Arts de la scène : aux limites du théâtre
Didier Galas, La Flèche et le Moineau / 1 2 3 4 5 6 7 Repères

 

Entretien avec Jean-François Guillon, scénographe, par Marie Rouhète et Marie-José Rodriguez
4. Didier Galas / Jean-François Guillon : une alchimie croissante

Plasticien et scénographe

On vous connait artiste plasticien, diffuseur d’art, graphiste, et depuis 2007 scénographe. Quelle est votre place dans le milieu artistique ?

Jean-François Guillon, Voir
Trois lettres et un sablier à fixer au mur
Edité à 10 exemplaires
© Jean-François Guillon

Jean-François Guillon. Je suis plasticien. Le graphisme est pour moi une activité parallèle qui entre parfois en résonance avec mes productions artistiques. Diffuseur d’art, ça n’est pas antinomique avec ma pratique artistique : je me suis occupé pendant un temps de la programmation d’une galerie à Nantes. Il m’arrive encore de faire du commissariat d’expositions où je peux, ou non, présenter une pièce personnelle. Récemment encore on m’a donné une carte blanche pour présenter dans un même lieu une exposition personnelle et une exposition de groupe. Ce fut un moment d’échanges et de discussions que je ne sépare pas du travail de conception. Quant à être scénographe, je ne sais pas si c’est vraiment le mot. Définir mon rôle, en effet, pose souvent un problème. Il y a des artistes plasticiens qui sont dans une démarche très solitaire, pour ma part j’apprécie l’échange, et je le pratique de plus en plus, particulièrement en participant à  des projets dans le spectacle vivant. J’y ai vraiment découvert un travail d’équipe et c’est ce qui m’intéresse et qui me fait rebondir sur ma propre pratique.

Alors, prenons le temps de préciser votre pratique de plasticien.

Jean-François Guillon. Tout dire, 2007
Performance réalisée à l’occasion de son exposition autour de Raymond Roussel, Musée Calbet (Grisolles)
Un texte se compose et se décompose au sol et au mur, donnant à voir le travail de l’écriture poétique comme « un work in progress ». La multiplicité des possibilités offertes par la combinatoire du langage entre en résonnance avec les techniques de création littéraires élaborées en son temps par l’écrivain.
© Jean-François Guillon

Mon travail interroge les notions de langage, de signe, de mot et de sens. Il a d’abord pris la forme de sculptures, d’installations. Je suis également allé vers la performance, puis j’ai participé à des projets de spectacle vivant. Dans mes performances, il y a une part de scénographie : je me mets en scène en manipulant des objets sur lesquels sont écrits des mots. En les déplaçant, des phrases se forment et se déforment. Du coup, en m’intéressant à ces formes, des chorégraphes − et le premier fut David Rolland à Nantes − m’ont proposé d’intégrer ce travail dans leurs spectacles. Dans mes premières participations au spectacle vivant j’étais donc moi-même en tant qu’artiste sur scène en train de faire mes performances.

J’ai travaillé ensuite avec Didier Galas. Non seulement je passais de la danse au théâtre mais Didier m’a demandé d’avoir une conception visuelle globale du spectacle. Ce qui comprend la scénographie, les costumes mais aussi une réflexion plus en profondeur sur ce qu’est un spectacle et ce qu’on fait exactement sur scène. En fait, dès ma première performance, je connaissais déjà Didier, et je l’avais consulté sur un certain nombre de questions… Puis nous n’avons rien fait ensemble jusqu’en 2007, date du travail sur Rabelais. De fil en aiguille, il s’est passé une alchimie entre nous, qui a été croissante. Avec La Flèche et le Moineau, un pas de plus a été franchi, j’ai été intégré à l’équipe tout au long de la conception, et finalement je suis aussi présent sur scène.

 

Donner à entendre un certain silence du signe

Jean-François Guillon, Dessins, 2006
© Jean-François Guillon

Que cherchez- vous dans votre travail sur les mots et le sens ?

En fait ce ne sont pas seulement les mots que j’utilise, c’est aussi le signe, disons que je suis travaillé par la question du texte et que j’ai un intérêt assez fort pour la littérature. Peut-être un désir d’écrire finalement qui, un jour, a surgi sous la forme du texte mis en espace. Cet intérêt pour le signe peut passer par un texte mis en espace mais aussi par des photographies de choses lues dans la ville (1), des panneaux altérés et qui, du coup, signifient autre chose. Dans mon travail plastique sur le langage, ce qui m’intéresse est de donner à entendre un certain silence du signe, sa présence absence dans des espaces où on sent qu’il y a un sens qui devrait être là mais qui n’y est pas.

(1) Choses lues, 2008, Edition Manuella

 

Jean-François Guillon, Choses lues, 2008
Couverture.
© Jean-François Guillon

 

 

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