Dossiers pédagogiques - Collections du Musée
Histoire de la collection

 


LES NOUVEAUX MÉDIAS


 

image


Bill Viola, Five Angels for the Millennium, 2001
Installation audiovisuelle

 

Un nouveau territoire pour la création
Les Nouveaux médias : définition

Histoire de la vidéo et du numérique dans les arts plastiques
La télévision
La bande magnétique
Le numérique
L’expansion des outils de diffusion et de lecture de la vidéo

La vidéo, support autonome
Performance enregistrée
La vidéo, outil de création
Repenser la télévision

L’installation multimédia
L’espace
Le poste de télévision
Le circuit fermé et l'interactivité
Multi-projections et nouvelles narrations

Le cédérom et le site internet
Le cédérom
Le site internet

La collection Nouveaux médias, son actualité, son histoire
Entretien avec Christine Van Assche, responsable de la collection

Bibliographie

 

 

un nouveau territoire pour la crÉation retour sommaire

La notion de nouveaux médias qualifie des œuvres faisant appel à des technologies de l’information dans leur processus de réalisation ou comme supports de création (vidéo, informatique, etc.). « Transmettre des données » étant le propre de toute œuvre d’art, c’est logiquement que ces nouvelles technologies ont pu devenir un territoire à investir pour les artistes. Elles ont deux caractéristiques qui intéressent particulièrement le domaine artistique, la capacité à enregistrer le réel dans la durée et la capacité à le modifier.

La vidéo, notamment, couvre les tendances esthétiques des principaux mouvements de l’art contemporain. Que ce soit Fluxus, le minimalisme ou encore l’art conceptuel, ces mouvements existent aussi grâce à ces supports, qui ont engendré des typologies d’œuvres différentes.

La constitution de la collection Nouveaux médias au sein du Centre Pompidou débute dès 1976, peu avant son ouverture, intégrant peu à peu les cimaises. Depuis la réouverture du Centre en 2000, cette collection dispose même d’un espace entier dans le Musée. Les œuvres, consultables sur des moniteurs, y sont proposées en libre accès au public.

Ce dossier propose une introduction à l’histoire de l’usage de ces nouvelles technologies dans le domaine artistique à travers un choix d’œuvres de la collection Nouveaux médias, notamment des œuvres vidéo et des installations multimédia qui en constituent la majeure partie, ainsi que quelques exemples de cédéroms et de sites internet d’artiste.
En complément, Christine Van Assche, responsable des Nouveaux médias au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, parle de l’actualité de cette collection, de sa diffusion tant au Centre Pompidou qu’à l‘étranger, tout en évoquant son histoire.

Qu’entendons-nous par l’expression « nouveaux médias » ?

Quel champ recouvre-t-elle ? Selon le théoricien Lev Manovitch, dans l’ouvrage The Language of New Media, les nouveaux médias sont certes les œuvres réalisées sur support digital (bandes vidéo et sonores, CD-Rom, disques durs, sites Internet), mais aussi celles issues de médias anciens comme le cinéma, converties aux supports numériques pour les besoins de la diffusion.

Deux catégories d’œuvres, distinctes jusqu’au début des années 1990, plus confuses par la suite, se partagent la collection Nouveaux Médias du Centre Pompidou.
En premier lieu, les installations multimédia constituées d’un ou plusieurs moniteurs, d’une ou plusieurs projections, d’un circuit fermé (caméra vidéo + moniteur), de projections de diapositives gérées par un programme informatique, ou encore de moniteurs ou de projecteurs liés à des ordinateurs. Ces installations existent en exemplaire unique ou en exemplaires limités.
L’autre grand secteur de la collection comporte les multiples, en nombre illimité, et regroupe à la fois les bandes vidéo (de l’U-Matic au Bétacam digital), les bandes sonores (de la bande magnétique au CD), les CD-Rom et DVD-Rom, les disques durs, et les sites Internet

Collection Nouveaux Médias - Installations, éditions Centre Pompidou, 2006.
Christine Van Assche, Aspects historiques et muséologiques des œuvres nouveaux médias. Extrait, p.15.

 

 

histoire de la vidÉo et du numÉrique dans les arts plastiques retour sommaire

La technologie liée à l’image vidéo s’est considérablement développée depuis la fin des années 1950. Si, au départ, elle ne concerne que la transmission télévisée, elle va par la suite s‘émanciper et s’autonomiser grâce au caméscope et à la bande magnétique.

Mais, en quelques années, la bande magnétique elle-même va être mise de côté au profit du numérique dont la souplesse de diffusion, allant du visionnage sur un ordinateur à la projection sur toutes surfaces en passant par toutes sortes de supports électroniques, va faire de la vidéo l’image la plus populaire.

 

La tÉlÉvision

Dès ses origines, la vidéo est liée à la télévision dont les postes entrent dans les foyers à partir des années 1950-60 et vont s’imposer rapidement comme un nouvel outil de communication de masse.
Les directeurs de chaînes, comme la R.T.F. en France, offrent l’opportunité à des réalisateurs d’explorer les possibilités offertes par cette nouvelle technologie. Toute une génération, aujourd’hui considérée comme pionnière, va mettre au point une écriture spécifique, dans le cadre de ces studios télé. L’hommage à Alfred Jarry de Jean-Christophe Averty, Ubu Roi, réalisé en 1965, est un bel exemple d’une utilisation libre et créative des possibilités des productions télévisuelles. En mettant en scène cette pièce parodique de Jarry, Averty inaugure un nouvel espace filmique où les éléments graphiques et les personnages se croisent dans l’écran.

Jean-Luc Godard & Anne-Marie Miéville, France tour détour deux enfants, 1980
Secam, son, couleur
12 fois 26’

Voir un court extrait de France tour détour deux enfants dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

En 1978, Antenne 2 passe une commande à Jean-Luc Godard, qui produira avec Anne-Marie Miéville et l'aide de l'INA (Institut National de l'Audiovisuel), France tour détours deux enfants, une série de douze émissions de télévision.
Pendant 30 minutes, le cinéaste parle à tour de rôle avec un garçon et une fille. Dans ces échanges intimes, la parole est hachée, de longs plans séquences nous laissent voir les hésitations et les bafouillages. Parfois même l'enfant refuse de répondre, et c'est ce silence obstiné que le réalisateur nous montre, le regard énervé de l'enfant importuné par l'insistance des questions. La liberté de ton et la finesse de Godard font de cette série une émission de télévision hors normes, où la longueur des plans permet un moment d'écoute et donc une possibilité de voir et comprendre l'enfance.

 

La bande magnÉtique

Lorsque Sony commercialise le portapak (première unité portable d’enregistrement vidéo, ancêtre de notre caméscope) en 1963 aux États-Unis, les artistes découvrent les moyens techniques d’enregistrer de l’image en mouvement de façon beaucoup moins contraignante que le cinéma ou le plateau de télévision. La bande magnétique a un faible coût, une durée d’enregistrement beaucoup plus longue que la pellicule et des besoins en lumière beaucoup moins importants, permettant des prises de vues dans des lieux très divers et sans préparation.
Cette souplesse d’utilisation apporte une proximité avec le sujet et transforme le rapport entre la caméra et ce qui est filmé. Dès lors, les artistes vont entretenir un nouveau rapport à l’image en mouvement, qui devient tout d’un coup un rapport à l’intime et à la spontanéité.

Gordon Matta-Clark, Sauna View, 1973
Vidéo
Betacam SP, PAL, noir et blanc, son
Durée : 61'30"

En savoir plus sur Gordon Matta-Clark dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

L’artiste Gordon Matta-Clark, pour qui art et vie doivent se rejoindre, filme dans le sauna installé chez lui des amis qu’il a invités. Pendant les 45 minutes du déroulement de la bande magnétique, la caméra capte un moment de convivialité dans la pièce surchauffée. Posée sur pied, elle s’est fait très vite oublier permettant d’être dans l’intimité de ce groupe d’amis. Au fur et à mesure, la pièce se vide, laissant voir des bouts de corps qui vont et viennent dans le cadre. Sans montage, ce plan restitue une tranche de vie, en créant un point de vue sans artifice et mise en scène.

 

Le numÉrique

À partir des années 1990, la technologie connaît sa révolution. Que ce soit le son, la photographie ou la vidéo, la technique d’enregistrement passe de l'analogique au numérique, reléguant les autres supports au passé et, de fait, entraînant un rapport nostalgique aux craquements du diamant de la platine sur le disque, ou encore à la trame de la bande magnétique, support d’origine du caméscope.
Caractérisée par la trame linéaire du support analogique, la cassette, type VHS, ou même le format professionnel betacam ont une longévité extrêmement courte puisque, dans des conditions optimales de conservation, celle-ci ne peut excéder quarante ans. Pour cette raison, ce support a rapidement été supplanté par le numérique, jugé plus stable.

La capacité technique du format numérique, caractérisé par une image formée par des pixels (picture elements), est en évolution exponentielle depuis les années 1990. Si, au départ, la vidéo garde un aspect amateur dans la qualité de l’image, dès le début des années 2000, elle entre en compétition avec le cinéma et s’introduit dans les salles de spectacle avec une image qui concurrence la qualité cinématographique, malgré les attaques des puristes de la pellicule.
En investissant le numérique, l’image vidéo envahit les ordinateurs, les logiciels de travail d’image se développent. Les effets graphiques et le trucage ne sont plus l’apanage de studios expérimentés. Les effets spéciaux se développent.

Laurent Grasso, Polair, 2007
Installation vidéo : 1 écran 366x224, 1 projecteur, 2 haut-parleurs, 1 ordinateur, 1 fichier numérique,
16/9e, couleur, son stéréo - Durée : 9'4"(boucle)
1CD-Rom de presse, 1CD-Rom d'images de l'œuvre
Vue dans l'accrochage des collections contemporaines 2008

Voir un extrait de Polair dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Dans Polair (2007), Laurent Grasso reconstitue la propagation d’un nuage de pollen attiré par les sources électriques et magnétiques de la ville de Berlin. Phénomène étrange, le nuage semble presque réel tant l’intervention de l’effet est discret et plausible. Le cadre juxtapose des plans sur des architectures de grandes dimensions, rendant l’absence de représentation humaine d’autant plus inquiétante et le contexte difficilement identifiable temporellement. En entrant dans l’espace clos de l’installation, on est saisi aussi bien par le son que par l’image. Une nappe sonore comme un bourdonnement électrique remplit l’espace.
Chez Grasso, la fiction s’élabore à la frontière de phénomènes scientifiques, jetant un trouble sur des environnements qui semblent une représentation d’un futur possible. Les effets spéciaux numériques s’immiscent discrètement dans la mise en scène, rendant l’atmosphère dérangeante.

 

L’expansion des outils de diffusion et de lecture de la vidÉo

Il y a deux manières de diffuser de l’image en mouvement numérique, soit par le biais d’écrans électroniques, soit en la projetant.
Pour le visionnage sur écran, les lecteurs numériques se sont développés et miniaturisés, exploitant aussi bien le téléphone portable que d’immenses écrans plats. L’accrochage d’écrans plats permet l’assimilation du numérique à de la photographie ou de la peinture, estompant ainsi la frontière entre les formes artistiques traditionnelles et la hiérarchie entre art majeur et mineur.

La vidéoprojection exploite un dispositif très différent, puisque l’image peut se poser sur toute surface et, de ce fait, rend l’image vidéo malléable. Si la forme initiale de projection assimile l’espace à une salle de cinéma, rapidement les artistes vont utiliser la capacité du vidéoprojecteur à se poser n’importe où. Le projecteur de cinéma disposant de larges bobines de pellicules a des conditions d’exploitation plus contraignantes.

Tony Oursler, SWITCH, Theory is everyday experience, 1995
Installation mixte
Salles de dimensions variables

En savoir plus sur SWITCH dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

SWITCH de Tony Oursler (1995) illustre bien la malléabilité des supports vidéo. L’œuvre est faite d’une projection vidéo − image en mouvement − (les visages), sur des supports fixes en volume (en forme d’œufs) répartis dans l'espace. L’artiste utilise ce procédé depuis 1992. Il qualifie de dummies, talking heads ou « poupées », ce type d’hybridation entre images (de visages, mais aussi d’yeux, de bouches …) et supports de projection tridimensionnels. Ces poupées se situent au cœur de sa démarche.

Depuis ses premières performances, fin des années 70, l’artiste explore les relations humaines, en particulier les comportements pathologiques de l’être humain, « exposant » des corps réels vivants, devenant parfois lui-même performer. Puis il se tourne vers la réalisation d’installations et de dispositifs mettant en scène des personnages dans des décors. Entre ces deux pôles (du corps direct aux dispositifs plastiques), la vidéo va s’imposer comme un outil essentiel dans son travail.
Le travail avec des comédiens va lui permettre d’aller vers un au-delà de la performance, dans cette exploration des relations humaines. En enregistrant leurs états émotionnels, en les figeant sur bandes vidéo, il va, en quelque sorte, s’accaparer le vivant.
Mais Tony Oursler n’envisage pas la vidéo comme un simple médium d’enregistrement. Son expression prend son sens et sa forme grâce à un travail plastique par des expérimentations sur les supports de projection qui diffèrent de l’écran-tableau frontal hérité du cinéma (et avant cela de la peinture).

Cette imbrication vise à obtenir un effet de théâtralité. Dans le cas spécifique de SWITCH, en se plaçant parfaitement sur une forme d’œuf, l’image donne à l’ensemble un effet de présence corporelle, une illusion de vérité. Nous faisons face à des sortes de marionnettes, des êtres semblant dotés de vie, mais qui sont de pures illusions. Face à ces corps-simulacres, le spectateur est troublé dans son rapport à son propre corps, et l’œuvre peut le conduire à des interrogations.

« Je veux donner l’impression d’être en dehors de la communication commune, dit Tony Oursler. Je cherche à mettre le spectateur dans une certaine réaction par rapport à lui-même, comme en empathie, c’est une sorte d’expérience scientifique sur l’empathie. J’utilise la peur, l’excitation sexuelle, la joie, comme si je choisissais une note dans une symphonie, et j’essaie d’étendre cette note spécifique à toutes les émotions possibles, je montre le cycle des émotions. »

 

 

La vidÉo, support autonome retour sommaire

Représentant la majeure partie de la collection Nouveaux médias du Centre Pompidou, l’outil vidéo a des utilisations très diverses. Sa capacité à documenter le réel en a fait la mémoire de la performance. Les qualités d’écriture que génère son image ont aussi été développées formellement. Liée au média de masse dominant qu’est la télévision, elle est aussi un outil critique.

Performance enregistrée

Marina Abramovic, Art must be beautiful, Artist must be beautiful, 1975
Extrait de Marina Abramovic et Ulay : Anthologie de performances 1975/1980 
Vidéo, PAL, noir et blanc, son, 170’

En savoir plus sur Marina Abramovic, dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Avec la vidéo, les artistes enregistrent des expériences (actions, mouvements, attitudes) se déroulant dans le temps, donnant à ressentir la traversée d’un processus.

Marina Abramovic, artiste serbe, est une pionnière de la performance où le corps est le sujet et le médium de l’œuvre. Ainsi, en 1975, réalise-t-elle Art must be beautiful, Artist must be beautiful, une performance au cours de laquelle elle se coiffe avec un peigne et une brosse tout en répétant « l’art doit être beau, l’artiste doit être belle » sur différents tons. Par le geste de se coiffer qui, dans la durée, devient de plus en plus frénétique et agressif, elle met en abyme la notion de beauté en art et celle liée à la femme.

Si le dicton « il faut souffrir pour être belle » vient à l’esprit, la souffrance se lit sur son visage et rend ce portrait de femme assez désolant et hystérique. Filmée à l’intérieur d’une galerie, la vidéo n’a ni montage ni mouvement de caméra, restituant pleinement le geste de l’artiste avec un cadre serré sur son visage. En 1975, la vidéo ne s’envisage que sur l’intimité d’un écran de télé. Cette vidéo renvoie une image comme un miroir, engageant ainsi le public dans la trivialité du geste, que chacun ou peut-être plutôt que chacune exécute.

 

La vidÉo, outil de crÉation

Bill Viola, The Reflecting Pool (compilation), 1977 - 1980
Vidéo. 1 Pouce NTSC, couleur, son
Reflecting Pool, 1977-1979 (7')
Moonblood, 1977-1979 (12'48)
Silent Life, 1979 (13'14)
Ancient of Days, 1979-1980 (12'21)
Vegetable Memory, 1978-1980 (12'21)
Durée: 60'

Voir un court extrait de The Reflecting Pool dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

La manipulation de l’image vidéo offre des possibilités de recherches picturales nouvelles que les jeunes artistes vont très tôt développer. Étudiant en art entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, Bill Viola appartient à la seconde génération des artistes faisant usage de la vidéo, artistes qui vont affirmer leur pratique tandis que cette technologie a commencé à s’implanter. Avec The Reflecting Pool (1977), il explore les capacités de trucage de la bande magnétique.

L’image se divise en deux parties, une forêt dans la partie haute, une piscine dans la partie basse. La caméra restée fixe, crée un plan-séquence de sept minutes.
Sortant des bois, un homme s’installe au bord de la piscine, au centre de l’image. Son corps se reflète dans l’eau. Soudain, il saute en l’air et son corps se fige dans le vide, comme dans un « arrêt sur image ». Cet arrêt ne concerne que l’homme puisque le reste des éléments continue à évoluer (les branches, l’eau, le son de la forêt …). Puis, le reflet du corps disparaît. Progressivement, c’est au tour du corps de l’homme de disparaître, de s’effacer point par point, tandis que son reflet va réapparaître. À la fin de la vidéo, l’homme sort de l’eau, nu, et s’enfonce dans la forêt.
Plusieurs temps sont fondus, grâce aux effets vidéo, dans ce paysage, explique Bill Viola : « L’image est fragmentée en trois niveaux de temps distincts (temps réel, temps suspendu, laps de temps) et reconstruite de telle sorte qu’elle ressemble à l’image d’un espace unique […]. C’est vraiment comme si on sculptait du temps. » (Bill Viola. Entretien avec Bill Viola par Raymond Bellour, Cahiers du Cinéma n°379, janvier 1986.)

 

Repenser la tÉlÉvision

En s’emparant de la caméra vidéo, des artistes vont repenser, détourner, infiltrer le modèle télévisuel. Que ce soit Pierrick Sorin qui travaille directement pour une série télévisée, Matthieu Laurette qui utilise l’émission de télé pour rendre visible sa démarche et critiquer le système médiatique, ou encore Bill Viola qui s’infiltre discrètement dans l’espace audiovisuel, chacun, à sa façon, repense la communication télévisuelle.

Pierrick Sorin, Pierrick et Jean-Loup (série), 1994 
Vidéo. Betacam SP, PAL, couleur, son
Un samedi avec Jean-Loup, durée: 2'
Pierrick et Jean-Loup font de la musique, durée : 2'
Pierrick et Jean-Loup font du foot, durée : 2'40''
Jean-Loup et les jeux vidéo, durée : 2’

Voir un court extrait de Pierrick et Jean-Loup, dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

La série de Pierrick Sorin, Pierrick et Jean-Loup est une commande faite par l’émission Rapptout diffusée le samedi après-midi sur france 3 en 1994. Toujours dans une mise en scène tendre et ridicule, Pierrick Sorin filme des scènes de vie avec son frère, qui n’est autre que lui-même. Pierrick et son frère Jean-Loup se filment pendant leurs activités et leur désœuvrement du samedi, le tout commenté par la voix hésitante de l’artiste. En citant à la fin de quelque saynète l’émission dans laquelle est diffusée sa série, Pierrick Sorin s’identifie au public du samedi après-midi.
Ses trucages simples, son personnage à la fois burlesque et tragique parodient le cinéma muet du début de siècle mais aussi l’aspect bricolé que peut avoir un film fait à la maison avec peu de moyens, tranchant avec l’esthétique clinquante de la télévision.

Valie Export, Facing a Family, 1971
Vidéo Betacam numérique PAL, noir et blanc, son
Durée : 4'44"

Voir un extrait de Facing a Family, dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Intéressée par le système médiatique, l'artiste autrichienne Valie Export est invitée en 1971 par Kontakte, un programme de télévision autrichienne. Facing a Family montre les visages d'une famille en train de dîner en regardant la télé. À son tour, en regardant sur son écran cette famille dîner, le spectateur se voit comme dans un miroir. L’artiste, en pensant son œuvre en dehors du musée pour l’insérer dans un schéma quotidien, interpelle ce dernier dans son intimité, l’amenant à s’interroger sur son attitude, son lieu de vie, et sur ce qu’il partage avec toute une communauté invisible qui, comme lui, fait la même chose : regarder la télévision en dînant. En manipulant le son et l'image de cette séquence (arrêts sur image, grésillements et coupures sur la bande son…), elle interrompt la régularité du flux télévisuel et dérègle sa force hypnotique, forçant ainsi le spectateur à réagir.

 

 

L’installation multimÉdia retour sommaire

Le dispositif multimédia intègre la vidéo, la projection de diapositives, le son, les ordinateurs ainsi que tous supports de projection. Il peut aussi associer toutes autres formes d’expression.

L’installation privilégie la relation, relation entre les éléments mis en scène, entre l’acte artistique et l’espace de sa présentation, et donc entre l’artiste et le public.

L’espace

Mona Hatoum, Corps étranger, 1994
Installation mixte
1 DVD' Pal, couleur, son, structure cylindrique en bois composée de deux doubles parois, 1 écran circulaire blanc, 1 vidéoprojecteur, 1 lecteur DVD, 1 amplificateur, 4 haut-parleurs "Hyper Basse"
1 salle obscure (10m x 10m) minimum

Voir un court extrait de Corps étranger dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

En créant un espace propre au visionnage d’une œuvre, l’artiste crée des conditions de réception qui influent sur la perception.

Ainsi, dans l’installation Corps étranger (1994), la Libanaise Mona Hatoum invite le spectateur à entrer par deux portes étroites dans un petit espace cylindrique, où une image est projetée au sol. Coincé contre le mur, il voit à ses pieds un travelling à l'intérieur et sur la surface du corps de l'artiste — image par essence invisible. L’intimité extrême des images fait du spectateur un voyeur. Le Corps étranger est non seulement la caméra endoscopique mais aussi le spectateur présent dans cet espace. Le corps devient objet non seulement pour la médecine mais aussi pour le public.

 

Le poste de tÉlÉvision

Devenu objet sculptural, le poste de télévision intègre le musée, soit comme simple récepteur du travail d’un artiste, soit en étant directement impliqué dans un dispositif. Renvoyant à la cellule familiale et au divertissement, la présence de cet objet est là questionnée non seulement pour sa fonction mais aussi pour sa forme-objet.

Nam June Paik, Video-fish (Poissons-vidéo), 1979 – 1992
Installation vidéo
2 Umatic NTSC, 30', couleur, silencieux, 7 moniteurs Sony,
2 lecteurs DVD Pal, couleur, 7 aquariums, 45 poissons japonais,
1 socle noir 140 x 370 x 100 cm.
1 salle aux dimensions variables

Voir un court extrait de Video-fish (Poissons-vidéo), dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Dans une pièce plongée dans le noir, sept moniteurs vidéo sont posés derrière un nombre équivalent d’aquariums aux dimensions semblables. Ainsi, le visiteur découvre t-il les images diffusées sur les sept écrans à travers l’eau dans laquelle évoluent des poissons japonais. Ces images, réalisées par Paik, traitent de légèreté et de suspension des corps dans l’air ou dans l’eau. Passionné par les poissons, Nam June Paik les met au cœur de son installation en relation avec le corps du danseur et chorégraphe américain Merce Cunningham.

Il faut aussi voir dans cette installation un lien métaphorique entre le regard sur la télévision et celui sur un aquarium, objet d’une contemplation hypnotique.

 

Le circuit fermÉ et l'interactivitÉ

En parlant d’installation, on évoque l’idée d’une disposition d’éléments dans un espace, ce qui dépasse évidemment la simple vidéo. La mise en relation étant son principe même, la possibilité de formes est inépuisable. Passer d’une image à un objet crée un rapport complexe, car chacun fait appel à une perception différente, mais c’est aussi ce qui en fait l’intérêt.

Peter Campus, Interface, 1972
Installation vidéo
1 caméra N&B, 1 vidéoprojecteur, 1 projecteur de lumière,
1 vitre 246 x 178 x 1 cm
Salle obscure de 10 x 5 x 3,5 m
Achat 1990 - AM 1990-59

Voir un court extrait d’Interface dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Pénétrant dans une salle obscure de dix mètres sur cinq, faisant face à une large vitre (quelque deux mètres cinquante sur un mètre soixante-dix), le spectateur va être confronté à une double image de lui-même. En positif, une caméra reliée à un projecteur lui renvoie son image en direct sur la vitre qui devient écran, tandis que son reflet, dans cette pièce faiblement éclairée, se projette sur cette vitre qui devient alors miroir.
Le dispositif simple fonctionne en circuit fermé. L’artifice est troublant car il n’est pas immédiatement compréhensible. Le temps d’adaptation du spectateur contribue au trouble qu’il porte sur sa propre image dédoublée. Le spectateur se voit tel qu’il est vu (écran), et tel qu’il se voit (miroir). Avec cette projection perturbante, Peter Campus interroge la construction de l’identité.

Dan Graham, Present Continuous Past(s), (Présent passé(S) continu(S), 1974
Installation vidéo
1 couloir d'accès de 3m20 x 1m60, 1 salle où le public participe à l'environnement, 2m80 x 3m20 x 3m20

Voir un extrait de Present Continuous Past(s) dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Dan Graham commence à utiliser la vidéo dans le cadre de performances. À partir des années 70, elle devient partie intégrante de ses travaux et non plus simple outil documentaire.
Present Continuous Past(s),
1974première installation acquise par le Centre Pompidou en 1976, juste avant son ouverture − est un espace composé d’un sas et d’une salle dont deux murs sont en miroir, un troisième comportant un moniteur vidéo relié à une caméra quasi invisible.
En entrant dans la salle, le spectateur est filmé à son insu, et son image est retransmise sur l’écran avec cinq secondes de retard (grâce à un ordinateur), le jeu des miroirs reproduisant l’image à l’infini. Sans se l’imaginer au préalable, le spectateur devient donc l’objet et le sujet d’une véritable expérience en entrant dans l’espace de l’œuvre. Cette expérience repose sur ce que l’on appelle un dispositif vidéo, c’est-à-dire un espace aménagé qui place le spectateur au cœur de tout un appareillage technique.

 

Multi-projections et nouvelles narrations

Après s’être intéressé aux qualités de la bande vidéo diffusée sur moniteur, Bill Viola, comme beaucoup d’autres artistes d’ailleurs, va passer à la forme de l’installation à partir des années 1980. Dorénavant projetées, les images deviennent monumentales. L’œuvre n’est pas seulement constituée des images et des sons, mais intègre l’organisation entière de l’espace. Ainsi, le noir autour des projections fait aussi partie intégrante de l’œuvre et participe à la perception qu’en a le spectateur.

Bill Viola, Five Angels for the Millennium, 2001
Installation audiovisuelle
5 Vidéoprojections, 5 betacam numériques (9'40,7'45, 13'10, 9'20, 9'43), 5 vidéoprojecteurs, 5 equalizeurs, 5 amplificateurs, 10 haut-parleurs, matériel électrique
5 salles aux dimensions variables
1. Departing Angel
2. Angel of Birth
3. Angel of Fire
4. Ascending Angel
5. Angel of Creation

Voir un extrait de Five Angels for the Millenium dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Five Angels for the Millennium est une installation réalisée en 2001. Dans une grande salle plongée dans l’obscurité, cinq séquences vidéo sont projetées sur les murs. Ces séquences sont diffusées en simultané et en boucle. Leur contenu est différent, mais le thème est commun : chacune présente un corps passant dans une grande étendue d’eau, bleue sur quatre écrans et rouge sur le cinquième.
Au début, rien ne semble se passer dans les images, on contemple des espaces liquides. Puis, sans prévenir, un corps surgit, plongeant et traversant l’eau, tel un nageur. Cette surprise, déjà travaillée dans The Reflecting Pool, maintient l’attention du spectateur et le trouble. Les images, monumentales, sont l’objet d’effets plastiques (comme des ralentis) qui les rendent irréelles et oniriques.
À l’immersion des corps filmés fait écho l’immersion du spectateur, qui « baigne » dans le son (très présent) et les images.

Bill Viola nomme ces personnages des anges (1. Departing Angel, 2. Angel of Birth, 3. Angel of Fire, 4. Ascending Angel, 5. Angel of Creation) et les thèmes du passage, de la transition prennent forme dans cette installation. La simultanéité et la surprise impliquent le corps du spectateur qui cherche dans l’espace d’où viennent le son et la lumière.

Eija-Liisa Ahtila, Tuuli / The Wind, 2001-2002
Œuvre en 3 dimensions, Installation audiovisuelle
Trois vidéo-projections simultanées sur trois écrans à construire en fonction de l'espace
Master digital Betacam, Pal, couleur, son, durée 14'20" et 3 DVD Pal de diffusion en boucle de 59'
Dimensions variables. Chaque écran : 400 cm de large minimum

En savoir plus sur Tuuli/ The Wind dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Le procédé multi-écrans implique une participation dynamique du public, complexifiant la narration d'une œuvre. Dans Tuuli/ The Wind (2001-2002), de l'artiste finlandaise Eija-Liisa Ahtila, la lecture sur trois écrans ajoute du sens à la narration.
Susanna, atteinte d'une pathologie mentale, se laisse submerger par sa psychose. En filmant cette jeune femme, Ahtila nous entraîne dans une fiction qui tombe dans le fantastique, à l'image du trouble mental. En juxtaposant trois points de vue sur la scène, l'artiste joue sur des niveaux de perception, créant un dispositif schizophrène pour le spectateur qui alterne, de fait, trois regards différents. La construction de l'œuvre implique émotionnellement le spectateur dans la pathologie de la narratrice qui a un rapport perturbé au réel.

 

 

Le cÉdÉrom et le site internet d’artiste retour sommaire

Que ce soit le cédérom, le dvd ou encore internet, l’ordinateur est le récepteur de toutes sortes de vidéo et surtout de tout format d’image, permettant un travail qui sort du format longtemps imposé par le tube cathodique. L’image n’est plus un élément unique sur l’écran, au contraire, des systèmes d’écrans multiples donnent accès à des sources différentes. Ce fonctionnement crée une approche participative de ces interfaces : le spectateur choisit des points d’entrée dans des offres multiples, créant son propre parcours à l’intérieur du médium.

Ces supports, beaucoup moins présents dans la collection du Centre Pompidou, sont cependant incontournables, car ils manifestent la capacité des artistes à intégrer et détourner les nouvelles pratiques.

 

Le cÉdÉrom

Difficile de qualifier le cédérom. À l’origine, nom d’un support numérique, il a englobé un type de programme et de fonctionnement : il implique une participation active du spectateur qui navigue sur une interface pour aller d’une donnée à l’autre. Ce mode de fonctionnement a été complètement assimilé par internet qui a maintenant des capacités de lecture comparables à celles d’un cd. Il s’agit donc d’un support obsolète, caractéristique des années 1990-2000.

Michel François, Le salon intermédiaire
La salle d'attente, 1992-2001
Installation
Tapis bleu morcelé, un divan en polystyrène, IMAC avec CD-ROM « Actions, la Plante en nous »
Eléments de grande taille situés autour et sur les murs, moniteur vidéo (vidéo VHS « L'Arbre qui pleut » ; « Waiting List »)
Divers petits objets
Dimensions variables : 60 à 90 m² au sol, 6m de large et 10 m de long minimum

Dans l’installation La salle d’attente (1992-2001) de l’artiste belge Michel François, des supports très variés, tels la photographie, la sculpture, la vidéo et des éléments organiques sont réunis. Un ordinateur est en consultation libre. La surface de l’écran est recouverte de petites images, sur lesquelles on peut cliquer faisant apparaître de courtes séquences en mouvement.

À l’intérieur de ce grand espace éclaté, l’écran devient une petite fenêtre ouvrant sur un ailleurs. En choisissant l’image qu’il va activer, le spectateur devient acteur de l’installation qu’il s‘approprie par ce geste quotidien.

 

Le site internet d’artiste

Claude Closky, Calendrier 2000, 2000
Site internet. Avec support Cédérom PC/Mac

Voir Calendrier 2000 dans l’Encyclopédie Nouveaux médias

Dans les années 1990, le réseau internet commence à se développer pour devenir l’outil de communication indispensable à la vie contemporaine.
Pour l’an 2000, l’artiste français Claude Closky crée un calendrier sur internet qui propose, pour chaque jour de l’année, un slogan trouvé sur une publicité. Sortie de son contexte, cette accroche publicitaire devient comme un augure, ou l’expression d’une sagesse. Pour le lundi 18 décembre, on peut lire : « Seul ce qui se concentre sur l’essentiel peut traverser le temps. Duravit ». Écrit en rose sur fond rose, on peut penser aussi à un horoscope proposant une méditation pour la journée. Le texte publicitaire persiste dans nos mémoires, comme une rengaine quotidienne.

 

Conclusion

Un mélange des genres et des supports au cœur de la création d’aujourd’hui
Toujours en quête de modes d’expression, les artistes trouvent dans les nouveaux médias des outils privilégiés pour ancrer leur travail dans le fonctionnement et les préoccupations de la société contemporaine. Grâce à leurs techniques d’enregistrement, les nouveaux médias apportent un mélange des genres et des supports. La typologie des œuvres devient caduque, puisque chacune peut englober la notion de spectacle, peinture, photographie ou performance. Les nouveaux médias sont au cœur d’une création dynamique et transversale à l’image du renouvellement de nos modes de vie à l’ère du numérique.

 

 

La collection Nouveaux mÉdias : son actualitÉ, son histoire retour sommaire

Entretien avec Christine van Assche, responsable de la collection

La vidéo fêtera en 2013 ses cinquante ans. D’ici là, le public va pouvoir découvrir plusieurs expositions réalisées à partir des collections Nouveaux médias du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.

Christine Van Assche. Depuis 2005, une partie de la collection circule à l’étranger sous forme d’expositions. La première a été organisée à la Caixa Forum de Barcelone en 2005. Ce printemps, le Singapore Art Museum a accueilli la onzième version de ce projet intitulé La vidéo, un art, une histoire (1965-2011), qui est une histoire de la vidéo au travers d’une trentaine d’œuvres des années 1960-2011 et, pour cette étape, les œuvres des artistes asiatiques appartenant à notre collection, du Coréen Nam June Paik à des artistes japonais comme Toshio Matsumoto, Shigeko Kubota ou encore le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, histoire sur laquelle je travaille avec Sylvie Douala-Bell.
Dans ce même registre qui associe les grands pionniers historiques à des artistes contemporains, nous préparons, actuellement, une présentation pour le Brésil en 2012, avec des œuvres d’artistes internationaux dont pas mal d’artistes brésiliens historiques et contemporains, et une autre pour le Mexique en 2013 qui comportera notamment des artistes mexicains contemporains. À chaque fois, nous travaillons avec le conservateur du Musée qui nous reçoit afin de croiser nos collections et surtout nos regards, nos  points de vue et nos concepts géo-politiques*.

Vito Acconci, Home Movies, 1973
Vidéo 1 Pouce NTSC, noir et blanc, son
Durée: 32'19"

Au Centre Pompidou, nous organisons, du 9 février au 7 mai 2012, dans la Galerie du Musée, une exposition d’œuvres des années 60-80, principalement des bandes vidéo − ce que nous appelons des multiples −, Vidéo Vintage. Il s’agit d’une sélection d’une cinquantaine de bandes, que je réalise avec Florence Parot, structurée autour de la performance, de la relation à la télévision et à l’art conceptuel. Ces bandes seront présentées comme elles l’étaient à l’époque, chez soi. Nous avons repris ce concept de scénographie à certains artistes, comme Valie Export ou Bill Viola, voire encore Johan Grimonprez. Les œuvres seront exposées sur des écrans cathodiques, dans des environnements extrêmement confortables, dans des meubles eux aussi vintage. Elles seront accompagnées d’une chronologie et de cartels développés. Nous pourrons aussi y voir et lire des archives mettant en valeur ce qui se passait dans les laboratoires TV (tels celui de l’ORTF à Paris ou de WGBH à Boston), ou bien témoignant d’expériences d’artistes indépendants filmant avec les premières caméras portables… Dans la dernière partie de l’exposition, plus conceptuelle, nous verrons des œuvres telles qu’elles étaient montrées dans les musées à cette époque, à l’ARC, au début du Centre Pompidou, ou dans des espaces indépendants comme la Kitchen à New York.

Pourquoi insister, pour cette exposition au Centre Pompidou, sur les œuvres historiques, celles des pionniers ?

C. V.A. Cette exposition va mettre en valeur le travail historique car il y a un certain engouement de la jeune génération pour les années 60-70, une époque de découvertes, très riche sur le plan conceptuel. Il y a une curiosité pour tout ce qui a pu s’inventer, se mettre en place par des artistes qui travaillaient vraiment pour l’art lui-même et les paradigmes de la modernité. De plus, la notion de ‘remake’ est à l’ordre du jour depuis une dizaine d’années avec la réutilisation des modalités, des processus et des concepts des années 60-70 par certains artistes.
Nous y présentons aussi bien Marina Abramovic, Vitto Acconci, Sonia Andrade, Ant Farm, Jean Christophe Averty, Lynda Benglis, Joseph Beuys, Dara Birnbaum, Chris Burden, Peter Campus,Jean Dupuy, Valie Export, Anna Bella Geiger, Jean-Luc Godard, Dan Graham, Esther Ferrer, General Idea, Imi Knoebel,Teresa Hak Kyung Cha, Mona Hatoum, Sania Ivekovic, Joan Jonas, Allan Kraprow, Thierry Kuntzel, Les Levine, Toshio Matsumoto, Anne-Marie Miéville, Dennis Oppenheim, Nam June Paik, Slobodan Pajic,Letitia Parente, Gina Pane, Martha Rosler, Carole Roussopoulos, Gerry Schum, les Vasulka, Bill Viola, Peter Weibel, Lawrence Weiner, Bob Wilson, Nil Yalter,

Comment est née la collection Nouveaux médias au Centre Pompidou ?

C. V.A. Pontus Hulten, qui a été le premier directeur du Mnam, a aussi été le premier à montrer et faire acquérir de la vidéo. En 1978, il présentait dans les Galeries contemporaines TV Garden de Nam June Paik, un environnement constitué d’un jardin de plantes exotiques dans lequel nous pouvions découvrir des téléviseurs. À l’époque, il y avait un double mode d’acquisition : les  bandes vidéo étaient achetées comme des documents  tandis que les installations l’étaient comme des œuvres. Pontus Hulten fit entrer dans les collections des installations de Dan Graham, Bruce Nauman et Nam June Paik. Puis, les vidéos ont été rapatriées vers l’inventaire des collections du Mnam. Un travail de restauration et de copie a suivi pour leur conservation. La vidéo était alors regroupée avec la photo et le film, sous l’égide d’Alain Sayag. Elle était néanmoins, dans les années 78-80, au Mnam, le parent pauvre de ce fragment de collection, la vidéo des années 60-70 étant réalisée pour des téléviseurs et non pour la projection en salle. Peu à peu, la qualité s’est améliorée, les artistes sont devenus plus professionnels et la vidéo a trouvé sa place dans les espaces mêmes du musée, parmi les œuvres réalisées sur d’autres supports.

Bruce Nauman, Going around the Corner Piece, 1970
Œuvre en 3 dimensions, Installation vidéo
Dimensions variables selon le lieu de l'installation : 36m² environ
4 cimaises d'environ 324 x 648 x 648 cm, 4 caméras vidéo et 4 moniteurs noir et blanc et silencieux
Dimensions lors de la présentation dans les Galeries contemporaines fin décembre 1988 : cube central : 284 x 654 x 654 cm

À partir de quand a-t-elle joui d’une véritable reconnaissance ?

C. V.A. Avec l’exposition L’époque, la mode, la morale, la passion, en 1987, un espace permanent de consultation des vidéos a été ouvert au public. Avec l’exposition Passages de l’image dans les Galeries Sud en 1989, la vidéo a été exposée « noblement ». Puis, dans les années 90, commençait la numérisation qui allait permettre de consulter les bandes vidéo à partir d’ordinateurs, suivie d’un catalogue sur internet pour regarder à distance des extraits d’œuvres, l’Encyclopédie nouveaux médias, dont s’occupent Etienne Sandrin et Maria Rachita. Pour l’instant ce ne sont que des séquences d’une minute maximum mais un jour viendra où nous pourrons voir les œuvres dans leur entièreté. Celles-ci, numérisées progressivement, sont aujourd’hui consultables dans l’Espace Nouveaux médias, seul espace de consultation disponible en France.

De nombreuses expositions monographiques ont également été présentées dont David Claerbout, Stan Douglas, Mona Hatoum, Gary Hill, Pierre Huyghe, Johan Grimonprez, Isaac Julien, Chris Marker, Bruce Nauman.

Exposer une vidéo, une œuvre sonore ou une installation multimédia à côté d’une peinture ou d’une sculpture est devenu, aujourd’hui, une pratique naturelle.

C. V.A. Presque naturelle, en fait cela dépend des accrochages. L’accrochage elles a montré beaucoup de vidéos car il y a beaucoup de vidéos de femmes et de nombreuses femmes-artistes qui utilisent la vidéo. Actuellement, l’accrochage est plus traditionnel. Pour les installations, la question d‘espace joue énormément. Une œuvre multimédia demande entre 30 et 200 m2. Par rapport à une peinture sur un mur, un dessin ou une photographie il y a une grande différence de m2

La collection Nouveaux médias comprend, aujourd’hui, combien d’œuvres ?

C. V.A. La collection compte actuellement 110 installations et 1 600 multiples, bandes vidéo, cédéroms, sites internet et environ 100 bandes sonores qu’Alain Dubillot aide à collecter. Tous les grands artistes et tendances sont représentés. Pour ce qui concerne les installations, nous avons commencé notre collection après le Stedelijk Museum d’Amsterdam qui fut pionnier en Europe, mais avant le MoMA qui avait intégré la vidéo au département Cinéma et ne programmait qu’en salle.

Une fois par mois, le programme Vidéo et après propose un regard vivant sur la collection Nouveaux Médias.

C. V.A. Voilà plus de cinq ans que nous invitons un lundi par mois des artistes, dont les œuvres figurent dans la collection, à présenter eux-mêmes une trajectoire de leur travail. Parallèlement aux expositions, nous proposons aussi des séances soit sur des tendances, soit sur des zones géographiques, en faisant appel à des critiques. À l’occasion de l’exposition Munch, par exemple, trois artistes importants dans le domaine des nouveaux médias sont invités. Pour Vidéo Vintage, nous comptons recevoir Joan Jonas, Les Levine, William Wegman, pas encore invités au Centre. Chaque rendez-vous attire entre 100 et 350 personnes, voire plus lorsque viennent des personnalités connues comme Gary Hill, Mike Kelley ou Pipilotti Rist. Il y existe désormais un réel public pour cette forme d’expression.

* [Ndlr] La notion de « concept-géo-politique » renvoie à celle de mondialisation.

 

 

Bibliographie retour sommaire

Catalogues

Collection Nouveaux Médias Installations, éditions Centre Pompidou, 2006
L’art du mouvement, éditions Centre Pompidou, 1996
Vidéo et après, La collection du Musée national d'art moderne, éditions Centre Pompidou, 1992

Ouvrages

Florence de Mèredieu, Arts et nouvelles technologies, Larousse, Paris, 2005
Françoise Parfait, Vidéo : un art contemporain, éditions du Regard, Paris, 2001
Michael Rush, Les Nouveaux médias dans l'art, Thames & Hudson, collection L'Univers de l'art n°82, Paris, 2000
Paul Ardenne, Art, l'âge contemporain, éditions du Regard, Paris 1997
Anne-Marie Duguet, Vidéo, la mémoire au poing, Paris, Hachette, 1981
Lev Manovitch, The Language of New Media, Cambridge: MIT Press, 2001

Revue

« Qu’est ce que l’art vidéo aujourd’hui ? », sous la direction de Stéphanie Moisdon, Beaux Arts éditions, aout 2008.

Liens internet

Sur le site du centre Pompidou

L’Encyclopédie des Nouveaux médias
L’Espace Nouveaux médias et film du Musée
Les rendez-vous de Vidéo et après, depuis 2004 à aujourd’hui.
Les internautes peuvent retrouver dans les archives vidéo du site de nombreuses conférences enregistrées du cycle Vidéo et après.

Le Mouvement des images, 2006, dossier pédagogique
Le Film, collection du Musée, 2010, dossier pédagogique
Œuvres sonores et plastiques, un choix. Parcours dans les collections du Musée, 2011, dossier pédagogique.
Soirée consacrée à Nam June Paik en hommage à l'artiste, le 2 octobre 2006 au Centre Pompidou, vidéo.

Liens externes
L’Encyclopédie Nouveaux médias, un work in progress, cblog.culture.fr/
Une histoire des arts numériques, des nouveaux medias, multimedia, interactif - de 1900 à nos jours, un site conçu par Labomedia
ubuweb.com, site en anglais
Electronic Arts Intermix, site en anglais

 

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Contacts
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Crédits
© Centre Pompidou, Direction des publics, septembre 2011
Texte : Patricia Maincent
Entretien avec Christine van Assche par Marie-José Rodriguez
Design graphique : Michel Fernandez
Coordination : Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques