Dossiers pédagogiques – Collections du Musée
Parcours

 

LE CORPS
DANS L’ŒUVRE

 
 

René Magritte, Les Marches de l’été, 1938 © Adagp, Paris 2006

INTRODUCTION

REPRÉSENTER LE CORPS
Défigurer
Fragmenter
Hybrider

LE CORPS À L'ŒUVRE
Le corps en action
Traces et empreintes
Le trait et la pulsion
Un espace du toucher

LE CORPS SUPPORT DE L'ŒUVRE
Le Body-art
Changement d’identités

CORPS ET EXPERIENCE DE L'ESPACE-TEMPS
Traverser la couleur
Éprouver la durée
La menace d’effondrement au centre de la perception de l’œuvre
L’expérience du labyrinthe
Dépasser les limites apparentes de la perception

BIBLIOGRAPHIE

 

 

Introduction

La représentation du corps est intimement liée à l’art occidental, à tel point que certains critiques n’hésitent pas à soutenir que, même sous sa forme la plus abstraite, la peinture ne serait que représentation du corps. Les mystères du Verbe qui se fait chair, dogme catholique de l’Incarnation, ayant alimenté pendant des siècles la question de la Figure et de son corrélat, l’infigurable.
Or, ce signifiant premier des arts plastiques, d’abord soumis aux canons esthétiques liant beauté, harmonie et idéal, est réinterrogé à plusieurs reprises après la Renaissance et de manière éclatante en 1863 par l’Olympia de Manet.
Substituant le nu réaliste aux images idéalisées, l’Olympia est le premier tableau par lequel le scandale arrive. La modernité est caractérisée par le caractère polémique et subversif des œuvres. De la révolution cubiste à l’art brut, en passant par Giacometti et Bacon on assiste à une véritable remise en cause de toute idée de beauté, de vraisemblance et de proportion. Disloqué, défiguré, géométrisé, stylisé, le corps traverse et ébranle la représentation picturale et sculpturale au XXe siècle.
Mais, s’affranchissant même de la représentation, il se donne à voir comme présence, trace tangible du corps de l’artiste à l’œuvre dans les drippings de Pollock et dans les empreintes réelles des corps-pinceaux des modèles de Klein, jusqu’aux extrêmes de l’art corporel où l’artiste met en jeu son propre corps, le soumettant à des épreuves sensibles à la limite du supportable.
Faisant appel de plus en plus à la participation du spectateur, à l’enseigne d’une expérience sensible incluant l’espace et le temps, il est à l’œuvre dans les installations, le Land art, les vidéos de Bill Viola par exemple, dans les profondes immersions dans la couleur que demandent les toiles de Newman ou de Rothko, ou dans la singulière relation à la durée qu’instaurent les œuvres d’Opalka.

C’est un parcours des collections du Musée national d’art moderne, à l’enseigne des transformations de ce sujet majeur des arts plastiques au XXe siècle, que propose ce dossier.

 

ReprÉsenter le corps

En même temps que s’éloigne l’image de l’ancienne figure du monde dans les événements tragiques du XXe siècle - guerres mondiales, massacres, génocides, défiant la confiance en l’homme et dans le progrès cher au XIXe siècle -, une importante révolution plastique se met en place. Les artistes, ébranlant les codes figuratifs traditionnels, s’attaquent à la représentation humaine, pour en donner une image disloquée, géométrisée, déformée, défigurée.

Cette révolution plastique est accompagnée d’une remise en cause philosophique de la pensée cartésienne et de la naissance de la psychanalyse, abolissant l’unité du sujet conscient, pour révéler un sujet clivé entre le « moi » et les différentes instances inconscientes.

 

DÉfigurer

Pablo Picasso (1881-1973)
S’attaquant avec la même force, aux natures mortes qu’au corps humain, le Cubisme fait voler en éclat la représentation du réel, déforme la figure humaine jusqu’à la monstruosité. Picasso qui, déjà en 1907 avec les Demoiselles d’Avignon, avait révolutionné l’art moderne, introduisant l’art ibérique et africain, se lance, dès 1908, dans cette aventure.

Pablo Picasso, Deux Femmes sur la plage
(Femmes devant la mer),
16 juin 1956

Huile sur toile, 195 x 260 cm

Ce tableau est le dernier du cycle des Baigneuses sur la plage. Le corps humain traité de manière structurée et géométrique fait penser à la série des Femmes d’Alger d’après Delacroix, que Picasso avait réalisée l’année précédente. Les corps féminins, ici monumentaux, semblent se plier aux exigences du format qu’ils dépassent largement.
Surfaces planes et volumes s’imbriquent dans l’espace, et la peinture dialogue avec la sculpture, selon l’habitude de Picasso de passer indifféremment de l’une à l’autre. Les détails des visages, le motif du miroir à la main où se regarde la femme de gauche, se subordonnent à la puissante structure d’ensemble. La couleur elle-même, réduite à l’essentiel, détache les deux nus ocre-rouge du fond bleu pâle. Tandis que la figure de gauche dresse son torse à la verticale, l’autre s’incurve, prolongeant ce mouvement dans le cou qui se baisse pour finir dans le rectangle du bras.
Même si ce tableau est d’époque plus tardive, la multiplication des plans - fruit de l’éclatement du point de vue -, ainsi que la simplification des volumes et la dépersonnalisation de la figure sont typiquement cubistes.

Jean Dubuffet (1901-1985)
S’articulant en un certain nombre de séries qui constituent à chaque fois un changement de style, l’œuvre de Dubuffet n’en est pas, pour autant, moins cohérente du point de vue de la pensée et d’une certaine vision de l’homme, de l’art et de la culture. Réduire son œuvre à l’art brut ou inspiré des dessins d’enfance, serait oublier le caractère délibéré d’un tel art et son côté savant, alimenté par de nombreux écrits théoriques.

S’intéressant à la représentation du corps humain, Dubuffet y revient à plusieurs reprises. Notamment en 1950-1951, avec la série des Corps de dames, il se mesure au genre le plus sacré de la peinture occidentale : le nu féminin.
Il dépouille la figure humaine de ses plus chères prérogatives : ordre, beauté, symétrie. Il aplatit les formes qui se confondent dans la matière. « Changés en galette, aplatis au fer à repasser », selon ses dires, les corps sont transformés en des champs ouverts de matière chaotique, juste un peu cernés par de lointains et vagues contours. Toute profondeur est abolie. L’espace pictural coïncide avec la surface du support.
Derrière la monstruosité des corps représentés se cache néanmoins un propos, d’ordre philosophique : montrer que le corps demeure plus complexe qu’on ne croit, donnant à voir une vision organique de la machine humaine, comme vue de l’intérieur.
Le peintre américain William de Kooning est subjugué par ces peintures présentées à New York en 1951. Il s’en inspire pour élaborer ses Womens.

Jean Dubuffet, Le Métafisyx, 1950
Huile sur toile, 116 x 89,5 cm

Cette œuvre dérange. C’est la première et insistante constatation qu’on peut faire à son sujet. On ne peut pas lui trouver le côté ludique et drôle de son Olympia (1950) ni la bonhomie d’autres figures féminines réalisées précédemment, Terracotta la grosse bouche, 1946, par exemple.
Ce qui frappe d’abord c’est la couleur, faisant massivement « corps » avec la matière picturale, lourde, épaisse. Cette couleur évoque celle de l’or, et confère à la silhouette féminine un caractère d’icône ou plutôt d’idole sacrée. Pourtant c’est à une désacralisation de la représentation du nu féminin que l’on assiste ici.

La figure s’étale immense, prenant largement possession de l’espace, la tête, de taille réduite, est déjà l’annonce d’un crane. Appel à la dimension mortelle, à l’être-matière-finie ; femme rime ici avec mère, mater, materia. Les écrivains au XXe siècle ont largement insisté sur cette dimension de la femme, « cette mère qui nous donne la vie mais pas l’infini » de Beckett, ou alors «ces femelles qui nous gâchent l’infini » de Céline ou de Joyce.
Le titre au masculin n’arrête pas d’intriguer, un titre qui est un curieux néologisme, formé par le mot métaphysique, le mot sphinx qui se lit entre les syllabes, et autre chose encore car, avec ironie, Dubuffet change les consonnes et déstabilise toute lecture univoque de l’œuvre par son titre.

Francis Bacon (1909-1992)
Destituant les autres genres, nature morte et paysage, Francis Bacon s’attache impitoyablement à la représentation picturale du corps humain. Dépassant la figuration, Bacon ne se tourne pas vers l’abstraction mais, comme le souligne Gilles Deleuze, vers la sensation, comme Cézanne, même si, en apparence, il n’y a que des différences entre les deux peintres. « La sensation, c’est ce qui est peint. Ce qui est peint dans le tableau c’est le corps, non pas en tant qu’il est représenté comme objet, mais en tant qu’il est vécu comme éprouvant telle sensation. » (Gilles Deleuze, Francis Bacon, Logique de la sensation.)

Le XXe, siècle qui s’est surpassé en massacres, tortures et horreurs, trouve dans l’artiste irlandais son « chroniquer » qui en éprouve, à travers une peinture de corps disloqués et devenus chair, toutes les convulsions. Les séries des crucifixions, des papes d’après Velazquez, les portraits de ses amis ou d’hommes d’affaires, l’humanité entière semble se tordre et se vomir elle-même dans l’espace ambigu de ses toiles, où des lignes - diagonales, verticales, courbes - et des fonds - où la peinture claire s’étale uniformément - délimitent l’espace de la mise en scène terrible des corps.
Au sujet de la réception de ses œuvres, Bacon souhaite qu’elles puissent agir : « directement sur le système nerveux ». Il est vrai que, comme l’a souligné Didier Anzieu, le spectateur reçoit les toiles de Bacon « comme un coup porté au creux de son âme ».

Francis Bacon, Trois personnages dans une pièce, 1964
Triptyque, huile sur toile, chaque panneau 198 x 147 cm

La construction du tableau en triptyque est une constante chez Bacon depuis 1944, année dans laquelle il peint Trois études de figures au pied d’une crucifixion. Lié à l’héritage de la grande peinture religieuse, le triptyque s’apparente aussi, chez lui, à la succession d’images propre au cinéma. Ce que l’artiste cherche c’est le rapport, la mise en relation de plusieurs sensations, la sensation n’existant pas isolée, pour lui.
Bacon a toujours peint à partir de modèles réels, de photos ou de photos de tableaux.

Les figures ici représentées, une pour chaque panneau, sont : à gauche, George Dyer, avec qui Bacon se lie de 1964 à 1971, année de la mort de Deyer ; à droite, probablement Lucian Freud, peintre anglais ; et, au centre, Bacon lui-même, la bouche tordue en un cri. Malgré les déformations que le peintre fait subir à l’image, on reconnaît chaque modèle : « Je voudrais, dans un portrait, faire de l’apparence un Sahara, le faire si ressemblant bien qu’il contienne toutes les distances d’un Sahara », affirme-t-il.

Les corps nus baignent, dans un espace dépouillé, sur une plate-forme ellipsoïdale qui semble les aspirer dans un mouvement qui, des corps, se transmet à l’espace. Prolongement obscène du corps de Dyer, une cuvette de wc blanche est comme le lieu où la figure s’évacue d’elle-même. L’athlétique silhouette de Lucian Freud vrille dans l’espace qu’elle traverse comme un projectile.
De dos, de face, de profil, c’est l’ordre dans lequel les corps se présentent ici. « J’espère être capable de faire des figures surgissant de leur propre chair (…) et d’en faire des figures aussi poignantes qu’une crucifixion », avoue l’artiste. Ces figures peintes par Bacon ne peuvent pas ne pas faire penser aux personnages de Samuel Beckett, le grand écrivain irlandais, son contemporain. Dans ses romans ainsi que dans son œuvre théâtrale Beckett met en scène des personnages qui ne sont plus que des corps qui se défont, rampent, stationnent, s’expulsent d’eux-mêmes. Jusqu’à ne plus être, dans le texte, qu’une voix qui rejoint le cri qui nous regarde des peintures de Bacon. « J’ai voulu peindre le cri plutôt que l’horreur » affirme, en effet, l’artiste.

 

Fragmenter

Selon les lois canoniques de la représentation, l’artiste visait l’expression, le trait qui caractérise une personne dans sa singularité.
Le processus de fragmentation de l’image, renvoyant au morcellement du corps humain, a été souvent utilisé par les artistes du XXe siècle, pour exprimer l’éclatement de la perception et du moi du sujet moderne.

Ce processus participe de la pulsion destructrice par excellence, que Freud appelle thanotos, et qu’il oppose à eros, ou pulsion de vie. Ces œuvres évoquent un espace inquiétant, d’avant le « stade du miroir », moment premier que la psychanalyse situe à la fin de la première année de vie, où le nourrisson ne percevant jusqu’alors de son corps que des morceaux épars en proie aux pulsions, se projette dans l’image du miroir. Moment primordial où convergent, selon Jacques Lacan, la dimension du réel, de l’imaginaire et du symbolique, car c’est grâce à la parole de l’autre que l’enfant se projette dans l’image spéculaire.
Dans ces œuvres, au contraire, le corps n’est qu’un agrégat de détails nets, n’arrivant pas à faire un. Elles nous donnent à voir le multiple, l’éclaté ; au spectateur donc de reconstruire les nombreuses acceptions imaginaires et symboliques de l’image éclatée, ou de se perdre dans l’opacité d’un tel miroitement.

Alberto Giacometti (1901-1966)
Marqué par l’art cycladique et africain, par le Cubisme, Giacometti fait partie, dès 1928, du mouvement surréaliste, dont il est exclu en 1934. Après la guerre, Giacometti, qui est dessinateur, peintre et sculpteur, sculpte, d’après modèle, des figures minces, filiformes et infiniment allongées qui semblent se mesurer à l’espace qui les entoure. Les contours accidentés de ses sculptures, le trait à jamais arrêté de ses dessins, suggèrent une interpénétration de l’espace et de l’œuvre. Contrairement à la statuaire classique ses figures ne s’imposent pas mais, comme rongées par l’espace, elles se présentent et s’annulent en même temps.

Alberto Giacometti, Table (La table surréaliste), 1933
Plâtre, 148,5 x 103 x 43 cm

Conçue pour être un meuble, cette sculpture de sa période surréaliste, dont le principe repose sur l’association étrange d’objets qui s’y trouvent réunis, exerce sur le spectateur un sentiment qui s’apparente de l’inquiétante étrangeté. La main coupée, la tête de femme en partie voilée et dont le voile se poursuit dans le vide évoquent, par métonymie, un corps absent de la scène de la représentation. Le curieux polyèdre, en équilibre instable sur le bord de la table, contrastant avec les autres éléments de la sculpture qui restent essentiellement figuratifs, ajoute du mystère à la composition. Présences sorties de l’inconscient qui renvoient à un moi archaïque, non encore délimité. C’est à un retour à ce stade primitif du sentiment du moi que nous convoque cette sculpture.

Le fragment découpé de son corps reviendra souvent dans la sculpture de Giacometti, de Main prise de 1932, à La Jambe, terminée en 1957, en passant par La Main, Le Nez, La Tête sur tige, œuvres de l’année 1947. Cette tendance témoigne des périodes de son travail où le fait de saisir l’ensemble d’une figure, « sa présence », comme le dit Yves Bonnefoy, effort constant dans son œuvre, lui paraît impossible.

Annette Messager, 1943
Se développant dans le contexte parisien des années 70, l’œuvre d’Annette Messager, proche de celles d’artistes comme Boltanski, Le Gac, Sarkis, ou Paul-Armand Gette, relève de ces démarches singulières qualifiées de « mythologies individuelles ». Hostiles à tout académisme, comme aussi à une politisation extrême qui avait suivi mai 68, ces artistes prônent la prise en compte de l’élément affectif, imaginaire, voire nostalgique dans l’œuvre.

Annette Messager, qui revendique la dimension féminine de son art, intègre l’univers domestique dans lequel le regard masculin a cantonné la femme : travaux à l’aiguille, carnets précieusement intimes, revues de beauté, pour en faire son langage plastique en même temps qu’une critique de la condition féminine. Des Pensionnaires, 1972, à Mes petites Effigies, 1988, aux Piques, 1992, son travail affectionne l’esthétique du fragment et révèle un univers de l’intime à l’écoute des mouvements contradictoires de l’inconscient.

Annette Messager, Mes Vœux, 1989
262 épreuves gélatino-argentiques montées
sur verre et accrochées à des ficelles
Hauteur : 320 cm, diamètre : 160 cm

Cette œuvre, qui s’inscrit dans une série, se présente comme une myriade de photographies de corps fragmentés, assemblées de manière à constituer un rond suspendu par des ficelles où les différents formats photographiques et les différents détails de visages et de corps se juxtaposent. Il semble que ce serait l’influence du tableau de Magritte intitulé L’Evidence éternelle, de 1930, où un nu féminin se divise en quatre parties peintes sur quatre toiles différentes, qui aurait amené Annette Messager à utiliser ce procédé.

Contrairement à d’autres installations, où les différents éléments de l’œuvre - jouets en peluche, photos, inscriptions murales - sont espacés et accrochés au mur (Mes petites Effigies), ou dressés agressivement sur des longues tiges d’acier (Les Piques), ici, les gros plans des bouches, des sexes, des genoux, des pieds, etc., se recouvrent souvent les uns les autres. Disposés comme au hasard d’une chute, ils sont néanmoins reliés à des fils qui en orchestrent habilement la composition en tondo, format souvent associé au genre du portrait à la Renaissance.
Mais le portrait se révèle impossible. Le miroir, invoqué par la forme globale de l’œuvre ainsi que par l’éclat du verre qui recouvre chaque photo, est désavoué par l’image éclatée.

Tetsumi Kudo (1935-1990)
Partageant sa vie entre le Japon et Paris, Tetsumi Kudo, influencé par Dada, réalise des peintures très gestuelles avec lesquelles il participe au mouvement anti-art, actif au Japon vers la fin des années cinquante. Parallèlement, il se lance dans la performance, précédant ainsi de dix ans les performers américains. Le corps et l’écologie sont au centre de son œuvre.

Tetsumi Kudo
Pollution, cultivation, nouvelle écologie, 1970-71
Installation avec de la lumière
Métal, contre-plaqué, isorel, fleurs plastiques,
lumière noire électronique, cheveux artificiels, grillage,
ampoules, ficelles, écriteau avec texte
270 x 430 x 527 cm

Cette œuvre se présente comme une installation où, dans un curieux jardin, baignant dans une lumière noire, poussent des fleurs en plastique et des fragments épars de corps humains. Traumatisé par la bombe atomique, Kudo présente, ici, un univers éclaté, où les têtes, les sexes, les membres humains se mélangent à la terre, ou sont accrochés à des tiges en métal qui se dressent à la verticale.

Un jardin, lieu familier et presque édénique, se transforme ici en son contraire, car on y côtoie l’horreur des corps démembrés, là où même poussent des fleurs, des fleurs en plastique à la place de la végétation naturelle. L’œuvre est à la fois une remise en cause de notre culture occidentale, avec ses dangers de radioactivité, de pollution, et un appel, un espoir peut-être en une nouvelle écologie, comme le dit le titre, où l’homme changerait son rapport à la technologie.

 

Hybrider

Avec son recours à l’inconscient, au rêve, au processus de libre association de réalités distinctes, le Surréalisme excelle dans la représentation de corps hybrides, lieux de métamorphoses entre l’homme et l’animal, l’inanimé et l’animé, le réel et l’irréel.
Des monstres mi-humains mi-oiseaux des romans collages et des peintures de Max Ernst aux Minotaures de Picasso, aux métamorphoses de Miró, aux corps mêlant l’animé et l’inanimé de Magritte, c’est un cortège de « monstres », à la fois merveilleux et terribles qui se déploie alors. Troublant la conscience du spectateur et l‘amenant dans la région enfouie de l’inconscient, qui ignore le temps et la contradiction, ces corps polymorphes visent la surprise, le choc visuel et psychique.

Max Ernst (1891-1976)
Par son œuvre novatrice et complexe, Max Ernst est une figure dominante du Surréalisme. Il est l’inventeur d’un grand nombre de techniques nouvelles comme le « frottage », le « grattage », la « décalcomanie », qui a permis la création de nouvelles images ouvertes à l’inconscient.

Max Ernst, Chimère, 1928
Huile sur toile, 114 x 146 cm

Cette toile, une des plus connues et énigmatiques, occupe une place centrale dans le bestiaire fantastique des surréalistes. S’imposant avec une évidente force de choc, l’œuvre qui illustre à merveille l’esthétique surréaliste a été immédiatement acquise par Breton.

Sortant du fond noir comme des profondeurs de la nuit, la chimère, agrégat monstrueux de membres de différents animaux, se déploie dans la toile comme une apparition. Le torse féminin se prolonge en aigle et renoue avec la thématique de l’oiseau, si chère à l’artiste, annonçant l’oiseau supérieur, le Loplop des années trente auquel l’artiste s’identifie. Le contraste violent entre la forme unitaire de l’animal se détachant de son fond par la découpe de son ombre bleu et par son corps de feu, est souligné par le contraste entre les aplats noir du fond et le modelé du corps hybride.

RenÉ Magritte (1898-1967)
Rejoignant le Surréalisme vers la fin des années vingt, Magritte s’impose comme une des figures majeures du mouvement. Même si son œuvre sera de plus en plus conceptuelle - car accompagnant ses toiles de légendes l’artiste joue sur la notion de représentation - la présence de corps en proie à des métamorphoses étranges, évoquant une surréalité qui bannit la frontière du monde extérieur et du monde intérieur, est chez lui une constante.

René Magritte, Les Marches de l’été, 1938
Huile sur toile, 73 x 60 cm

Le corps, et encore une fois le corps féminin qui hante l’imaginaire surréaliste, se prête ici à la transformation subtile de la pierre inanimée en être vivant. Sur un porche dont des portions géométriques s’envolent dans le ciel d’été, pour y prendre sa couleur et sa vie, advient la « transsubstantiation » de la statue en femme, qui se dresse devant l’azur du paysage. L’air lui-même semble se pétrifier en gros cubes de bleu, tandis que les nuages le traversent. Inanimé et animé se mêlent à plusieurs niveaux de l’image où tout n’est que passage, transformation. L’art et la vie s’interpellent finement à l’enseigne d’un nu féminin troublant.

 

Le corps À l’Œuvre

Disparaissant en tant qu’image, le corps devient perceptible sur la toile comme trace réelle de l’artiste à l’œuvre. Quittant le chevalet pour se poser au sol, ou se dressant à la verticale pour épouser l’espace du mur, la toile est le support d’une création qui repose sur le geste renvoyant à un corps unique, celui de l’artiste.
Les Drippings de Pollock, qui marquent toute la génération de l’Expressionnisme abstrait, de De Kooning à Motherwell et à Kline, les tracés brouillés et griffés de Twombly, les empreintes du corps des modèles-pinceaux de Klein, ou celles du corps de l’artiste chez Penone, caractérisent cette nouvelle acception du corps dans l’art du XXe siècle.

 

Le corps en action

Jackson Pollock (1912-1956)
Influencé par la peinture murale des artistes mexicains comme Orozco, Pollock développe d’abord une peinture à caractère expressionniste où le sujet est souvent mythologique. Picasso, Miró, Masson - ses grandes références européennes - le mettent sur la voie de l’automatisme pictural qu’il développe jusqu’à l’extrême. A partir de la fin des années quarante Pollock invente la pratique du dripping. Sur la toile placée au sol, le peintre, debout, fait dégouliner la peinture en tournant rapidement autour du tableau. La toile porte ainsi la trace de la rapidité de l’exécution et de la violence du geste qui la projette.
Le critique Harold Rosenberg nomme ce procédé : Action painting. L’action sur la toile dispense de la représentation au profit d’un mouvement physique, elle devient sa propre représentation. Ainsi l’artiste est dans la peinture, avec tout son corps.

Jackson Pollock, Number 26 A, « Black and White », 1948
Peinture glycérophtalique sur toile, 205 x 121,7 cm

L’image fragmentée à la Picasso qui caractérisait les travaux précédents de Pollock se voile progressivement, avant de disparaître dans le flux de la peinture liquide coulée ou projetée sur la toile. 1947 est l’année des premiers drippings. Number 26A, de 1948, est un des exemples les plus caractéristiques. La peinture liquide est laissée coulée ou giclée sur la toile, étendue au sol, par l’artiste qui en orchestre le mouvement et la vibration.

Ces toiles sont les plus abstraites de Pollock. La profondeur s’abolit derrière un étoilement d’arabesques noires. Selon le principe de la peinture all-over, chaque partie de la toile est tissée d’éléments identiques qui se répètent et qui pourraient se prolonger à l’infini, au-delà du cadre (all-over : terme désignant la peinture qui recouvre de la même matière picturale la surface de la toile dans son entier). Toute idée de début ou de fin y est abolie. Attaquant la toile de tous les côtés autour desquels l’artiste tourne comme dans une danse, l’œuvre n’est plus qu’une curieuse voie lactée, un entrelacs de lignes colorées et plus ou moins épaisses où le fond et la forme s’abolissent.

Sur la toile blanche de format vertical, la couleur est réduite au noir et aux différentes intensités de gris. Le regard se concentre non pas sur l’objet de la représentation qui se dissout, mais sur le processus créateur lui-même, sur la pulsion, sur l’énergie en acte dont le tableau est la trace. Dans ces curieux tracés où disparaît l’image, advient un corps de peinture qui est celui du peintre à l’œuvre.

 

Traces et empreintes

Yves Klein (1928-1962)
Traversant en quelques années le monochrome, le Body-art, l’Art conceptuel, la dématérialisation de l’œuvre d’art, la vie et l’œuvre d’Yves Klein condensent l’aventure des avant-gardes du XXe siècle. Entre 1955 et 1962, Klein réalise la totalité de son œuvre, riche de plus de mille pièces.

Après la réalisation de monochromes de différentes couleurs, l’élaboration de la formule du bleu outremer foncé (appelé IKB, International Blue Klein) en 1956, le lâcher d’un millier de ballons bleus et les sculptures-éponges en 1957, il expose le « vide » chez Iris Clert en 1958. En 1960, il réalise les Anthropométries et les Cosmogonies qui se veulent des empreintes de phénomènes naturels, et fonde le groupe des Nouveaux Réalistes autour de Pierre Restany. S’intéressant aux éléments naturels - l’air, l’eau, le feu -, il entreprend ensuite ses peintures de feu.
De son saut dans le vide, le 27 novembre 1960 où le peintre de l’espace se fait photographier en train de défier la gravité, aux Anthropométries, à Ci-git l’espace en 1962, le corps est omniprésent dans l’œuvre d’Yves Klein.

Yves Klein, Anthropométrie de l’époque bleue (ANT 82), 1960
Pigment pur et résine synthétique sur papier monté sur toile
156,5 x 282,5 cm

En même temps que ses monochromes bleus, Klein réalise, avec le pigment IKB, sa série d’Anthropométries. Cette Antropométrie est une variante de la première œuvre de la série Célébration d’une nouvelle ère anthropométrique. Elle en diffère par un léger mouvement, vers le haut et le bas, des cinq corps-empreintes qui tracent ici une ligne plus irrégulière.

Sur le blanc de la toile des jeunes femmes, dont les corps nus sont enduits de peinture bleue, réalisent, sous la forme d’une performance publique à la Galerie internationale d’art contemporain, ces tableaux où Klein orchestre comme le note Catherine Millet « la rencontre de l’épiderme humain avec le grain de la toile ».
Cette rencontre se fait par simple contact, la couleur passant directement du corps-pinceau à la toile et de la toile au regard du spectateur. Le savoir faire du peintre n’existe plus dans ces œuvres où s’efface la facture. Les corps de chair, eux-mêmes réduits à des tampons, semblent disparaître devant une autre vérité que ces empreintes de seins, de ventres, de cuisses amènent à la surface, celle de la trace réelle, donnant à voir l’immédiateté du contact.

Travail de négatif et d’aplatissement des corps niant tout effet de profondeur, l’empreinte est en deçà de la représentation, trace du travail du modèle, en même temps médium et motif. Le corps de l’artiste peignant ainsi que le corps figuré manquent ici. Contrairement à Pollock, dont la peinture était le résultat de son geste et de son corps à l’œuvre, il s’agit ici, comme le souligne Klein, de « projeter ma marque hors de moi   ».

 

Le trait et la pulsion

Cy Twombly, 1928
Proche de Motherwell, de Kline, Twombly se situe dans la lignée de l’Expressionnisme abstrait et de l’action painting dont il s’éloigne pour se consacrer à son œuvre traversée de tracés brouillés, griffonnés, effacés, évoquant la cursivité d’une écriture. Des lettres et des mots à consonance ancienne, principalement latine et grecque, parsèment ses tableaux de réminiscences culturelles auxquelles se mêle une émotivité du tracé qui fait la singularité de sa peinture. 
« De l’écriture Twombly garde le geste, non le produit » écrit Barthes, et ce geste est pour lui « inimitable » car « ce qui est inimitable, finalement, c’est le corps » ajoute-t-il. L’œuvre de Twombly met en scène le trait en tant qu’il est « griffure », en tant qu’il est la trace « de la pulsion et de sa dépense ».

Cy Twombly, Untitled, 1969
Peinture de bâtiment, crayon à la cire sur toile, 202 x 264 cm

Après l’intensité de la série des Red Painting (1961), où la peinture du fond se mêle au crayon, Twombly commence, à partir de 1966 et jusqu’en 1970, le cycle des Black board Paintings, moins énergiques, où les signes tracés au crayon à la cire sur des fonds monochromes semblent mesurer l’espace. La couleur a ici presque disparu. Elle s’inscrit, blanc sur gris comme un trait d’épingle, passant devant l’œil telle une apparition-disparition.

Enlevé, son geste n’en est pas pour autant présent, c’est celui que trace le crayon sur le fond brouillé de peinture. Deux traits accompagnés de deux chiffres difficilement lisibles, 25 et 29, sont à peine évoqués. La matière mince du fond, comme un rideau gris de coulures superposées, évoque un espace à la limite de l’abstraction, où se lit un geste qui n’impose pas d’objet, mais le parcours d’une main traçant une griffure qui flotte, dérive, et se maintient à la limite de l’évanescence.

 

Un espace du toucher

Giuseppe Penone, 1947
Giuseppe Penone est associé au mouvement de l’Arte Povera, fondé par le critique d’art Germano Celant à la fin des années 1960, qui prône le retour de l’art à l’essentiel en engageant notamment une réflexion sur la relation entre nature et culture.
La relation du corps à l’œuvre est omniprésente chez Penone qui l’aborde d’une manière multiple et originale. L’artiste implique son corps dans des sculptures qui articulent nature végétale et nature humaine jusqu’à la métamorphose de l’une dans l’autre, ainsi que dans des travaux réalisés à partir de ses propres empreintes, « immersions tactiles dans le lieu » où la peau semble se dilater, créant une spatialité du toucher.

Giuseppe Penone, Souffle 6 [Soffio 6], 1978
Terre cuite, 158 x 75 x 79 cm

Le souffle est à la fois geste et objet d’une série de sculptures intitulée Soffio.
L’artiste engage, ici, son corps dans la matière à laquelle il veut donner forme. Il l’informe de son empreinte qui va de l’entre-jambes à la bouche recourbée. La matière retrace le geste et l’objet de la sculpture : le souffle.

Souffle 6 se présente comme une grande jarre dont la forme arrondie se termine par un cou, et dont un côté est ouvert. Le corps de l’artiste, embrassant l’argile, y a laissé à jamais l’empreinte de l’instant de la prise. Les bords laissent apparaître un bouillonnement baroque de formes qui pourraient faire penser à des nuages, mais aussi à des boucles de cheveux. Intérieur et extérieur, vide et plein, souffle informe et forme, se donnent à voir simultanément. Masculin et féminin coexistent, car la trace laissée en négatif par l’entre-jambes évoque un sexe féminin.

Comme le remarque Didier Semin, les Souffles « (…) sont une sorte d’inversion du visible. Comme si tout à coup le souffle prenait corps. Ils ont un double statut qui leur confère une réalité ambiguë : à la fois trace et métaphore (…) » (« Giuseppe Penone » in L’arte Povera.)
Trace car lieu de vérité, liée à l’empreinte tangible du corps, métaphore car le reste tourbillonnant de la sculpture est œuvre de l’imaginaire. Ainsi Penone habite les paradoxes, affectionne les limites et suggère, comme l’ajoute Semin, dans sa volonté de donner à voir l’impalpable, et ce qui n’est pas fait pour être vu, la dimension du sublime.

Reprenant l’ancien mythe biblique de la Création, où le souffle de Yahvé est donneur de vie, comme aussi le mythe grec de Prométhée et d’Athéna où le souffle de la divinité anime la matière inerte, l’artiste donne vie à la matière lui insufflant l’anima. Le choix de l’argile comme matériau de l’œuvre ainsi que la forme qui correspond à une sorte de jarre vont dans le sens du mythe : le vase que le potier crée autour du vide qui le constitue, et qui, en Occident est le signifiant par excellence de la création. (Cf. François Jullien, « Vide et plein », in La grande image n’a pas de forme.)
Le mouvement, qui est au cœur de la sculpture de Penone, se retrouve dans cette volonté de ne pas arrêter les formes, de les garder au plus près de leur surgissement, afin de multiplier le pouvoir suggestif de l’œuvre.

 

Le corps support de l’Œuvre

De l’action painting à l’empreinte du corps de l’artiste à l’œuvre, à la présence réelle de celui-ci dans l’œuvre, il y a encore un pas que le Body-art, mouvement commencé aux Etats-Unis dans les années 70, a franchi. Poussant à l’extrême la présence de l’artiste dans l’œuvre, l’art corporel met en jeu le corps devenu lui-même support de l’œuvre.

Déjà dans les années soixante, les actionnistes viennois poussent très loin la pratique des happenings, mettant en scène leur propre corps dans le cadre de pratiques extrêmes mêlant violence, souffrance et sexualité. Réalisées au cours d’exhibitions publiques à caractère souvent sacrificiel, ces « messes noires » de l’art veulent avoir un caractère libératoire, et agir en tant qu’abréaction d’affects et de représentations violentes.
Les artistes américains Vito Acconci, Bruce Nauman, Dennis Oppenheim expérimentent, quant à eux, les limites de leur propre corps à l’occasion de performances où le corps est le support d’interventions qui vont de la grimace à la blessure. En France, l’art corporel est représenté par Michel Journiac et Gina Pane.

 

Le Body-art

Gina Pane (1939-1990)
S’exprimant à travers des performances qu’elle nomme plutôt « actions », l’artiste met en scène le seuil de tolérance du corps, «dernier repère pour dessiner la frontière entre l’art et le monde », comme le souligne Catherine Millet. Réagissant à la violence des événements de 1968 et plus particulièrement à la guerre du Vietnam, les automutilations qu’elle inflige à son corps veulent réveiller notre « sensibilité anesthésiée » par une société de plus en plus constituée en spectacle médiatique, qui nie la souffrance.

Gina Pane, Action Escalade non-anesthésiée, avril 1971
Photographies noir et blanc sur panneau en bois, acier doux, 323 x 320 x 23 cm
Photographe Françoise Masson

Un panneau de photographies noir et blanc et un bâti métallique retracent l’action de l’artiste, pieds et mains nus en train de monter les barreaux tranchants de la structure métallique. La souffrance offerte en direct au public est photographiée. L’œuvre, qui ne se veut pas éphémère, reste comme une trace, de la même façon que les blessures laissées sur le corps seront la « mémoire du corps ».

Réagissant au corps stéréotypé de l’imagerie de masse, où le réel, comme le souligne Guy Débord, s’en va dans son image, Gina Pane souligne, par la souffrance physique à laquelle elle s’expose, la réalité, la vulnérabilité du corps. Elle met en scène un corps fragile et une forme de sensibilité que la société contemporaine voudrait occulter.

 

Changement d’identitÉs

Le corps de l’artiste peut aussi être le support de performances mettant en cause l’identité. Portant atteinte à ce qu’on a de plus propre, l’image de notre corps, des artistes se plaisent à défaire ces identités, non pas seulement du point de vue de l’imaginaire mais aussi en passant à l’acte, comme c’est le cas d’Orlan, tandis que Cindy Sherman, tout en déjouant à l’infini son identité, se contente d’assumer d’autres rôles à travers une multitude de déguisements ne portant pas atteinte à son corps réel.

Orlan, 1947
Artiste plasticienne mettant son corps en jeu lors de performances photographiées ou filmées, Orlan fait tout d’abord parler d’elle dans une œuvre restée célèbre, Le Baiser de l’artiste, présentée à la FIAC en 1977. Installée derrière un buste de femme nue en plastique, elle délivre un vrai baiser aux visiteurs qui introduisent 5 francs dans une fente prévue à cet effet. A côté, elle expose un panneau découpé dans lequel on la reconnaît déguisée en Sainte-Thérèse du Bernin.
Depuis, elle se lance dans une performance « absolue » où, à l’aide de la chirurgie esthétique, elle transforme son corps et son visage, qu’elle modèle aux idéaux de la beauté féminine à travers l’histoire de l’art (Vénus de Botticelli, Mona Lisa…). Elle crée ainsi « l’art charnel » qui est une manière de revisiter à travers son corps des formes de beauté.
Au fur et à mesure des opérations, on assiste à une métamorphose du corps et du visage de l’artiste. N’ayant pas peur de perdre son ancienne physionomie, Orlan revendique, par contre, comme étant sienne et inaltérable, sa voix.

En 1998, avec la série Réfiguration-Self Hybridation, ce n’est plus dans le réel mais dans le virtuel, à l’aide de l’image numérique, qu’elle continue à transformer son visage d’après les canons de beauté d’autres époques et d’autres civilisations.

Orlan, Refiguration-Self Hybridation, 1998,
Tirage : 2\3, aide technique au traitement des images, Pierre Zovilé
Cibachrome contrecollé sur aluminium, 116 x 166 x 4 cm (hors marge :100 x 150)

La série Réfiguration-Self Hybridation s’apparente aux travaux d’Orlan sur son corps, mais ici c’est sa propre image virtuelle que l’artiste travaille, la confrontant à d’autres critères esthétiques. « J’entreprends actuellement un tour du monde des standards de beauté chez les Précolombiens (déformations du crâne, strabisme, faux nez…). A l’aide de l’ordinateur, j’hybride ma propre image avec celle des sculptures présentant ces caractères pour créer une autre proposition, un autre modèle de beauté. » (Beaux Arts Magazine, n°174, novembre 1998).

Refiguration-Self Hybridation, 1998, s’inscrit dans cette série où Orlan se métamorphose en hybride d’elle-même et des sculptures olmèques, aztèques et mayas. La beauté peut prendre, selon l’artiste, des apparences qui ne sont pas réputées belles, et ce travail se situe dans une réflexion autour de ce concept. Ici, le visage féminin de profil entreprend une légère rotation vers le trois-quarts. Tandis que le visage d’Orlan est reconnaissable derrière les hybridations du crâne immense qui se termine en sculpture, la peau présente le grain doré de ces œuvres précolombiennes.
Tout est ici lumière, de celle de l’or, au jaune lumineux des cheveux se découpant sur le bleu outremer du fond, contrastant avec le rouge carmin des lèvres. Une autre mesure de la beauté est ici donnée à voir, elle s’identifie à la monstruosité même du visage-mutant, mi-chair mi-sculpture.

Cindy Sherman, 1954
La photographe Cindy Sherman se met en scène elle-même à travers les multiples identités que des déguisements lui permettent d’assumer. Elle préfère néanmoins situer son œuvre du côté de la performance plutôt que de la photographie, posant au cœur de son travail l’expérience du corps dans ses transformations et la perception de soi comme autre.

Travaillant toujours par séries, ses premières images remontent au début des années soixante-dix. De la starlette de cinéma à la jeune femme assassinée dans un parc, à la Vierge à l’enfant, qui mettent en scène l’artiste travestie « à la manière de », Cindy Sherman revisite différentes mises en situation du corps féminin et les codes de représentation y afférant pour les soumettre à un autre regard, d’où se dégage souvent un certain érotisme et une ambiguïté trouble et déroutante.
Dans la dernière série, son corps a disparu. A sa place, des corps de mannequins disloqués renvoient à une fantasmatique sexuelle violente et grotesque, suscitant l’abjection.

Cindy Sherman, Untitled, # 141, 1985
Cibachrome, 184,2 x 122,8 cm (hors marge : 180 x 122 cm)

En 1985 Cindy Sherman est conviée par le journal Vanity Fair à réaliser des photos inspirées des contes de fées, Fairy tales. S’affranchissant des limites imposées par la réalité, l’artiste donne libre cours à un univers fantastique qui n’a rien à voir avec les contes de fées classiques mais évoque des atmosphères morbides, inquiétantes et surréelles. Androgyne ou sorcière, ces contes lui permettent d’assumer les rôles les plus ambigus.

Ici ce n’est pas seulement un rôle étranger que l’artiste adopte, s‘appropriant une identité masculine,elle franchit la limite entre les deux sexes. Duchamp, déjà, en 1920-21, s’était fait photographier par son ami Man Ray dans la figure de son double féminin Rrose Selavy, dans un déguisement riche en détails. Mais Cindy Sherman adopte ici la figure masculine aux fins d’une narration où la photographie s’apparente du cinéma pour mettre en scène une figure d’assassin, sorte de Jack l’Eventreur.

Dans une nuit éclairée par la lumière verdâtre des projecteurs, émerge la figure en contre-plongée du terrible personnage masculin, tandis que les lumières au fond évoquent celles d’une ville. Des prothèses comme le dentier, le cache-œil, servent ce déguisement où Sherman s’identifie à l’assassin prêt à bondir sur sa proie. La chemise à carreaux déboutonnée, le jeans, le poing serré semblant tenir l’arme du crime ne laissent pas de doutes sur la violence de la scène évoquée. Les éléments du décor ont disparu permettant au regard de se concentrer sur le personnage. Le plan moyen, qui le coupe au-dessus des genoux, intensifie l’action et attire l’attention sur l’attitude et le costume. Le reste de l’image n’est que flou et lumière métallique éclairant, comme un cauchemar, cette simulation d’assassinat urbain.

 

Corps et expÉrience de l’espace-temps

« Je déclare l’espace », affirmait Barnett Newman en 1962 au sujet des vastes champs monochromes de sa peinture, qui met en cause l’œuvre et ses limites, incluant en elle le hors-limites, l’infini. Déjà, en 1948, Newman, dans son ouvrage célèbre, The sublimis is now, évoque une peinture qui s’adresse à nous dans l’ici et maintenant. Le sublime c’est au présent. Il est une dimension à vivre dans l’expérience de la perception de l’œuvre. La perception, encore plus que l’objet à percevoir, devient le sujet principal d’œuvres où l’objet de la représentation a disparu.
Avec les vastes champs de couleurs vibrantes, les interventions dans la nature du land art, ou avec les installations contemporaines visant une immédiateté de la perception, le corps du spectateur est placé dans l’ici et le maintenant de la rencontre avec l’œuvre.
Des longs couloirs de Bruce Nauman, au curieux comptage du temps dans les toiles de plus en plus blanches d’Opalka, quand ce n’est pas l’immersion dans la lumière projetée sur l’écran chez Bill Viola, le spectateur est invité à des voyages qui dépassent la représentation pour le situer dans le vif de la perception réelle.

 

Traverser la couleur

Barnett Newman (1905-1970)
Peintre, sculpteur, ayant fait des études de philosophie, Barnett Newman est, avec Marc Rothko, le fondateur de l’école de New York qui cherche à renouveler l’abstraction en dépassant les règles des avant-gardes européennes. Précurseur de la peinture appelée color-field, Newman se tourne vers la toile entendue comme un champ d’immersion dans la couleur.
Ses peintures, aux formats de plus en plus immenses, nient les limites du châssis et se présentent comme des vastes plages de couleur, traversées de lumière. La surface monochrome est, en effet, à partir de 1948, traversée d’un trait vertical, le « zip », qui laisse apparaître le blanc en réserve.

En 1948 il écrit son ouvrage : The sublimis is now (Le sublime c’est maintenant), où il affirme le présent dans l’appréhension de l’œuvre d’art, qui est une rencontre entre la sensibilité du spectateur et l’étendue de la couleur.

Barnett Newman, Shining Forth (to George), 1961
Huile sur toile, 290 x 442 cm

Conformément à sa pratique, Newman peint ici un tableau immense où la couleur unie se déploie, intense, mais sans profondeur. Se débarrassant du châssis, la peinture semble ne plus avoir de limites, et le peintre travaille, comme il l’écrit, « avec l’espace entier ». Le blanc dominant est traversé par trois « zips » verticaux noirs de différentes épaisseurs. Le noir est, pour l’artiste, la couleur du « vide pour faire place à l’expérience ».

Réalisée après son accident cardiaque en 1957 et la mort de son frère en janvier 1961, cette toile dédiée au frère disparu est une confrontation de l’artiste à la mort. La stricte bichromie, la lumière qui se dégage du tableau auquel le titre fait référence, Shining Forth, littéralement qui brille au loin, donnent à l’œuvre une dimension mystique et font écho au cycle des Stations de la croix (1958-1966) qui sont, comme le souligne Henri Maldiney, des véritables « drames de la lumière ».
Même si la toile est moins large que d’habitude, l’espace du tableau enveloppe le spectateur et l’immerge dans l’ici et maintenant d’une expérience de l’espace.

 

Éprouver la durÉe

Roman Opalka, 1931
L’ensemble de la démarche de Roman Opalka pourrait se résumer dans la formule que l’artiste en donne, 1965/1-. En effet, à partir de 1965, Opalka s’attache à matérialiser, à travers la peinture, la durée. A côté de ses autoportraits photographiques, où se lit dans la modification de la figure, le temps qui passe, l’artiste présente son travail pictural, véritable « lieu d’inscription du temps compté », qui va de 1 à , l'infini.
Traçant des chiffres blancs avec un pinceau toujours identique, d’abord sur fond noir, Opalka ajoute depuis 1972, 1% de blanc supplémentaire à la préparation du fond de chaque toile. Le jour où le blanc de la toile rencontrera celui des chiffres peints, l’œuvre deviendra illisible, mais le processus, souligne l’artiste, continuera encore.

Roman Opalka, Opalka 1965/1-
Détail 3307544-332438
Acrylique sur toile, 196 x 135 cm

Travaillant tous les jours et photographiant son visage une fois la toile terminée, chaque tableau d’Opalka a un format standard de 196 x 135 cm. Il est la suite immédiate de celui qui précède, les nombres se suivant dans un calcul qui n’a comme limites que la disparition de son auteur. Tracés au pinceau N°0 à la peinture blanche, sur des fonds de plus en plus blancs, chaque toile est un « détail » d’un tout, celui du temps dans lequel s’inscrivent l’expérience picturale et la vie de l’artiste.
Regarder une toile d’Opalka c’est vivre l’écoulement implacable et continuel du temps qui se mesure au blanchiment progressif de la toile, auquel fait écho l’effacement de la netteté des contours dans la photographie du visage du peintre qui l’accompagne. C’est vivre une expérience de l’espace-temps qui nous renvoie inexorablement à notre condition mortelle et à notre être en proie à la durée.

L’emblème de son travail, Opalka dit le trouver dans L’Aurige de Delphes. (Art Press, n°168, entretien avec Hervé Legros.) Cette statue dont des parties manquent est, pour Opalka, une étonnante image du temps, car le jeune homme a tout perdu, ses chevaux, son char, son bras gauche, et continue pourtant, avec ce qui lui reste de rênes, à conduire ce qui a disparu. « Il manifeste ce qu’on ne voit plus, comme le blanc sur blanc que j’espère atteindre : le non visible est présent, un miracle se matérialise. » Travail de l’infini dans le fini de l’espace et du temps, celui de la toile et de la succession des toiles le long d’une œuvre qui dure une vie.

 

La menace d’effondrement au centre de la perception de l’œuvre

Richard Serra, 1939
Serra fait partie des principaux représentants du land art. Sa sculpture, sur laquelle Rosalind Krauss écrit : « Comment expliquer la beauté de cette agressivité implacable de l’œuvre », se développe vers une liaison inextricable de l’œuvre avec son lieu, impliquant une relation soutenue avec le corps du spectateur et sa perception.
Ses sculptures travaillent la ligne, le plan, orchestrées par l’équilibre de leur propre poids, en apparence fragiles comme des châteaux de cartes. Jouant entre la masse écrasante de lourds panneaux et la surface mince de leur contact réciproque et au sol, elles suscitent chez le spectateur l’émotion liée au danger potentiel d’une chute. Selon ce procédé, Serra crée des environnements où la menace d’effondrement est au centre de la perception de l’œuvre.

Richard Serra, Corner prop n°7 (for Nathalie), 1983
Acier, 2 plaques
280 x 270 x 200 cm
première plaque (support) : 140 x 140 x 5 cm
seconde plaque : 150 x 270 x 5 cm

Dans cette sculpture où deux plaques d’acier superposées perpendiculairement s’effleurent, la relation au lieu est primordiale. Tandis que ses lignes, ses surfaces géométriques entrent en résonance avec les angles droits de la pièce, c’est en effet l’angle du mur qui permet à la plaque rectangulaire de tenir en équilibre.

« Occupation et définition constituent pour Serra des fonctions résolument indissociables, ainsi qu'elles le sont dans le monde que nous habitons et appréhendons », écrit encore R. Krauss à son sujet dans L’Originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes. Elle ajoute plus loin : « Deux sortes de lignes existent en sculpture : celle qui occupe l’espace sans le définir et celle qui le définit sans l’occuper. » Serra joue sur l’interrelation des deux dans la définition d’un nouvel espace, par l’intervention de l’œuvre modulable, dans la pièce du musée où elle est présentée ou dans l’extérieur où elle se déploie. Elle sollicite le point de vue du spectateur et son corps tout entier dans la perception de l’œuvre.

 

L’expÉrience du labyrinthe

Bruce Nauman ,1941
Artiste polymorphe et prolifique, Bruce Nauman, présente une œuvre irréductible à tout classement, à l’image de sa formation, scientifique et littéraire à la fois. D’abord peintre, il abandonne la peinture pour s’intéresser à la sculpture, à la performance et au cinéma. Part essentielle de son travail, les installations vidéos impliquent la présence du spectateur, mettant à l’épreuve les catégories spatio-temporelles de la perception.

Bruce Nauman
Going around the Corner Pièce, 1970 (Prendre le tournant)
Installation : 4 caméras vidéo, 4 moniteurs noir et blanc,
4 cimaises d'environ 324 x 648 x 648 cm
Installation à réaliser sur le lieu de l'exposition d'après
le plan fourni par l'artiste et conservé au Cabinet d'art graphique.

Going around the Corner Pièce fait partie d’une série d’œuvres que Nauman entreprend à partir de 1969, appelées Corridors. Se dénouant sur des espaces étroits et complexes le spectateur se doit de les parcourir.

Dans cette pièce sont installés quatre moniteurs posés au sol et reliés à quatre caméras qui filment le spectateur sur son passage. Néanmoins c’est au tournant de la pièce, c’est-à-dire là où il ne s’y attend pas, que le spectateur se voit, avec un décalage spatio-temporel par rapport au moment où il a été filmé.
La place du spectateur, pris dans un circuit fermé où il évolue, et soumis à une expérience donnée, ne peut pas ne pas faire penser aux célèbres expériences pavloviennes basées sur le principe du stimulus-réponse. Manière peut-être pour l’artiste de questionner l’être au monde de l’homme moderne, surveillé et trompé par le système tout puissant de l’image qui le transforme, à son insu, en spectacle.

 

DÉpasser les limites apparentes de la perception

Bill Viola, 1951
L’œuvre de Bill Viola - celui que Nam June Paik surnomme « le poète de l’art vidéo » - transcende le travail de la caméra pour créer des atmosphères qui modifient la perception de l’espace-temps, dans les fluctuations de la lumière qui fait et défait les images. Elle immerge le spectateur à l’intérieur de ce que Viola appelle « le réalisme des sensations et des émotions, des perceptions et des expériences (…) réalisme de la perception d’un objet, non l’objet lui-même. » (Art Press , n°233, interview de Rosanna Albertini.)

Si l’image est présente dans son œuvre et si, dans certains travaux, il interroge la peinture et en particulier l’œuvre de Pontormo (1494 - 1557, Florence) (The Greeting, 1995), recréant dans une installation vidéo une peinture vivante, c’est la perception humaine elle-même que Viola explore.

Bill Viola, Five Angels for the Millennium, 2001
Installation vidéo sonore, salle noire de dimensions variables,
5 projections murales de 240 x 130cm
5 sources de son stéréo

Projetées sur cinq immenses écrans, cinq figures accomplissent au ralenti leur action : plongée dans l’eau, sortie de l’eau et ascension, dans un décor sonore tendu jusqu’à l’explosion. Explosion acoustique qui accompagne l’émergence de la forme lumineuse. Figure toujours brouillée, participant à la fois de l’élément aquatique et du ciel. En effet comme l’indique le titre, Five Angels for the Millennium, il s’agirait de cinq anges : celui qui s’en va en plongeant, celui de la naissance, celui du feu, celui qui monte dans un mouvement ascensionnel, et celui de la création.

La consonance mystique est évidente dans cette œuvre. Viola, qui s’insurge contre le manque de dimension contemplative propre à notre époque, met ici en scène une figure spirituelle difficilement représentable, celle de l’ange, qui a hanté la représentation picturale en Occident pendant des siècles. Cette représentation est poussée ici aux confins de l’infigurable, et l’image à la limite de la dématérialisation.

Plongé dans le noir profond de la pièce où est projetée l’œuvre, le spectateur est invité à une expérience de tous les sens, remettant en cause la perception et ses lois. Le temps semble s’allonger dans la durée des actions qui se prolongent. Eau et ciel se confondent dans un espace qui abolit les limites entre les choses. Le visible est menacé par l’invisible, l’obscurité rongeant à chaque instant la lumière. La tension émotionnelle, véhiculée par le son, explose au moment de l’apparition des corps propulsés hors de l’eau ou engloutis en elle. Rien ne reste, tout bouge inlassablement et l’image aussitôt formée rentre dans le processus de sa disparition.

Création, naissance, mort, élévation, vie, sont les moments forts de l’œuvre scandés par le titre. Une œuvre qui, voulant libérer chez le spectateur les affects refoulés, est de l’ordre de la catharsis. « Il n’existe pas de lieu officiellement consacré à l’expérience subjective dans notre culture. L’art y pourvoit », déclare en effet Bill Viola.

Margherita Leoni-Figini

 

Bibliographie sÉlective

Catalogues
Big Bang, Destruction et création dans l’art du 20e siècle, Ed. Centre Pompidou, 2005
La Collection du Musée national d’art moderne, Acquisitions, 1986-1996, Ed. Centre Pompidou, 1997
La Collection du Musée national d’art moderne, Ed. Centre Pompidou, 1986

Livres - Essais
• François Jullien, La grande image n’a pas de forme, Seuil, 2003
• Denys Riout, Qu’est-ce que l’art moderne ? Folio, Gallimard, 2000
• Catherine Millet, L’Art Contemporain, Dominos, Flammarion, 1997
• Rosalind Krauss, L’Originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Macula, 1993
• Catherine Grenier, L’Envers des choses : Annette Messager, Cindy Sherman, George Kuchor, Centre Georges Pompidou, Collection Traces, 1993
• Didier Semin, « Giuseppe Penone » in L’arte Povera, Ed. du Centre Pompidou, 1992
• Yves Bonnefoy, Giacometti, Flammarion, 1991
• Rosalind Krauss, Le Photographique, Macula, 1990
• Catherine Millet, L’art contemporain en France, Flammarion, 1989
• Roland Barthes, L’Obvie et l’Obtus, Seuil, 1982
• Gilles Deleuze, Francis Bacon : Logique de la Sensation, La Différence, 1981
• Clement Greenberg, Art et Culture, 1961, trad. française 1988, Macula

Revues
Art Press, Nos 165, 168, 233
Beaux Arts Magazine, N° 174

Liens internes
• La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Pour voir toutes les œuvres des artistes présentés dans ce dossier
• Giuseppe Penone. Rétrospective. Dossier pédagogique
• Jean Dubuffet(1901-1985) Exposition du centenaire. Dossier pédagogique

Liens externes
• Sur Picasso
- Le site du musée Picasso, à Paris http://www.musee-picasso.fr
- Le site de Picasso Administration http://www.picasso.fr
• Sur Jean Dubuffet : Le site de la Fondation Dubuffet
• Sur Francis Bacon
• Sur Orlan
• Sur Bill Viola

 

Pour consulter les autres dossiers sur les collections du Musée national d'art moderne
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Contacts
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© Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics, février 2006
Mise à jour : août 2007
Texte : Margherita LEONI-FIGINI, professeur relais de l’Education nationale à la DAEP
Maquette : Michel Fernandez
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education/ rubrique 'Dossiers pédagogiques'
Coordination : Marie-José Rodriguez