Arts de la scène et nouvelles technologies
Grand Magasin, Les Déplacements du problème / 1 2 3 4 5 Repères

 

 

5. Un travail collectif : À trois il y a trois filtres plus la question de l’efficacitÉ

Comment travaillez-vous? Comment se fait la structuration du spectacle ?

A trois. Généralement nous nous mettons à une table et nous réfléchissons.

Les Déplacements du problème, 2009
© Grand Magasin

Puisque les actions sont simples, combinées entre elles, la question de la répétition est évidemment moins essentielle que dans une troupe de théâtre normale. Mais la question : qu’est-ce qui est dit sur telle action ?, c’est ça qui va faire le spectacle. Nous commençons, donc, par beaucoup de discussions. Il faut vocaliser, puis écrire, mettre du texte en face d’actions. Il s’agit alors d’écriture, mais pas au sens d’un scénario comportant 20 pages de dialogues. 25% à peine d’idées discutées passent la porte.

Et qu’en conservez-vous ?

A trois, il y a trois filtres. A trois, le tronc commun se réduit. Déjà 40% de nos propositions se trouvent écartées par ce filtre-là. Puis vient la question de l’efficacité : qu’est-ce qui va fonctionner, être compris ? en quoi telle préoccupation peut intéresser d’autres que nous-mêmes ? comment l’exprimer de la manière la plus fidèle ?

De gauche à droite : Bettina Atala, Pascale Murtin, François Hiffler, Manuel Coursin, à l’Espace de projection de l’Ircam
Photo Myr Maratet

Parfois il nous arrive de passer par des détours extrêmement compliqués pour arriver à un résultat assez simple, à une phrase.

Nous cherchions, cet après-midi, une phrase qui soit mémorisable, une phrase qui ne crée aucun dégoût ni pour nous ni pour le spectateur et qui puisse marquer les esprits pendant dix minutes. Cette phrase sera diffusée par un micro dont nous n’avons pas encore parlé, un micro à écho négatif qui permettra de l’entendre dix minutes avant qu’elle ne soit prononcée. Ce procédé, qui pourrait être imaginé par l’Ircam, est, pour l’instant, un pur truquage : il suffit de l’enregistrer à l’avance, de la diffuser avant qu’on la prononce et quelle soit suffisamment forte pour que dix minutes plus tard le spectateur se dise : tiens, cela, je l’ai déjà entendu.
Cette phrase, nous ne l’avons pas encore trouvée. Probablement, quand nous l’aurons dénichée, elle nous paraîtra tout à fait évidente.

Un des enjeux de cette scène est de constater ce phénomène : en général nous ne savons pas quoi dire quand nous sommes invités à parler dans un micro, en l’absence de questions. C’est une métaphore de notre situation au monde : nous disposons d’outils merveilleux, la langue, le corps, la vie, la maison, la mer, le ciel… mais qu’en faire ?

Seriez-vous philosophes ?

Unanimement : Ah, oui.

François Hiffler. Mais de comptoir.

Pascale Murtin. Nous aimons la pensée. Nous aimons penser.

Bettina Atala. C’est-à-dire que, quand le reste est enlevé, il n’y a plus que les évidences.

François Hiffler. La coquetterie serait de ne pas affirmer que c’est de la philosophie. Donc, du coup, être au ras des pâquerettes par goût philosophique. Souvent la forêt cache la forêt, l’objet se cache lui-même, et c’est quelque chose de vraiment incroyable.

 

 

 

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