Dossiers pédagogiques
Parcours exposition

 


RON ARAD
NO DISCIPLINE

20 novembre 2008 – 16 mars 2009, Galerie sud, niveau 1


 

image

Vue de l’exposition. Fauteuil Oh Void 2, 2004
Ron Arad Associates - Photo Centre Pompidou

UNE EXPOSITION CONÇUE COMME UNE ŒUVRE

ARCHITECTURE

PIÈCES UNIQUES ET SÉRIES LIMITÉES
L'emprunt
Entre art et design
Exploration de la forme
Expérimentation du matériau

PRODUCTION INDUSTRIELLE

CONCLUSION : DU ROVER AU MOREOVER

BIBLIOGRAPHIE

 

 

Une exposition conÇue comme une Œuvre retour sommaire

Le Centre Pompidou accueille la première exposition monographique française consacrée au designer et architecte Ron Arad. Dans la Galerie Sud, l'ensemble de sa création se donne à voir, depuis ses débuts dans les années 1980 jusqu'à son travail le plus récent, dans des domaines aussi variés que l'architecture, le design et les arts plastiques – Ron Arad se plaisant à entretenir le flou entre ces différents registres, dans un souci revendiqué de « no discipline ».

Grâce à une scénographie signée de sa main, cette exposition est conçue comme une œuvre à part entière, à laquelle participe chacune de ses créations, devenue matériau. Le public est ainsi convié à entrer dans le monde de l'artiste, à plonger dans son univers.
Un vaste sofa, créé par l’éditeur italien Moroso pour cet événement, et semblable à une prolifération de pixels en trois dimensions, accueille le visiteur à l'entrée. Face à lui, se trouve le comptoir réalisé en 2003 pour l'aménagement de la boutique Y’s du créateur de mode Yohji Yamamoto à Tokyo. Conçu comme un empilement de plateaux en acier laqué rouge, ce comptoir de 8 mètres de long s'impose avec ses lignes droites et son aspect à la fois massif et très dessiné. C'est lui qui introduit le public dans le premier espace.

Deux éléments structurent le lieu : une spirale centrale, reproduction à l'échelle 1 du hall d'entrée et de l'escalier de l'Opéra de Tel Aviv, et une membrane ondulante sur laquelle se dessinent des ombres chinoises à l'identité floue. Cette membrane, à la fois séparation et communication, cache un mur de tubes cartonnés assemblés dans lesquels des objets de production industrielle sont disposés, exposés côté rue. La scénographie participe ainsi au brouillage des frontières voulu par l'artiste et insiste sur l'idée de porosité entre les domaines. Le propos de l'exposition peut être découpé en trois temps : l'architecture, les pièces uniques et séries limitées, puis la production industrielle.

Après le Centre Pompidou, l’exposition Ron Arad sera présentée au MoMA de New York durant l’été 2009, puis au Stedelijk Museum d’Amsterdam en 2010.

Extrait du Making of du montage de
l’exposition Ron Arad No Discipline

réalisation Philippe Puicouyoul
© Centre Pompidou, novembre 2008
Durée 4'

 

Architecture retour sommaire

La reproduction du foyer de l’opéra de Tel Aviv rappelle la formation initiale de Ron Arad, diplômé de l'Architectural Association School en 1979. Si, impatient de réaliser ses propres œuvres, il quitte rapidement le bureau d'architecte dans lequel il faisait ses débuts, pour fonder en 1981 une agence de design, le studio One Off, il reste jusqu'à aujourd'hui actif dans le domaine architectural. En témoignent, parmi la vingtaine d'œuvres présentées dans l'exposition, des projets et réalisations plus récents, dont l'Upperworld Hotel (non réalisé) ou le Musée du Design de Holon (en construction).

La reproduction à l'échelle 1 du hall et de l'escalier de l'opéra de Tel Aviv – que Ron Arad nomme « the island » – est comme le cœur de l'exposition : sa structure de ruban enroulé donne le ton et rythme l'ensemble de la présentation.
Achevé en 1994 par Ya’akov Rechter, l'opéra de Tel Aviv dispose d'un vaste foyer ouvert en hauteur sur trois niveaux pour lequel Ron Arad, en collaboration avec Alison Brooks a réalisé l'aménagement intérieur. Avec des lignes courbes et des structures sinusoïdales entourant un escalier en bronze, il donne à cet espace clef, lieu d'accueil, de circulations et de convivialité, une identité forte et marquante.

no photo Upperworld Hotel, Londres, 2003 (projet non réalisé)
Voir une présentation en 3D du projet, sur le site Tate Online lien
En 2003, Ron Arad conçoit un hôtel de luxe de cinquante chambres disposé sur le toit de l'ancienne centrale électrique de Battersea, à Londres. Finalement abandonné, ce projet reste dans les mémoires comme l'une des interventions les plus intéressantes proposées pour la centrale. Ce bâtiment extraordinaire souvent qualifié de futuriste devait prendre place, de façon à la fois douce et radicale, entre quatre cheminées monumentales au-dessus d'un vide central, toutes les chambres étant tournées vers l'extérieur et ouvertes sur la ville.

Musée de Design, Holon, Israël, 2004, projet en cours
Musée de 3100 m2 avec deux grands espaces principaux d’exposition
dont la flexibilité facilite des aménagements souples
© Ron Arad Associates

Le Musée de Design de Holon, en voie d'achèvement, apparaît comme l'œuvre d'un architecte accompli et reconnu. On y retrouve l'utilisation de lignes courbes sous la forme de cinq rubans monumentaux qui enveloppent le bâtiment. Réalisés en acier Corten, alliage corrodé en surface souvent utilisé pour des sculptures en plein air du fait de sa résistance aux conditions climatiques, ils prennent des tons de rouille d'intensité variable qui changent avec la lumière et construisent un site hors du commun dans le paysage. Ce bâtiment est présenté dans l'exposition grâce à un film projeté sur les parois de la spirale de l'Opéra de Tel Aviv.

 

 

PiÈces uniques et sÉries limitÉesretour sommaire

Comme en témoigne l'utilisation de l'acier Corten pour le Musée du design et son découpage en longs rubans enroulés, le rapport « physique » aux matériaux est essentiel dans l'œuvre de Ron Arad. Ainsi en est-il pour les pièces uniques et séries limitées présentées aux alentours de la spirale de l'opéra. Assemblée, modelée, découpée, moulée, la matière est travaillée par l'artiste dans une sorte de corps à corps. Mais si le travail manuel est primordial, c’est toujours dans une quête d’expérimentation et d’innovation à laquelle Ron Arad associe les potentialités offertes par les nouvelles technologies.
Plusieurs axes – qui évidemment se croisent et s'interpénètrent – peuvent permettre de décrypter son travail tel qu'il s'est élaboré au fil des années, des découvertes et des rencontres : l'emprunt, le brouillage des frontières entre art et design, l'exploration de la forme et l'expérimentation du matériau.

 

L'emprunt

L'emprunt est utilisé par Ron Arad essentiellement dans les premières années de sa carrière. Ce processus de création repose sur le recours à des éléments préexistants qui subissent une transformation par le biais de la réappropriation de l'artiste. Ils apportent ainsi leur identité à l'œuvre tout en étant détournés de leur sens premier. Deux créations emblématiques des débuts de Ron Arad relèvent ainsi d'une telle démarche : le fauteuil Rover Chair (1981) et la chaîne hi-fi Concrete Stereo (1983).

Fauteuil Rover Chair, 1981
Siège automobile de récupération d’une place recouvert de cuir,
fixé sur une structure d’acier tubulaire laquée époxy ;
le dossier inclinable prend appui sur la structure en arc de cercle
Hauteur 78 x 69 x 92 cm
Éditeur One Off, Londres

Les premiers pas de Ron Arad dans le monde du design se font ainsi paradoxalement sous le signe du ready-made avec, en 1981, l'apparition du Rover Chair. Conçu alors qu'il décide de quitter l'agence d'architecture pour laquelle il travaille, ce fauteuil symbolise son désir de créer ses propres œuvres.
Le Rover Chair est constitué d'un siège de Land Rover récupéré par l'artiste dans une casse et de deux éléments de structure Kee-Klamp pour le stabiliser (Ron Arad utilisera pendant quelque temps la veine du système Kee-Klamp pour réaliser des éléments de mobilier sur mesure et à la demande.) Par sa transformation en fauteuil et l’utilisation d’éléments standardisés, le siège de voiture se charge d'un sens nouveau tout en prenant des allures d'objet surréaliste. C'est lui qui, après avoir séduit le couturier Jean-Paul Gaultier et retenu l'attention de Vitra, lance véritablement la carrière de Ron Arad.

> Voir la présentation du système Kee Klamp sur le site du fabricant lien
> www.keeklamp.com lien

Chaîne hifi Concrete Stereo, 1983
Tourne-disque, amplificateur, 2 haut-parleurs,
composants électroniques intégrés dans le béton
Platine 7,5 x 46 x 38 cm
Haut-parleur 89 x 20 x 20 cm
Éditeur One Off, Londres

Pour la Concrete Stereo, c'est au domaine de la construction que Ron Arad emprunte son matériau : les différents éléments de la chaîne hi-fi (platine, tuner, enceintes) sont en effet pris dans des blocs de béton armé. Loin de réaliser un coffrage parfait pour ce travail, Ron Arad coule le béton de façon approximative, avec des manques qui laissent apparaître les armatures de fer comme si le béton avait été, par endroits, cassé et abîmé.
Jouant avec une esthétique de la destruction, ce travail correspond aussi à une recherche permettant de produire en plusieurs exemplaires des objets qui restent pourtant tous uniques. Comme le souligne Raymond Guidot : « Semblables d'un ensemble à l'autre, les objets, par le jeu subtil d'une malfaçon contrôlée, sont néanmoins différents. De fait, […] c'est le matériau, dans sa libre mise en œuvre, qui mène le jeu. Il le mène dans sa réticence à se plier aux exigences du moule. Bientôt ce sera dans ses convulsions d'épiderme réagissant aux chocs et à l'action du feu. » (In Raymond Guidot et Olivier Boissière, Ron Arad, édition Dis Voir, pp. 12-13.)

 

Entre art et design

Le recours à des matériaux réfléchissants, l'élaboration de structures apparemment instables ou encore l'effacement de l'objet devenu support de création artistique sont autant de moyens que Ron Arad utilise afin de brouiller les pistes. Il propose ainsi à l'usager une nouvelle expérience du design et un rapport enrichi aux objets du quotidien. Sans nier l'enjeu du confort d'un siège, il insiste sur la nécessité qu'il puisse se passer « quelque chose d'autre » lorsqu'on le regarde puis que l'on s'y asseoit. L'effacement des frontières entre art et design, d'une manière ou d'une autre, cherchent à désorienter l’utilisateur.

Reflets : D-Sofa (1994) et Chair by its cover (1989)

Chair by its cover, 1989
Acier inox poli et chaise bois
Editée à 20 exemplaires
Edition One Off, Londres
95 x 110 x 90 cm; 20 kg

L'utilisation de matériaux réfléchissants, comme notamment l'acier inoxydable poli, est un des signes distinctifs de l'œuvre de Ron Arad. Par leur intermédiaire et le jeu des reflets, il fait dialoguer le meuble avec son environnement et perturbe ainsi nos repères tant dans notre appréhension de l'objet que dans notre rapport à l'espace qui l'entoure. Ainsi en est-il du D-Sofa, miroir déformé déformant, de lui-même et de la réalité qui l'entoure. Pour la  Chair by its cover, Ron Arad crée un miroir concave qui va servir d'écrin à une banale chaise en bois. Lui procurant la stature d'un fauteuil, il la fait en même temps se dissoudre dans ses propres reflets et acquérir ainsi une nouvelle identité.

Instabilité : Beware of the Dog (1990) et At your own risk (1990)

Siège At Your Own Risk (A.Y.O.R), 1991
Acier poli avec couleur bleue
98 x 50 x 48 cm
Éditeur One Off, Londres de 1991 à 1999

L'introduction d'une incertitude quant à l'utilisation de l'objet constitue un autre moyen pour Ron Arad d'apporter ce « quelque chose de plus » dans le design. À des formes peu lisibles, il ajoute fréquemment l'idée d'un risque encouru, notamment par une apparente instabilité. Les noms qu'il donne à ses créations, comme Beware of the Dog et, plus explicitement encore, At Your Own Risk en témoignent. L'utilisateur doit ainsi « se lancer », affronter l'objet, dominer ses balancements et s'y abandonner aussi, afin de transformer en pièce de mobilier ce qui ressemble a priori plus à une sculpture.

Effacement de l'objet : Pic Chair (1997) et suspension Lolita (2004)

Suspension Lolita, 2004
Suspension lumineuse de 21 000 cristaux et
1 050 leds blancs capables d’enregistrer un message SMS
et de le retranscrire sur les cristaux.
Éditeur Swarovski, Wattens, Autriche

Envoyez, vous aussi, un SMS à Lolita : 06.11.17.10.30

Désorienter le public se fait aussi en transformant l'objet de design en support d'une intervention picturale. L'œuvre emblématique dans ce registre est la Pic Chair. Pour la réaliser, Ron Arad peint l'intérieur du moule avec un gel coat polyester imprégné de pigments, de tissus ou de limaille de métal, avant d'injecter le polyester nécessaire à la fabrication de la chaise. Le gel coat polyester permet de lier les différents éléments et constitue la couche protectrice de l'œuvre après démoulage. La peinture fait partie intégrante de l'objet qui devient une pièce unique, peinte de la main même de l'artiste. Ce procédé est réutilisé en 1999 pour le New Orleans Chair édité par la Galerie Mourmans en 18 exemplaires.
La suspension Lolita, spirale lumineuse faite de 21 000 cristaux et créée pour Swarovski, peut, grâce à 1 050 leds blancs intercalés, recevoir et retranscrire des messages SMS envoyés par téléphone portable. Ron Arad prend lui-même cette création en exemple pour illustrer l'absence de pertinence de la séparation entre art et design (cf. Judith Benhamou-Huet, « Ron Arad : Art, design, édition », in Marie-Laure Jousset (dir.), Ron Arad No Discipline, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2008).

 

Exploration de la forme

Le ruban : London Parpadelle (1992), This Mortal Coil (1993) et Ge-Off Sphère (2000)

Chaise-tapis London Papardelle, 1992
Maille d’acier inox soudée sur une armature d’acier brute ciré
Éditeur One Off, Ron Arad Associates, Londres
102 cm x 206,5 cm x 60 cm

S'il est une forme associée à Ron Arad, c'est bien celle du ruban. En design comme en architecture, l'artiste le décline, dans tous les matériaux, dans des formes variées aux lignes courbes et sinueuses, enrichissant sa création de la liberté et de la force d'une calligraphie.
Le siège London Parpadelle, telle cette pâte longue et plate dont il porte le nom, suit ainsi le tracé d'une simple ligne ondulante ininterrompue. La nappe en maille d'acier dont il est fait est flexible et se prolonge au sol en un tapis qu'il est possible de rouler afin de constituer un repose-pied.
A ce ruban ondulant et souple fait écho le ruban solide et figé qui sert de structure à la bibliothèque autoportante This Mortal Coil. Avec lui, par le jeu de la spirale divisée en casiers, Ron Arad réinvente la bibliothèque et bouleverse nos habitudes d'horizontalité.

Suspension Ge-Off Sphère, 2000
Collection Not Made by Hand Not Made in China
Polyamide, frittage de poudre au laser à dyoxide de carbone
Diamètre : 50 cm
Éditeur The Gallery Mourmans, Maastricht

En 2000, l'outil informatique ouvre de nouveaux horizons à l'inventivité formelle de Ron Arad et lui permet de créer, dans la série Not Made by Hand Not Made in China, la suspension Ge-Off Sphère. Lui-même s'en étonne : « Qui sont ces gens qui créent des logiciels capables de satisfaire nos moindres caprices ? Comment ont-ils pu prévoir, depuis leur vallée, qu'un designer de Chalk Farm (à Londres) voudrait construire, par exemple, une balle en spirale au diamètre toujours changeant, la faire rebondir, enregistrer avec précision ses distorsions en une série de modèles puis les développer en objets solides dans un réservoir de résine epoxy ? » (in Charlotte et Peter Fiell, Designing the 21st century, Taschen, 2002, p.41).

L'archétype revisité : Well Tempered Chair (1986) et Big E (2003)

Fauteuil Big E, 2003
Polyéthylène recyclable rotomoulé monobloc
94x 133 x 88 cm ; 25 kg
Éditeur Moroso, Cavalicco-Udine, Italie

En 1986, Ron Arad s'attaque à une pièce emblématique de l'histoire du mobilier : le célèbre fauteuil Club, qu'il revisite à l'aide de quatre feuilles d'acier inoxydable cintrées, fixées sans soudure, uniquement par des écrous. Le Well Tempered Chair ainsi créé est un objet paradoxal qui allie les formes confortables et accueillantes du fauteuil traditionnel à la froideur de l'acier, à laquelle s'ajoute l'instabilité qu'évoque un tel assemblage.

Le Well Tempered Chair est le point de départ d'une série de variations sur le thème du fauteuil club. 1988 voit ainsi naître le Big Easy, qui fait par la suite des apparitions récurrentes, sous des allures changeantes. Au modèle en acier patiné ou en fibre de carbone succède, pour l'éditeur Moroso, le Big Soft Easy découpé dans du polyuréthane souple expansé et recouvert de textile. En 1999, le New Orleans Chair peint à la main dont nous avons parlé plus haut en est une autre variante. En 2003, le Big Easy revient, sous le nom de Big E, avec une version en polyéthylène recyclable rotomoulé. Le modèle élaboré il y a 20 ans fait encore l'objet des recherches de Ron Arad aujourd'hui.
Entre temps, il a créé pour l'éditeur Vitra le Bad Tempered Chair, réalisé selon les principes du modèle d'origine, mais en fibre de verre et de carbone.

> Voir la présentation de la « Spring Collection » sur le site de Moroso lien
> Voir le Bad Tempered Chair sur le site de Vitra lien

 

ExpÉrimentation du matÉriau

Comme le montrent l'élaboration de la Ge-Off Sphere ou les variantes autour du thème du fauteuil Club, l'expérimentation tient une place essentielle dans le travail de Ron Arad. Toujours attentif au monde de la recherche et à ses innovations, Arad explore sans répit les nouveaux matériaux, les techniques qui les mettent en œuvre et les modes de productions qu'ils engendrent. Il trouve en l'éditeur Ernest Mourmans un partenaire exceptionnel. Dans l'entrepôt-galerie-atelier de ce dernier, en Belgique, beaucoup des idées et des inventions du designer prennent corps.

Aluminium soufflé : B.O.O.P. (1998)

En 1998, il utilise une machine – découverte par hasard –, issue de l'industrie automobile et aéronautique, pour élaborer la série des B.O.O.P. (Blown Out of Proportion). La technique développée à l'aide de cet outil consiste à souffler un alliage d'aluminium superplastique chauffé à 500 degrés dans des moules d'acier. Les pièces obtenues sont ensuite découpées et polies pour créer des objets-sculptures uniques qui semblent gonflés « hors de toute proportion » et vouloir croître démesurément.

Selective Laser Sintering (SLS) : Vases Movies (1999)

Les vases Movies sont fabriqués par SLS : frittage sélectif au laser assisté par ordinateur. Cette technique de prototypage rapide permet de façonner les formes les plus complexes. Dans le cas des vases Movies, un film 3D montrant un vase en train de rebondir est mis sur pause à plusieurs reprises. Chacune des images ainsi obtenues passe ensuite du virtuel au réel grâce à de la poudre polyamide frittée ou fusionnée par l'énergie du laser. (Cf. Ingeborg De Roode, « "I want to make new things". L’innovation dans l’œuvre de Ron Arad », in Marie-Laure Jousset (dir.), Ron Arad No Discipline, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2008.) Cette technique est à l'origine de la série Not Made by Hand, Not Made in China proposée par Ron Arad en 2000.

Série Paperwork (2002)

En 2002, la série Paperwork met à contribution un matériau composite de fibre de carbone et de structure en nid d'abeille. Ron Arad poursuit ainsi sa quête de nouvelles matières afin d'élaborer de nouvelles formes. Ici, la finesse alliée à la résistance du composite permet de concevoir des meubles d'une extrême légèreté, comme la très élégante table All Light Long.

Corian® : Oh Void 2 (2004)

Fauteuil Oh Void 2, 2004
Corian ® rouge
116 x 197 x 46 cm
Édité à 6 exemplaires
Éditeur The Gallery Mourmans, Maastricht

C'est ensuite le Corian® qui retient l'attention du créateur. L'initiative vient ici en fait du fabricant. La société DuPont de Nemours souhaitant faire reconnaître ce matériau jusqu'alors peu employé, malgré ses quarante ans d'existence, sollicite Ron Arad pour une exposition au Salon du Meuble de Milan en 2004. De là naît une installation réalisée par le designer : Lo-rez-dolores-tabula-rasa dans laquelle les surfaces en Corian® laissent transparaître des films et des images. Matière plastique à base de résine acrylique, le Corian® est en effet translucide. Il peut également être coloré, comme le siège rouge Oh Void 2. Pour ce dernier, Ron Arad utilise la technique de jointoiement du Corian® qui, normalement, permet d'assembler le siège sans joint apparent. Ici, grâce à elle, il dessine dans la matière « de fines rayures, comme les lignes topographiques d'une carte. »

 

 

Production industrielle retour sommaire

Tandis que sa collaboration avec Ernest Mourmans repose sur le désir de ne réaliser que des éditions en nombre limité, une autre activité occupe le designer, celle de l'adaptation à une production industrielle de grande distribution. Plusieurs pièces majeures sont issues de cette recherche, dont la bibliothèque Bookworm et la chaise Tom Vac pour les plus connues, et la lampe PizzaKobra pour les plus récentes.

Bibliothèque Bookworm, 1993
Bibliothèque modulable
Pvc coloré dans la masse, moulage par injection
19 x 820 x 20 cm
Edition Kartell, Italie

La bibliothèque murale Bookworm est sans doute la pièce de Ron Arad la plus connue du grand public. D'abord conçue en acier et en série limitée, elle est ensuite déclinée en PVC teinté dans la masse et distribuée à grande échelle par Kartell. Constituée de plusieurs tronçons de rayonnages ondulants, elle est de longueur indéfinie et surtout entièrement modulable selon la façon dont on assemble les différents éléments. Ron Arad propose avec ce modèle une bibliothèque qui répond aux attentes de la production en série et de la grande distribution. Elle est en effet susceptible de s'adapter à n'importe quelle pièce ainsi qu'aux besoins et envies de chacun.

Chaise Tom Vac, 1999
Coque en polypropylène moulé ; piètement en tube d’acier
76 x 67 x 58 cm ; 5 kg
Éditeur Vitra, Weil am Rhein

Comme la bibliothèque Bookworm, la chaise Tom Vac n'est pas imaginée au départ pour la grande distribution. En effet, d'abord conçue à titre expérimental en aluminium, ce n'est qu'ensuite qu'elle est éditée en grande série Vitra, devenant l'un des plus grands succès commerciaux de Ron Arad. Dessinée de façon à être facilement empilable, elle est constituée d'un piètement en tube d'acier sur lequel est fixée une simple coque en polypropylène moulé, légère, résistante et enveloppante.

Lampe Pizzakobra, 2007
Aluminium chromé, ampoule LED 6 x 1 w
Diamètre 26 cm ; hauteur fermée 1,85 cm, déployée 73,5 cm ; 2,5 kg
Éditeur IGuzzini, Recanati, Italie

L'une des plus récentes créations de Ron Arad destinées à une large distribution est la lampe PizzaKobra éditée par iGuzzini en 2007. Suivant les recherches de flexibilité de son créateur et grâce à sa structure métallique articulée, elle adopte, repliée, une forme plate et circulaire pour se dresser, lorsqu'on en a besoin, à la manière d'un serpent prenant des poses variées.

 

Conclusion : du Rover au Moreover retour sommaire

Récemment, le monde du design a assisté, avec le Moreover de Vitra, au retour du Rover Chair. Pour cette version sophistiquée de l'œuvre originale, deux modèles sont proposés, en édition limitée : l'un en acier inoxydable, « chromé », l'autre en acier patiné « rouille ». L'ancien piètement-accoudoir en kee-klamp est remplacé par des pièces en acier moulé fixées au siège. Revisitant l'œuvre emblématique des débuts, le Moreover est un clin d'œil à l'évolution qu'a connue le travail du designer ces vingt-six dernières années. 

> Voir la présentation du Moreover sur le site de Vitra lien

En dehors de son intérêt pour les collectionneurs, ce projet témoigne finalement de ce qui fait la spécificité de Ron Arad, c'est-à-dire sa tendance à revisiter constamment son travail pour créer de nouvelles œuvres, qu'elles soient uniques ou destinées à la production en série. Comme le souligne Judith Benhamou-Huet : « On peut y voir un désir d’hyper rentabilisation des idées ou, a contrario, interpréter cette pratique comme une démarche purement conceptuelle, obéissant par là même à un propos artistique. » (Judith Benhamou-Huet, « Ron Arad : Art, design, édition », in Marie-Laure Jousset (dir.), Ron Arad No Discipline, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2008) Sans doute tout cela intervient-il simultanément, avec d'autres paramètres, dans le travail du designer. Cette capacité à décliner constamment son langage et sa pensée est en tous cas bien ce qui fait la marque de Ron Arad et la richesse de l'ensemble de son œuvre.

 

 

Bibliographie retour sommaire

Ouvrages

- Marie-Laure Jousset (dir.), Ron Arad No Discipline, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2008 lien
- Matthew Collings, Ron Arad Talks to Matthew Collings, New York, Phaidon, 2004
- Raymond Guidot et Olivier Boissiere, Ron Arad, Paris, Dis Voir, 1998

Film

- Judith Du Pasquier, L'art et la manière : Ron Arad, Arte et Image & Compagnie, 2005, 25'. Voir quelques images du film sur le site d’Arte Vod lien
- Danielle Schirmann, The Bookworm, Arte, Centre Pompidou, Steamboat Films, Lobster Films, 2007, 26’

Sites Internet

- Le site de Ron Arad www.ronarad.com lien
- Le site de la Galerie Mourmans www.thegallerymourmans.com lien
- Le site de l'éditeur Vitra www.vitra.com lien
- Le site de l'éditeur Moroso www.moroso.it lien
- Le site de l'éditeur Kartell www.kartell.it lien
- Le site de l'entreprise iGuzzini www.iguzzini.fr lien 

 

 

Pour consulter les autres dossiers sur les expositions, les collections du Musée national d'art moderne
En français  lien
En anglais  lien

Contacts
Afin de répondre au mieux à vos attentes, nous souhaiterions connaître vos réactions et suggestions sur ce document.
Vous pouvez nous contacter via notre site Internet, rubrique Contact, thème éducation lien

Crédits
© Centre Pompidou, Direction de l'action éducative et des publics, décembre 2008
Texte : Noémie Giard
Maquette : Michel Fernandez
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education rubrique ’Dossiers pédagogiques’ lien
Coordination : Marie-José Rodriguez