Dossiers pédagogiques
Parcours exposition

 

 

AIRS DE PARIS
du 25 avril au 15 août 2007, Galerie 1

 

 

Marcel Duchamp, Air de Paris, 1919/1964 © Succession Marcel Duchamp / Adagp, Paris

 

INTRODUCTION
Sur un air de Marcel Duchamp
Pour les trente ans du Centre Pompidou

ART
L’espace urbain : mutations et perceptions
La rue comme source d’inspiration et de questionnement
Quel rapport au monde ?
Le collectif, l’individu et l’intime

PAYSAGE, ARCHITECTURE, DESIGN  
La ville : espace construit, non-construit
La place de l’homme : corps et horizons

CONCLUSION : EXIL

ANNEXES
Plan de l’exposition
A consulter sur internet

 

 

Introduction retour sommaire

Airs de Paris est une exposition consacrée à la ville, à ses formes et à ses évolutions contemporaines, à son espace construit, vécu, perçu ou détourné. Pluridisciplinaire, elle incarne l'engagement du Centre Pompidou envers la création d’aujourd’hui dans le domaine des arts plastiques mais aussi du paysage, de l'architecture et du design. Airs de Paris, exposition anniversaire pour les 30 ans du Centre Pompidou, se propose et se visite comme une aire de créations, de réflexions, de passage, à travers les yeux de 59 artistes et 17 paysagistes, designers et architectes.
En prenant Paris pour point de départ, son but est, non pas de parler de la capitale mais, à partir de ce contexte particulier qu’est Paris, d’explorer la ville à l’heure de la mondialisation.

Ce dossier propose un parcours qui suit la trame et le cheminement de l’exposition – avec ses deux grands axes : Art et Paysage, architecture, design – pour reconduire, en conclusion, le visiteur dans la ville proprement dite, autour du thème : l'« exil ».

 

Sur un air de marcel Duchamp

Vue de l’exposition
Mur du fond, Marcel Duchamp : Air de Paris, 1919-1964, Richard Fauguet : Sans titre, 2007. Michel Blazy : Pluie d’air, 2007. A gauche et à droite : les dates painting d’On Kawara et Olivier Babin

Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par un hommage à Marcel Duchamp. Son œuvre, Air de Paris, symbolise l’orientation de cette exposition et en a directement inspiré le titre. C'est à Duchamp que le Centre Pompidou avait consacré une monographie, à son ouverture, il y a 30 ans.

Autour de cette œuvre est construit un paysage : silhouettes ironiques de chefs-d'œuvre de la sculpture de Richard Fauguet, Sans titre, 2007 – on y reconnaît en noir et blanc (aspect marbré, sur papier adhésif) le Rhinocéros de Xavier Veilhan et le Mannequin de Séchas -, sous la Pluie d'air de Michel Blazy – un air de Paris actualisé, sale et pollué.
Ce sont bien des airs de Paris que le visiteur est convié à venir respirer à travers des travaux d'artistes liés à cette ville d'une manière ou d'une autre, qui évoquent la ville au sens large et non Paris au sens local, comme le suggère l'air léger et voyageur de Duchamp.

Marcel Duchamp, Air de Paris, 1919/1964
Verre et bois, 14,5 x 8,5 x 8,5 cm

Présentée par Duchamp comme un ready-made, cette ampoule pharmaceutique, vidée de son contenu et ressoudée, est entourée de mystère. A t-elle été réellement produite en plusieurs exemplaires et vendue dans le commerce ? Ne contient-elle pas l'air du Havre, ville où elle aurait été réalisée, port d’embarquement pour les Etats-Unis ? Questions sans réponse mais qui rappellent la malice de son auteur.

C'est en 1919 que Marcel Duchamp offre cette « précieuse ampoule de 50 cm3 d'Air de Paris - visible ici dans sa réplique de 1964 - à des collectionneurs américains, Louise et Walter Arensberg. Dans cette capsule protectrice, l'air de Paris, vital et précieux mais aussi ironique et léger, quitte une Europe marquée par la guerre, passe les frontières, traverse l'océan, comme le fait à la même époque Duchamp lui-même, qui se définira d'ailleurs à l'occasion comme un simple « respirateur ».

 

Pour les trente ans du Centre Pompidou

Comme l'indiquent les deux « date paintings » accrochées dans cette première salle, il s'agit aussi d'un anniversaire (On Kawara : 28 avril 1977, cette date d’avril 1977 est celle de son exposition au Centre Pompidou qui vient d’ouvrir ses portes. Olivier Babin : 16 août 2007, celle-ci est le jour de clôture de l’exposition Airs de Paris). Le Centre Pompidou a trente ans, et célèbre cette histoire, revenant sur ses premiers pas et sa place dans la ville. Conical Intersect de Gordon Matta-Clark raconte ainsi une action réalisée en 1974 sur le chantier.

Gordon Matta-Clark, Conical Inter-Sect (Etant d'art pour locataire, Quel Con, Quel Can ou Call Can), 1974 (capture)
Film 16 mm, 18’40’’, couleur, silencieux

L'artiste new-yorkais Gordon Matta Clark, adepte des coupes de bâtiments abandonnés, est invité en 1974 à la Biennale de Paris, alors que le cœur de la capitale voit s'élever la structure du futur Centre Pompidou. Ce chantier monumental, lié à la restructuration du quartier des Halles, s'accompagne d'une intense polémique, attirant le regard de l'artiste qui décide d'intervenir dans l'événement. Le film retrace le déroulement de cette action artistique.

Après avoir imaginé une action sur le chantier du bâtiment en construction, Matta-Clark investit les immeubles voisins en démolition, dans lesquels il fait réaliser une coupe conique. Ouvrant une percée sur le chantier, la coupe vient renouveler la perception des bâtiments et de l'environnement. Comme le souligne son titre avec humour, l'œuvre met l'accent sur la transformation d'un quartier populaire en lieu touristique et commerçant, mutation des villes modernes dont le quartier Beaubourg devient symbole.

En 1996, Pierre Huyghe fait écho à cette action en projetant le film de Gordon Matta-Clark sur la façade des immeubles reconstruits. La photographie présentée dans l’exposition, Light Conical Intersect, anti-événement, a été réalisée à cette occasion.

 

 

ART retour sommaire

Après une introduction où s’allient hommage et anniversaire, dix thèmes rythment la section consacrée à l’art. Elaborés à partir des œuvres, ils suivent un fil allant de l'environnement le plus large à l'intimité la plus enfouie. Ils sont, ici, rassemblés selon quatre axes.

 

L'espace urbain : mutations, perceptions

« Un autre espace urbain, remix et fictions »

Pour entrer dans cette thématique d'un « autre » espace urbain, d'un espace imaginé, transformé, fantasmé, deux « vitrines » peintes au blanc d’Espagne de Bertrand Lavier font face à la « palissade » percée de vidéos de Raymond Hains. Chacun évoque, dans un jeu entre fermeture et transparence, une ville mouvante et cachée, source d'inspiration pour les artistes. Dans le paysage dénaturé de Stéphane Callais des troncs d'arbres mutent en mobilier urbain sous une lune noire tandis que Vincent Lamouroux explore à bord de son pentacycle les territoires bordant le tronçon du rail de l'aérotrain (18 km de voie expérimentale, près d'Orléans) abandonné il y a trente ans. Dans une petite salle isolée, en écho à tous ces environnements extérieurs, Tatiana Trouvé construit un paysage intérieur.

Vue de l’exposition
Tatiana Trouvé, Sans titre
, 2007
Installation, techniques mixtes

Le terme « polder » désigne un espace gagné sur la mer aux Pays-Bas, un marais littoral drainé, asséché et mis en valeur. Tatiana Trouvé se le réapproprie pour évoquer ces espaces qu’elle gagne sur le vide. Pour Airs de Paris, l’artiste construit un nouveau Polder. Au centre de la pièce, un rocher noir et luisant recouvert de cadenas et de poids en cuivre. Dans un angle, un recoin, fil de cuivre, miroir contre le mur et paroi transparente teintée à quelques pas de distance, déconstruisent l’espace, déforment et diluent la présence du visiteur.

Dans l’un des murs, une porte modèle réduit (qui donne ici sur un local technique, espace caché de l’exposition), suggère la présence d’habitants mystérieux, esprits du lieu. Pour parachever l’inquiétante étrangeté de ce polder, un rai de lumière passe sous l’une des cloisons découpées en biais et vient déséquilibrer toute la pièce.

Enfin, cinq dessins et collages accrochés au mur évoquent « un emboîtement d’espaces qui prolonge mais aussi rejoue et contredit les dimensions de l’installation. » (Tatiana Trouvé, entretien avec Daniel Birnbaum, catalogue de l’exposition, p. 28)

« Nouvelles perceptions de l'espace et du temps »

Dans un lieu de passage, une « cabane éclatée » de Daniel Buren déroute les visiteurs. Le découpage des cloisons, dont les morceaux sont projetés sur les murs environnants, joue avec les repères spatiaux et visuels. Le phénomène est accru par le matériau utilisé par Buren : il s’agit en effet de « paysages fantômes » de Xavier Veilhan qui imposent au spectateur de se déplacer pour les reconstruire. Cette fragmentation de l'espace et du temps, « puzzle spatio-temporel » propre au monde contemporain, est explorée sur un autre mode par le film de Valérie Jouve projeté dans la salle adjacente.

Valérie Jouve, Time is Working Around Rotterdam, 2006
Vidéo sur digibeta ou beta SP, 25’

L’œuvre est le fruit d’une commande faite à l’artiste par la société de transport ferroviaire néerlandaise pour appréhender les transformations provoquées par le passage du TGV sur le territoire hollandais. C’est en tant qu’anthropologue et sociologue que Valérie Jouve a commencé, il y a vingt ans, à utiliser la photographie. Elle glisse rapidement vers une pratique artistique de ce medium, qui aboutit, il y a quelques années, au film. Si elle s’éloigne du reportage sociologique, son œuvre en garde toujours la marque : son film saisit ainsi les multiples temporalités du monde contemporain sans oublier les foules, constituées d’individus sur lesquels son regard s’attarde. Malgré l’extrême morcellement des rythmes et des images, une impression d’unité domine l’ensemble, qui enveloppe et berce le spectateur.

 

La rue comme source d'inspiration et de questionnement

« Nouveaux langages publics et cultures populaires urbaines »

Vue de l’exposition
A gauche, Jacques Villeglé : affiches lacérées marouflées sur toile, 1987 et 1991
A droite, Jean-Luc Moulène, Le Tunnel, Boulevard de Bercy, Paris, 1996-2001, 2007

La rue est un espace fondateur de l'art contemporain. Les cultures populaires qui s'y expriment se voient appropriées par de nombreux artistes, qui s'en nourrissent pour produire des œuvres en lien avec leur temps. En témoignent les affiches lacérées de Jacques Villeglé auxquelles fait face Le Tunnel de Jean-Luc Moulène, compilation de graffiti anonymes collectés et diffusés par l'artiste par le biais d'un journal. Distribué au public, il retourne ainsi à la rue. Bertrand Lavier, quand à lui, expose un skateboard tel une œuvre des arts premiers. L’objet raconte avec ironie un mode d'appropriation actif de l'espace public et sa mise en scène, une société qui se muséifie en même temps qu'elle se vit. Dans ces salles, le public peut également entendre l'Air de Paris composé par Rainier Lericolais.

Rainier Lericolais, C Air de Paris, 2007
Musique téléchargeable sur la page de présentation de l'exposition lien
musique, Rainier Lericolais ; voix, Lili Kim ; master, Pierre-Yves Macé
Production du Centre Pompidou pour l’exposition Airs de Paris
© Courtesy Galerie Franck Elbaz, Paris
Extrait de From Paris with Love, 2007
Compilation sélectionnée par l’artiste à télécharger librement sur des sites officiels

Fort de sa double identité revendiquée d'artiste et de musicien, Rainier Lericolais compose pour l'exposition un « Air de Paris ». Si on peut l'écouter à l'intérieur de l'exposition, l'œuvre ne prend toute sa mesure que dans sa mise à la disposition du public sur le site Internet du Centre Pompidou. En proposant son travail en téléchargement libre, l'artiste renonce ainsi de manière très concrète et en même temps symbolique à son « droit d'auteur ». Il permet à chacun de posséder l’œuvre. Ainsi librement diffusée, elle est destinée ensuite, par le biais des lecteurs mp3, à accompagner les déplacements de chacun dans la ville. 

Dans la même logique, il propose un album intitulé From Paris With Love, fait de morceaux disponibles sur Internet. Chaque titre est identifié par son adresse de téléchargement, et la pochette de l'album ainsi gravé peut être découpée dans le catalogue de l'exposition. L’œuvre est virtuelle, elle voit son aboutissement dans la « fabrication » par le public.

 

Quel rapport au monde ?

« Médias et NTIC au cœur de la vie urbaine. Unpredictable future ? »

Les œuvres présentées dans cette séquence reflètent les tendances et les préoccupations liées à l'essor de la société médiatique et des nouvelles technologies dans la vie urbaine. Unpredictable future de Mircea Cantor, texte écrit dans la buée d'une vitre donnant sur un paysage mystérieux, nous confronte à un futur aussi inconnu qu'imprévisible. Claude Closky, pour son calendrier de l'an 2000, propose au visiteur de feuilleter à l'écran, dans une fuite en avant, une collection d'affirmations aussi creuses que bienheureuses issues de slogans publicitaires ou de pages de magazines. Plus loin dans l'ombre, la « zapping zone » de Chris Marker capture le public dans le filet de ses écrans.

Chris Marker, Zapping Zone (Titre attribute: Proposals for an imaginary television), 1990-1994
Installation multimedia, 13 moniteurs, 13 bandes vidéos, 7 ordinateurs, 7 programmes sur disquette informatique, 20 collages noir et blanc et couleur, 4 planches de 80 diapositives, durée variable (en boucle)
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris

Avec ces « propositions pour une télévision imaginaire », le cinéaste, écrivain et photographe Chris Marker fait pénétrer le spectateur dans une installation réunissant plusieurs médias : téléviseurs, écrans vidéo, ordinateurs, posters. L'ensemble diffuse une sélection de sujets, sorte de zapping dans l'espace où se mêlent des séquences d'informations télévisées, des bribes de documentaires, des programmes informatiques et des extraits des propres films de Chris Marker.

Présentée au Centre Pompidou en 1990, cette œuvre majeure dans l'histoire des relations entre art et médias a été réactualisée pour Airs de Paris. De plus, un nouveau dispositif de présentation implique plus directement le public en l’invitant à se déplacer dans le paysage chaotique des écrans.

« Conflits, risques et accidents »

Ce thème explore l'idée d'un monde contemporain en proie au conflit et à la violence ainsi qu'à l'angoisse que suscite une conscience exacerbée du risque. Le film de Thomas Demand, Tunnel, fait ainsi entrer le spectateur dans une logique d'anticipation d'un accident toujours sur le point de se produire. Les scènes filmées dans un décor de carton renvoient à l'accident qui coûta la vie à la Princesse Diana et interrogent son statut d'événement médiatique. Face au Grand ensemble de la guerre de Gérard Gasiorowski (peintures régressives et amas de jouets évoquant la guerre et la destruction), Outgrowth de Thomas Hirschhorn raconte les maux de la terre.

Vue de l’exposition
Thomas Hirschhorn, Outgrowth, 2005

131 globes terrestres imprimés posés sur 7 étagères
Bois, carton, adhésif, 350 x 620 x 30 cm

131 globes terrestres posés sur 7 étagères remplissent presque intégralement un pan de mur. Sur chaque globe, une « concrétion » en scotch brun poussée là, qui évoque une blessure, une maladie, un durcissement. Parallèle à l'alignement des globes, un alignement de coupures de presse : images d'un monde en proie à la barbarie et à la guerre, incendies, bombardements, explosions, catastrophes. La fragilité de cette sculpture de scotch, de papier et de carton est confrontée à ses dimensions monumentales et à une construction qui repose sur l'accumulation, la répétition et le renouvellement constant des coupures de presse vite abîmées.

L'artiste, en dressant le portrait d'un monde défiguré par la violence, met aussi le public face à l'indifférence de son regard : les protubérances provoquent plus de rejet que les images qui nous sont familières. Enfin, il laisse l'étagère du bas incomplète, peut-être parce qu'il n'y a pas de fin ?

« Ecologie urbaine et biotechnologies, de la nature à l'artifice »

Cette séquence aborde les préoccupations liées à l’environnement, à la qualité de vie, et au caractère artificiel, « surnaturel » de la nature dans les villes. Une peinture homéopathique de Fabrice Hyber, sur le thème du pétrole, fait face à une plante verte ultra domestiquée de Mathieu Mercier, coincée dans les étagères de sa structure en aggloméré. Dominique Gonzalez-Foerster présente ses Alphavilles : des photographies de différentes villes du monde déclinées en cartes postales qui, malgré leur diversité, apparaissent toutes semblables dans un simulacre d'exotisme.

 

Le collectif, l'individu et l'intime

« Identités et communautés »

Il est ici question, dans un premier temps, du poids des identités, nationales, religieuses ou sociales, et du risque que représentent les tendances au communautarisme dans la société. Les artistes apportent sur ces questions leur regard critique, interrogatif ou révélateur. Face à la caméra de Valérie Mréjen, des Israéliens disent leur rupture avec leur passé de religieux fervents. Si elle est un souffle d'air dans un discours dominant sur la montée des intégrismes religieux, cette œuvre souligne aussi la souffrance qui accompagne un tel choix après lequel tout est à reconstruire (Dieu, 2004).

Dans la salle suivante, l'homme dans la ville est confronté à la solitude. Un isolement que racontent, dans leurs écarts et leur proximité, les photographies de Valérie Jouve et les toiles de Djamel Tatah.

Djamel Tatah, Sans titre, 2005
Huile et cire sur toile, 190 x 180 cm

Pour réaliser ses œuvres, Djamel Tatah part de photographies qu'il projette sur la toile. Il représente des personnages à échelle un, auxquels, par la peinture, il retire tout signe particulier. Ne restent ainsi que des silhouettes qui se ressemblent : teint livide et cheveux noirs, dans des vêtements sombres.

De la même manière, ne reste du paysage urbain qu'un fond uni et lisse, « tentative de créer une ambiance, une interprétation abstraite de la réalité » (Djamel Tatah, email à Dorothée Dupuis, catalogue de l'exposition, p.200). Ces figures, dénuées de toute identité et de toute expression, aux regards vides, s'imposent par leur absence et renvoient le spectateur à sa propre solitude.

« Individu et réseau globalisé »

Le contexte de mondialisation fait naître l'enjeu vital de redonner sa place au local et à l'individu. Les photographies de Bruno Serralongue, dont le travail questionne celui des reporters-photographes, s'ancrent dans cette perspective. Elles représentent des hommes qui combattent les méfaits du capitalisme, comme ces syndicalistes coréens de Daewoo venus poursuivre en France leur patron en fuite.

L'installation de Melik Ohanian, Switch Off, repose sur l’action du public. Un bouton on/off est relié à un caisson lumineux. Le fait d’appuyer dessus fait passer d'une carte du monde dessinée par les lumières des villes à - quand presque tout s'éteint - la constellation de « L'Atelier du sculpteur » (une constellation qui existe bel et bien). L’artiste renouvelle dans ce basculement la question de notre place dans l'univers. Ce n'est, toutes lumières de la civilisation éteintes, que l'on peut éprouver le vertige des étoiles.

« Intimité et vie urbaine »

Dans le monde contemporain, on assiste à un repli des individus sur eux-mêmes en même temps qu'à une reconfiguration de la frontière entre public et privé. Sophie Calle raconte ainsi sa nuit blanche passée au sommet de la tour Eiffel, au cours de laquelle elle a fait se rejoindre l'espace le plus intime (son lit) et l'espace le plus indéniablement public (le monument). L'artiste a ainsi organisé, le temps d'une nuit, une rencontre entre elle et les visiteurs qui se succédaient à son chevet pour lui raconter des histoires et nourrir ainsi sa vie de la leur. En face, Nan Goldin installe pour Airs de Paris le cocon étouffant de ses objets personnels, environnement qui raconte sa solitude parisienne.

Enfin deux « maisons courbes » (The Curved House, 1983) de Louise Bourgeois, blocs de marbre géométriques aux rares ouvertures, évoquent une forteresse ou une muraille, la protection ou l'enfermement. Une troisième « maison » (Maison, 1986) montre, elle, la prolifération de formes organiques en plâtre à chaque étage d'une structure métallique complètement ouverte. La vie qui se développe s’oppose dans ses formes et dans son mouvement à la rigidité des structures qui l’enferment.

 

 

PAYSAGE, ARCHITECTURE, DESIGN retour sommaire

Cette seconde section, intitulée « Air(e)s géographiques », est organisée selon un parcours en spirale qui mène du sol d'un parking à celui de la planète Mars. Quatre thèmes sont développés, rassemblés ici selon deux axes.

 

La ville : espace construit, non-construit

« Strates territoriales »

La première réalisation présentée est un parking. Loin d'être le « non-lieu » que l'on imagine, c'est une construction pensée qui donne du sens à la ville : conçu par l'architecte Zaha Hadid pour la périphérie de Strasbourg, ce terminal multimodal redistribue les circulations dans la ville et permet notamment d'y limiter le nombre de voitures en favorisant d'autres modes de transport. Dans une alcôve, une projection de photographies réalisées par le designer Jasper Morrison lors de déambulations dans la ville plonge le visiteur dans le regard du créateur. Le collectif Campement urbain lance, quant à lui, un projet de Mairie-Monde pour la ville de Sevran-Beaudottes, en Seine Saint-Denis.

Campement urbain, projet de Mairie-Monde à Sevran, 2007 lien
Installation conçue pour l’exposition Airs de Paris
Photographie de la mairie de Sevran avec un texte manifeste en surimpression
Site Internet : www.mairiemonde.org
Entretiens Filmés
Prêts de Campement urbain, Paris

Le collectif créé en 1997 par l'architecte François Daune et l'artiste Sylvie Blocher, auquel se sont joints depuis d'autres acteurs (sociologue, graphiste, médiateur culturel), a lancé en 2003 un projet avec la ville de Sevran, centré notamment sur le quartier des Beaudottes classé en Zone Urbaine Sensible (ZUS). Après avoir élaboré, en collaboration avec les habitants, un « lieu de solitude » pour le quartier, une nouvelle étape est lancée avec le projet de Mairie-Monde. Partant du constat d'une mairie bricolée en préfabriqué, provisoire depuis 30 ans, le collectif lance l'appel suivant :

« Pour les 30 ans du Centre Pompidou, Campement urbain engage le projet d'une mairie monde. Une institution publique pour penser la citoyenneté, les langues, le partage de la culture, les rituels, les conditions politiques, sociales et humaines de l'être ensemble. Une mairie monde en débat qui fait appel aux idées de tous. Campement urbain lance une souscription internationale pour la réalisation d'un prototype à Sevran, ville monde de la région parisienne accueillant 67 nationalités. Une mairie monde comme expérimentation artistique de pratiques démocratiques. » (cf. www.mairiemonde.org)

« Paysages verticaux »

Vue de l’exposition
Au fond : les cloisons faites de tuiles en mousse d’Erwan et Ronan Bouroullec. A gauche : le mur végétal de Patrick Blanc. A droite : l’installation de Gilles Clément

Cette séquence est marquée par la présence de cloisons faites de tuiles en mousse imaginées par les designers Erwan et Ronan Bouroullec. Elles sont ici en lieu et place des traditionnelles cimaises de musée et s'exposent ainsi elles-mêmes en construisant leur propre espace d'exposition. Dans les tons verts et bruns, elles produisent un écho au mur végétal de Patrick Blanc exposé derrière. Ce botaniste chercheur au CNRS a, en effet, développé dès 1988 un dispositif permettant de faire pousser des plantes hors sol et sur un support vertical. La végétation retrouve ainsi un lieu où se développer dans l'espace urbain. En face, une installation de Gilles Clément donne une autre vision de la place de la nature dans la ville centrée sur le « Tiers Paysage ».

Gilles Clément, Manifeste du Tiers Paysage, 2007
Installation conçue pour l’exposition Airs de Paris
Prêts de Gilles Clément

« J'appelle Tiers Paysage l'ensemble des délaissés du territoire » (extrait de son ouvrage La sagesse du jardinier, cité dans le catalogue de l'exposition, p. 300). Ces délaissés sont les friches, les lieux désaffectés, les espaces abandonnés, qui n'ont pour certains jamais été pris en compte. Gilles Clément, botaniste, jardinier, « passager de la terre » tel qu'il se nomme lui-même, arpente ces espaces, les explore, en inventorie les espèces, en collecte à la fois la végétation et les « débris urbains » qui, tout ensemble, racontent la vie qu'ils abritent. L'installation qu'il réalise pour Airs de Paris consiste en une vitrine qui dédouble la façade vitrée du Centre Pompidou et dans laquelle sont accrochés les objets et les espèces végétales collectés sur un terrain en friches de Nanterre. Il en raconte ainsi l'histoire et la richesse au visiteur.

 

La place de l'homme : corps et horizons

« Sphères corporelles »

Cette séquence resserre le propos sur le corps et sur l'espace domestique. Des équipements de sport destinés à la commercialisation, pensés pour toucher un marché le plus large possible, sont présentés. La préoccupation première de la firme qui les réalise et les distribue est qu'ils puissent s'intégrer dans l'habitat, selon le programme « Fitness at Home ». Face à ces équipements une œuvre originale de Didier Fiuza Faustino, ZNZ (Zentralnervensystem, « Système nerveux central ») est conçue comme un lieu d'expérience « corps-espace-esprit ».

Didier Fiuza Faustino, ZNS (Zentralnervensystem), 2006
Structure en alliage d’aluminium anodisé noir
Dimensions : 170 x 250 x 130 cm
Commande particulière de Marc et Josée Gensollen

La forme générale est celle d'un cerveau, avec ses deux hémisphères. Noire, recouverte de polyuréthane, suspendue dans l'espace, cette installation est un nid, un cocon, une matrice, dans laquelle deux personnes peuvent s’asseoir, en face à face. Elle a été conçue pour un couple de collectionneurs et pour être installée dans un espace particulier : le patio de leur demeure marseillaise. Lieu à part rompant avec l'environnement, elle doit favoriser la réflexion, constituer un milieu propice à l'expression d'un imaginaire.

« Horizons ascensionnels »

Dans un dernier temps, le parcours des « air(e)s géographiques » emmène le visiteur à la conquête de nouveaux territoires : l'espace, mais aussi la mer. Sont présentées ici les avancées de plusieurs programmes de recherche français : la « Montgolfière infrarouge » développée par le Centre national d'études spatiales en collaboration avec Zodiac International pour réaliser des sondages atmosphériques, le « VSH » (Véhicule suborbital habité) de l'Astronaute Club Européen qui accompagnera le développement du tourisme spatial, le véhicule d'exploration pour une mission habitée sur Mars (« MarsCruiserOne ») d'Architecture + Vision, et enfin « SeaOrbiter », première étape vers l'élaboration d'un habitat de la mer.

Vue de l’exposition
Jacques Rougerie, SeaOrbiter, 2004-2009
Base d’observation océanographique
Maquette au 1/15e de tests en bassin de carène

Depuis trente ans, l'architecte Jacques Rougerie consacre ses travaux à la concrétisation de l'idée d'habiter la mer. Le programme SeaOrbiter développé au sein de son agence, en collaboration avec des organismes de recherche océanographiques, va aboutir en 2008 au lancement de la construction du vaisseau SeaOrbiter. Cet habitat-laboratoire immergé aux deux-tiers permettra d'observer et d'analyser en permanence l'interface océan-atmosphère. Il est conçu pour dériver au gré des grands courants marins et pourra accueillir dix-huit personnes. Pour Jacques Rougerie, il s'agit d'une étape majeure qui devrait conduire au développement d'un habitat sous-marin permanent.

 

 

Conclusion : Exil retour sommaire

Lorsque l'on sort de l'exposition, un clin d'œil discret, au-dessus de la porte, attire le regard. C'est Exit d'Adel Abdessemed. En faisant tomber la barre du « t », il écrit « exil », jouant avec la signalétique des lieux publics. Réfugié politique en France entre 1994 et 2000, l'artiste raconte ici son histoire. Mais c'est aussi tout le public de l'exposition qu'il condamne ainsi à l'exil. Cette œuvre renvoie ainsi les visiteurs à la rue.

D’autres œuvres de l'exposition procèdent de la même manière : dès l'entrée et en écho au film de Gordon Matta Clark, Carsten Höller réalise une coupe de 50 mètres dans l'espace même de l'exposition qui, traversant toutes les cloisons, projette le visiteur vers la ville à travers la façade vitrée du Centre Pompidou. Un peu plus loin, Anri Sala distribue le numéro d'un taxi dans lequel le visiteur pourra écouter son œuvre sonore en circulant dans Paris. Enfin, le photographe Jean-Claude Planchet dirige son objectif vers l’extérieur du Centre Pompidou. A l’abri de sa façade accueillante et ouverte a proliféré une misère que l'on imaginait cantonnée aux marges urbaines.

 

 

Annexes retour sommaire


Plan de l’exposition


A consulter sur internet
- Page de présentation de l’exposition (podcasts, événements) lien
- Forum de discussion Airs de Paris lien
- Christine Macel et Valérie Guillaume (dir.), Airs de Paris, Editions du Centre Pompidou, Paris, 2007 lien
- Marcel Duchamp, dossier pédagogique lien
- Découvrir l’architecture du Centre Pompidou, dossier pédagogique réalisé à l’occasion des 30 ans du Centre lien

 

Pour consulter les autres dossiers sur les expositions, les collections du Musée national d'art moderne
En français  lien
En anglais  lien

Contacts
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© Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics, juin 2007
Texte : Noémie Giard
Pour les œuvres de Marcel Duchamp, Gordon Matta-Clark, Valérie Jouve, Thomas Hirschhorn : Adagp, Paris 2010
Maquette: Michel Fernandez
Mise à jour : 2010
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education/ rubrique ’Dossiers pédagogiques’
Coordination : Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques