La Tendenza
Architectures italiennes 1965 – 1985
Du 20 juin au 10 septembre 2012
Galerie du Musée et Galerie d'art graphique, Musée, niveau 4

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Aldo Rossi. Projet pour Cannaregio Ouest avec le Teatro del Mondo, Venise, Vénétie, 1979-1980


Aldo Rossi. Projet pour Cannaregio Ouest avec le Teatro del Mondo, Venise, Vénétie, 1979-1980
Projet réalisé. Stylo noir et pastels sur papier, 49,5 x 53 cm

L'expositionRetour haut de page

Durant tout l'été et jusqu'au 10 septembre 2012, le Centre Pompidou présente la première exposition d'envergure en France consacrée à la Tendenza (la Tendance). Cette école de pensée, née en Italie dans le courant des années 1960, a irrigué durant plus de deux décennies le débat architectural tant dans la péninsule qu'en Suisse, en Espagne, en Grande-Bretagne ou encore aux États-Unis, à l'exception notable de l'hexagone où il aura des répercussions tardives. La Tendenza, qui porte un regard  critique sur toutes les dimensions de la discipline : esthétiques, sociales, politiques, prône un retour aux formes historiques. Elle prend, à la fin des années 1980, le nom de postmodernisme.

À travers dessins, tableaux, maquettes, photographies et films, pour beaucoup issus des collections d’architecture du Centre Pompidou, l’exposition retrace la genèse de ce mouvement. Une grande diversité de projets − édifices publics et privés, ensembles insérés dans un contexte urbain, aménagements de quartiers créés ex-nihilo, etc. - illustre les conceptions d'architectes majeurs tels que Mario Ridolfi, Alessandro Anselmi, Carlo Aymonino, Paolo Portoghesi, Ernesto N. Rogers, Aldo Rossi, Massimo Scolari et d'autres acteurs du mouvement ayant plus particulièrement animé la scène italienne : Salvatore Bisogni, Gianni Braghieri, Arduino Cantàfora, le G.R.A.U (Groupe Romain d'Architectes Urbanistes), Antonio Monestiroli, Dario Passi, Franz Prati, Franco Purini, Uberto Siola, Franco Stella...

De nombreux ouvrages et publications périodiques, supports de diffusion de cette pensée et  pratique architecturales, sont également exposés, qui révèlent l'intensité des débats de l'époque et l’apport du mouvement aux formes urbaines de la deuxième moitié du vingtième siècle.

Commissaire de l'exposition : Frédéric Migayrou, conservateur, directeur adjoint du Musée national d'art moderne, responsable des collections architecture et design.

L'ÉMERGENCE D'UNE NOUVELLE GÉNÉRATIONRetour haut de page

Dans les années 1960, apparaît sur la scène architecturale italienne une nouvelle génération que l'on pourrait qualifier de génération du renouveau. Ces jeunes architectes veulent refonder leur discipline en opérant une rupture. Rupture radicale avec la période précédente qui a vu leurs ainés collaborer avec le régime fasciste et, pour certains d'entre eux, adhérer au parti de Benito Mussolini. Rupture avec les dogmes et les formes des avant-gardes véhiculés par le style international. « Il y a aujourd'hui des problèmes nouveaux qui ne peuvent être résolus avec le langage appauvri des modernes1, ce langage qui est réduit à un système géométrique élémentaire »2, écrit Paolo Portoghesi, architecte, historien et l'un des théoriciens du mouvement. Ces jeunes gens, avant de passer à l'acte de construire, vont d'abord conceptualiser une nouvelle relation à la ville et à l'architecture par une relecture du fait urbain et un retour à l'histoire.

Portant un regard critique sur les réalisations de leurs prédécesseurs, leur propos est d'instaurer une stratégie du projet qui intègre les changements économiques et sociaux en cours dans le pays, selon une lecture marxiste de la société3. Avant de constituer pleinement un mouvement dont le chef de file sera Aldo Rossi, la Tendenza va d'abord se formaliser à travers des écrits publiés par les revues spécialisées, des cours dispensés au sein des écoles d'architecture et des travaux de recherche édités sous forme d'ouvrages. Le débat qui se déroule alors en Italie se déploie en plusieurs lieux, Milan, Rome et Venise, en relation étroite avec les écoles dans lesquelles ces architectes mènent une activité d'enseignant mais aussi de chercheur.

L'HÉRITAGERetour haut de page

Au milieu des années 1930, l'État italien a entrepris un effort de modernisation important du pays. Le Gruppo 74, notamment, critique le mouvement Liberty5 (l'Art nouveau italien), l'avant-garde futuriste6, le Novecento7 et adopte résolument les positions de Le Corbusier, Mies Van der Rohe et Gropius, bref les principes du Mouvement Moderne. Ses membres voient dans le fascisme l'interprète actif d'une nouvelle architecture et d'une nouvelle forme urbaine à travers les vastes restructurations de centres anciens que le gouvernement a entrepris, la construction de Maisons du fascisme ou d'équipements publics, fruit d'une recherche expérimentale qui contribue à créer un consensus autour du régime mussolinien.

Pour l'Italie de l'après Seconde Guerre, il ne s'agit plus de moderniser mais de rebâtir un pays en ruines. Des quartiers entiers, des millions d'habitations ont été détruits sous les bombardements et la nation doit se relever de deux décennies de fascisme. Il faut donc reconstruire le pays autant sur le plan symbolique et institutionnel que sur le plan urbain et architectural.

INA-CASA, LES UNITÉS DE L'APRÈS-GUERRE
DE LA RECONSTRUCTION ITALIENNE. 1949-1963Retour haut de page

INA CASA, programme de construction de trois cent cinquante mille unités de logements à travers toute la péninsule, est lancé en 1949 par le ministre du Travail et des Affaires sociales, Amintore Fanfani. L'organisme procède par voie de concours afin de favoriser la création et d'offrir leurs chances à tous les architectes qualifiés, sans distinction de leur appartenance régionale. Mario Ridolfi, Adalberto Libera, Ignazio Gardella, Figini e Pollini, le studio BBPR, Michele Valori, Enea Manfredini, Franco Albini et Luigi Carlo Daneri y participent parmi d’autres.

Ce vaste plan de reconstruction initie une réflexion sur les formes (voir note 1) du modernisme et sur les modes de construction. Malgré l’ampleur des programmes, le plan vise à promouvoir les méthodes artisanales du bâtiment à travers les savoir-faire locaux ainsi qu’une architecture régionaliste, reliée au contexte, puisant ses modèles et ses références dans les lieux investis.

Le programme gouvernemental fait siennes les positions de l’architecte et historien de l’art Bruno Zevi8. Outre de se référer à l’architecture vernaculaire et de préconiser des procédés et des matériaux novateurs pour en optimiser les méthodes de construction, Zevi veut régénérer les formes architecturales, notamment à partir des expériences de Frank Lloyd Wright, adepte d’une architecture organique, « une architecture pour l’homme modelée selon l’échelle humaine mais aussi selon la nécessité spirituelle et matérielle de l’homme ». (Bruno Zevi, cité par Frédéric Migayrou, « La Tendenza, l’histoire en retour »).

Mario Ridolfi et Ludovico Quaroni. Immeubles d'habitations Ina-Casa, rue Tiburtina, Rome, 1950-1954

Mario Ridolfi et Ludovico Quaroni
Immeubles d'habitations Ina-Casa, rue Tiburtina,
Rome, 1950-1954
. Projet réalisé en collaboration
avec M. Fiorentino, F. Gorio, M. Lanza, P.M. Lugli,
G. Rinaldi, M. Valori, C. Aymonino, C. Chiarini,
S. Lenci, C. Melograni, G.C. Menichetti

Confrontés à des aménagements urbains à des échelles tout à fait nouvelles, dans des secteurs souvent situés en périphérie, architectes et urbanistes produisent une architecture qualifiée, de par sa vocation sociale, de néoréaliste (à l’enseigne de la littérature et du cinéma). Tout en conservant un certain géométrisme et des formes élémentaires, le recours à un langage vernaculaire reflète le désir des concepteurs de rompre avec le vocabulaire rationaliste de l'école fasciste.

Des opérations sont lancées à travers tout le pays qui voit se construire un ensemble de logements à Cesate près de Milan par Franco Albini et Ignazio Gardella, le quartier INA CASA à Mestre en 1953 ou le quartier Ulivia à Palerme en 1956, tous deux de Giuseppe Samona. Certaines réalisations font date comme le projet La Martella de Ludovico Quaroni à Matera, le quartier du Tiburtino construit par Mario Ridolfi et Ludovico Quaroni ou encore l'unité d’habitation horizontale du quartier Tusculano d'Adalberto Libera, tous deux dans la banlieue de Rome. Ces opérations, destinées à une population ouvrière, répondent à un modèle urbain et social bien précis, il quartiere, basé sur l'articulation entre espace individuel et espace collectif.
« Dans le contexte de l’immédiat après-guerre, le recours à un certain géométrisme assorti d’une réinterprétation critique des sources historiques de l’architecture (à l’origine d’un premier modernisme) » (F.M.)9 caractérise ces opérations qui, en élevant considérablement les standards de confort dans les appartements, contribuent, bien plus que toute autre institution, à l’unification de la nation italienne.

De la multiplicité de ces questionnements, entre retour à une architecture vernaculaire et besoin de se démarquer d’un style moderniste connoté, amélioration des conditions de production des anciens modèles et nouveaux équipements, intégration des constructions à la géographie du lieu et création ex nihilo de quartiers entiers en périphérie, élévation du niveau de vie pour le plus grand nombre et prise en compte de l’homme comme mesure… naît un débat foisonnant qui s’inscrit pleinement dans des prises de positions sociales, politiques et culturelles plus larges, qui vont rapidement aboutir à une confrontation avec l’histoire.
Ce débat se diffuse par le biais de revues, Comunità, Urbanistica, Metron, financées par Adriano Olivetti et ouvertes aux intellectuels, l’industriel turinois contribuant par ailleurs à promouvoir les « recherches italiennes sur une autre source de la modernité » en faisant construire à Ivrea un ensemble de programmes. Les réalisations de Ridolfi à Ivrea (1955-1963) mais aussi celles d’Ignazio Gardella à Venise (1953) ou de Franco Albini à Gênes (1958-1961) expriment « la nécessité d’une nouvelle confrontation avec l’histoire » (F. M.).

PREMIERS RETOURS A L'HISTOIRERetour haut de page

Paolo Portoghesi, Maison Baldi, Rome, 1959-1961

Paolo Portoghesi, Maison Baldi, Rome, 1959-1961

La Casa Baldi (1959-1961), construite par le romain Paolo Portoghesi, est un des symptômes de ce retour à l’histoire de la discipline. Avec ses courbes et contre courbes qui organisent autant le plan que les façades, la référence au baroque et particulièrement à Borromini est évidente et assumée. Il y a pour Paolo Portoghesi, lequel « revendique [le] passage du néoréalisme à un style néoliberty10 », « la nécessité de retrouver le lien entre l'architecture et le lieu entendu au sens de la géographie mais aussi de l'histoire » (AA n°271, octobre 1990). Ce courant qui réactive l’esthétique Art nouveau séduit un temps la nouvelle génération d’architectes mais aussi, curieusement, certains tenants d'un langage rationaliste comme l’agence BBPR11 qui crée la polémique avec la Torre Velasca à Milan.

BBPR, Torre Velasca, Milan, Lombardie, 1950-1958

BBPR, Torre Velasca, Milan, Lombardie, 1950-1958
Projet réalisé en collaboration avec A. Danusso
Maquette, plastique peint, bois
107 x 120,5 x 106,5 cm

Cette tour qui s'élève dans le panorama urbain de la capitale lombarde est l'objet de violentes critiques lors de sa construction. Elle est aujourd'hui l’un des édifices majeurs de la ville et partie intégrante de son patrimoine. Tirant son nom de la place sur laquelle elle est construite, la Torre Velasca se situe à trois cents mètres au sud du Duomo, la cathédrale de Milan, dans une zone autrefois résidentielle et détruite par les bombardements américains de 1943.

Haute de quatre-vingt dix-neuf mètres, avec ses vingt-neuf étages (dont deux en sous-sol), la construction abrite, au-dessus d'un parking souterrain, un programme mixte de commerces, de bureaux et d'appartements. La particularité de cette tour, nourrie à la fois des idées du Mouvement Moderne mais aussi d'un rapport au contexte, est son évasement en partie haute. Selon l'un de ses concepteurs, Alberico Barbiano di Belgiojoso, elle conjugue les « situations du passé (...), la mesure de l'homme, les gestes de l'utilisateur, le rapport entre intérieur et extérieur, le climat, la vision des formes, des espaces environnants ».
La Torre Velasca, rattachée au courant néoliberty, affiche clairement des références à l'architecture rationaliste italienne ainsi qu'au passé architectural  de la cité lombarde. Ainsi, évoque-t-elle les clochers de la ville, le Duomo et surtout le Castello Sforzesco. Pour Aldo Rossi, Luciano Semerani et Silvano Tintori, la Torre Velasca « (est) peut-être la noble illustration, déjà pathétique, d’une tentative inaboutie de représenter sous un aspect positif les contradictions de la société italienne, avec une confiance abstraite et optimiste dans la capacité résolutoire du design ».12

LES REVUES D'ARCHITECTURE
DES LIEUX DE RÉFLEXION ET DE DÉBATRetour haut de page

Cette position de Rossi, Semerani et Tintori sur la Torre Velasca est formulée dans la revue dirigée depuis 1953 par Ernesto Nathan Rogers, Casabella-Continuità, qui domine alors le paysage critique. Créée dans les années 1930 par des modernistes très engagés, Edoardo Persico, marxiste, et Giuseppe Pagano, la publication alors intitulée Casabella défend une architecture rationaliste. Les sympathies de Pagano, fasciste de la première heure (puis communiste avant la guerre), ne les empêchent pas de critiquer les courants du Novecento et de militer contre l'éventrement des centres historiques programmé par l'État dans le cadre de sa politique de modernisation. Après une éclipse durant la guerre, le périodique renaît sous le nom de Casabella Continuita. Lorsque Rogers en prend les commandes, il en ouvre les pages à de jeunes critiques comme Vittorio Gregotti, Silvano Tintorri ou Aldo Rossi qui y écrit dès 1955, avant même d'être diplômé du Politecnico de Milan (1959).

Casabella-Continuità est sous l'influence intellectuelle du philosophe Enzo Paci qui, comme l’explique Frédéric Migayrou « élabore (...) une vision unitaire des différents champs culturels, une synthèse dialectique entre le développement historique et la production scientifique et technique qui s’appuie sur une rationalité critique ». Selon lui, face à la crise de la raison et de l'histoire, il faut lutter contre les « dogmes et les séparatismes artificiels ». Ainsi la modernité est invitée à se rénover à partir d'une « relation positive entre continuité et renouvellement » ; autrement dit, il ne s'agit plus de faire table rase du passé mais de construire de nouvelles formes, de concevoir un nouveau langage à partir du déjà là.
Paci prolonge le dialogue fécond entre philosophie et architecture à travers la revue Aut Aut qu’il a créée en 1952 (et qui ne cesse de paraître qu’à sa mort en 1976), y publiant notamment des textes de Roland Barthes, Michel Foucault et Jacques Lacan qui contribuent à élargir le débat.

La lecture des philosophes de l'École de Francfort, Theodor Adorno et Max Horkheimer qui entérinent dans La Dialectique de la raison (1944) la fin de l'histoire annoncée par Hegel, mais aussi la proposition husserlienne d'une histoire reconfigurée « comme réactivation des sédiments accumulés au fil du temps » (F.M.) nourrissent les recherches et, partant, les théories du projet13 de Gregotti, Tintorri ou Aldo Rossi.
Ce dernier expose ses premières esquisses, fontaines et monuments imaginés avec Luca Meda, à la Triennale de 1964. Conçus selon une géométrie élémentaire, ils réactivent ces sédiments, des formes identifiées comme types.

UNE LOGIQUE DU PROJET. TYPOLOGIE – MORPHOLOGIERetour haut de page

La référence explicite dans ses premiers textes à Quatremère de Quincy et à sa notion de type (De l'imitation, 1823) renseigne sur l'approche et la méthode élaborée par Rossi. Comme l'architecte des Lumières, il répertorie des modèles ou plus exactement des types se répétant au fil des siècles et qui sont générateurs des formes de la ville14. L'architettura della città publiée en 1966 signe l'acte de naissance de la typologie et de la morphologie qui réactivent les outils de conception des architectes.
L'ouvrage devient pour toute une génération la référence pour redécouvrir la ville historique et analyser les formes urbaines ; il rassemble les cours et les travaux de recherche entrepris par Rossi qui enseigne dès 1962 à l'Institut Universitaire d'Architecture de Venise (IUAV) où il a rejoint Carlo Aymonino. Pour Rossi « les formes architectoniques qui s'élaborent à un moment donné deviennent patrimoine commun de l'architecture comme cela arrive pour n'importe quelle technique. (…) Un architecte comme Palladio a permis une créativité maximale à l'intérieur d'un système non seulement codifié mais tout à fait local et personnel.15 »

Cette nouvelle manière d'appréhender l'architecture se diffuse par le biais de nombreux manuels : les Quaderni di progettazione du Gruppo Architettura, Rapporti tra la morfologia urbana e la tipologia edilizia de Rossi et Aymonino, L’analisi urbana e la progettazione architettonica. Contributi al dibattito e al lavoro di gruppo nell’ anno accademico que Rossi conçoit pour ses étudiants du Politecnico de Milan.
La définition de formes types et la lecture morphologique de la ville sont également au cœur des réflexions du Gruppo romano architetti urbanisti (GRAU) et de l’Associazione urbanisti ed architetti (AUA) où l’on retrouve notamment Manfredo Tafuri, à Rome.

Outre l’analyse des formes urbaines nées de la ville historique, pour Rossi et Aymonino il est aussi nécessaire de lier le projet architectural au territoire, c’est-à-dire d’élargir le champ d’intervention de l’architecture au-delà des limites urbaines. L'un des tenants le plus radical de cette relation au territoire sera Vittorio Gregotti qui publie en 1966 Il territorio dell'architettura, ouvrage préfacé par le sémiologue (puis romancier) Umberto Eco que ces questions interpellent pour leur nouveauté dans la culture architectonique italienne.   
De très grandes structures sont le produit de cette approche, chargées de réguler la forma urbis, en redéfinissant l'équilibre territorial : le plan de Cefalù (1976), le quartier Zen à Palerme (1968-1971) conçu par Vittorio Gregotti avec Franco Purini, ou l'Université de Calabre près de Cosenza (prévue pour s'étirer sur trois kilomètres, 1972-73), tout comme le Coriale (1972) construit par Mario Fiorentini dans la campagne romaine.

Carlo Aymonino, Bibliothèque nationale, Rome, 1959

Carlo Aymonino, Bibliothèque nationale, Rome, 1959
Projet non réalisé, en collaboration avec B. De Rossi
Façade principale, entrée
Crayons gras orange, noir et violet sur calque, 84 x 45 cm

Carlo Aymonino prolonge ses réflexions sur l'expérimentation urbaine à travers son livre Origini e sviluppo della città moderna (1965) et ses premiers projets. La Bibliothèque Nationale de Rome, restée à l'état d'esquisse, pose la question de l'insertion et de la relation au contexte : le bâtiment devient un élément urbain qui s'ouvre sur la rue. À Florence, il conçoit l'université selon le même principe (1971), guidé par l'idée que l'œuvre architecturale constitue un élément d'urbanité. La réalisation du quartier San Rocco du Gallaratese (1967-1974)  sera son manifeste pour l'architecture de la périphérie.

Carlo Aymonino, Unité d'habitation Monte Amiata, quartier Gallaratese, Milan, Lombardie, 1967-1974

Carlo Aymonino, Unité d'habitation Monte Amiata
Quartier Gallaratese, Milan, Lombardie, 1967-1974

Projet réalisé en collaboration avec M. Aymonino, A. De Rossi et S. Messarè

Gallaratese. Un pezzo di città

Axonométrie. Encre rouge, crayons de couleur,
tirages sur papier marouflés sur toile, 233,5 x 197,4 cm

Commande de la société Monte Amiata, le Gallaratese, en périphérie de Milan, a été l'objet d'une vaste opération d'aménagement conduite par Carlo Aymonino16. Ce projet lui offre l'occasion d'appliquer sa théorie sur la ville élaborée dans ses écrits sur Padoue, sur les origines de l'urbanisme et le développement de la ville moderne, et dans son enseignement à l'IUAV. Si sa démarche résulte d'une remise en cause radicale des modèles modernistes qui prévalent jusque-là, paradoxalement, il cite les unités d'habitation de Le Corbusier comme référence pour la conception de cet ensemble. Aymonino s'attache à la notion de qualité urbaine et travaille sur l'articulation des fonctions17 et la répétition d'éléments constitutifs.

Destiné à abriter deux mille quatre cents habitants dans quatre cent quarante-quatre logements, le quartier a été pensé comme une ville en réduction. Dans un site sans éléments remarquables sur lesquels s'appuyer, Aymonino conçoit un ensemble volumétrique articulé en cinq constructions de hauteur et d'épaisseur différentes délimitant trois places. Ces espaces publics ont pour vocation de générer des relations sociales en étant lieu de rencontres, aires de jeu et espace de loisirs, l'une constituant un théâtre en plein air. L'architecture est envisagée comme un processus agrégatif et fragmentaire : chaque unité se distingue par un registre de loggias, de balcons, de circulations qui définissent la modénature des façades et donnent une singularité à chacune.    

L'un des immeubles a été confié à Aldo Rossi qui dessine une barre de quatre niveaux en béton armé dont la façade principale, à la stricte géométrie, s'organise sur une colonnade traversante. Cet ensemble de logements, « un bâtiment d’habitation étroit conçu à partir de l’étude typologique de la maison à coursive traditionnelle lombarde » (Silvia Micheli), sa première œuvre construite, est l'expression des théories exposées dans son ouvrage L'Architettura de la citta. Tout à la fois rue et portique, immeuble d'habitations et monument, l'édifice, long de cent quatre-vingt-deux mètres et épais de douze mètres, se présente comme un morceau de ville. « Dans tous mes projets de logement, je me réfère aux types de base d'habitat résultant du long processus de formation de l'architecture urbaine. Ainsi grâce à l'analogie, tout corridor devient rue, toute cour une place et le bâtiment reproduit les lieux de la ville », explique Rossi pour qui le Gallaratese est aussi le manifeste d'une architecture chargée d'exprimer une mémoire collective et des valeurs symboliques.

Après 1968 et ses bouleversements, la réflexion sur la refondation de la discipline se poursuit et qui trouve notamment sa place dans la revue de Portoghesi, Controspazio, et dans les projets de Costantino Dardi, du groupe Grau, d’Aldo Rossi, Giorgio Grassi, Antonio Monestiroli, Luciano Semerani et Gianugo Polesello. À la recherche d’une autonomie, les architectes de la Tendenza travaillent à la conception de normes et de modalités qui permettent d’« établir une théorie du projet architectonique valable en toutes circonstances » (S.M.). Giorgio Grassi notamment, dans son ouvrage La costruzione logica dell’architettura (1967), établit des principes de composition ou de combinaison architecturaux définissant des formes d'expression et un vocabulaire architectural, principes mis en œuvre notamment par Antonio Monestiroli dans la cité universitaire de Chieti (1976-1979).

RECOMPOSER LA VILLE PAR ANALOGIERetour haut de page

LA 15E TRIENNALE DE MILAN
LA CITTÀ ANALOGA D'ARDUINO CANTÀFORA, 1973Retour haut de page

Groupe des architectes présentés à la XVe Triennale de Milan, 1973

Groupe des architectes présentés à la 15e Triennale de Milan, 1973
devant l'œuvre d'Arduino Cantàfora, La Città analoga, 1973
De gauche à droite, Richard Meier, Julia Bloomfield, Peter Karl, Vittorio Savi, / non identifié /, Antonio Monestiroli, Max Bosshard, Aldo Rossi, Arduino Cantàfora, Gianni Braghieri, Bruno Reichlin, Aldo Aymonino, Fabio Reinhart, Heinrich Helfestein (arrière-plan), José Da Nobrega (premier plan), Franco Raggi, Claudio Maneri, Massimo Scolari, Michael Graves

En 1973, la quinzième Triennale de Milan permet à la Tendenza d'apparaître comme mouvement et offre à Aldo Rossi, autour de qui elle s’est formée, une tribune pour revendiquer l’autonomie de la discipline. L'architettura razionale, qu’il publie à cette occasion, affirme « la cohérence des typologies à l’intérieur du projet architectural (comme) but ultime vers lequel (il faut) tendre. C’est le projet » (cité par F. M.).
Mais c'est aussi le lieu d'une scission avec le courant « architecture radicale ». Celui-ci s'était constitué avec l'exposition Superarchitettura organisée en 1966 par Adolfo Natalini à Pistoïa où étaient présentés les travaux novateurs d'étudiants de la Faculté d'architecture de Florence, conçus selon des motivations d’ordre politique. « L’un de leurs objectifs (était) la critique de la société capitaliste (...). Ils vis(aient) à l’autolibération de l’individu conditionné dans ses comportements par les esthétiques et les morales courantes. Ces positions constituent le lien entre des expériences hétérogènes – au nombre desquelles celles des agences Archizoom, Superstudio, UFO, 9999 ou Sturm e Zziggurat – parfois éloignées dans leurs présupposés idéologiques et méthodologiques. » (S.M.)

Arduino Cantàfora, La Città analoga, 1973

Arduino Cantàfora, La Città analoga, 1973
Étude III. Aquarelle et crayons gras sur papiers raboutés montés sur carton, 31 x 72,5 cm

C'est lors de la Triennale que les visiteurs sont confrontés à une huile sur toile intitulée La Città analoga réalisée par le peintre et architecte Arduino Cantàfora, collaborateur régulier d'Aldo Rossi à l'époque. L'œuvre, de sept mètres de longueur sur près de deux mètres de hauteur, présente, dans une lumière proche des toiles de Giorgio de Chirico,18 un  paysage urbain composé de multiples références architecturales. Le tableau évoque autant les compositions urbaines de la peinture métaphysique, les perspectives des cités idéales de la Renaissance que des édifices de l’époque contemporaine. Se côtoient pêle-mêle l'usine AEG de Peter Behrens, le Panthéon de Rome, la Maison du fascisme de Terragni à Côme, le grand ensemble d'Hilberseimmer imaginé pour Berlin, des œuvres d'Aldo Rossi, etc.

Ce tableau, qui exprime le choix d'envisager l'histoire de l'architecture comme le premier des matériaux utiles pour concevoir des villes, initie pour l'artiste une série d'œuvres dans lesquelles il met en jeu l'image globale de la ville et de son histoire. Cette notion de ville analogue apparaît comme significative dans cette manifestation. Directeur invité, Rossi commente le tableau de Cantàfora dans l’introduction de la section architecture du catalogue. Il définit La Città analoga comme un système de composition, qui renvoie à la dimension humaine de l'édification des villes à travers le temps et comme une posture éthique faisant des monuments autant de points de référence et d’articulation de la mémoire collective.

La Biennale de Venise
La CittÀ Analoga d'Aldo Rossi, 1976Retour haut de page

Aldo Rossi, Eraldo Consolascio, Bruno Reichlin, Fabio Reinhart, La Città analoga, 1976

Aldo Rossi, Eraldo Consolascio, Bruno Reichlin,
Fabio Reinhart, La Città analoga, 1976

Œuvre présentée lors de la Biennale de Venise, 1976

Une seconde version, création collective des architectes Aldo Rossi, Eraldo Consolascio, Bruno Reichlin et Fabio Reinhart, est destinée à faire office de feuille de route de la Tendenza. Image composite de deux mètres sur deux, elle a été présentée à la Biennale de Venise et dans la plupart des monographies et des catalogues consacrés à l’œuvre de l'architecte. Pour élaborer ce collage, Rossi prend pour modèle une œuvre de 1759 de Canaletto dans laquelle le peintre, célèbre pour ses vues vénitiennes, juxtapose des projets de Palladio réels ou imaginaires, associant la Basilique de Vicence, une vue du Palazzo Chiricati et le projet pour le pont du Rialto. Rossi considère que ce tableau constitue une Venise analogue, une Venise imaginaire et donc bien réelle. 

Selon lui, la planche est une illustration d’un procédé « analogique » consistant à faire émerger des significations nouvelles à partir de la réinsertion d’objets et de projets : la planche a donc été composée comme un véritable projet urbain. En fond de cette seconde version de la Città : la trame de la ville idéale décrite par Vitruve et gravée par Giambattista Caporali (1536) ; des plans de ville (Mantoue, Côme, le Palais de Minos en Crète, etc.) structurent la majeure partie de la composition tantôt en impression, tantôt en filigrane. S'y insère un ensemble hétérogène de projets ou constructions : le plan pour le projet d’habitations de San Rocco à Monza (1966), l’ensemble d’habitations de Gallaratese (1970), le schéma triangulaire extrait du plan du cimetière de Modène (1971), un fragment du Champ-de-Mars (1757) et une vue des Carcieri (1743 -1745) de Piranese, la Chapelle de Ronchamp de Le Corbusier (1959) non loin du Bouleutérion de Milet (164 av. J.-C.), le plan de Saint-Charles aux Quatre-Fontaines de Borrimini, celui du Tempietto de Bramante, celui du Palais Thiene de Palladio, ou encore le plan de la bibliothèque Laurentienne (1525) et un fragment du complexe de Bayezid datant du 15e siècle, le Danteum de Terragni (1938-1940), etc.

C'est à la lumière d'une lettre de Jung à Freud traitant de l'analogie en tant que forme archaïque de pensée inexprimable en mots que Rossi aurait saisi la puissance de l'analogie dans l'imagination architecturale. L'analogie est davantage considérée en tant qu'expérience psychologique plutôt qu'image. L'histoire de l'architecture n'est plus un simple répertoire, mais « une série d'objets affectifs mobilisés par la mémoire lors de la conception du projet : comme une "méditation des thèmes du passé" » (Aldo Rossi cité par F.M.). La ville analogue définie comme une « riposte à la destruction des centres urbains et, en même temps, construction d’une nouvelle ville » exprime la volonté de reconstruire des contextes et de concevoir l'architecture comme outil de fabrication ou d'amélioration des villes.

une dynamique internationaleRetour haut de page

Europa / America : architetture urbane, alternative suburbane, 1976
Roma interotta, 1978
la Strada Novissima, 1980

Affiche de l'exposition « Roma interrotta », organisée par les Rencontres internationales d'art de Rome, marchés de Trajan, Rome, mai-juin 1978

Affiche de l'exposition « Roma interrotta »
organisée par les Rencontres internationales d'art de Rome,
marchés de Trajan, Rome, mai-juin 1978

Cette Triennale de 1973 fait date dans l'histoire de la Tendenza dont les thèses essaiment au-delà des frontières de la péninsule. Ainsi, en 1976 à Venise, l'exposition Europa / America : architetture urbane, alternative suburbane s'ouvre à une scène internationale. Robert Venturi, Peter Eisenman, John Hejduk ou Charles Moore présentent leurs travaux avec les Italiens. En mai 1978, la manifestation Roma interotta entérine cette ouverture en conviant les Britanniques Colin Rowe, James Stirling, les Américains Robert Venturi et Michael Graves, le Français Antoine Grumbach, les Luxembourgeois Léon Krier et Robert Krier à intervenir aux cotés de Costantino Dardi, Romaldo Giurgola, Paolo Portoghesi, Aldo Rossi et Piero Sartogo, à imaginer le devenir de Rome à partir du Plan de Nolli19. Dessinées en 1748, douze planches proposaient une représentation de la ville prenant en compte les espaces publics intérieurs des bâtiments (églises et palais) et associaient forme urbaine et typologies architecturales.
Sur une idée de Piero Sartogo, chacun des architectes se voit confier une des douze planches pour réinterpréter les douze quartiers de Rome.
« Il ne s'agit naturellement pas d'une proposition urbaine mais d'une série d'exercices de gymnastique de l'imagination sur les barres parallèles de la mémoire », déclare le maire de Rome, historien et critique d'art, Giulio Carlo Argan en inaugurant Roma Interrotta, au marché de Trajan. Présentées comme un cadavre exquis et prolongeant le principe du montage de la Città analoga, les planches avaient fait l'objet d'une réinterprétation historique des morphologies urbaines pour proposer un nouveau plan de Rome. Bien que critiquée en raison de l'absence de coordination entre les participants, Roma interrotta condense la réaction contre toutes formes d'expressions architecturales contemporaines. La manifestation fonde le postmodernisme comme mouvement dominant de la scène architecturale pour la décennie suivante.

Affiche de l'exposition « Strada Novissima », 1ère Biennale d'architecture de Venise, « La presenza del passato », corderie de l'Arsenal, 27 juillet-19 octobre 1980

Affiche de l'exposition « Strada Novissima »
1ère Biennale d'architecture de Venise, « La presenza del passato »
Corderie de l'Arsenal, 27 juillet-19 octobre 1980

En 1980, la Prima Mostra Internazionale di architettura à la Biennale de Venise constitue un manifeste pour l'architecture postmoderne. C'est sous l'impulsion de Paolo Portoghesi que la discipline est apparue l'année précédente à Venise avec le Teatro del Mondo d'Aldo Rossi. Cette architecture éphémère flottant sur la lagune vénitienne prélude à la retentissante exposition La presencia del passato (La présence du passé) qui poursuit l'offensive contre le Modernisme. Le choix du thème et des exposants veut montrer qu'il y a des solutions à la crise de l'architecture.

 

 

 

 

Aldo Rossi . Projet pour Cannaregio Ouest avec le Teatro del Mondo, Venise, Vénétie, 1979-1980

Aldo Rossi. Projet pour Cannaregio Ouest
avec le Teatro del Mondo, Venise, Vénétie, 1979-1980

Projet réalisé
Stylo noir et pastels sur papier, 49,5 x 53 cm

La Prima Mostra Internazionale di architettura se déroule dans la Corderie, un bâtiment long de quatre cents mètres. Son entrée dans l'Arsenal de Venise se situe au fond d'une calle étroite. La configuration des lieux suggère à Portoghesi la création d'une rue, la Strada Novissima, réalisée à partir des dessins de vingt architectes invités parmi lesquels Massimo Scolari, le studio GRAU, Aldo Rossi, Michael Graves, Rem Koolhaas, Elia Zengellis, Antoine Grumbach, Thomas Gordon Smith, Allan Greenberg, Robert Venturi, Hans Hollein et Robert A.M. Stern. Chacun dispose d'une travée délimitée par deux colonnes et doit aménager son espace de présentation et sa façade. Par la constitution de ce simulacre réalisé en grandeur réelle par les ateliers de Cinecittà, le commissaire prône le retour à la rue, et aux techniques traditionnelles de fabrication de la ville

Rossi imagine pour l'occasion une porte, à l'entrée de cette voie, entre deux vieilles constructions. Comme le Théâtre du Monde réalisé l'année précédente, la porte se réfère à la mémoire de la cité lagunaire, à une Venise représentée dans les tableaux de Carpaccio, à ses constructions éphémères lors des fêtes et des cérémonies urbaines, mais elle renvoie aussi à toutes les anciennes portes de villes que l'on peut rencontrer en Europe.

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© Centre Pompidou, Direction des publics, juin 2012
Texte : Mylène Glikou
Design graphique : Michel Fernandez et Cyril Clément
Intégration : Cédric Achard

Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education/ rubrique ’Dossiers pédagogiques’
Coordination : Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques Retour haut de page

Références

_1 Le rationalisme architectural, né en Europe au début du 20e siècle, est intimement lié aux innovations esthétiques des arts plastiques, particulièrement celles du cubisme et du constructivisme. Les formes élémentaires de la composition, le recours aux matériaux nouveaux (béton, verre et acier), la structure laissée apparente constituent les fondements de cette architecture rationnelle et fonctionnelle. Walter Gropius (1883-1969), Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) ou Le Corbusier (né Charles-Édouard Jeanneret, 1887-1966) en sont les éminents représentants. Le Corbusier en expose les principes dans « Vers une Architecture » publié en 1923. Cinq points définissent le langage moderne : les pilotis, le plan libre, la façade libre, la toiture-terrasse et la fenêtre horizontale. L'utilisation rationnelle des matériaux, les méthodes économiques de construction, l'absence d'ornementation et le dialogue systématique avec la technologie industrielle constituent les valeurs fondamentales du Mouvement Moderne.

_2 In Architecture d'Aujourd'hui, septembre-octobre 1975, n°181.

_3 Pour la dimension politique du mouvement, voir l'article de Mario Viganò : Architecture : entre engagement politique et autonomie de la discipline (catalogue de l'exposition).

_4 Le Gruppo 7 est constitué au milieu des années 1920 par, entre autres, Giuseppe Terragni, Luigi Figini, Gino Pollini.

_5 Le Stile Liberty correspond à l'Art nouveau italien. Ce courant esthétique qui se développe au tournant des années 1900 affecta l'Europe entière. En réaction à l'industrialisation, le mouvement, essentiellement décoratif, met en valeur la ligne ornementale courbe (Belgique, France) ou géométrique (Royaume-Uni, Allemagne, Autriche, Italie). En architecture, il affiche une volonté délibérée de rompre avec l'imitation des styles du passé et privilégie une relation entre surface et ornement plutôt qu'une expression spatiale du plan.

_6 Apparu sur le devant de la scène en 1909, le Futurisme est un mouvement littéraire et artistique. Né des ruptures stylistiques opérées au début du vingtième siècle, il s’inscrit dans le prolongement du cubisme par la géométrisation des formes et emprunte à l'expressionnisme pour la palette chromatique. Les peintres futuristes s’attachent à représenter des sujets incarnant la modernité : ville, machines, vitesse. Leurs œuvres se caractérisent par une recherche de l’expression picturale du mouvement. En architecture, Antonio Sant’Elia exprime la nécessité d'en finir avec la tradition et imagine avec la Città Nuova une ville de l'époque industrielle constituée de gratte-ciel équipés d'ascenseurs extérieurs, de voies de circulation à différents niveaux, de gares immenses, d'usines.

_7 Le Novecento est un courant artistique et architectural étroitement associé au fascisme. Le nom du mouvement (qui signifie 1900) est choisi en référence aux grandes périodes de l'art italien, le Quattrocento et le Cinquecento (1400 et 1500). Une exposition regroupant sept artistes à Milan, en 1923, signe son acte de naissance. Bien qu'ayant un langage pictural différencié, le rejet des avant-gardes et une référence commune à l'antiquité et à l'harmonie de ses formes classiques les réunissent. Le courant architectural du Novecento qui renoue avec les formes architecturales de la Rome antique est fondé en 1926 et inclut Gio Ponti, Emilio Lancia, et Pietro Chiesa. La référence à des « racines italiennes » en architecture confortait les ambitions du régime.

_8 Architecte, historien de l’art et critique d’art, Bruno Zevi (1918-2000) a fait ses études d'architecture à Londres et Harvard, contraint à l'exil par l'antisémitisme du régime mussolinien. À son retour à Rome en 1945, combattant les positions rationalistes, il fonde l'Association pour l'architecture organique, qui fait de l'œuvre de Frank Lloyd Wright la référence majeure d'une architecture contemporaine, porteuse d'un engagement civique démocratique. Enseignant à Venise dès 1948, il publie Saper Vedere l'architettura (Apprendre à voir l'architecture), ouvrage fondamental qui formera des générations d'étudiants. Son propos est de lier architecture et histoire mais une histoire « vivante », débarrassée de tout historicisme.

_9 Catalogue de l’exposition, Frédéric Migayrou, « La Tendenza : l’histoire en retour ».

_10 Né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement italien marque un retour au Stile Liberty et plus spécialement à ses formes géométriques empruntées à la Sécession viennoise.

_11 Formés au Politecnico de Milan, Gian Luigi Banfi (mort en déportation), Alberico Barbiano di Belgiojoso, Enrico Peressutti et Ernesto Nathan Rogers s'associent pour créer en 1932 une agence qui portera leurs initiales BBPR. Très investis dans le débat architectural, ils participent à la fondation de la revue Quadrante en 1933 dans laquelle ils publient des articles prônant la nécessité d'une planification urbaine à l'échelle du pays. Auteurs de plusieurs plans d'aménagement – pour Pavie, le Val d'Aoste, ou le plan AR pour Milan – leur architecture qui flirta un temps avec le fascisme exprime une rationalité essentielle. La Torre Velasca, l'une de leurs dernières réalisations, rompt avec l'orthodoxie rationaliste.

_12 Catalogue de l’exposition, cité par Silvia Micheli, « Architecture italienne : années 1960 et 1970 ».

_13 Chaque architecte a son mode de « projetation », nourri de conceptions spécifiques. Ce qui rassemble les architectes de la Tendenza est la prise en compte de l’histoire, c’est-à-dire des formes architecturales et urbaines, strates du passé, dans la conception et la forme du projet.

_14 Aldo Rossi insiste sur des types de construction préétablis qui déterminent la structure morphologique de la ville. Le type se définit par le découpage du sol, la rue, la place, l'îlot, la relation des éléments bâtis entre eux, l'organisation du plan et un catalogue de formes architecturales qui génère un langage (ordonnancement et modénature des façades, formes des toitures, des baies, etc.).

_15 Cité par Gianni Bragheri in Aldo Rossi, éditions Studio Paperback, 1983.

_16 Cette opération d'aménagement a été conduite par Carlo Aymonino avec Maurizio Aymonino, Alessandro De Rossi et Sachim Messaré.

_17 Les quatre fonctions de la ville ou du quartier sont la vie, le travail, les loisirs et les infrastructures de transport.

_18 « Le rapport à la mémoire est central chez de Chirico qui fait du paysage urbain l'espace théâtral d'une permanence insensée de l'Histoire. La ville de la peinture métaphysique acquiert une réalité de musée éternisée en tant que passé. » Giovanni Lista, La ville inquiète, p.227, in La ville Art et architecture en Europe 1890 – 1993, Paris, Centre Georges Pompidou.

_19 Giambattista Nolli (1692-1756), architecte et cartographe italien, surtout connu par son plan de Rome, et architecte d’églises dans la capitale romaine.

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