Arts de la scène : aux limites du théâtre
Philippe Quesne / Vivarium studio, La Mélancolie des dragons / 1 2 3 4 5 6 Repères

 

 

Activer un autre monde, par Aude Lavigne
5. Entre songe et matiÈre, solitude et groupe

Éléments du travail scénique

La Mélancolie des dragons. Des acteurs que l’on voit en train de se parler mais que l’on n’entend pas,
la reconstitution d’une forêt miniature sur scène qui nous donne froid,
la présence d’une voiture ressentie comme une violation de l’espace…
© Martin Argyroglo Callias Bey

Pourquoi est-ce si inquiétant de voir un acteur traverser le plateau comme s’il marchait réellement dans son appartement ? Pourquoi est-ce si fascinant d’observer un chien sur scène ? Pourquoi sommes-nous troublés face à des acteurs que l’on voit en train de se parler mais que l’on n’entend pas comme si le son avait été baissé ? Pourquoi la reconstitution d’une forêt miniature sur scène nous donne-t-elle froid ? Pourquoi la présence d’une voiture sur scène est-elle ressentie comme une violation de l’espace ?
En vrac, ces quelques éléments dramatiques, agencés par Philippe Quesne dans les spectacles du Vivarium studio, donnent la mesure d’un travail scénique qui, par le biais d’une recherche mécanique, sorte de théâtre « laborantin » qui s’ingénue à modifier les conventions du genre, parvient à créer un univers aux contours incertains entremêlant le songe et la matière, le son et les mots, la fumée et la lumière, la solitude et le groupe.

Le monde de l’enfance n’est pas loin

Parfaitement réglé, habilement maîtrisé, le théâtre du Vivarium studio suit avec un esprit de logique les remous d’un esprit inquiet. Ce décalage entre une forme de pensée structurée − articulant de manière concrète et perceptive à la fois le rapport de cause à effet −, et un informe de pensée possible, donne toute la puissance de ce théâtre qui, on l’aura compris, réanime le spectateur dans un autre monde, comme s’il se réveillait d’une plus ou moins longue anesthésie et qu’il pouvait suivre les actions sans toutefois bien les comprendre.

Mais, que l’on s’entende bien, les spectacles du Vivarium studio, de La Démangeaison des ailes, qui prend pour thème l’envol, à L’Effet de Serge, one man show insolite, en passant par D’après nature, sorte d’équivalent forestier des combats aquatiques du bateau des écologistes de Greenpeace, n’entendent pas offrir de réponses. Ce qui paraît « jouable » en revanche, et c’est l’aspect le plus optimiste de ce travail, c’est la capacité à activer un autre monde en développant pourtant des actions simples avec des objets courants mais employés à d’autres fins communément admises. Le monde de l’enfance n’est pas très loin quand « Serge » crée ses « effets ». Dans l’espace confiné de son appartement, l’aventure s’imagine avec des phares de voiture, des boîtes en carton, trois bougies qui scintillent et un peu de musique, et pourtant ce sont des signaux de détresse qui nous apparaissent dans les hurlements des vagues.

 

 

 

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