Dossiers pédagogiques
Parcours exposition
Du 5 mai au 9 août 2010, Galerie 1, niveau 6
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Allan deSouza. The Goncourt Brothers stand between Caesar and the Thief of Bagdad,
2003 |
Présentation du thème
Les parcs d’attraction et leur descendance
Penser la ville
A l’origine du parc
d’attractions
Les expositions universelles comme modèles
Ville et fantasmagorie selon Walter Benjamin
Les parcs d’attractions
Luna Park et Dreamland
Le Rêve de Vénus
Disneyland : réconfort ou aliénation ?
Les parcs miniatures
La ville héritière des parcs
d’attractions
New York Délire
Les enseignes de Las Vegas
Du Fun Palace au Centre Pompidou : adaptabilité et utopie
Strada Novissima
Epcot, une cité idéale
Las Vegas, 1990
Les villes reconstituées de Leavenworth et Streamside
Reconstitutions à grande
échelle et façadisme
Dubaï ou la terre entière
Le façadisme
En Chine
L’exposition Dreamlands développe un propos inédit : montrer comment les foires internationales, les expositions universelles et les parcs de loisirs ont pu constituer des modèles qui ont influé sur la conception de la ville et de ses usages. En effet, si de tels modèles ont façonné l’imaginaire, nourri les utopies comme les créations des artistes, ils sont aussi devenus réalités : le pastiche, la copie, l’artificiel et le factice ont marqué à leur tour l’environnement dans lequel vient s’inscrire la vie réelle, modifiant notre rapport au monde et à la géographie, au temps et à l’histoire, aux notions d’original et de copie, d’art et de non art.
Plus de trois cents œuvres sont ici rassemblées, mêlant art moderne et contemporain, architecture, films et documents issus de nombreuses collections publiques et privées, donnant à voir ce brouillage des frontières – inquiétant ou merveilleux – entre imaginaire et réalité. Une exposition qui veut aussi interroger les frontières entre culture savante et culture populaire.
Les parcs d’attractions et leur descendance
Les parcs d’attractions, tels qu’ils se sont développés depuis le début du 20e siècle aux Etats-Unis, en Europe puis en Chine ou au Japon, ne constituent pas des entités indépendantes du fonctionnement général de la société. En premier lieu, ils procurent des réconforts et répondent à des angoisses liées à l’évolution du monde ; un parc d’attractions est une collection d’éléments emblématiques de divers pays, un petit monde dans lequel le visiteur a l’impression de tout dominer. En second lieu, débordant leur cadre premier, ils se sont infiltrés en masse dans certaines villes dédiées aux loisirs, comme c’est le cas depuis longtemps à Las Vegas et plus récemment à Dubaï, pour retenir l’exemple le plus flagrant. Enfin, l’architecture dite postmoderne a pu leur emprunter leur éclectisme et leurs citations d’architectures diverses aussi hétéroclites que ludiques.
Quelle est la place des Dreamlands américains dans cette aventure ? En quoi l’« indécision » qui, dans les parcs de loisirs, règne entre original et pastiche, entre art et kitsch a-t-elle marqué la ville d’aujourd’hui et notre sensibilité ? Ces questions provoquent nombre de réflexions historiques, architecturales, sociologiques ou plastiques, que cette exposition donne l’occasion d’approfondir.
Penser la ville
Penser la ville et son usage, voilà qui a été un objet de réflexion
et de discussion tout au long du 20e siècle. Entre les positions radicales du
mouvement moderne – notamment la spécialisation des fonctions : vie,
travail, loisirs, transports – dans la première moitié du 20e siècle, et
leur mise en pratique particulière dans la réalisation des grands ensembles
après la Deuxième Guerre mondiale, le déroulement logique n’est pas si simple et
fait intervenir des variables économiques, sociales, démographiques, techniques
ou idéologiques, dont il est souvent difficile de démêler l’écheveau.
Il n’en reste pas moins que l’architecture postmoderne, qui se développe à
partir des années 70, s’en démarque notamment par l’abandon du fonctionnalisme
et par un recours plus ou moins distancié aux formes explicites de passés
multiples et différenciés ; une position qui, à l’image de ces dreamlands,
si friands d’innovations techniques, conduit souvent à une diversité, voire à
une exubérance de formes, permise par une pratique renouvelée des moyens
techniques.
À l’ORIGINE DU PARC D’ATTRACTIONS
Jusqu’où faire remonter la réflexion en présence d’une thématique qui est partie prenante de toute vie ? Il faudrait du moins revenir aux mises en scène du Carnaval, à ces aménagements éphémères exigés par les Entrées royales – lors de l’accueil d’un monarque –, aux places municipales et royales conçues pour être l’écrin de somptueuses réjouissances, aux foires ou, plus près de nous, aux expositions universelles.
LES EXPOSITIONS UNIVERSELLES COMME MODÈLES
Dans la suite des expositions nationales de la fin du 18e siècle, l’exposition universelle de Londres de 1851 montrait sous une seule structure en fonte de métal et en verre, le fameux Crystal Palace de Joseph Paxton, la quintessence du progrès technique. L’esthétique industrielle, la valorisation de l’ingénierie, la visibilité de la structure, la standardisation, la préfabrication, l’appel à des ouvriers non qualifiés, l’économie et la souplesse de la construction faisaient du lieu lui-même un modèle de ce qui y était présenté. L’attraction était aussi structurelle. Ce qui ne fut pas le cas, un peu plus tard, en 1855, à Paris. La structure métallique du palais de l’Industrie, bien que visible à l’intérieur, avait été voilée en façade par une pompeuse entrée, une sorte d’arc de triomphe néoclassique qui, paradoxalement, valorisait l’exhibition des techniques.
En 1867, était construit sur le Champ-de-Mars l’immense palais Omnibus, avec espaces diversifiés et rues. La totalité de la technique mondiale était accessible grâce à cet espace clos. Le spectacle était totalisateur, actif et vivant. S’y ajoutaient les beaux-arts mais aussi, autour du palais Omnibus, des cafés, restaurants ou habitations du monde : l’humanité n’y était plus envisagée seulement du point de vue du progrès mais des traditions, selon un regard rétrospectif. Et pour nombre de visiteurs, les récents aménagements parisiens menés sous la conduite du baron Haussmann constituaient un attrait supplémentaire : la nouvelle ville de Paris était l’écrin attirant du résumé du monde proposé par l’exposition. En 1878, la IIIe République mettait toujours les innovations techniques à l’honneur, notamment l’électricité, mais aussi l’agriculture ou les beaux-arts. Les traditions architecturales étaient encore plus intégrées à l’exposition au long d’une nouvelle rue des Nations : les divers types d’habitats y formaient une fascinante collection.
Théophile Féau. La construction de la tour Eiffel vue de
l’une des tours du palais du Trocadéro
Fonds
Gustave Eiffel. PHO1981-126-10
Localisation
: Paris, musée d’Orsay
Domaine
public
Courtesy Rmn (musée d’Orsay) / René-Gabriel
Ojéda
En 1889, pour la commémoration du centenaire de la Révolution française, l’industrie s’exhibait dans l’impressionnante salle des Machines et plus encore dans la tour Eiffel dont l’inutilité pratique signalait encore davantage une foi absolue dans le progrès technique : le spectacle technique s’affirmait, il n’avait pas besoin d’autre ornement que lui-même, il s’érigeait en attraction autonome ; le progrès technique se muait en fête, échappant à tout fonctionnalisme. Et, à côté de la collection des habitats des divers pays, deux innovations réorientaient l’attrait pour l’architecture du monde. La reconstitution d’une rue du Caire, avec ses indigènes, ses boutiques, ses animaux, voulait donner au visiteur l’illusion de se trouver en Égypte ; la rue de l’histoire de l’habitat humain racontée par Charles Garnier proposait une vision compréhensive de la tradition. Le temps était pris en considération, en sus de l’espace.
L’exposition universelle de 1900 a exigé des aménagements urbains importants conçus simultanément pour le temps de l’exposition et de manière pérenne pour la Ville de Paris, tels le pont Alexandre III ou la première ligne de métro. L’habitat du monde y occupait plus d’un kilomètre tout au long de la rue des Nations-Étrangères, cependant que la rue de Paris donnait une image mouvementée de l’histoire de la ville ou que le Village suisse s’installait dans un paysage montagneux avec chalets, cascades, prairies et vaches : voilà qui constituait déjà un authentique parc d’attractions. Quant à l’exhibition des techniques, elle se faisait souvent sur un mode ludique : le palais de l’Électricité se présentait comme une exubérante folie de style XVIIIe siècle ; le palais de l’Optique proposait un spectacle féérique ; le cinéma des frères Lumière, né dans l’univers du divertissement, était ici pleinement à sa place et était projeté sur un immense écran, etc. La fête foraine avait pris le pas sur la démarche didactique.
VILLE ET FANTASMAGORIE SELON WALTER BENJAMIN
Au cours du 19e siècle, certaines parties de la ville deviennent, de plus en plus, d’attirants étals de marchandises. Dans Paris, capitale du XIXe siècle (1935), Walter Benjamin propose une réflexion sur la relation entre Paris en général et les panoramas – ces paysages reproduits mimétiquement dans des rotondes − ou les passages couverts – ces galeries marchandes insérées au cœur du bâti. La marchandise et sa fétichisation tout autant que la réification des consommateurs y règnent. Selon cette analyse marxiste, les objets ont perdu leur valeur d’usage au profit d’une valeur d’échange et se font passer pour des êtres vivants, cependant que les sujets ont été astreints au statut d’objets. Marx donne à cette inversion des valeurs le nom de fantasmagorie. Cette fantasmagorie de la ville prend les apparences d’un décor particulièrement brillant et joue son rôle dans l’essor du capitalisme.
Anonyme. André Breton dans une fête foraine, 1923
Carte postale, épreuve gélatino-argentique, 9 x 14 cm
Musée des Civilisations de l’Europe et
de la Méditerranée
Débarrassés de toute
prétention pédagogique, les parcs d’attractions sont tributaires d’une
technique dont ils utilisent pleinement, au gré de leurs besoins, les moyens,
mais sans la valoriser en tant que telle. Attirants royaumes du loisir et du
divertissement, ils sont entrés en communication avec l’imaginaire de leur public,
ils ont pu croiser les chemins de l’utopie, ils ont installé la copie,
l’artificiel et le factice en position dominante, de telle sorte qu’ils leur
ont conféré une forme de validité qui a pu aller jusqu’à brouiller, parfois,
les limites entre réalité et fiction.
Pourquoi des artistes ne se seraient-ils pas laisser tenter eux aussi par de
tels divertissements ? Stefan Zweig s’y est senti régresser à un stade
infantile mais n’a pas refusé de s’abandonner à cette « bassesse ».
Les surréalistes, visiblement ravis, ont pensé, pouvoir faire à cette occasion
le lien avec la culture populaire.
LUNA PARK ET DREAMLAND
1. Anonyme. Venetian
Gardens, Coney Island, N.Y., n.d.
Domaine
public
New
York Historical Society
2. Anonyme. Miniature Railway, Dreamland, Coney Island, n.d.
Domaine
public
New
York Historical Society
Luna Park, inauguré en 1903 sur l’île de Coney Island, à New
York, est l’un des premiers grands représentants des parcs d’attractions. Tout
à côté, celui de Dreamland n’a fonctionné que de 1904 à 1911 mais a été
exemplaire dans son utilisation ludique des techniques. La reconstitution de
canaux vénitiens, parée de tous les charmes de l’électricité, aurait semblé fort
irréelle à un natif de Venise, mais c’est précisément cette irréalité, cette
fantaisie détachée de l’original, cette autonomie
de la copie qui produisent un attrait spécifique : nul besoin d’aller
à Venise puisque, dans la clôture de Dreamland,
se trouve une nouvelle réalité de Venise, une Venise plus maîtrisable que l’original.
Il en va de même avec Lilliputia, ce modèle réduit de
Nuremberg peuplé de 300 nains que les visiteurs peuvent voir dans un
environnement entièrement conçu à leur échelle avec maisons, plage, théâtre,
chevaux nains, caserne de pompiers… Brillant, clinquant ou miniaturisation
donnent idée que le monde, une fois mué en divertissement, est pleinement
maîtrisable dans tous ses aspects y compris humain.
LE RÊVE DE VÉNUS
Éric Schaal. Salvador Dalí, façade du pavillon Rêve de Vénus, 1939
Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2010
En 1939, le galeriste Julien Levy demande à Salvador Dali de réaliser une « maison surréaliste », le Rêve de Vénus, pour la zone proprement foraine de la Foire internationale de New York. En fait, en surréaliste qu’il était et en admirateur du mode de vie américain, il avait le désir de briser la hiérarchie entre culture d’élite et culture populaire. Les rondeurs fantaisistes de son pavillon s’opposaient à la rigueur géométrique des autres pavillons et à toute utopie technicienne ; la reproduction d’œuvres très célèbres et manifestement érotiques − notamment la Naissance de Vénus de Botticelli − ainsi que la présence de jeunes femmes dénudées à l’intérieur du pavillon cumulaient les attraits et arrachaient l’art au conservatisme ou à l’académisme.
C’est en acceptant les règles du divertissement que Dali avait pu
s’intégrer à la fête foraine, aussi lui fut-il interdit d’en dépasser
certaines, comme, par exemple, mettre des queues rouges à ses sirènes.
Résultat : il n’assista pas à l’inauguration ! Salvador Dali s’engageait déjà, avec ce Rêve
de Vénus, dans la problématique des artistes du pop art qui, dès le
milieu des années 50, désacraliseront l’art et travailleront à partir d’icônes
populaires et d’images, notamment publicitaires, mises en circulation par la
société de consommation.
DISNEYLAND : RÉCONFORT OU ALIÉNATION ?
Les décors de cinéma ont partie liée avec les parcs de loisirs : Walt Disney
leur a évidemment emprunté leurs façades alléchantes. Disneyland ouvrait en
1955 en Californie, près de Los Angeles, mais Disney y pensait depuis 1940. Ce
monde enchanté faisait place à l’exotisme, à la fiction romanesque, à la vision
rétrospective ou aux promesses de l’avenir, mais toujours sous le signe du bonheur.
En 1987, la société Disney adaptait ses modèles à la région parisienne, dans la
commune de Marne-la-Vallée. En 1996, accueillie à la Biennale d’Architecture de
Venise, elle connaissait une reconnaissance officielle.
Siegfried Kracauer (1926) puis Georges Bataille (1930) avaient déjà trouvé dans les parcs d’attractions des éléments pour mettre à bas l’élitisme de la culture bourgeoise. Benjamin y voyait un rêve d’autosuffisance et en Mickey Mouse un réconfort, une « image libératrice ». Mais, Clement Greenberg (1939) s’opposa violemment à un usage du kitsch manipulé par les puissants, tandis qu’Adorno et Horkheimer (1944) y analysaient un mécanisme d’aliénation. Louis Marin (1973) dénonça une « utopie dégénérée » strictement ancrée dans le passéisme. Umberto Eco (1985) stigmatisa cette recherche de la reconstitution la plus immédiatement identifiable qui sombre en réalité dans le « Faux absolu ». Au contraire, Jean Baudrillard (1988) assuma l’idée que, en référence à l’illusion qu’est l’art, il convient de délaisser le culte du vrai et l’idéalisme qui le sous-tend au profit d’une inauthenticité dont la diversité est porteuse de vie.
LES PARCS MINIATURES
Julia Fullerton-Batten. Teenage Stories, Marbles, 2007
Epreuve couleur, 102 x 137 cm
Courtesy Julia Fullerton-Batten et
galerie Les Filles du Calvaire, Paris/Bruxelles
Réduire le monde en parcs miniatures semblerait devoir permettre d’en prendre une connaissance globale, impossible dans la réalité ; et chacun sait combien la maquette peut être utile pour visualiser les volumes. En fait, les parcs miniatures, qui se multiplient de nos jours, forment des rues et des quartiers trop grands pour avoir le statut de maquettes, et proposent souvent des rapprochements incongrus ; les visiteurs ont la possibilité de s’y promener mais comme des géants capables de voir plusieurs lieux à la fois. Conscients d’être les maîtres de ce jeu divertissant sinon instructif, ils sont en même temps quelque part et dans leur enfance ; à eux de jouer selon leur bon plaisir, à eux de rétablir, s’ils le désirent, l’idée d’humanité dans cet univers.
La récente photographie Marbles, de l’artiste britannique Julia Fullerton-Batten, tirée de la série Teenage Stories, met en scène de jeunes adolescentes dans des décors miniaturisés. Aux prises avec leurs rêves, elles se trouvent dans une position existentielle ambiguë, tiraillées entre les plaisirs nostalgiques du retour à l’enfance et un regard d’adulte, celui qu’elles portent sur une époque de leur vie déjà dépassée mais aussi celui que les spectateurs portent sur elles.
LA VILLE HÉRITIÈRE DES PARCS D’ATTRACTIONS
Les fantasmagories développées dans les parcs d’attractions ne pouvaient être sans relations avec la sensibilité générale et sans conséquences sur l’extérieur, sur la vie urbaine et sur l’architecture. Puisque la notion de spectacle, étudiée par les Situationnistes, est essentielle pour comprendre ces parcs, il est utile de voir comment elle permet de comprendre les liens qui se tissent entre différents secteurs de la société, comment elle s’infiltre dans le bouleversement des normes sociales et, du point de vue urbain, dans quelle mesure elle imprègne certains traits de l’architecture postmoderne, son hétérogénéité et ses collages. L’exposition apporte une documentation précieuse sur ces questions.
NEW YORK DÉLIRE
Madelon Vriesendorp, Flagrant délit, 1975
Aquarelle et gouache sur papier, 35 x 40 cm
Collection Fonds régional d’art
contemporain du Centre, Orléans, France
Photo Olivier Martin-Gambier
En 1975, Madelon Vriesendorp intègre dans ses dessins des gratte-ciels humanisés, confortablement couchés dans leur lit. Loin de tout fonctionnalisme, ils semblent mener une vie qui en fait nos égaux, embarqués dans les mêmes problèmes. Quand, en 1978, l’architecte hollandais Rem Koolhaas publie New York Délire, c’est un de ses dessins transformant Manhattan en théâtre, où les gratte-ciels vont jusqu’à incarner un vaudeville monumental, qu’il met en couverture.
Rem Koohlaas voit dans Manhattan (1890-1940) la pierre de Rosette de
l’architecture du XXe siècle. Il y reconnaît une dimension spectaculaire et une
démesure largement héritières des fantaisies, des féeries et des avancées
technologiques de Coney Island et particulièrement de Dreamland, telles ces tours
et ces ascenseurs à grande vitesse que l’on pouvait y voir avant de les
retrouver dans la circonscription new-yorkaise.
Koolhaas situe la question entre
maîtrise et fantasme, entre jeu et fantasmagorie. Hyperdensité et
congestion, diversité et théâtralité sont des éléments essentiels de cette
usine de l’artificialité que, très loin de l’hygiénisme triomphant et de la spécialisation
des fonctions prônés par le mouvement moderne, constitue le modèle de Manhattan.
Le « dôme géodésique », conçu à la fin des années 40 par Richard Buckminster Fuller qui avait fait le projet d’en couvrir une partie de Manhattan, pourrait compléter le tableau, offrant la technique – par préfabrication et montage facilité − d’une clôture apaisante autant que d’une scénographie grandiose.
LES ENSEIGNES DE LAS VEGAS
Studio Robert Venturi. Learning from Las Vegas, Car View of
Strip, 1968-1972
Documentation
issue de Learning from Las Vegas, Cambridge (Mass), MIT Press, 1972
Courtesy
Venturi, Scott Brown and Associates, Inc.
En 1972, les architectes américains Denise Scott Brown et Robert
Venturi publient Learning from Las
Vegas (L’enseignement de Las Vegas), analysant dans cet ouvrage la nouvelle forme d’urbanisme que représente le modèle
de l’architecture ludique, commerciale et populaire de la célèbre ville. Ils y
constatent, notamment, l’omniprésence des enseignes publicitaires en avant des
« hangars décorés » qu’elles voilent et magnifient ; ils désignent
du nom de « canards » les bâtiments dont les formes miment la
fonction, par référence à une boutique (1931) de Long Island construite en
forme de canard géant – Big Duck – pour la raison qu’on y vendait du canard.
Devant ces constats, comment ne pas penser à Hollywood et aux lettres géantes
qui, depuis 1923, s’étalent sur une colline de Los Angeles ? La cité du
cinéma s’y authentifie clairement comme fondée sur l’artifice, elle dont les décors réduits à des façades sont en même
temps illusion du réel et clin d’œil à l’intention du spectateur.
Cette exubérance signalétique et cette expressivité débridée, présentes dans les deux villes, semblent à Scott Brown et Venturi être partie prenante de certains fondements de la culture populaire américaine. On n’a pas manqué de leur opposer que Las Vegas présentait plutôt les traits d’une culture imposée à des consommateurs passifs ou au mieux éblouis par le clinquant.
DU FUN PALACE AU CENTRE POMPIDOU : ADAPTABILITÉ ET UTOPIE
Renzo Piano et Richard
Rogers. Centre Pompidou, Paris, 1977
Plastique, bois et métal, 55 x 197 x 180 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art
moderne, don de Renzo Piano Building Workshop 1992
La juxtaposition des divertissements populaires dans les parcs d’attractions et la diversité, voire l’hétérogénéité, qu’ils impliquent ont influencé certains architectes dans leur réflexion sur la relation entre les espaces consacrés à la culture et leurs usagers. Dans l’utopie non réalisée du Fun Palace (1961), née de la rencontre de Joan Littlewood, la femme qui fonda le théâtre prolétarien anglais, et de l’architecte Cedric Price, l’architecture fait plus que suivre l’évolution vers la société des loisirs et répondre à ses besoins. Elle propose une sorte de machine transformable en fonction des désirs des utilisateurs, faite d’une structure métallique, à laquelle peuvent être accrochés des éléments mobiles et des unités modulaires faciles à assembler et à démonter. Elle provoque donc l’éclosion d’une créativité nouvelle, ouverte à mille possibles.
Les architectes anglais d’Archigram travailleront dans ce sens dans les années 60, les Italiens du groupe Archizoom également. Mais c’est le Centre Pompidou qui, en 1977, en sera la plus remarquable réalisation : adaptabilité des espaces à toutes sortes de fonctions et de besoins connus ou à venir, perméabilité des espaces intérieurs et extérieurs notamment. Renzo Piano et Richard Rogers considèreront le Centre Pompidou comme un très grand jouet, une sorte de meccano géant, offert à l’usage et à l’imagination de ses usagers, un bâtiment invitant à une démocratisation culturelle, loin d’un temple de l’art.
STRADA NOVISSIMA
Studio Grau. Manifesto per la mostra « Via
novissima »,
1 biennale di architettura « La Presenza del
passato » - Corderie dell’arsenale di Venezia, 1980
Affiche officielle, 98 x 68 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art
moderne, Paris
En 1980, Paolo Portoghesi organise la première Biennale d’architecture de Venise, dans la Corderie de l’Arsenal. Sa Strada Novissima − aujourd’hui perçue comme le manifeste de l’architecture postmoderne − se réduit en fait à la juxtaposition de dix-neuf façades qui, revisitant les styles des siècles passés, ont été réalisées dans les studios romains de Cinecittà. Outre celle d’entrée, due à Portoghesi lui-même, elles ont été conçues par autant d’architectes invités tels Greenberg, Bofill, ou Hollein. L’ensemble constitue un décor scénographique ou quasi cinématographique.
Cette réduction à un effet de surface rappelle les espaces ludiques de reconstitution organisés par les expositions universelles ou par les parcs d’attractions ; et puisqu’il s’agit de dire quelque chose des charmes des architectures exotiques ou disparues, comment ne pas déduire que le rêve sous-jacent à la Strada Novissima est celui d’une ville haussée au rang de spectacle, comme un moment ludique détaché des nécessités de la vie quotidienne ? Où l’habitant prendrait le statut de touriste attendri, admiratif, médusé ou tout simplement perdu dans ses rêves.
EPCOT, UNE CITÉ IDÉALE
On comprend que pour Walt Disney, passionné d’urbanisme et de
nouvelles technologies, la tentation ait été grande de passer du parc
d’attractions à la construction d’une ville réelle. Les circonstances et sa
mort en 1966 l’ont empêché de venir à bout de son rêve. Pensé pour 20 000
habitants, son Prototype expérimental
d’une communauté du futur (EPCOT : Experimental Prototype Community of
Tomorrow) aurait utilisé les technologies modernes pour résoudre les
problèmes des villes américaines et poser les
fondements d’un univers de solidarité, d’harmonie et de sécurité.
Organisée en cercle, la ville aurait
sérié les fonctions et aurait, par exemple, installé la circulation automobile
en sous-sol. Elle se serait même abritée sous un immense dôme protecteur qui
aurait permis de contrôler son climat.
En 1982, un parc à thème, l’EPCOT Center, reprenait partiellement la chose, accolant deux cercles tangents. L’un (the « World Showcase ») comportait des exemples d’architectures nationales typiques ; l’autre (the « Future World »), sur le pourtour d’une immense place à portique à la manière du Bernin devant Saint-Pierre-de-Rome, était constitué par des pavillons d’entreprises dédiés aux innovations technologiques, mais non sans des aspects de « canards », tel le bâtiment consacré à l’océan et à l’allure d’une vague géante.
Puis, au milieu des années 90, sous l’égide de la Société Disney, la ville de Celebration a repris le flambeau, offrant un urbanisme éclectique dont les styles allaient du « colonial » au « méditerranéen », au « français », au « victorien », ou à celui de la Nouvelle-Angleterre. Cette ville, aujourd’hui peuplée de 10 000 habitants, censée recréer les charmes de la ville traditionnelle, a toutes les allures d’un décor. De grands noms de l’architecture postmoderne y ont participé tels Arata Isozaki, Robert Venturi, Aldo Rossi…, ceux-là même qui étaient présents à la Strada Novissima en 1980 à la Biennale de Venise, démontrant ainsi clairement leur intérêt pour cette descendance des parcs de loisirs.
LAS VEGAS, 1990
Allan deSouza. The Goncourt Brothers stand between Caesar and the Thief of Bagdad,
2003
C-print sur aluminium, 40 x 125,1 cm
Courtesy
Allan deSouza et Talwar Gallery, New York/New Delhi
Capitale mondiale du jeu, Las Vegas se devait non seulement de
s’adjoindre des parcs d’attractions mais aussi de conformer ses apparences
urbaines au désir ludique de ses touristes. C’est ainsi que, dans les années
90, les nouveaux hôtels-casinos ont
mis en scène au long de l’avenue principale – la Main Street – des reproductions revues et corrigées de
monuments fameux – tour Eiffel, Sphinx de Louxor, Victoire de Samothrace…
Leur addition produit l’effet d’un kaléidoscope géant qui les transforme
en pièces d’un jeu qui se pratiquerait à l’échelle de la ville et ne serait pas
dénué d’une sorte de séduction baroque propre à attirer le plus grand nombre de
visiteurs.
Mais aujourd’hui, 20 ans plus tard, Las Vegas est de nouveau en phase de
mutation !
LES VILLES RECONSTITUÉES DE LEAVENWORTH ET STREAMSIDE
Dans les années 1960, la commune de Leavenworth, aux États-Unis à côté de Washington, décide de lutter contre son déclin économique par une opération touristique : se transformer en enclave bavaroise ! Cette appropriation d’une culture étrangère, sans rapport avec l’histoire locale, joue sur l’identité comme si elle était réductible à une marque commerciale ou une marchandise parmi d’autres. Mais que deviennent les habitants ? Sont-ils « réifiés » selon l’analyse marxiste avancée par Walter Benjamin ? Andrea Robbins et Max Becher ont rendu compte par leurs photographies (1996) de cette étrange mutation : au-devant de façades typiquement bavaroises ornées d’enseignes en lettres gothiques, dansent ou défilent devant un public nombreux des habitants en habit traditionnel de Bavière.
Pierre Huyghe. Streamside Day, 2003
Evénement
Transfert vidéo et film, 26 min / couleur, son
Courtesy
Marian Goodman Gallery Paris/New York
© Pierre Huyghe / Adagp, Paris
Streamside est une petite
ville nouvelle au nord de New York, construite en style Nouvelle Angleterre.
Avec Streamside Day (2003),
l’artiste français Pierre Huyghe a voulu
lui inventer une tradition, en tentant de trouver un point commun à ses
habitants. Venus d’ailleurs, ils ont cherché à renouer avec la nature. À partir
de là est organisé un rituel festif qui, forgeant une sorte de mythologie,
regroupe les habitants autour des thèmes de la migration et de l’environnement.
Un film en rend compte, où apparaissent successivement Bambi délaissant la
forêt au profit de la ville et deux petites filles qui, à l’inverse, quittent
la ville pour rechercher la nature. Puis c’est une parade où vie quotidienne,
rituel et fiction s’entremêlent et créent l’image
d’une cohésion sociale retrouvée au prix d’un jeu d’archétypes et de
stéréotypes, mais tout cela reste un
spectacle.
RECONSTITUTIONS À GRANDE ÉCHELLE ET FACADISME
Les Émirats et la Chine se sont fait une spécialité des villes touristiques entièrement conçues à l’image de parcs d’attractions mais dans des proportions folles. Le dépaysement que ces villes procurent ne consiste pas à proposer un ailleurs pour le faire reconnaître, mais à effacer jusqu’à l’idée du singulier ou du particulier et à instaurer une jouissance du simulacre : les copies, les pastiches et les reproductions de toutes sortes semblent y dénier l’intérêt ou même la réalité de l’original au profit de l’artifice qu’ils installent.
DUBAÏ OU LA TERRE ENTIÈRE
Philippe Chancel, Burj Dubai emirates, 2007-2010
Epreuve numérique, tirage lambda contrecollé sur aluminium, 150x100
cm
Courtesy galerie Philippe Chaume, Paris
Y a-t-il une ville à Dubaï ? C’est un parc touristique démesuré
qui, collage généralisé et amplification de tout ce qui a été fait dans le
genre, peut proposer des juxtapositions de quartiers historiques reconstitués
mais aussi des paysages inattendus – pistes de ski et sapins enneigés…
–, des reproductions de monuments célébrissimes et d’incroyables tours
dont l’une dépasse les 800 mètres.
Ce sont, là, autant de bulles autarciques cependant que, au large des côtes, The
World – le Monde, en
toute simplicité… –, constitué de centaines d’îles artificielles, imite
la forme d’un planisphère avec continents liés entre eux. Et bien des projets,
plus grandioses, plus pharaoniques, plus luxueux ou plus excessifs les uns que
les autres, sont annoncés ! Tout cet étalage dans lequel virtuel et réel
ont été savamment confondus, réservé à une clientèle très fortunée, est
construit selon les usages du profit et de l’emploi d’ouvriers immigrés. Le
pétrole a permis de tels projets touristiques censés prendre la relève de cette
manne naturelle. La crise financière de 2007-2010 a brisé l’élan ; qu’en
sera-t-il demain ?
D’Andréas Gursky à Philippe Chancel, artistes et photographes témoignent de cette fascination pour la folle tentative de reproduire, de manière pérenne, une quintessence factice du monde dans une seule ville. Mais comment qualifier le rêve qui est à l’origine de cette démesure ? Comment qualifier la matérialisation qui en est produite ? Quant à la jeune artiste Reem Al Ghaith, elle a photographié (Held Back, 2006) la réalité de Dubaï en travaux mais en plaçant, sur le chantier, de grandes images de l’ancienne ville. Cette juxtaposition de deux mondes inconciliables a évidemment quelque chose de poignant.
LE FAÇADISME
Une fois pastichés avec plus ou moins de fidélité et déplacés, les monuments d’origine semblent se vider de leur valeur première. Toutes ces reconstitutions renvoyant l’image d’une inéluctable déperdition de sens ne sont pas sans relation avec le « façadisme » qui amène, dans nombre de centres historiques, notamment au cœur du Paris haussmannien mais aussi à New York, à ne conserver de la ville ancienne que ses façades. Cette mutation des villes en décor, précisément photographiée par Stéphane Couturier (Archéologie urbaine, 1996-2002), peut-elle laisser indemne l’esprit des lieux ? Ne fait-elle pas courir le risque de transformer les villes en parcs d’attractions ?
EN CHINE
La reprise de quartiers anciens, telle qu’elle avait existé lors de l’exposition universelle de 1889, a été transposée à grande échelle non seulement dans les espaces thématiques de Las Vegas et Dubaï mais aussi dans les villes qui entourent Shanghai. Dans le cadre de l’opération Une ville et 9 cités, neuf villes nouvelles à thème ont été réalisées ou sont en cours de réalisation (2006-2010), reproduisant un certain nombre de stéréotypes européens. Rémi Ferrand et Émilie Cam nous livrent des photographies de ces reproductions de villes espagnole, italienne, hollandaise, suédoise, anglaise, ou allemande y compris avec une usine Volkswagen, ou même chinoise traditionnelle…
Il convient, ici, de bien distinguer les reconstitutions de quartiers de la vieille Europe réalisées dans certains cas aux Etats-Unis avec un sentiment quelque peu nostalgique et l’acclimatation franchement exotique pratiquée aux Émirats ou en Chine. Cet exotisme est-il le support d’une mise en scène axée sur des histoires, sur des anecdotes – le fameux storytelling - qui transforment la ville en pièce de théâtre, ou conduit-il à un décor fondamentalement aphasique ?
Dans la vidéo No-City (2005), Marie Péjus et Christophe Berdaguer livrent une image peu engageante d’un certain type d’utopie en architecture. C’est une série de volumes nets et colorés, fragmentés, disjoints, dénués de toute fonction et très visiblement inhabités entre lesquels on glisse et file sans possibilité de s’y arrêter. L’exacerbation géométrique et la propreté des formes sont-elles de l’ordre de la dénonciation ou sauraient-elles alimenter un rêve utopique, un désir d’y vivre ?
Dans les Villes fantômes que Bodys Isek Kingelez qualifie d’« extrêmes maquettes », il y a des immeubles aux formes étranges, étrange réinterprétation de modèles architecturaux postmodernes. L’emploi de matériaux récupérés sur place et les couleurs vives qui reprennent certains aspects de Kinshasa sont-ils porteurs d’allégorie et d’un projet de modernisation de la capitale congolaise ? Ou bien, la rupture avec le caractère vernaculaire africain et avec la plupart des attraits identitaires ne transforme-t-elle pas cette très grande maquette en une ville rêvée mais inconstructible ?
Laurent Grasso utilise les décors de Cinecittà pour y réaliser Paracinéma. Si le film nous fait lentement déambuler dans les fausses rues de la ville italienne, il en refuse les points de vue qui pourraient nous donner l’illusion de la réalité. Dans cet univers du faux se réintroduit toutefois un authentique trait de réalité : le temps, qui est en passe de muer ces décors en ruines réelles et, paradoxalement, de leur conférer une forme d’humanité. Le déphasage ou la distance auraient-ils la capacité de provoquer à une exacerbation de liberté ?
Kader Attia. Untitled (Skyline), 2007
Installation (19 réfrigérateurs, peintures, tessels de miroirs)
Courtesy
BALTIC Centre for Contemporary Art
Courtesy Galerie Anne de Villepoix,
Paris
© Colin Davison
© Adagp, Paris
Dans son installation Untitled
(Skyline) de 2007, Kader Attia juxtapose
19 réfrigérateurs de récupération dont la disposition donne l’idée d’une
perspective de grands immeubles parallélépipédiques, une image de Manhattan du
pauvre, telle qu’on pourrait la concevoir à partir d’une vision pessimiste de
certaines banlieues. Mais, en les recouvrant entièrement de petits éclats de
miroirs, il leur donne un brillant qui en fait peut-être des passeurs entre sa
vie en banlieue parisienne et sa remémoration d’une enfance passée en Algérie.
Toutes les fantaisies formelles ou volumétriques présentes dans la vraie vie
des villes sont ici anéanties au profit d’une image mentale d’une effroyable
banalité mais avec un drôle de brillant qui pourrait bien, en effet, renvoyer à
une nostalgie enfantine.
Kader Attia surnomme son installation « Square dreams » , un
drôle de rêve qui place le visiteur entre inquiétude et fantasmagorie.
Pour alimenter l’imagerie d’une cité idéale, Mike Kelley en est revenu au mythe de Superman et à sa ville
d’origine, Kandor Con, capitale de la planète Krypton (1999). Le grand ennemi
de Superman ayant réduit Kandor Con et ses habitants à une dimension qui la
fait tenir dans une bouteille, le héros peut la conserver dans la Forteresse de
la Solitude où il s’est retiré. Cette capitale apparaît dès lors sous divers
aspects, elle est devenue imaginaire et changeante. Miniaturisée, elle a été le
lieu d’une perte irrémédiable : son statut de réalité lui a été ôté, elle
n’est plus que de l’ordre du rêve. Elle peut être instable, modifiable, ouverte
aux utopies les plus débridées, elle n’est pas dangereuse puisque interdite de
réalité ; elle est une utopie non réalisable.
C’est sans doute pour établir des distances avec ce pessimisme contagieux que
l’exposition a voulu réintroduire du réel en installant, à côté des dessins de
Kandor Con, de jeunes architectes qui se relaient pour concevoir et fabriquer
de nouvelles maquettes de la ville de Superman.
Conclusion
Du
divertissement populaire à l’essor du virtuel
Ainsi, il semble y avoir eu d’abord un
mouvement qui a fait transiter le divertissement populaire depuis les expositions
universelles et les parcs d’attractions vers l’architecture et la ville de
tous les jours ; ce dont le Centre
Pompidou, avec son caractère ludique et adaptable, pourrait être un
modèle particulièrement abouti.
Puis, en relation avec la mise en question de la fonctionnalité prônée par le
mouvement moderne, ce serait la diversité, l’hétérogénéité et une forme de
liberté qui auraient accompagné l’architecture postmoderne ; la Strada Novissima en a porté les
signes.
Enfin, il est arrivé que les étonnantes prouesses permises par la technologie
contemporaine se sont alliées à une inextinguible soif de pastiche jusqu’à
muer certaines parties du monde en parcs d’attractions démesurés, dénués de
tout enracinement ; c’est l’exemple de Dubaï.
Mais cette accumulation du faux ne fait-elle
pas partie d’un mouvement plus ample et d’une économie toute puissante dans
lesquels le décor en son sens le
plus artificiel viendrait remplacer toute référence à l’authentique ? Ce
phénomène ne se ligue-t-il pas avec l’essor du virtuel qui entraînerait
l’utopie dans un monde d’irréalité ? Ce qui renvoie à une question de
toujours posée par l’architecture et par bien d’autres disciplines, celle des
critères de validité du système de relations entre les gens et leur
environnement.
• Dreamlands, catalogue
de l’exposition, sous la direction de Didier Ottinger et Quentin Bajac,
éditions Centre Pompidou, 2010
• Paris et ses expositions universelles - architectures,
1855-1937, Éditions du Patrimoine, Centre des Monuments Nationaux, Paris
2008
• Walter BENJAMIN, Paris,
capitale du XIXe siècle, trad. Jean Lacoste, Paris, Éditions du Cerf, 2000
• Robert VENTURI, Denise SCOTT BROWN, Steven IZENOUR, Learning from Las Vegas, Cambridge
(Mass.), Londres, The MIT Press, 1972, éd. française : L’enseignement de Las Vegas, ou le
symbolisme oublié de la forme architecturale, Bruxelles, Mardaga, 1987
• Jean BAUDRILLARD, Amérique,
Paris, Grasset, 1986
• Umberto ECO, La
guerre du faux, Paris Grasset/Le Livre de Poche, « biblio
essais », 1985
• Rem KOOLHAAS, Delirious New York, New York, Thames & Hudson, 1978; éd.
française : New York délire,
trad. Catherine Collet, Marseille, Parenthèses, 2002
• Louis MARIN, Utopiques :
jeux d’espaces, Paris, Éditions de Minuit, 1973
• Theodor ADORNO, Max HORKHEIMER, La dialectique de la raison. Fragments philosophiques (1947),
trad. Éliane Kaufholz, Paris Gallimard, 1974 ; rééd. « Tel »,
2001
• Visites commentées.
Les samedis à 15h30, en français.
• Visites pour les
publics handicapés.
Le samedi 29 mai : visite en lecture labiale à 11h, visite en
langue des signes à 14h30.
Le samedi 19 juin : visite pour les handicapés mentaux ou
déficients psychiques à 14h30.
• Une œuvre vue par…
« Dans les formes de vie des villes univers », par Yan
Ciret, critique d’art et essayiste, samedi 5 juin à 17h.
« Mirages dans la ville globale », par Paul Ardenne,
historien et critique d’art, samedi 12 juin à 17h.
• Promenades urbaines.
« Delirious Paris », avec Régis Labourdette, historien de
l’art, samedi 29 mai, de 11h à 18h.
« Des bizarreries en bords de Seine », avec Patrick
Urbain, architecte, samedi 5 juin, de 11h à 18h.
« Les tours de la défense », avec Emmanuel Vicarini,
architecte, dimanche 6 juin, de 11h à 18h.
« Retour sur Disneyland et le Val d’Europe », avec Rémi
Rouyer, architecte-enseignant, dimanche 13 juin, de 11h à 18h.
• Fi’art 2010. Festival international d’art en famille. Ateliers jeune public, samedi 19 et
dimanche 20 juin, Piazza, Atelier Brancusi, Forum, Petite salle.
• Guide multimédia. Parcours
de 45’, avec les commissaires de l’exposition.
• Bande annonce de l’exposition (nombreuses illustrations)
• Entrevue avec les commissaires de l'exposition Dreamlands, Quentin Bajac et Didier Ottinger
• Dossier de presse de l'exposition (.pdf, 19,7 Mo)
Pour consulter
les autres dossiers sur les expositions, les collections du Musée
national d'art moderne, les spectacles, l'architecture du Centre Pompidou
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Contacts
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Crédits
© Centre Pompidou,
Direction de l’action éducative et des publics, mai 2010
Texte : Régis Labourdette
Design graphique : Michel Fernandez
Coordination : Marie-José Rodriguez (responsable éditoriale des dossiers
pédagogiques)
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education
rubrique
’Dossiers pédagogiques’