_16 Rosalind Krauss, Primitivism in 20th Century Art : Affinity of The Tribal and the Modern (catalogue d’exposition), New York, The Museum of Modern Art, vol. II, 1985, pp. 511-512). Éd. française : Le Primitivisme dans l’art du 20e siècle: les artistes modernes devant l’art tribal, Paris, Flammarion, vol. 2, 1991, cité in Didier Ottinger, La sculpture au défi, L’Échoppe, Paris, 2013, p.22.

_17 Maxime Moïse Alexandre, poète et dramaturge alsacien, fait partie du cercle surréaliste pendant les premières années.

_18 Emmanuel Guigon, André Breton, De l’objet surréaliste in Didier Ottinger (éd.), Dictionnaire de l'objet surréaliste, Gallimard, Paris, 2013.

_19 Cf. Salvador Dali, « Objets surréalistes », in Le Surréalisme au service de la révolution, n°3, décembre 1931.

_20 Agnès de la Beaumelle, Alberto Giacometti : la collection du Centre Georges Pompidou, Musée national d'art moderne/Saint-Étienne, Musée d’art moderne, 24 mars-27juin 1999. Paris, éd. Centre Pompidou, 1999, pp. 60-63.

_21 Salvador Dali, « Objets surréalistes », op. cit.

_22 André Breton, Nadja, Œuvres complètes I, Gallimard, Paris, 1988, p.679.

_23 Alberto Giacometti, « Je ne puis parler qu’indirectement de mes sculptures », in Minotaure, n°3-4, décembre 1933, p.46.

_24 Agnès de la Beaumelle, op. cit., p. 62.

_25 Cf. Fabrice Flahutez, « Biographie de Hans Bellmer », in Didier Ottinger (éd.), Dictionnaire de l'objet surréaliste, op. cit.

_26 Gradiva est une nouvelle de l'écrivain allemand Wilhelm Jensen (1903). C’est l’histoire d’un archéologue qui tombe amoureux d’un bas-relief romain, montrant une figure féminine en marche. Il l’appelle Gradiva, ce qui signifie « celle qui avance » en latin. Il rêve qu’il la voit à Pompéi et part en Italie où il rencontre une femme lui ressemblant. Freud lui consacre, en 1907, sa célèbre étude, Le délice et le rêve dans le Gradiva de Jensen, Dali et André Masson des tableaux et Breton nommera d’après elle sa galerie rue de Seine (1937), la galerie Gradiva, décrite par Paul Éluard comme un « magasin d’objets ».

_27 Cahiers d’art, n°5-6, 1933.

_28 André Breton, « Crise de l’objet », Cahiers d’art, n°1-2, 1936, pp.21-26 ; Œuvres complètes, t.IV, 2008, op.cit., p.681.

_29 Didier Ottinger, op. cit. p.30.

_30 Georges Hugnet, Pleins et déliés. Témoignages et souvenirs, 1926-1972, éd. Guy Authier, La Chapelle-sur-Loire, 1972, p.331.

_31 Man Ray, Autoportrait, Paris, Robert Laffont, 1964, p.215.

_32Marcel Jean, Histoire de la peinture surréaliste, p.281.

_33 Georges Hugnet, op. cit.

_34 Dorothea Tanning, La vie partagée, Paris 2002. In Werner Spies, Max Ernst. Vie et œuvre, éd. Centre Pompidou, 2007, p.182.

_35 Frederick Kiesler-Artiste-architecte, catalogue d'exposition, éd. Centre Pompidou, Paris, 1996, p.125.

_36 Jean Arp, « L’œuf de Kiesler et la Salle des Superstitions », in Frederick Kiesler-Artiste-architecte, ibid., p.115.

_37 Frederick Kiesler, extrait du catalogue de l’Exposition internationale du surréalisme, Galerie Maeght, Paris, 1947, reproduit in Frederick Kiesler-Artiste-architecte, ibid., p.116.

_38 Miguel Egaña, Loup-table, in Didier Ottinger (éd.), Dictionnaire de l'objet surréaliste, op. cit.

_39 Ibid.

_40 André Breton, L’Amour fou, Gallimard, Folio, Paris, 1937, 1988, p. 50.

_41 Ibid, p.51.

_42 Maria González-Menéndez, notice Jeune fille s’évadant, in Didier Ottinger (éd.), Dictionnaire de l'objet surréaliste, op. cit.

_43 Joan Miró, Notes de travail, 1941-42, cité dans le texte de Maria González-Menéndez, ibid.

_44 Joan Miró, Entretien radiophonique avec Georges Charbonnier, 1951, cité dans le texte de Maria González-Menéndez, ibid.

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