Dossiers
pédagogiques - Collections du Musée
Un mouvement,
une période
La Figuration |
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Eduardo Arroyo, El
caballero español (Cavalier
espagnol), 1970
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INTRODUCTION / Dire en Peinture
Durée et image fixe
- Simultanéité des espaces : Jacques Monory, Le
Meurtre n°10/2, 1968
- Superposition des plans : Peter Klasen, Femme-Objet, 1967
- Combinaison des cadrages : Gianni Bertini, Partie de campagne, 1966
DISCONTINUITÉ NARRATIVE
- Dimension participative du récit : Öyvind Fahlström, The Planetarium, 1963
-
Isoler la figure : Peter
Stämpfli, Gala, 1965
- Raconter l’exil : Hervé Télémaque, My Darling
Clementine, 1963
LA PEINTURE COMME ARME POLITIQUE
- Figuration
parodique : Peter Saul, Poverty,
1968
- Réalisme critique : Gilles Aillaud, L'Eléphant, 1971
QUESTIONS SUR LA PEINTURE
- « L’image de l’image » : Bernard Rancillac, Horloge indienne, 1966
-
Image et voix off : Gérard Fromanger, En Chine, à Hu-Xian, 1974
ÉCRITURE DE L’HISTOIRE
- Un rendez-vous avec
l’histoire de l’art : Erró, The Background of Pollock,
1966-67
- Lecture critique de l’Histoire : Valerio Adami, Il gile di Lenine, 1972
-
Codes de la peinture engagée : Equipo Crónica, A
Maïakovski, 1976
- Nouvelle peinture d’histoire : Eduardo Arroyo, El
caballero español, 1970
LES REGISTRES DE L’IMAGE DANS LA FIGURATION NARRATIVE
Introduction / Dire en peinture
Dans les années 60, une nouvelle figuration émerge dans un climat international tendu. La Guerre d’Algérie, les événements de la guerre froide (crise des fusées à Cuba), la Guerre du Vietnam donnent lieu à des images chocs dans la presse. L’image publicitaire d’une société de consommation ne cesse de se multiplier. Et face à la frénésie et l’effervescence de l’activité artistique autour de l’image (cinéma, art vidéo, bande dessinée, Pop Art et Nouveau Réalisme), des artistes peintres choisissent aussi de dire en peinture. Comme le souligne l’écrivain et critique d’art Pierre Gaudibert « La peinture n’aurait-elle pas elle aussi le droit de traiter, comme Godard, de "deux ou trois choses que je sais d’elle…" de la violence dans un monde qui prétend à une rationalité technique croissante ».
Bien que la Figuration narrative ne se soit jamais proclamée comme un mouvement — contrairement au Nouveau Réalisme, qui lui est de peu son aîné (1) —, le moment-clé de son émergence est l’exposition Mythologies quotidiennes (titre emprunté à l’ouvrage de Roland Barthes). Présentée en juillet 1964 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, cette manifestation est organisée par le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot et les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque en réaction au triomphe du Pop Art (2) et de l’art américain qui envahissent la scène nationale et internationale artistique. Robert Rauschenberg, notamment, reçoit le Grand Prix de peinture de la Biennale de Venise.
34 artistes y participent dont Arroyo, Berthelot, Bertini,
Fahlström, Klasen,
Monory, Rancillac, Recalcati, Saul, Télémaque, 34 artistes venant d’horizons
esthétiques et géographiques différents. Si, comme leurs homologues américains,
ils placent la société contemporaine et ses images au cœur de leur
œuvre (publicité, bande dessinée, image cinématographique…), ils en diffèrent
par le refus d’un certain « art pour l’art ». Indifférents à l’Abstraction
lyrique et gestuelle américaine, hostiles à l’Abstraction de l’École de Paris,
ils se refusent à la
froideur du Pop, comme l’énonce Gérald Gassiot-Talabot, « à la dérision
statique du pop américain, ils opposent "tous" la précieuse mouvance
de la vie ». (3)
L’exposition est, par beaucoup, mal accueillie. Pierre Restany, le fondateur
du Nouveau Réalisme, contre attaque : « […] En plein scandale de
Venise s’ouvre au Musée municipal d’art moderne, sous le titre de « Mythologies
quotidiennes », une exposition de pop-art à la française : de l’américanisme
hâtif, mal digéré par de faux blousons noirs ».
Quelques mois plus tard, en janvier 1965, un nouveau pas
est franchi qui va marquer l’histoire de la Figuration narrative. Emile
Aillaud, Eduardo Arroyo, Henri Cueco, Antonio Recalcati et Gérard
Tisserand, qui
se sont fixé pour objectif de faire de l’art un outil de transformation
sociale (4), investissent et redonnent au
Salon de la Jeune Peinture (pour sa seizième édition) une orientation militante.
Chacun des membres du Jury dont les cinq peintres contestataires se sont
astreints à peindre une toile de 2 mètres par 2 de couleur verte, par dérision
vis-à-vis du paysagisme, domaine de prédilection des artistes exposant traditionnellement
dans ce lieu.
Dès lors, les expositions se succèdent. Les manifestations de groupes sous
le drapeau « Figuration narrative » vont en particulier malmener
le monde de l’art, ses icônes telles que Duchamp (Vivre et laisser mourir
ou la fin tragique de Marcel Duchamp, 1965) ou Miró plus tard, et ses
institutions.
Peu à peu, les caractéristiques de cette nouvelle figuration s’affirment. En 1967, avec l’exposition Bande dessinée et Figuration narrative, présentée au Musée des Arts décoratifs, Gérald Gassiot-Talabot définit ce qu’il entend par cette figuration : « Est narrative toute œuvre plastique qui se réfère à une représentation figurée dans la durée, par son écriture et sa composition, sans qu’il y ait toujours à proprement parler de ‘‘récit" ». La figuration intègre une dimension temporelle dans l’image fixe, volonté de produire un impact visuel ou manifestation d’une certaine urgence de l’expression (Hervé Télémaque).
Avec la fin des années 60, les plus militants de ces peintres s’engagent dans la politique, et particulièrement dans les événements de Mai 68 en collaborant à l’atelier populaire organisé par les étudiants de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris. « L’histoire de l’art rencontrait l’Histoire », comme a pu le dire récemment Gérard Fromanger à l’occasion de l’anniversaire de cette période où se libéraient toutes les énergies.
Pour en savoir plus sur l’histoire de ce mouvement et les événements de l’époque : voir la chronologie en fin de dossier.
Réalisé à l’occasion de l’exposition coproduite par
le Centre Pompidou et la Réunion des musées nationaux, Figuration
narrative. Paris 1960-1972 (5),
ce dossier propose d’aborder les artistes de la Figuration narrative à partir
des collections du Musée national d’art moderne (6).
Avec une question
pour fil conducteur : en
tant qu’image fixe, muette et bidimensionnelle, la peinture montre
plus qu’elle ne décrit ; quel rapport l’image peut-elle instaurer
avec le récit ?
Ce dossier s’inscrit dans une série : « Un
mouvement, une période ».
S’adressant en particulier aux enseignants ou responsables de groupe,
ils ont pour objectif de proposer des points de repères et une base
de travail pour faciliter l’approche et la compréhension de la création
moderne et contemporaine, ou pour préparer une visite.
A NOTER
Régulièrement, le Musée renouvelle les œuvres présentées dans ses
espaces situés aux 4e et 5e niveaux du Centre Pompidou. Pour en savoir
plus sur les collections du Musée et les œuvres exposées : www.centrepompidou.fr/musee
(1) Voir le dossier pédagogique le Nouveau Réalisme
(2) Voir le dossier pédagogique le Pop Art
(3) Voir Repères chronologiques / 1964 / Mythologies quotidiennes (extrait du texte de Gérald Gassiot-Talabot)
(4) Voir Repères chronologiques / 1965
(5) Figuration narrative. Paris 1960-1972. Du 16 avril au 13 juillet 2008, Galeries nationales du Grand Palais. De septembre 2008 à janvier 2009, IVAM, Valence (Espagne). A consulter, le site de l’exposition
(6) Sont indiquées dans ce dossier les œuvres de la collection du Musée présentées dans l’exposition ainsi que celles exposées actuellement au Musée.
SIMULTANÉITÉ DES ESPACES
Jacques Monory, Le Meurtre n°10/2, 1968
Les Meurtres
Peinture en trois panneaux
Huile sur toile et miroir brisé avec impacts de
balles, 160 x 400 cm
Œuvre présentée dans les salles contemporaines du Musée
Dans Meurtre n°10/2, peinture d’une série commencée en 1968, Jacques Monory organise sa fiction comme s’il s’agissait d’un arrêt sur image. Passionné de cinéma d’auteur, de Chris Marker ou d’Orson Welles, et travaillant comme maquettiste chez l’éditeur de livres de photographies Robert Delpire, Monory entretient des rapports multiples avec les images cadrées. Il emprunte au cinéma la structure d’un plan-séquence pour organiser sa toile. Il déroule une unité dramatique en regroupant plusieurs supports sur un même plan. Un homme prend la fuite, figurée par son prolongement hors espace du tableau, laissant deux personnes à terre, partiellement représentées. Un miroir brisé par les impacts réels de balles, rehaussés à la peinture, établit une unité de temps dans les lieux de l’action. Cette condensation du temps par la simultanéité des espaces de représentation se réfère à la durée diégétique d’un film, cet espace-temps pour raconter une histoire, fiction du récit opposée à la durée réelle de son déroulement. L’objet miroir introduit une autre dimension, celle du spectateur dans la scène.
L’inclinaison et la bichromie de l’œuvre tiennent en partie au procédé utilisé : la projection en biais sur la toile de négatifs photographiques. Cette inclinaison provoque l’illusion d’une scène prise à la volée. Sa dominante bleu nuit, lumière bleutée d’un rêve éveillé, contraste avec le réalisme de la figuration et renforce ce basculement du réel. Monory vient du Surréalisme mais développe à cette époque ce que Gérald Gassiot-Talabot appelle un onirisme actif et autobiographique mêlant des scènes imaginées ou mémorisées, tirées de sa vie.
Comment construire une fiction à partir d’images fixes est aussi la problématique du cinéaste Chris Marker pour son film La Jetée réalisé en 1962. Le montage d’images d’archives de guerre avec des images de fiction crée un croisement de deux temps, celui du souvenir et de l’anticipation. A travers ce roman-photo comme il le précise dans son générique, Chris Marker rend hommage à Alain Resnais qui lui-même faisait se rencontrer la petite histoire à la grande. Comment les images d’une guerre qui n’a pas encore eu lieu peuvent-elles exister ?, peut-on se demander avec innocence.
Jacques Monory
Nationalité française
Né le 25 juin 1934 à Paris
Vit et travaille à Cachan (Val-de-Marne)
SUPERPOSITION DES PLANS
Peter Klasen, Femme-Objet, 1967
Peinture acrylique sur toile
151,2 x 161,5 cm
Avec cadre : 160 x 170,2 cm
Peter Klasen rassemble sur le même support de la toile des représentations hétéroclites. Il associe volontairement des clichés - une voiture de luxe et une femme glamour ou lascive, allusion à la publicité et à l’instrumentalisation de la figure féminine -, qui sont les symboles de la réussite. La confrontation suscite un malaise dont on ne peut se détacher, désignant la violence du rapprochement entre l’image stéréotypée d’une femme et l’univers de la machine. Peter Klasen est un artiste qui a fait de la condition féminine, dès ses débuts, le sujet de nombreuses œuvres.
La pratique du cadrage, du gros plan, l’usage du noir et blanc, la suggestion du mouvement, l’image découpée en bandes horizontales ou encore la figuration du cadre évoquent l’imaginaire cinématographique ou télévisuel. Tandis que le traitement flou de l’image ou la superposition de celles-ci se réfèrent davantage à la photographie. Klasen a d’ailleurs réalisé cette œuvre à partir de photographies tirées de magazines, reproduites au pochoir et à l’aérographe après avoir été agrandies.
Comment arriver à représenter le temps par une image fixe ? La superposition d’images rassemblées sur un même support en est un exemple.
Peter Klasen
Nationalité allemande
Né le 18 août 1935 à Lübeck (Allemagne)
Vit et travaille à Vincennes (Val-de-Marne) depuis 1959 et à Berlin
COMBINAISON DE POINTS DE VUE
Gianni Bertini, Partie de campagne, 1966
Report
photographique sur toile émulsionnée, 118 x 186 cm
Dans Partie de campagne, Gianni Bertini juxtapose les plans en utilisant le report photographique sur la toile émulsionnée et rendue photosensible. Cette technique lui permet de faire s’entrechoquer plusieurs catégories d’éléments : figures humaines, voitures accidentées, uniforme de footballeur américain. Plus qu’une surface, la toile prend le statut d’écran sur lequel sont projetés différents points de vue : vue frontale, de profil, de trois-quarts et contre-plongée. Elle devient fenêtre ouverte qui cadre, isole ou rejette hors champ.
Le titre de l’œuvre de Gianni Bertini induit à établir un rapprochement avec le film de Jean Renoir, Une partie de campagne, et plus particulièrement avec la première scène où la caméra filme à travers une fenêtre, l’ouverture étant à la fois découpe, et scène où se déroule une action. André Bazin, dans son livre Jean Renoir, explicite cette distinction entre les deux approches du cadre : l’approche plastique, le bord matériel de l’image, et l’approche dramatique, la scène d’une évolution des rapports à l’intérieur de ce cadre. Que ce soit dans cette peinture de Bertini ou dans la scène du film de Renoir, les deux approches du cadre sont indissociables.
Peintre abstrait dans les années 50, Gianni Bertini participe aux principales expositions de la Figuration narrative. Il signe en 1965 le premier manifeste du Mec-Art, un courant artistique apparu en 1963 en Europe, regroupant des artistes qui utilisent des procédés de report photographique sur supports variés (toile ou plaque émulsionnée, papier…).
Gianni Bertini (Giovanni Bertini, dit)
Nationalité italienne
Né le 31 août 1922 à Pise (Italie)
Vit et travaille à Paris depuis 1951 et en Italie
DIMENSION PARTICIPATIVE DU RÉCIT
Öyvind
Fahlström, The Planetarium, 1963
Ensemble
de 2 panneaux. Peinture variable: 188 formes découpées,
aimantées
et peintes que l'on peut orienter à son gré sur chacun des 2 panneaux.
La disposition des mots sur le petit panneau détermine le choix des vêtements
qui leur correspondent
Œuvre présentée dans l’exposition
Ce diptyque variable est un jeu de construction auquel Öyvind Fahlström invite à jouer le spectateur.
L’ensemble se compose d’un grand tableau sur lequel sont fixées des figurines
nues, de vêtements aimantés pour les habiller et d’un petit tableau de
mots, chaque mot étant numéroté et correspondant à un vêtement.
Les figurines
sont-elles un seul et même personnage dont les gestes déclineraient
les actions ? Ces silhouettes à habiller ou à dévêtir vont créer un
jeu de mime, un théâtre réduit de la réalité, ce que l’artiste nomme le
Planétarium.
On peut supposer que sa participation à des happenings et son goût pour
l’écriture de pièces de théâtre, de pièces radiophoniques et de films de
télévision, a influencé cette partition.
A partir de 1970, Fahlström s’engage dans une peinture qui reflète l’actualité. Toujours sur le mode participatif, il conçoit des « peintures-jeux » (du type Monopoly) où les puissances politiques, économiques et militaires de la planète, figurées par des objets et des personnages miniatures, sont mis à la disposition des spectateurs pour qu’ils simulent le fonctionnement du monde.
Alain Jouffroy (Pentacle, Musée des Arts décoratifs, Paris, 1968) : « La notion de "jeu", qui fonde et justifie toute l’entreprise de Fahlström appelle, en effet, la participation mentale du spectateur, libre enfin de ne pas considérer les pièces du jeu comme des objets obéissant à des règles uniques, libre de les faire se répondre les unes aux autres dans un dialogue incessant entre les formes, les grandeurs, les signes et les significations […]. »
Öyvind Fahlström
Nationalité suédoise
Né le 28 décembre 1928 à Sao Paulo (Brésil)
Décédé le 9 novembre 1976 à Stockholm (Suède)
ISOLER LA FIGURE
Peter Stämpfli, Gala,
1965
Huile sur toile, 216 x 160 cm
Peter Stämpfli cherche ses sources iconographiques dans les images publicitaires. Dans ses tableaux du début des années 60, il donne à voir des objets du quotidien (lavabo, téléphone, bouteille, cigarettes…) ou des aperçus fragmentaires de gestes simples. Il isole et reproduit en l’agrandissant un détail qu’il place sur un fond uniforme.
Dans cette peinture intitulée Gala, un avant-bras
revêtu d’une manche noire et d’une manchette
d’un blanc étincelant, prolongé par une main gantée portant un second gant
comme pour reconstituer la paire, se détache sur un fond vert. Cette image
est le stéréotype d’un habillement pour une soirée mondaine,
un « gala »
dit le titre.
Le procédé de l’isolement qui met hors contexte donne à
cette toile les attributs d’une image publicitaire. Sa facture lisse
et impersonnelle, le contraste de ses tonalités, son jeu optique - le détail est à l’échelle d’une affiche –
lui confèrent un aspect froid et désincarné, celui d’ornement. Ce fragment
de corps devient objet décoratif, trophée du stéréotype, vanité de
l’apparat.
A partir de 1966, l’artiste fixe son attention sur un objet emblématique
de la société de consommation, la voiture, dont il peint exclusivement
des fragments (pares chocs, tableaux de bord, pneus…). Que ce soit par l’agrandissement démesuré,
le détourage ou la fragmentation de la figure, il se livre à un
questionnement sur les moyens de la représentation et sur ce qui distingue
une image publicitaire d’une image artistique.
Les techniques diverses qu’il utilise (film, peinture à
l’huile, crayon à papier, lithogravure), liées à un temps d’exécution assez
long, semblent contribuer à repousser l’émotion, l’anecdote et à retarder
le temps d’un récit.
Peter Stämpfli
Nationalité suisse
Né le 3 juillet 1937 à Deisswill (Suisse)
Vit et travaille à Paris depuis 1960
RACONTER L’ÉXIL
Hervé Télémaque, My Darling Clementine,
1963
Tableau en 2 parties et boîte
Huile sur toile, papiers collés, boîte en bois peint, poupée
en caoutchouc, Plexiglas
195 x 245 x 25 cm
-
Partie gauche : 195 x 130 cm
-
Partie droite : 80 x 80 cm
Dimensions de la boîte : 25 x 25
x 25 cm
Œuvre présentée dans l’exposition
Hervé Télémaque juxtapose la représentation figurée d’un homme à la présentation d’un objet, boîte contenant une petite poupée noire en caoutchouc. La peinture est elle-même composée de deux parties inégales, un petit format carré poursuivant la figuration en aplat du sol. L’agencement des parties crée une sensation de vide, de forme incomplète du tableau.
Si cette composition raconte, comme Télémaque le dit lui-même, sa réaction à la
perte de sa culture et de sa langue lors de son séjour aux Etats-Unis, elle
ne suit pour autant aucune logique. Bien qu’elle intègre des composants de
la bande dessinée (dessin, texte en cartouche ou ballon, graphismes suggérant
le mouvement), l’ensemble ne se lit pas en enchaînement ordonné qui fait
se succéder les images.
La narration est éclatée multipliant les interprétations ou les entrées car le peintre refuse
ce qu’il appelle « une narration comme rébus, celle qui suit un fil
conducteur obligé, qui va d’un point A à un autre B ». Discontinuité
narrative que renforce le mélange des genres (dessin-peinture) et
des références (bande dessinée, cinéma, magazines). Télémaque juxtapose
dans ce tableau le dessin d’un super héros déchu de comics à
des papiers collés représentant des icônes du cinéma outre-Atlantique. Ce
personnage est l’autoportrait ironique de l’artiste. Il dit avoir opposé ici
un cow-boy nègre, héros abîmé, éclairé de colère, au héros classique des
films de John Ford.
Par cette discontinuité narrative, il passe du récit autobiographique à celui
de l’exil.
Cette toile n’a pas été peinte à New York, où il subissait alors des discriminations
raciales contre lesquelles Martin Luther
King livrait son combat, mais en France. Rétrospectivement l’artiste en livre
une explication : « Après coup, je me rends compte que les Américains
ne s’intéressent pas du tout à ce qui nous préoccupe ici, c’est-à-dire la
politique. […] guerre d’Algérie, Vietnam, Jean-Paul Sartre, les positions
intransigeantes des surréalistes sur la révolution, voilà la différence – d’importance – entre
Paris, New York et Londres. […] ce qui m’intéresse, ce qui me frappe à Paris,
c’est la rapidité du langage dans les arts dits commerciaux – comics,
publicité, cinéma […] ». Besoin d’efficacité, de « signes parlants »,
qui le conduit à douter de la peinture et à vouloir la quitter pour le cinéma
car elle lui apparaît « comme un médium vieillot, archaïque, rustique. » (Figuration
narrative. Paris 1960-1972, catalogue
de l’exposition).
Peintre, Télémaque l’est toujours, prenant distance, vers la fin des années
60, avec ce style et ces récits morcelés…
Hervé Télémaque
Nationalité française depuis 1985
(haïtienne à la naissance)
Né le 5 novembre 1937 à Port-au-Prince (Haïti)
Vit et travaille à Villejuif (Val-de-Marne) depuis 1961
Les peintres de la figuration narrative introduisent
une dimension temporelle dans l’image. Ils se référent à des langages
qui utilisent une structure séquentielle du récit, comme le cinéma
ou la bande dessinée. Pour construire
de la durée à l’intérieur du cadre de la toile, ils organisent les
images suivant une construction singulière : une
narration par une succession
d’images, par juxtaposition ou par superposition des plans et des
cadrages.
Au milieu des années
soixante, dans un contexte national et international qui se durcit,
ils prennent une position plus radicale par rapport à la société et à l’actualité politique.
Que devient le récit morcelé ou l’offre faite au spectateur de
participer au récit de l’œuvre ? Quelles sont alors les figurations
choisies ? Et de quel récit les images vont-elles être investies ?
la peinture comme arme politique
FIGURATION PARODIQUE
Peter Saul, Poverty (Pauvreté),
1968
Acrylique et huile sur toile, 163 x 122 cm
Poverty montre un opprimé, peint dans des couleurs psychédéliques et un style inspiré du graphisme stéréotypé de la bande dessinée. Retenu à un arbre comme un crucifié, celui-ci glisse un dollar dans une tirelire en forme de banque. Y a-t-il association de mots et d’images entre le tronc-arbre et le tronc-tirelire ?, ce qui ne serait étonner de la part de Saul, esprit grinçant et facétieux. Rien, en fait, ne semble retenir le personnage au tronc si ce n’est une corde au cou qui lui serait fatale s’il venait à bouger. De sa main encore libre, il met donc son dernier dollar à la banque, sa langue pendante en ajoutant à la vision de son accablement. La couleur verte du personnage signifie-t-elle qu’il en est « vert de rage » ?
Le mot Poverty, peint dans une couleur rose fluo, néon délabré – clin d’œil à l’utilisation du néon par les artistes du Pop ? – est l’unique rejeton d’un arbre sur lequel pousse encore quelques feuilles qui ressemblent à des larmes. Avec ses chaussures Mickey, incapable de réagir à son sort, l’opprimé s’aligne définitivement sur les stéréotypes de la société américaine.
Originaire de San Francisco, Peter Saul séjourne de 1956 à
1964 aux Pays-Bas, à Paris et à Rome. Indifférent à l’Expressionnisme abstrait
et hostile à l’iconographie industrialisée du Pop Art, il vient chercher
en Europe une alternative figurative à ces formes picturales. A Paris, il
s’intéresse aux graffiti du métro et des rues parisiennes, signes riches
de charge émotive. Dès 1962, il étonne par ses figurations parodiques où se
mêlent autodérision, humour, agressivité, sujets scabreux.
De retour en Californie
en 1965, il embrasse les contestations du mouvement Hippie et fait de sa
peinture une arme politique – rejoignant
ainsi Arroyo, Aillaud ou Rancillac. La guerre du Vietnam et les conflits
raciaux aux Etats-Unis deviennent les principaux sujets de ses toiles, associés à une critique acerbe
de la société américaine.
Peter Saul
Nationalité américaine
Né le 16 août 1934 à San Francisco (Californie, Etats-Unis)
Vit et travaille à Chappagua (New York, Etats-Unis)
RÉALISME CRITIQUE
Gilles Aillaud, L'Eléphant, mars 1971
Huile sur toile, 300 x 200 cm
Acculé à gauche dans un espace resserré du tableau, un éléphant est exposé à la lumière de projecteurs, enfermé dans un enclos figuré par de simples plots fixés au sol. Ses défenses orientent le regard vers une enfilade d’arcades surplombant un soubassement qui renforce l’impression d’enfermement. Suggérant la présence d’autres bêtes exposées tels des monstres de foire, cette enfilade en perspective crée dans le tableau un second point de fuite, s’ajoutant à celui produit par la masse corpulente de l’animal.
Le double point de fuite ainsi obtenu, le reflet des projecteurs sur le crâne du pachyderme, la touche précise et lisse participent d’une volonté de fabriquer de l’illusion, pour produire ce que l’artiste appelle « une zone » dans laquelle le spectateur est inclus. La scène est vue comme si le spectateur se trouvait dans l’angle gauche de la pièce.
Après avoir envisagé d’enseigner la philosophie, Gilles Aillaud opte pour la peinture. Théoricien d’une peinture militante, il est l’auteur du manifeste qui fixe la nouvelle orientation donnée en 1965 au Salon de la Jeune Peinture. « Il faut en finir, écrit-il, avec ces lois soi-disant fondamentales qui commandent la structure de l’œuvre d’art, et qui ne font en réalité que maintenir depuis des années la peinture dans le domaine rhétorique du langage des formes et des couleurs […]. Tant que ce travail de destruction ne sera pas complètement achevé, il ne sera pas possible d’élaborer l’unique et fondamentale question dont dépend l’avenir, c'est-à-dire la vie même de l’art : dans quelle mesure, si petite qu’elle soit, la peinture participe-t-elle au dévoilement historique de la vérité ? Quel est le pouvoir de l’art aujourd’hui dans le devenir du monde ? » (Gilles Aillaud, Bulletin d’information n°1, Salon de la Jeune Peinture, Paris, juin 1965.)
A partir de 1966, Gilles Aillaud n’expose plus que des animaux en cage dans des zoos. Est-il un peintre animalier ? Gilles Aillaud pratique le pastiche, mélange les exercices de style car il défend une figuration militante. Dans cette œuvre, s’il n’y a pas à proprement parlé de cage, le système d’enfermement de l’animal se fait par petites touches additives : les plots au sol, le soubassement qui fait fossé, l’ébauche d’une grille au premier plan. Sa figuration se construit sur un langage analogique, un réalisme critique, interrogation d’une humanité.
Gilles Aillaud
Nationalité française
Né le 5 juin 1928 à Paris
Décédé le 24 mars 2005 à Paris
« L’image de l’image »
Bernard Rancillac, Horloge indienne, 1966
Peinture acrylique sur toile, 200 x 200 cm
Œuvre présentée dans les salles contemporaines du Musée
Focale sur des regards d’enfants adressés à l’appareil, ouverture d’un diaphragme sur l’actualité, cette toile appartient à une série de tableaux réalisée à partir de photographies de magazines, qui illustrent les événements les plus marquants de l’année 1966 : guerre au Vietnam, Révolution culturelle en Chine, affaire Ben Barka, apartheid en Afrique du Sud, lutte pour le droit à la contraception, etc. Horloge indienne dénonce la misère dans les pays du Tiers-monde.
Au centre, sur un fond bleu couleur du ciel des pays pauvres,
le haut de découpes triangulaires sont disposées en rond sur le format carré du tableau,
figurant une profondeur, vision abyssale de la misère. Réalisé
à l’épiscope, un même élément est répété selon une découpe invariable. Des
couleurs franches traduisent les ombres et les lumières, les pleins et les
vides.
Cet élément sérialisé induit une lecture sans hiérarchie
spatiale – sans
dessus dessous, la toile peut être regardée dans n’importe quel sens. Il
constitue une unité narrative qui
emprunte au cinéma ou
à la bande dessinée la structure séquentielle du récit, exprimant un temps
qui tourne et ne s’arrête jamais. L’Horloge indienne, reflet
kaléidoscopique d’une scène de la famine qui se répète, traduit l’implication
de l’artiste face
à l’actualité et qui entend dénoncer avant tout « l’espèce de satisfaction
générale de se mettre au courant de tout sans jamais prendre parti ».
Avec cette série de 1966, qui consacre sa rupture avec la peinture traditionnelle, Bernard Rancillac confronte la sacralité et la subjectivité de la peinture à la banalité et objectivité (supposée) de la photographie, le temps de l’art à celui de l’histoire. « C’est la photographie, dit-il, qui m’a amené à peindre la politique. […] Une sorte d’expérience, pas seulement politique. Je voulais m’opposer à cette idée que la peinture n’a rien à voir avec l’événement, avec l’Histoire, qu’elle est intemporelle, qu’elle doit rester pure, neutre. » (Figuration narrative. Paris 1960-1972, catalogue de l’exposition.) Pierre Bourdieu voyait dans ces images d’images, la réponse du peintre à la toute puissance de la photographie : « Quoi de plus réel et de plus fidèle au réel qu’une photographie ? Quoi de plus rassurant et de plus lisible ? Au point que les photographes désespèrent : à quoi bon quand il pleut, dire il pleut ? Quand tant de photographes s’ingénient à singer la peinture vient un peintre qui met son génie à singer la photographie. Car il s’agit bien d’une singerie : à quoi bon, quand il pleut et que quelqu’un dit il pleut, dire qu’il pleut et que quelqu’un dit qu’il pleut ? Cette peinture qui fait pléonasme avec une image, dénonce que cette image fait pléonasme avec le monde. […] » (Pierre Bourdieu, « L’image de l’image », catalogue de l’exposition Bernard Rancillac, l’Année 1966.)
La peinture à l’acrylique, invention américaine introduite en Europe au milieu des années 60, répond aussi, par son temps de séchage très court, à cette urgence, celle de relater l’actualité.
Bernard Rancillac
Nationalité française
Né le 29 août 1931 à Paris
Vit et travaille à Malakoff (Hauts-de-Seine)
IMAGE ET VOIX Off
Gérard Fromanger, En Chine, à Hu-Xian
Le désir est partout, août
1974
Huile sur toile, 200 x 300 cm
Cette toile se présente comme une immense photographie-souvenir de villageois chinois, contenus et encadrés par deux responsables du parti communiste (les deux silhouettes en chemisette au premier plan à droite). Mais l’image s’en tient-elle à un simple souvenir ? Se veut-elle témoin objectif d’une réalité locale ? La photographie dont elle est issue provient d’un séjour effectué en Chine en 1974 sur l’invitation de Joris Ivens, l’un des pères du cinéma direct, un cinéma à l’écoute du réel, conscient des limites de l’exercice. A plus d’un titre cette œuvre traduit les relations de Gérard Fromanger avec le cinéma.
La moitié supérieure du tableau peinte en camaïeu de noirs et de gris projette
au premier plan des personnages éclatants de couleurs, faisant de la toile un écran,
un théâtre d’ombres qui s’animent. Au dos du tableau, on peut lire la
phrase :
« Paysans et paysans-peintres amateurs à Hu-Xian, province du Shan-Xi,
Chine populaire, le jeudi 20 juin 1974, devant la porte de l’exposition de
leurs œuvres, au moment où nous sortions. L’inscription en chinois sur le
tableau veut dire "Servir le peuple"». Ce texte résonne comme un commentaire, un
dialogue avec l’image ou voix off. Sans commentaire, cette image comme
n’importe quelle image, serait
une image orpheline, soumise à
toutes les interprétations.
Les figurants de la toile sont des peintres anonymes.
De quelle peinture s’agit-il ? Est-ce un hommage ou une critique lancée à
l’industrie de la copie ? Le peintre interroge ici la notion d’auteur et le mode industriel de la reproduction.
Dès 1965, Gérard Fromanger a participé aux activités du Salon de la Jeune Peinture. Il est l’un des fondateurs de l’Atelier populaire organisé aux Beaux-arts de Paris en mai 68, tourne des films-tracts avec Jean-Luc Godard, s’ouvre à l’aventure de l’art dans la cité.
L’artiste travaille toujours par série, parce que, dit-il, il n’y a pas assez d’un tableau pour tout dire. En Chine, à Hu-Xian fait partie de la série Le désir est partout. Titre bien symbolique pour cet homme d’enthousiasme.
Gérard Fromanger
Nationalité française
Né le 6 septembre 1939 à Jouars-Pontchartrain (Yvelines)
Vit et travaille à Paris et à Sienne (Italie)
un Rendez-vous avec l’Histoire de l’art
Erró, The Background of Pollock,
1966-67
(Les origines de Pollock)
Peinture acrylique sur toile, 260 x
200 cm
The Background of Pollock (Les origines
de Pollock) s’organise
telle une planche de bande dessinée sur laquelle une main (figurée en haut
et à
gauche de la toile) vient épingler des reproductions d’icônes de
l’art moderne (on y reconnaît des œuvres de Duchamp, Van Gogh,
Munch, Beckmann, Jawslensky, Matisse, Picasso, Miró, Dali…). Pollock, sous
la forme d’un double portrait, est entouré de ces chefs-d’œuvre.
Dans la partie
inférieure du tableau émerge une cavalerie anamorphosée,
scènes de batailles qui évoqueraient son enfance dans le Far West, à moins
qu’elles ne symbolisent les sources d’une vitalité que l’artiste rechercha
dans la culture indienne. Un cavalier balafre de son sabre le portrait du
peintre en gris pale et rouge – son double ? – donnant de
lui l’image d’un aficionado de l’art. Ce qu’il fut, en inventant, en 1948,
le geste radical du dripping et qui
traverse la quasi-totalité des reproductions peintes.
Appartenant à la série des « Peintures en groupes », moment où Erró s’engage dans une peinture sociale et d’histoire, cette œuvre ne traite pas d’un sujet politique mais de l’histoire de l’art du 20e siècle. Elle semble une convocation à ce rendez-vous crucial où la peinture est soumise à un vaste séisme. Elle évoque aussi le climat tendu dans les années 60 entre la France et les Etats-Unis, né de la prééminence du Pop Art et de l’art américain.
Cette planche d’illustrations ne suit aucun ordre chronologique que
pourraient imposer les références à l’histoire de l’art. Ces reproductions
sont comme les illustrations d’une mémoire collective, ce qu’André Malraux à la
même époque appelle un musée imaginaire.
La pratique d’une figuration foisonnante et du collage se réfère à l’expérience
première d’Erró, qui collectionnait des bandes dessinées, des images découpées
dans la presse, des cartes postales recueillies dans les aéroports et les
gares. Le montage et l’anamorphose résultent de l’utilisation de procédés
techniques pour reproduire les images : agrandissement par une mise
au carreau et autre transformation de l’image par l’usage de l’épiscope.
Erró (Gudmundur Gudmundsson, dit)
Nationalité islandaise
Né le 19 juillet 1932 à Olafsvik (Islande)
Vit et travaille à Paris depuis 1958 et en Thaïlande
lecture critique de l’histoire
Valerio Adami, Il gile di Lenine (Le gilet de Lénine), 1972
Acrylique sur toile, 239 x 367 cm
Parfois continue ou rompue, une ligne noire, par
sa libre circulation, crée les volumes et les
formes. Le peintre, selon un même procédé utilisé pour toutes ses toiles,
élabore son image par le dessin.
Des aplats de différentes tonalités de rouge contrastent avec l’uniforme
bleu kaki du personnage de dos.
Les dates inscrites
à l’envers sur le tableau sont celles de la naissance et de la mort de Lénine,
figure emblématique de la Révolution russe, initiée au nom de la libération
du peuple, évoluant en régime autoritaire.
Le gilet, habit stéréotypé
du petit bourgeois, que Lénine portait souvent, insiste sur les contradictions
du révolutionnaire. D’autres détails, sous formes de fragments, évoquent
des objets qui lui ont appartenu : la
longue-vue qu’Adami conçoit aussi comme
un prolongement de l’œil, le fauteuil que
l’on retrouve sur une photographie prise à la fin de sa vie (une allusion à
son hémiplégie qui le laissa immobilisé pendant les deux dernières années
de sa vie). La ligne incisive sur le crâne du personnage évoque le
prélèvement du cerveau de Lénine, avant que son
corps soit embaumé, pour en faire l’étude en laboratoire.
Cette figure de dos
semble observer cet intérieur aux couleurs sanguinaires
comme si elle était dorénavant hors de l’histoire.
Valerio Adami propose ici
une lecture critique du
théoricien russe et de cette période révolutionnaire.
Le gilet de Lénine fait partie d’une série de portraits (James Joyce, Anton Webern, Sigmund Freud, Walter Benjamin) élaborée à partir de 1971, allusions à l’histoire politique ou des idées. Par la suite, Valerio Adami va diversifier ses sujets, faire appel à des thèmes mythologiques qui vont lui permettre de transmettre ses réflexions sur la peinture.
Valerio Adami
Nationalité italienne
Né le 17 mars 1935 à Bologne (Italie)
Vit et travaille à Monaco et à Meina
(Italie)
CODES DE LA PEINTURE ENGAGÉE
Equipo Crónica, A Maïakovski, 1976
Peinture acrylique et encre sur toile, 150 x 150 cm
Cette toile regroupe différentes touches et factures : aplat, modelé, traits graphiques associant dessin et écriture. L’utilisation d’une technique mixte, peinture acrylique et encre, reflète la volonté du collectif d’artistes, Equipo Crónica, d’organiser la toile à partir d’un collage d’images, de citations littérales, de références identifiables tels des codes de communication visuelle.
On y voit, en effet, finement imbriqués : un détail de La mariée mise à nu par ses célibataires même de Duchamp (en haut à gauche), l’homme qui marche d’Umberto Boccioni, hymne à l’homme nouveau des futuristes italiens, les espaces urbains saturés du dadaïste George Grosz, les formes constructivistes d’El Lissitzky, le parapluie de la période figurative de Jean Hélion. Equipo Crónica interroge ici le rôle idéologique de ces avant-gardes artistiques et la place qu’elles occupent dans notre mémoire collective.
L’œuvre rend hommage au poète futuriste russe Vladimir Maïakovski. Figure emblématique d’une poésie militante révolutionnaire, son tragique destin conduit à interroger les rapports que l’artiste peut entretenir avec la politique et le coût qu’il en a à payer. Ce symbole choisi est la figure d’identification de l’engagement politique du groupe militant contre la société de consommation et le régime franquiste.
Equipo Crónica
Equipo Crónica est né en novembre 1964 de la rencontre entre trois artistes espagnols :
Manolo Valdès, Rafael Solbès et Joan A. Toledo (qui quitte le groupe en 1965).
Rafael Solbès : 1940–1981
Manolo Valdès : 1942. Vit et travaille à New York.
NOUVELLE PEINTURE D’HISTOIRE
Eduardo
Arroyo, El caballero español (Cavalier espagnol), 1970
Huile sur toile, 162 x 130,5 cm
Œuvre présentée dans l’exposition
Star ou danseur de flamenco au regard aguicheur, travesti en femme, El
caballero prend la pose, le temps d’un
cliché. Une aura, un halo de lumière l’enveloppe, le reste du studio demeurant
dans la pénombre. L’effet grossissant de la loupe sur la chaussure figure
celui zoomant de l’appareil. Eduardo Arroyo cite l’image médiatique, la
photographie de magazine et celle du cinéma américain incarné par un travesti.
A travers le costume d’un double rôle, la moustache, la pose, l’aura, il
ironise sur les effets de la mode, joue avec les effets du faste pour excéder
les apparences, caricaturer l’image, la travestir. Le peintre
a une pratique du trait grossi et grotesque pour avoir fait, dès sa jeunesse à
Madrid, puis à son arrivée à Paris, des caricatures dans les bars ainsi
que des illustrations pour la presse people.
Gros plan sur l’escarpin,
quelle narration se cache derrière cette mise à
l’indice ? Faut-il y voir associé à la robe, panoplie typique d’une
danseuse espagnole, la critique d’une tradition culturelle derrière laquelle
un peuple se cache ?
En 1958, le peintre quitte l’Espagne de Franco pour venir s’installer à Paris.
Mais pour lui, comme ce fut le cas pour Télémaque, ce n’est qu’à Paris qu’il
prend « conscience de la réalité sociale, de la réalité des opprimés
et (qu’il se) politise ». D’abord en fréquentant les jeunes peintres
surréalistes espagnols et les vieux républicains qu’il retrouve
à Montparnasse. Puis en rencontrant Antonio Recalcati avec lequel il commence
« à faire de l’agitation politique à l’intérieur du Salon de la Jeune
Peinture », et Gilles Aillaud. Ensemble, ils réalisent des œuvres collectives,
s’interrogent sur le rôle de l’artiste dans la société, sur la peinture
comme arme militante.
Après sa participation aux événements de 68, il se tourne, de façon obsessionnelle,
dit-il lui-même, vers la réalité espagnole : « les luttes, le procès de Burgos,
Franco, la dictature, l’Eglise, enfin tout le spectre de ce que sera l’Espagne
jusqu’à la mort de Franco ». El caballero español, œuvre
réalisée à cette époque, se veut le portrait sans concession d’un bourgeois
sous le régime franquiste.
Pourtant, Arroyo n’est pas un « peintre engagé ». « A vrai dire, dit-il, je fais la guerre pour mon compte. Même si, à certains moments, j’ai voulu entrer au parti communiste et si j’ai milité dans des mouvements gauchistes, maoïstes ; en réalité je m’ennuyais beaucoup dans les cellules. (…) Moi, ce qui m’intéresse, c’est la peinture. C’est la bataille pour la peinture. » (Figuration narrative. Paris, 1960-1972, catalogue de l’exposition).
Eduardo Arroyo
Nationalité espagnole
Né en 1937 à Madrid Espagne)
Vit et travaille à Madrid.
Motivés par un ancrage dans la réalité sociale et
une volonté de trouver un impact visuel efficace, les peintres utilisent
des modes de reproduction mécanique au service d’un propos politique.
Si le réalisme est photographique, il n’en est pas moins critique
car la figuration est marquée par des transformations d’ordre plastique
(formes et couleurs) et des détournements d’images. La figuration
ne se contente pas de relater les faits ou de raconter une histoire
mais elle prend parti, mêlant le langage plastique et poétique.
« Le dessein de tels artistes n’est donc
pas nécessairement de fournir une information explicite ni strictement
discursive mais de pratiquer une appropriation de la réalité en la
soumettant à leur propre clef de décryptement et en effectuant le
filtrage nécessaire pour que, entre cette réalité et l’œuvre, s’établissent
un écart, un hiatus, une transposition. » (Gérald Gassiot-Talabot, Bande
dessinée et Figuration narrative,
catalogue de l’exposition, 1967.)
les registres de l’image dans la figuration narrative
La Figuration narrative aborde les multiples registres
de l’image :
- ses différents procédés techniques de fabrication : photographique,
cinématographique, publicitaire, bande dessinée, dessin animé, illustration
(outre l’image peinte qui est la finalité du dessein de l’artiste),
- ses sens
métaphoriques : icône, symbole, figure emblématique ou d’identification,
-
ses diverses formes de représentation : réaliste,
fantastique, imaginaire…
- ses détournements possibles : de la citation à la
parodie.
Outre ces registres foisonnants de l’image, elle intègre dans l’image fixe des formes inédites de récit inspirées par le cinéma, la bande dessinée, la photographie : l’image devient superposition de plans, combinaison de cadrages, espaces simultanés…
Elle inclut dans son espace celui qui la regarde. Comme
l’écrit Gérald Gassiot-Talabot,
elle est « un mode d’expression, impliquant à la fois une référence à la
dimension temporelle dans l’élaboration de la toile et une évolution du processus
de lecture de cette même toile par celui qui la regarde ».
En effet,
l’image de la Figuration narrative s’ouvre à
l’interprétation du spectateur, même si parfois elle le ramène volontairement
sur la problématique de l’image « orpheline » (comme Gérard Fromanger).
Instaurant un dialogue avec celui qui la regarde, elle peut être :
-
objet-miroir intégrant l’image du spectateur dans la scène
(Jacques Monory)
- « zone » dans laquelle le spectateur est inclus
(Emile Aillaud)
- sans dessous dessus (Bernard Rancillac)
- ouverte à la pluralité des interprétations par un récit non discursif
(Hervé Télémaque) ou par l’utilisation de figures métaphoriques (Eduardo
Arroyo)
- participation à la construction d’un récit (Öyvind Fahlström)
- image de
la mémoire collective (Erró, Valerio Adami,
Equipo Crónica).
D’après le catalogue de l’exposition Figuration narrative. Paris,
1960-1972.
Repères sociaux et politiques
Repères artistiques
Principales expositions collectives
1960
- Indépendance du Congo belge
- « Manifeste des 121 »
qui soutient dans le milieu intellectuel français le droit à l’insoumission
dans la guerre d’Algérie
- John Fitzgerald Kennedy est élu président des
Etats-Unis
- Premiers Happenings de Jim Dine et de Claes Oldenburg
- Fondation
du Nouveau réalisme par
Pierre Restany et Yves Klein
- Naissance du free jazz
- 11e Salon de la Jeune Peinture, Musée d’art
moderne de la Ville de Paris. Fondé en 1949 à
l’initiative de Paul Rebeyrolle, le Salon de la Jeune Peinture est dominé en
1960 par des peintres pratiquant une figuration traditionnelle. Parmi les
artistes : Eduardo Arroyo, Henri Cueco (membre du jury), Gérard Tisserand,
Peter Saul
1961
- Construction du mur de Berlin
- Youri Gagarine : premier homme dans l’espace
- Manifestation des Algériens de Paris sévèrement
réprimée par la Police, métro Charonne
- Fluxus : promotion de l’Anti-art
- Silence de John Cage
- 2e Biennale de Paris, Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Fondée en 1959,
la Biennale de Paris, mise en place sous le patronage d’André Malraux, ministre
de la Culture, est réservée aux artistes français et étrangers de moins de
35 ans. Parmi les artistes : Arman, Brusse, Cueco, Fahlström, Ferró,
Garcia-Fons, Genoves, Hockney, Jacquet, Johns, Jones, Petlin, Rancillac,
Raysse, Reuterswärd, Smith, Tilson, Tucker, Youngerman
1962
- Accords d’Evian : indépendance de l’Algérie
- Emeutes contre la discrimination
raciale aux Etats-Unis
- Crise des fusées soviétiques à Cuba
- Les Campbell’s Soups de Warhol : premières icônes de la société
postindustrielle
- Donner à voir, Galerie Creuze, Paris.
Six critiques d’art (José Pierre,
Michel Courtois, Raoul-Jean Moulin, Jean-Clarence Lambert, Jean-Jacques
Lévêque et Pierre Restany) dressent un panorama de la création contemporaine à Paris.
- Biennale de Venise, Italie.
Grand Prix de peinture : Manessier (France).
Grand Prix de sculpture : Giacometti (Suisse)
- Donner à voir 2,
Galerie Creuze, Paris. Exposition proposée par cinq
critiques d’art. Jean-Jacques Lévêque présente « Les chroniqueurs
du monde comme il va. Du niveau zéro de l’écriture à l’ère d’un nouveau
baroque », avec Bertholo, Rancillac, Saul, Télémaque, Voss.
1963
- Signature du traité d’amitié
franco-allemand
- Telstar : premier satellite de communication
entre l’Europe et les Etats-Unis
- 200 000 Noirs manifestent contre la discrimination
raciale à Washington, discours de Martin Luther King, I have a dream
-
Assassinat du Président John Fitzgerald Kennedy à Dallas
- Première minicassette
Philips
- Art Vidéo (Nam June Paik)
- Pop Art américain, Galerie Sonnabend, Paris, avec Bontecou, Chamberlain,
Lichtenstein, Oldenburg, Rosenquist, Warhol, et Wesselman
- 3e Biennale de Paris,
Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Parmi les
participants : Aillaud, Ferró, Hockney, Rancillac, Recalcati, Voss
et Peter Stampfli. Arroyo présente Les quatre dictateurs éventrés,
quatre panneaux peints symbolisant Franco, Hitler, Mussolini et Salazar
1964
- Développement du Cibachrome
- Nelson Mandela est condamné à la prison à perpétuité en
Afrique du sud
- Jean-Paul Sartre refuse le prix Nobel de littérature
- Apparition de l’Art corporel avec l’Actionnisme
viennois, et aux Etats-Unis
- 32e Biennale de Venise, Italie. Grand
Prix de peinture :
Rauschenberg (Etats-Unis)
Les dirigeants de la Biennale de Venise autorisent la
sélection américaine à occuper
le pavillon situé aux Giardini et l’ex-consulat américain. Ce déploiement
de grande ampleur de l’art américain et le Grand Prix de peinture attribué à Rauschenberg
scandalisent la presse française qui y voit une humiliation pour l’école
de Paris.
- Mythologies Quotidiennes, Musée d’art moderne de la Ville
de Paris. Comité d’organisation : Marie-Claude Dane, François Mathey,
François Wehrlin, Gerald Gassiot-Talabot, Peter Foldès, Bernard Rancillac
et Hervé Télémaque. 34 artistes : Alleyn, Arnal, Arroyo, Atila, Berni,
Bertholo, Bertini, Bettencourt, Beynon, Brusse, Buri, Cremonini, Dado,
Fahlström, Foldès, Gaïtis, Geissler, Gironella, Golub, Gracia, Kalinowski,
Klasen, Kramer, Monory, Pistoletto, Rancillac, Raynaud, Raysse, Recalcati,
Réquichot, Saint-Phalle, Saul, Télémaque, Voss.
Gérald Gassiot-Talabot, cat. d’exposition : « Ces
artistes qui n’ignorent pas les précédents de Picasso, de Dubuffet, de
Matta, de Michaux, souvent proches de leur sensibilité
et de leurs recherches, ont ceci de commun qu’ils se sont refusés à être
de simples témoins indifférents ou blasés, auxquels la réalité s’imposait
par sa propre inertie, par son envahissante et obsédante présence. Ils ont
tous cherché à en donner une relation qui gardât la saveur, le charme particulier,
la puissance de conviction de tout ce qui relève de la confidence ou du cri,
de la célébration ou du réquisitoire. […] À la dérision statique du
pop américain, ils opposent "tous" la précieuse mouvance de la vie. »
1965
- Bombardement du Nord-Vietnam par les Américains
- Réforme du régime matrimonial de 1804 :
la femme est libre de travailler et de gérer ses biens librement, sans
l’accord de son mari
- Astérix : premier satellite français dans
l’espace
- Action de Josef Beuys
- Art conceptuel et minimaliste
- Op Art et art cinétique
- Hyperréalisme
- 16e Salon de la Jeune Peinture, Musée d’art moderne de la Ville
de Paris. Le Salon de la Jeune Peinture prend une orientation militante. « Hommage
au vert » : les membres du Jury peignent chacun une toile de
2 mètres par 2 de couleur verte dans le but de tourner en dérision les
pratiques artistiques
« traditionnelles ».
- La figuration narrative dans l’art contemporain,
Galerie Creuze, Paris. L’exposition,
organisée par Gérald Gassiot-Talabot, agrandit le premier cercle tracé par
« Mythologies quotidiennes » à des artistes comme Aillaud, Arroyo
et Recalcati qui présentent une œuvre collective : Vivre et
laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp. La
représentation de la mise à mort du père du ready-made suscite un scandale.
45 artistes et écrivains, dont Klasen, Monory et Télémaque signent une pétition
qui condamne les trois « malfaiteurs ». Ils ont commis l’impardonnable
en s’en prenant à Duchamp
Gérald Gassiot-Talabot,
« La figuration narrative dans l’art contemporain », cat. d’exposition : « […] nous
diviserons l’apport actuel de la peinture narrative en plusieurs catégories
que nous examinerons successivement. 1) La narration anecdotique, en style
continu ou en scènes successives, explicite ou non explicite. 2) La figuration évolutive,
par mutation et métamorphose de personnages ou d’objets, par indication de
mouvement et de direction. 3) La narration par juxtaposition de plans temporels
dans une même composition. 4) La narration par portraits ou scènes cloisonnées,
dont le polyptyque, remis en honneur par certains artistes, n’est qu’une
variante. »
1966
- Premiers raids aériens américains au Sud et
Nord du Vietnam. Mobilisation des milieux intellectuels américains contre
la guerre
- Début de la Révolution culturelle chinoise.
Publication du Petit Livre Rouge de Mao Tsé-Toung
- Art cinétique
- Minimal Art
- Art psychédélique (San Francisco)
- Naissance de BMPT (Buren, Mosset, Parmentier,
Toroni)
- 17e Salon de la Jeune Peinture, Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
Parmi les artistes : Adami, Aillaud, Alleaume, Alleyn, Arroyo,
Bertholo, Castro, Cueco, Foldès, Ferró, Latil, Fleury, Parré, Recalcati,
Rancillac, Stämpfli, Tisserand, Voss.
Georges Boudaille, « Le Salon de la
Jeune Peinture », Les Lettres françaises, n° 1.114, Paris, 13-19 janvier 1966. « […] Nous
voyons aujourd’hui se développer un style de peinture qui ne vise plus à la
beauté, ni à l’expression d’une émotion poétique ou psychologique, mais à la
concrétisation aussi évidente que possible d’un fait politique ou social,
sociologique en tout cas. Un seul procédé : l’image la plus simple
et la plus directe, parfois la juxtaposition d’images dans un ordre qui
peut aller de la bande dessinée à des compositions dissymétriques où se
manifeste parfois un souci d’esthétisme. […] Nonobstant, la jeune peinture
telle qu’elle apparaît en son dix-septième Salon n’a pas grand-chose de
commun avec le
"pop’art" américain. Elle apparaît plus saine, moins frelatée,
moins complexée, et surtout s’en distingue par son désir d’humour. »
1967
- Développement du mouvement Hippie en Californie
et dans le reste des Etats-Unis
- Guerre des Six jours entre Israël et les pays
arabes, occupation de la Cisjordanie et du Sinaï par les troupes israéliennes
-
Loi Neuwirth autorisant la contraception
- Premier numéro de la revue Opus International
- Arte povera
- Body Art
- Premières actions de Land Art
- 18e Salon de la Jeune Peinture,
Musée d’art
moderne de la Ville de Paris
Michel Troche, « Qu’il ne sorte pas
du mur », cat. d’exposition : « Je me félicite de plus en
plus qu’une bande de "voyous" terrorise le Salon de la Jeune
Peinture. […] Il est donc heureux que depuis trois ans le Salon de la Jeune
Peinture s’efforce de mettre les pieds dedans ; en choisissant les
coups et la direction. »
- Bande dessinée et Figuration narrative - Histoire/esthétique/ production
et sociologie de la bande dessinée mondiale, procédés narratifs et structure
de l’image dans la peinture contemporaine, Musée des Arts décoratifs,
Paris
Gérald Gassiot-Talabot,
« La Figuration narrative », cat. d’exposition :
« […] Est narrative toute œuvre plastique qui se réfère à une
représentation figurée dans la durée, par son écriture et sa composition,
sans qu’il y ait toujours à proprement parler de "récit". Cette
définition est à la fois assez étroite pour éliminer la représentation figurative
traditionnelle portant sur une scène ou un objet isolés de tout contexte
et de toute continuité, et assez large pour permettre d’étudier ensemble
des artistes qui ont choisi délibérément de rendre la durée et ceux dont
l’œuvre recoupe cette préoccupation, même provisoirement et sans que cela
constitue pour eux un engagement délibéré dans la voie narrative. »
- Le Monde en Question,
A.R.C. Musée d’art moderne de la Ville de Paris
Gérald Gassiot-Talabot,
« Le monde en question ou 26 peintres de la contestation », cat.
d’exposition : « […] le plus souvent, la contestation est l’effet
d’un refus momentané et violent d’un aspect du monde, dû à un moment de l’histoire, à une
condition sociologique précise. […] Qu’on ne s’étonne pas de trouver dans "Le
Monde en Question" des registres d’expression extrêmement différents,
depuis le cri, l’exaspération, la révolte pure […] jusqu’à l’élaboration
concertée dans un mode froid. »
- 23e Salon de Mai à la
Havane, Cuba. 20
peintres dont Adami, Aillaud, Alleyn, Arroyo, Bertholo, Bitran, César, Ferró, Monory, Rancillac,
Rebeyrolle, Recalcati, sont invités à réaliser sur place des toiles destinées
au nouveau Musée d’art moderne de La Havane
1968
- Création du Mouvement du 22 mars
à l’université de Nanterre autour de Daniel Cohn-Bendit, suivi par les
événements de Mai à Paris
- Assassinat de Martin Luther King
à Memphis
- Signature des accords de Grenelle et dissolution
de l’Assemblée nationale par De Gaulle
- Entrée des chars soviétiques à
Prague pour écraser le « Printemps de Prague », mouvement en faveur
d’une démocratisation de la vie politique
- Process Art ou l’Antiform
- Earthworks (Robert Smithson)
- Documenta IV de Cassel (refus du musée)
- Art and Language
- Happenings très politisés des actionnistes
viennois
- Quinze peintres ont accepté de trahir la même
photographie, Galerie
Blumenthal-Mommaton, Paris
À la suite du procès intenté contre Rancillac pour détournement de l’œuvre
du photographe Tony Saulnier, 15 peintres « contrefont »
une photographie de Marc Riboud : Adami, Alleyn, Beynon, Buri, Charlier,
Erró, Filippi, Gielen, Klasen, Le Gac, Maglione, Monory, Rancillac, Sarkis
et Schifano
- L’atelier
populaire, École nationale
supérieure des Beaux-arts, Paris. 14 mai - 27 juin. Etudiants
de l’École des Beaux-arts et artistes, solidaires des manifestations
de mai, occupent l’atelier Brancion pour apporter leur soutien aux travailleurs
grévistes. Parmi ces artistes :
Aillaud, Alleaume, Arroyo, Biras, Cueco, Fromanger, Le Parc, Merri Jolivet,
Rancillac, Rougemont, Tisserand,
Vermès, Zeimert. Réalisation d’affiches anonymes
- Souffles. Métro Alésia,
Paris. 12 octobre. Commémorant les événements de mai, Fromanger
dispose dans la rue, sans autorisation préfectorale, 9 sculptures, intitulées Souffles,
ainsi qu’un ensemble de sculptures miniatures, les Souffles à voler.
Ramassées par la Police. Fromanger,
Pierre Clementi et Jean-Luc Godard, venus pour filmer et photographier
l’événement, sont arrêtés par celle-ci
1969
- Jan Palach, étudiant tchèque en philosophie,
s’immole par le feu à Prague pour protester contre l’invasion de son pays
par l’URSS
- Election de Yasser Arafat comme président du
Comité exécutif de l’OLP
- Apollo 11 : Neil Amstrong, premier homme
sur la lune
- Festival de Woodstock, avec près de 400 000
personnes
- Premier vol du Concorde
- Manifestation contre la guerre au Vietnam réunissant
250 000 personnes à Washington
- Earth Art
- Quand les attitudes deviennent forme, exposiiton
organisée par Harald Szeemann à la Kunsthalle de Berne
- Première exposition Support-Surface
- Création du Centre de Création Industrielle
(CCI)
- Salle rouge pour le Vietnam, ARC, Musée d’art
moderne de la Ville de Paris
- Miró refait ou les malheurs de la coéxistence, Galerie
André Weill, Paris. Arroyo
parodie l’œuvre de Miró, deuxième icône après Duchamp à laquelle il ne fallait
pas toucher !
- Distances, Musée d’art
moderne de la Ville de Paris. L’exposition présente deux attitudes
artistiques définissant une distance (poétique ou critique) entre la
réalité objective et la représentation figurée. Parmi les participants :
Adami, Monory, Stämpfli, Bertholo, Télémaque et Voss
- 20e Salon de la Jeune Peinture,
Musée d’art moderne de la Ville
de Paris. Nouvelle manifestation collective, intitulée « Police et
Culture », organisée pour combattre, sur le terrain de la culture,
la société bourgeoise
1970
- Naissance du Mouvement de Libération des Femmes
(MLF)
- Salvador Allende, élu président au Chili
- Mort de Charles De Gaulle
- Bombardements américains sur Hanoï
- La coopérative des Malassis, qui
tire son nom d’un quartier se trouvant sur le plateau des Malassis à Bagnolet,
est créée par cinq artistes : Cueco, Fleury, Latil, Parré et Tisserand.
La coopérative défend une conception sociale et politique de l’art
et propose des réalisations collectives
- Aspects du racisme, 12,
rue de Thorigny, Paris. L’exposition rassemble
39 artistes parmi lesquels Equipo Crónica, Cueco, Erró, Fromanger, Monory,
Rancillac, Saul, Segui, Télémaque et Tisserand ainsi que Bouvier, Fromanger,
Gerz, Jolivet et Pancino qui présentent une œuvre collective
1971
- Indépendance du Bangladesh
- Publication du « Manifeste des 343 »,
pétition pour l’avortement libre et gratuit
- Gigantesque sit-in à Washington où 500 000 manifestants dénoncent
la guerre du Vietnam
- 2 000 sérigraphies d’un gisant d’Ernest
Pignon-Ernest pour commémorer la Commune de Paris (1870-1871)
- 22e Salon de la Jeune Peinture, Grand Palais, Paris
1972
- Onze athlètes israéliens sont abattus pendant
les Jeux Olympiques de Munich par un commando de terroristes palestiniens
- Création du Musée du cinéma et du musée des
Arts et Traditions populaires à Paris
- Kodak invente le Pocket Instamatic et
Polaroïd,
le SX-70
- Naissance de la revue artpress
- 60 - 72 : douze ans d’art
contemporain en France,
Grand Palais, Paris
Une exposition à l’initiative du Président de la République, Georges Pompidou,
afin de dresser un panorama des mouvements artistiques apparus en France
pendant la dernière décennie. Son concepteur, François Mathey, invite Maurice
Eschapasse et Alfred Pacquement du Centre national d’art contemporain, l’universitaire
Serge Lemoine, le critique d’art Jean Clair et le galeriste Daniel Cordier à former
le comité de sélection.
72 artistes sont sollicités dont certains refusent de prendre part. Le jour
du vernissage, le « Front des Artistes plasticiens » dirigé par
Gérard Fromanger organise une manifestation d’artistes devant le Grand Palais
qui déclenche une intervention des forces de police présentes aux abords.
De nombreux artistes décident de retirer leurs
œuvres.
Catalogues d’exposition
- Figuration narrative. Paris, 1960-1972, Paris, Réunion des musées nationaux, 2008 (textes de Jean-Pierre Ameline et de Bénédicte Ajac)
- Le monde en question ou 26 peintres de contestation, catalogue d’exposition, Paris, ARC, Musée d’art moderne de la ville de Paris, 1967 (texte de Gérald Gassiot-Talabot)
- Bande dessinée et Figuration narrative, Paris, Musée des Arts décoratifs, 1967 (textes de P. Couperie, P. Destefanis, E. François, M. Horn, Cl. Moliterni, G. Gassiot-Talabot)
- La figuration narrative dans l’art contemporain, Galerie Creuze-salle Balzac, 1965 (texte de Gérald Gassiot-Talabot)
- Mythologies quotidiennes, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1964 (texte de Gérald Gassiot-Talabot)
- Donner à voir 2, Galerie Creuze, Paris, 1962 (textes de Gérald Gassiot-Talabot, Jean-Clarence Lambert, Jean-Jacques Lévêque, Raoul-Jean Moulin, José Pierre)
Essais
- Jean-Luc Chalumeau, La Nouvelle Figuration : Figuration narrative, Jeune peinture, Figuration critique : une histoire, de 1953 à nos jours, Paris, éd. Cercle d’Art, 2003
- Jean-Louis Pradel, La Figuration narrative, éditions Hazan, Paris, 2000
Sites internet
- Le site de l’exposition : Figuration
narrative. Paris 1960-1972
les informations pratiques, visites et visites de groupes
les rencontres,
films et colloques,
les visites-ateliers : Et si on faisait une BD ? (8-11
ans),
l’exposition salle par salle,
des biographies, des vidéos, le catalogue…
L’exposition participe à la Nuit
des musées le
17 mai 2008, entrée gratuite de 19h30 à 23h15
- Le site de Jacques Monory
- Le site de Bernard Rancillac
- En savoir plus sur Gérard Fromanger : entretien et vidéos, sur le site ArtRéalité
Pour consulter les autres dossiers sur les collections
du Musée national d'art moderne
En français
En anglais
En savoir plus sur les collections du Musée et les œuvres
actuellement présentées, www.centrepompidou.fr/musee
Contacts
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Crédits
© Centre Pompidou, Direction de l'action éducative
et des publics, mai 2008
Texte : Karine Maire et Marie-José Rodriguez
Design graphique :
Michel Fernandez
Coordination : Marie-José Rodriguez