Dossiers pédagogiques - Collections du Musée
Bibliothèque Kandinsky : Art et diffusion

 


Christian Zervos
un éditeur face à l'art de son temps


 

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Couverture du Cahiers d’art n° 7-10, 1935 : Picasso – 1930-1935,
édité à l’occasion de l’exposition « Picasso » organisée par l’Adlan (Amigos de las Artes Neuvas) à Barcelone en janvier 1936 et à Madrid en mars-avril 1936

Couverture du Cahiers d’art n° 3-10, 1938 Picasso (parait début 1939)

 

Christian Zervos (1889-1970), une autre manière de concevoir l'histoire de l'art

La revue Cahiers d’art, 1926-1960

Zervos et les artistes
Le Corbusier et l'intérêt premier de Zervos pour l'architecture
Picasso, l’artiste tutélaire de Cahiers d’art
Matisse, l'autre grand maître
Kandinsky, une relation chaleureuse pendant plusieurs années
Klee, Léger, Calder
Les surréalistes, les années 30

Le fonds Cahiers d’art à la Bibliothèque Kandinsky

Textes de référence
Christian Zervos, « Œuvres d’art océaniennes et inquiétudes d’aujourd’hui » (extrait)
Correspondance Christian Zervos / Vassily Kandinsky

Chronologie, repères

Bibliographie sélective

 

 

christian zervos, une autre maniÈre de concevoir l'histoire de l'art retour sommaire

La récente publication par Christian Derouet de l'ouvrage Zervos et Cahiers d’art, réalisé à partir des archives du fonds Zervos, l’un des plus importants fonds de la Bibliothèque Kandinsky, offre l'occasion de renouer le fil que nous avions laissé avec le dossier consacré à La diffusion de l’art à travers les revues1. « Critique d’art pour le moins secret », écrit Alfred Pacquement à propos de Zervos dans la préface de l’ouvrage, ce n’est pas tant à éclairer cette personnalité, travail laissé aux futurs chercheurs du fonds, auquel s’attache ce dossier mais, de façon plus immédiate, à évoquer la place de cette revue dans la circulation des œuvres et des idées, en particulier pendant l’entre-deux-guerres, ainsi qu’à susciter la curiosité du lecteur2.

Dr. Dietz. Portrait de Christian Zervos
Photographie : 23 x 17 cm ; montage : 37,6 x 28 cm

Originaire de Grèce, Christian Zervos (1889-1970) s’installe à Paris dans les années 1910 pour étudier la philosophie à la Sorbonne. Durant ses études, il se lie d’amitié avec Jean Badovici, futur architecte et éditeur du magazine L’Architecture vivante. Au début des années 20, introduit par ce dernier auprès de l’éditeur d’art Albert Morancé, il occupe son premier emploi dans l’édition, travaillant à la publication de deux périodiques, L’Art d'aujourd’hui et Les Arts de la maison. En 1926, il crée Cahiers d’art, revue qu’il assumera quasiment seul, de la conception à la fabrication, de la rédaction à l’impression, pendant une trentaine d’années.

Outre les textes qu’il rédige, Zervos fait intervenir des auteurs qui deviennent les grandes plumes de l’entre-deux-guerres, tant sur l’architecture, la peinture, le cinéma, la photographie que la littérature, l’ethnologie ou l’art grec archaïque, mais aussi les artistes eux-mêmes. Intéressé par les questions relatives à la spiritualité et la vie intérieure − sa thèse de doctorat portait sur un philosophe mystique néo-platonicien −, il interroge les motivations de la création artistique à travers ces disciplines.

Les nombreuses photographies d’œuvres prises par Man Ray ou par des photographes moins célèbres, contribuent à instaurer une manière de pratiquer l’histoire de l’art basée, non plus sur la biographie des artistes, mais sur les œuvres, par le biais de leurs reproductions. Cette abondance de reproductions dans la revue de Zervos la rapproche des pratiques éditoriales plus tardives et nourrit l'intérêt qu'on lui porte aujourd’hui.

En 1934, l’activité des Éditions Cahiers d’art s’élargit avec l’ouverture d’une galerie où sont exposés Picasso, Matisse, Man Ray… Zervos publie aussi des monographies et le catalogue iconographique (dit « catalogue sommaire ») de Picasso, travail commencé en 1932 et resté inachevé.

Pendant la guerre, retiré avec sa femme Yvonne à Vézelay, où ils ont acquis une fermette en 1937, près de leur ami Badovici, Zervos subit les discriminations du gouvernement de Vichy en étant, comme tant d'autres citoyens naturalisés, déchu de la nationalité française. La publication de la revue s’interrompt, pour reprendre en 1945, mais à un rythme moins fréquent, avec un numéro annuel jusqu’en 1960. Les conditions économiques ont changé. L’Allemagne, principal relais de la revue à l’étranger, s’est effondrée. La création et le marché de l’art se déplacent aux États-Unis, ce que Zervos n’a pas anticipé. Jusqu’à sa mort en 1970, il continue à défendre les artistes qu’il a rencontrés au début de sa carrière, notamment Picasso et les Cubistes.

1 La diffusion de l’art à travers les revues, dossier pédagogique
2 Les numéros de Cahiers d’art sont en accès libre à la Bibliothèque Kandinsky

 

 

La revue Cahiers d’art, 1926-1960 retour sommaire

Berenice Abbott (1898-1991)
Photographie : 22,8 x 18 cm
Reproduite dans « Sculpture en bois de l’Amérique du Nord-Ouest », par Leonard Adam, Cahiers d’art, n° 1-4, 1934, p.[60] et légendée : « Fig. 2. Quatre sculptures : de gauche à droite, Castor stylisé, Figure d’homme, Pilier totémique, Pilier totémique »

Comme la plupart des revues, Cahiers d'art a été négligée par les historiens de l'art jusqu'a très récemment. Aujourd’hui, ses 97 numéros parus de 1926 à 1960, dont des numéros spéciaux, constituent une source de premier ordre pour comprendre l’art du 20e siècle, ses artistes, ses problématiques et ses centres d’intérêt.

Dans presque toutes les livraisons, son éditeur signe des comptes-rendus d’exposition sur la peinture, la sculpture et l'architecture de son temps, mais aussi des réflexions critiques sur des œuvres plus anciennes, Renoir, Daumier, Zurbaran, ou encore sur les arts extra-européens, africain, océanien, sumérien… Les autres rédacteurs sont des poètes tels que Tristan Tzara ou Robert Desnos, des critiques dont Will Grohmann, critique d‘art allemand, Sigfried Giedion, critique d’architecture, ou des acteurs institutionnels comme James Johnson Sweeney, conservateur au MoMA à New York…

Des numéros entiers sont consacrés à des questionnements au cœur de l’actualité culturelle de l’époque. Par exemple, en 1929, ce sont les arts océaniens et le rapprochement entre l’art et l’ethnologie qui occupent un numéro double. La revue fournit ainsi à son public, et notamment aux artistes intéressés par ces questions, une documentation tant iconographique que critique.

En 1932, bien que les archives du fonds Zervos fassent entendre que le regroupement des thèmes n’est que conjoncturel, un numéro associe l’œuvre de Picasso et les arts du Bénin3. Dans une première partie, Stravinsky, Apollinaire, Salmon, Sweeney, s’expriment sur l’art de Picasso. La deuxième partie de la revue, consacrée à la complexité de la création au Bénin, est traitée par des spécialistes français et allemands.

En 1935, le surréalisme est à l’honneur dans un numéro spécial. En 1936, c’est l’objet dans tous ses aspects, « surréaliste », « mathématique », etc. qui est étudié.

La revue lance de grandes enquêtes telles que celle sur l’art abstrait commencée en 31, à un moment où un retour en force de la figuration menace l’avenir de l’abstraction. Au fil de six numéros, des artistes sont interrogés sur la nature et la pertinence de l’art abstrait, le premier étant Mondrian, suivi de Léger, puis Kandinsky et Arp.

Diffusée dès ses débuts en Allemagne, en Suisse ou aux États-Unis, avec une cinquantaine de pages par numéro, contribuant au rayonnement de l’art à Paris dans le monde, Cahiers d’art est l’une des revues d’art françaises les plus accomplies jusqu’à la Deuxième Guerre, même si elle est concurrencée dès 1929 par Documents − créée par Georges Bataille, plus expérimentale dans son approche de l’art, et notamment dans le rapport texte-image −, puis par Minotaure et Verve − créées successivement  en 1933 et en 1937 par un ancien collaborateur, Tériade, qui privilégie la couleur.

3 Dans ce numéro, Zervos rassemble deux textes qu'il a écrits, d’une part pour une exposition Picasso à la Galerie Charles Ratton, d’autre part pour une exposition des arts du Bénin au Musée d’ethnographie du Trocadéro. Le rapprochement des deux sujets est fortuit. Toutefois, pour le lecteur, c'est toute la question des sources africaines de l'art de Picasso qui semble posée par ce rapprochement.

 

 

christian Zervos et les artistes retour sommaire

Christian Zervos travaille au plus près de l’art et des artistes. Il fait volontiers appel à eux pour qu’ils lui soumettent des contenus, lui envoient des textes et des photographies de leurs œuvres. Dans les années 30, Cahiers d’art devient ainsi une revue confectionnée, pour une grande part, par des artistes, avec toutefois quelques créateurs privilégiés, tels que Picasso, Kandinsky, Klee, Léger, Calder ou encore Man Ray.

 

Le Corbusier et l'intÉrÊt premier de Zervos pour l'architecture

Sigfried Giedion (1888-1968)
Visite de Christian Zervos au chantier de la Villa Savoye à Poissy (architecte : Le Corbusier).
Ici, la rampe d’accès au toit-jardin, le solarium, 1930
9,3 x 14,3 cm
Voir : S. Giedion, « Le Corbusier et l’architecture contemporaine  », Cahiers d’art, n° 4, 1930, p.205-[215]

Durant les premières années de Cahiers d'art, Zervos fait la part belle à l'architecture. Ami depuis l'Université avec Badovici qui dirige L'Architecture vivante aux éditions Morancé, Zervos s'attache aussi les services du critique d'architecture Sigfried Giedion qui deviendra célèbre dans ce domaine.

Puis, il rencontre Le Corbusier dont il défend les projets dans sa revue. En particulier, il le soutient dans sa candidature au concours du Palais des Soviets à Moscou au début des années 30. Fin 1932, il publie un fascicule entièrement dédié au projet. En 1933, Zervos et sa femme embarquent même avec Le Corbusier à bord du Patris II en direction d'Athènes pour le 4e CIAM (Congrès International d'Architecture Moderne). Mais, ils rentrent seuls de leur côté, une brouille entre les deux hommes semble être survenue au cours du voyage. La même année, c'est un architecte néo-classique qui remporte le concours du Palais des Soviets. À partir de cette date, l'architecte suisse, et l'architecture en général, disparaissent peu à peu de la revue.

Seul Alvar Aalto reste bien représenté dans la revue et dans la galerie, mais surtout par l'intermédiaire d'Yvonne qui, au début des années 40, se lance avec lui dans l'édition de mobilier design.

 

Picasso, l’artiste « tutÉlaire des Cahiers d’art » 4

Pablo Picasso, La Minotauromachie, [1935]
VIIe état. Eau-forte, grattoir et burin sur papier, 49,5 x 69 cm
Cette gravure de Picasso a été publiée par Zervos, en pleine
page, dans le numéro de 1935 sur l’œuvre de Picasso entre 1930 et 1935

Zervos rencontre Picasso au cours de ses premières années dans l’édition alors qu’il travaille pour L'Art d'aujourd'hui et Les Arts de la maison. L'artiste est bien représenté dès les premiers numéros de Cahiers d’art, mais c’est surtout à partir de 1929 qu’il s’impose comme l’artiste central de la revue.

Bien qu’amicale − comme en témoignent notamment les lettres envoyées par Zervos à Picasso au début de la Deuxième Guerre (Zervos et Cahiers d’art, pp. 161-164) − la relation entre les deux hommes n'est pas sans heurts ni rapports de force, lesquels s’exercent à propos de l’existence même, voire de la survie de la revue. « En 1929, écrit Christian Derouet, s'était instaurée une relation exceptionnelle entre les "hommes d'affaires" du peintre et le rédacteur-propriétaire de la revue. Renonçant gracieusement mais tacitement à ses droits d'auteur et engageant une forte somme d'argent, Picasso incitait l'éditeur à entreprendre la publication d'un catalogue sommaire illustré de son œuvre peint et dessiné. En confiant à Zervos le soin de constituer, conserver et gérer son iconothèque, rue du Dragon, Picasso préservait sa liberté commerciale, contournant Paul Rosenberg, son marchand, et ses courtiers occasionnels. Cet accord providentiel entraînait pour Zervos, menacé régulièrement de faillite, des effets pervers. […] il n'était plus maître des sommaires de Cahiers d'art, qui devint progressivement l'organe de propagande d'un maître exclusif. » (Zervos et Cahiers d’art, p.155.)

En 1945, Zervos, quoique toujours admiratif, confie à l'artiste américaine Mary Callery : « Il y a quelque chose qui ne va plus avec Picasso ; on dirait que la gloire et la folie des grandeurs lui ont tourné la tête […] Peut-être a-t-il besoin de cela pour travailler car son travail ne se ressent pas de sa vie. Il est absolument excellent » (Zervos et Cahiers d’art, p.167).

Les volumes du catalogue de l’œuvre de Picasso paraissent régulièrement, même après la mort de Zervos, jusqu’en 1978 atteignant le nombre de 22 volumes tout en restant inachevé. (Zervos et Cahiers d'art, p.155.)

Couverture du Cahiers d’art n° 7-10, 1935 : Picasso – 1930-1935,
édité à l’occasion de l’exposition « Picasso » organisée par l’Adlan
(Amigos de las Artes Neuvas) à Barcelone en janvier 1936
et à Madrid en mars-avril 1936

Couverture du Cahiers d’art n° 3-10, 1938 : Picasso (parait début 1939)

Parallèlement, des numéros monographiques de la revue sont régulièrement consacrés au maître, en 1932, 36, 37, 38... Dans un numéro de 1935, n° 7-10 qui présente les œuvres récentes de l’artiste, Zervos publie une Conversation avec Picasso : une discussion à bâtons rompus qui a eu lieu à Boisgeloup, au moment de la confection du numéro, où Picasso explique sa manière de réaliser des tableaux. Le numéro contient aussi, fait exceptionnel dans la revue, une planche en couleur.

Enfin, Zervos lui consacre de nombreuses expositions à la galerie Cahiers d’art, et plus tard à la galerie MAI ouverte par Yvonne en 1939, la dernière − une exposition de « Peintures et dessins récents » − étant organisée en 1970, à l’initiative d’Yvonne, au Palais des Papes à Avignon.

4. Christian Derouet, Zervos et Cahiers d'art, opus cité, p. 154.

 

MATISSE, l'autre grand maître

Matisse est l'autre grand maître représenté dans la revue avec de nombreux articles consacrés à son œuvre, essentiellement ses dessins et ses réalisations en lien avec l’architecture. Dès le premier numéro, Zervos publie un texte sur des lithographies récentes. Une monographie centrée sur ses dessins est publiée en 1936. Puis les articles se raréfient : huit articles seulement paraissent dans les Cahiers entre 1936 et 1960 (pour une trentaine sur Picasso durant la même période). Zervos n’expose jamais Matisse à la galerie des éditions, ni Yvonne à la galerie MAI. L'omniprésence de Picasso dans la revue ne lui laissait-elle que trop peu de place ? Ou Matisse préférait-il collaborer avec les éditeurs de Verve, qui publiaient des reproductions quasiment toutes en couleurs ?

 

Kandinsky, une relation chaleureuse pendant plusieurs annÉes

Vassily Kandinsky, Composition IX, 1936
Au verso, inscription de l’artiste au crayon : Haut ! Top ! / N° 626 / 1936
« L’un et l’autre » / 195 x 114
Cette peinture a été reproduite (à l’envers) dans l’Histoire de l’art contemporain publiée par Zervos en 1938

Accompagné du galeriste allemand Alfred Flechtheim, Zervos rend visite à Kandinsky, en même temps qu’à Klee, en 1928, alors que les deux peintres enseignent au Bauhaus de Dessau. À cette époque, Zervos est très proche des artistes de cette école et tient régulièrement la chronique des événements qui s’y déroulent. Il rend compte des travaux de Gropius, Mies van der Rohe, invite le photographe Moholy-Nagy à publier un long article en 29.

Peu après leur rencontre, les deux hommes échangent une correspondance régulière qui leur permet de nouer, pendant plusieurs années, une relation chaleureuse, s’informant mutuellement de l’actualité artistique de leurs pays. Si Klee est apprécié du milieu parisien, Kandinsky, malgré son séjour à Sèvres entre 1906 et 1907 et ses envois aux Salons avant 1912, en est oublié et Zervos aura à cœur de l’aider à trouver une place dans l’évolution de la peinture contemporaine (Zervos et Cahiers d’art, Christian Derouet, p.53). À cet effet, il lui consacre des articles, une monographie en 1931 et organise des expositions de son œuvre à plusieurs reprises. Une brouille interrompt cette relation à l’occasion d‘une exposition qu’il présente avec son épouse au Musée du Jeu de Paume en juillet 1937, dans laquelle il a mis en avant l’art africain, le cubisme et… Picasso. À l'entrée de l'exposition trône une sculpture du maître, accompagnée d'une pièce de l'un de ses proches, Julio Gonzalez. Puis, en guise de compte-rendu, il signe un article dans Cahiers d’art où il présente ces artistes comme les seuls créateurs contemporains véritablement animés par la passion de l’art. Outre d’en être exclu, Kandinsky lui reproche de négliger par trop l’art abstrait.

Est-ce pour cette raison que les documents relatifs à Kandinsky conservés par Zervos ont été retrouvés bien des années plus tard parmi les documents commerciaux et comptables et non dans les archives concernant les artistes ? (voir le témoignage d’Yves de Fontbrune, Zervos et Cahiers d’art, p.17). De même, chez Kandinsky, les numéros de Cahiers d’art ont été retrouvés en désordre au lieu d’être rangés dans la bibliothèque de l’artiste… Les deux hommes se sont tout de même réconciliés dans les dernières années de la vie de Kandinsky pendant la guerre, rapprochés par l’expérience commune d'être tous deux des apatrides, réfugiés à Paris.

 

Klee, LÉger, Calder

Anonyme. Exposition « Fernand Léger », galerie MAI, 1er-30 mars 1940
21 x 28,5 cm
Écartée des six photographies de l’accrochage reproduites dans Cahiers d’art, n° 3-4, 1940, pp. 72-74

D’autres artistes ont moins d’importance au sein de Cahiers d’art, mais restent très appréciés de Zervos. Il rencontre Klee à Dessau en même temps que Kandinsky, lui consacre aussi une monographie en 1929, mais ne développe pas la même relation suivie qu’avec Kandinsky.

Léger est aussi bien représenté et de plus en plus au fur et à mesure des années : dès 1926, un article monographique de Maurice Raynal paraît dans la revue. En 1927, Zervos lui-même écrit sur Léger. En 1928, c’est au tour de Tériade, alors collaborateur à Cahiers d’art. Même au-delà de la mort de l’artiste en 1955, jusqu’au dernier numéro, Zervos lui reste fidèle et publie un article sur l'ouverture en mai 1960 du Musée Fernand Léger de Biot. Léger bénéficie aussi d’expositions : en 35 à la galerie des éditions, puis en 37, et de nouveau en 40 à la galerie MAI. Enfin, Zervos publie une monographie en 1952.

Marc Vaux (1895-1971). Portrait d’Alexander Calder
12 x 19 cm

Très attaché à la sculpture, l’éditeur soutient aussi Calder qu’il a rencontré durant le séjour parisien de l’artiste. S’il publie sur lui un article général dans Cahiers d’art dès 1933, c’est toutefois après 1937 et la fontaine réalisée pour le pavillon républicain espagnol que Zervos reconnaît en Calder un immense artiste. Il publie un éloge de ses mobiles en 1939, et lui consacre une exposition en 54, dans laquelle un mobile est suspendu au plafond de la galerie : resté dans la collection personnelle de Zervos, il est aujourd’hui l’une des plus belles pièces conservées au Musée Zervos de Vezelay.

 

Les surrÉalistes, les annÉes 30

A partir du début des années 30, Zervos se rapproche du surréalisme. En 1935, en écho à  deux expositions organisées par le mouvement à Copenhague et à Ténérife, il coordonne avec André Breton la réalisation d’un numéro double (n°5-6) qui rassemble des contributions des principaux poètes et artistes surréalistes. Paul Éluard publie un article, « La Nuit est à une dimension », richement illustré de photos de masques esquimaux. Man Ray compose deux pages alliant texte et image, « Le réalisme photographique » et « À l’heure de l’observatoire les amoureux ». Salvador Dali poursuit son exploration des ressources de l’inconscient dans l’art avec le texte « Les eaux où nous nageons ». Puis, de manière plus inattendue, un texte de Vassily Kandinsky intitulé « Toile vide, etc. » sur le vide, la simplicité et la symbolique des couleurs, s’y trouve mêlé. Est-ce à dire que Zervos l’apparentait au surréalisme ?

Cahiers d’art, 1936, n° 1-2,
double page [64-65] extraite du numéro spécial L’Objet
Légende : « Max Ernst, Objets incorporés ;
Man Ray, L’Orateur ; A. Calder, Objet mobile ;
Max Ernst, Objet mobile »

En 1936, c’est un numéro double sur l’objet, thème cher au surréalisme et avant-gardiste pour l’époque, qui paraît : il traite de l’objet sous divers aspects, « objets mathématiques, naturels, objets sauvages, objets trouvés… », dit la page de garde, en écho à une exposition sur le même thème à la galerie Charles Ratton, présentée quelques pages avant. Zervos rédige l’introduction « Mathématiques et art abstrait » qui commence avec, en exergue, une citation tirée de L’Immaculée conception de Breton et Éluard. Ce texte, qui traite en réalité de l'imaginaire suscité par les « objets mathématiques » plus que d'art abstrait, permet de comprendre comment la pensée spirituelle d’inspiration néo-platonicienne de Zervos rencontre les thèses surréalistes sur le travail de l’inconscient dans l’art.

Parmi de nombreux articles, certains se distinguent par leur originalité, tel celui de Claude Cahun, « Prenez garde aux objets domestiques », accompagné de nombreuses reproductions d’œuvres surréalistes surprenantes (par exemple la tasse en fourrure de Meret Oppenheim). Un grand article sur Marcel Duchamp, « Cœurs volants », signé de Gabrielle Buffet, présente de manière exhaustive l’œuvre de l’artiste, à l’époque peu connu. Y figurent aussi un long texte d’Éluard sur des masques primitifs, « L ‘habitude des tropiques », et un essai de Breton intitulé « Crise de l’objet illustré » avec des images de fossiles.

Man Ray, Objet de figure mathématique (?)
23 x 9 cm

D’autres artistes surréalistes sont également proches de Zervos ou d’Yvonne. Au fil du temps, Victor Brauner devient le protégé d’Yvonne qui l’expose régulièrement après-guerre. Elle fréquente aussi René Char et collabore avec lui à la production de ses films.
Mais l’artiste surréaliste le plus proche de Zervos est Man Ray. Présent dès les premiers numéros en tant que photographe d’œuvres et portraitiste d’artistes, Man Ray publie ensuite des textes, des expérimentations photographiques, des peintures. C’est, par exemple, lui, qui illustre avec des photos de structures abstraites le texte sur les objets mathématiques précédemment cité. Même s’il ne lui consacre pas d’article monographique dans sa revue, Zervos n’aura de cesse de le défendre, comme en témoigne la lettre qu’il adresse à Breton en 1932 (Lettre à Breton à propos de Man Ray, 9 décembre 1932, voir la reproduction dans Zervos et Cahiers d’art, p.212) : « Je regrette beaucoup de n'avoir pas reçu votre article sur Man Ray, mais j’espère que vous pourrez me le donner au début du mois de janvier. Je crois que ce serait bien pour Man Ray, parce qu’il n’est pas mal attaqué et mis en infériorité par plusieurs personnes, par rapport à d’autres artistes américains. Et il n’y a que vous pour faire ressortir ce qu’il y a d’autres choses dans l’œuvre de Man Ray que la simple bonne photo ». Zervos organise une exposition de ses œuvres rue du Dragon en 1935.

 

 

Le fonds Cahiers d’art à la Bibliothèque Kandinsky retour sommaire

Grâce à la générosité d’Yves de Fontbrune, acquéreur de la librairie-galerie Cahiers d’art en 1979, qui a fait donation au Musée national d’art moderne au début des années 90 de nombreux documents, et aux recherches de Christian Derouet, conservateur général honoraire du patrimoine et conservateur du Musée Zervos à Vézelay, un fonds Cahiers d’art a pu être constitué qui est devenu, avec le fonds Kandinsky qu’il recoupe et complète, l’un des plus importants fonds conservés à la Bibliothèque Kandinsky.

Essentiellement constitué de documents iconographiques quelque 15 000 clichés − adressés par les artistes à Zervos, il offre un témoignage inestimable sur la création du 20e siècle. Parmi ces clichés, environ 1 300 concernent l’architecture, les autres l’art du 20e siècle − les documents relatifs à l’archéologie et à l’ethnologie ayant été offerts par Yves de Fontbrune à l’INHA.

Le fonds comporte aussi de nombreuses correspondances de Zervos avec des artistes et d'autres acteurs du monde  de l'art de l'époque : par exemple, ses lettres à Kandinsky qui complètent le fonds Kandinsky entré à la bibliothèque en 1981, sa correspondance avec Léger, Calder, le galeriste allemand Flechtheim… Enfin, il contient des documents commerciaux qui renseignent très précisément sur le fonctionnement d’une maison d’édition durant l’entre-deux-guerres.

Comme le souligne Yves de Fontbrune, dans l’ouvrage de Christian Derouet qui vient de paraître aux éditions du Centre Pompidou, Zervos et Cahiers d’art, ces archives « pourraient ainsi apporter une contribution tant à l’histoire de l’art à Paris au cours des années 30 et 40 qu’à celle, restant à écrire, de l’un des acteurs importants de cette même histoire, Christian Zervos. » (Zervos et Cahiers d’art, entretien avec Yves de Fontbrune, par Christian Derouet, p.17.)

 

 

Textes de rÉfÉrence retour sommaire

Christian Zervos

Les textes théoriques de Zervos manifestent son intérêt pour les questionnements philosophiques et spirituels, hérités de ses études en philosophie. Cette richesse intellectuelle lui permet de mettre en perspective l’art de son temps et d’y voir plus qu’une simple création formelle.

« Œuvres d’art océaniennes et inquiétudes d’aujourd’hui » (extrait)
Texte d’introduction au numéro double sur les arts océaniens, n°2-3, mars-avril, 1929

« Si nous consacrons une livraison entière de nos Cahiers aux œuvres d’art, et d’une manière générale, à la culture des peuplades océaniennes, ce n’est pas seulement pour satisfaire les curiosités artistiques de nos lecteurs.

En leur présentant les œuvres d’art océaniennes, nous avons surtout cherché à placer nos lecteurs devant des problèmes auxquels notre époque se dérobe volontairement.

On ne saurait nier qu’à l’heure actuelle l’esprit subit une mécanisation de plus en plus accusée qui nous éloigne progressivement de toute vie intérieure. Des empêchements nombreux surgissent à chacune de nos intentions pour faire obstacle à l’affranchissement de notre conscience  et des entraves gênantes restreignent notre âme jusqu’à l’étouffement.

Rien donc de plus explicable que de voir l’art lui-même réduit de notre temps aux limites étroites de la forme au détriment du sentiment et de l’imagination qui éclairent les formes de leur poésie.

Seuls quelques artistes, auxquels on ne cesse d’ailleurs de reprocher leurs libertés d’imagination et le caractère aventureux de leur œuvre, laissent aujourd’hui de vives inquiétudes spirituelles traverser leurs besoins plastiques. Chez eux, le fait non voulu dépasse en intensité le fait voulu et les ramène, du moins pour quelque temps et pour quelques œuvres, à cet état d’activité qui paraît déjouer tous les calculs. »

 

Correspondance ZERVOS / KANDINSKY

A l’opposé de ses textes théoriques, la correspondance de Zervos avec les artistes montre un homme très affairé, toujours pressé, plongé dans les problèmes concrets de l’édition et de la diffusion de l’art. Sa correspondance avec Kandinsky, entretenue durant les années où le peintre enseigne au Bauhaus, révèle son attachement à l’art qui se pratique alors en Allemagne et les liens qu’il n’a cessé de tisser avec ce pays jusqu’à la guerre.

Lettre de Christian Zervos À Vassily Kandinsky, 5 janvier 1928 (1)
Vassily Kandinsky. Correspondances avec Zervos et Kojève, Cahiers du Musée national d'art moderne, Hors-série Archives, 1993

Cher Monsieur Kandinsky,

Je n’ai pu répondre plus tôt à votre aimable lettre parce que j’étais toujours en voyage […].

Je pense pouvoir être à Dessau les premiers jours de février aussitôt que le n°1 1928 des CAHIERS D’ART paraîtra. Ce numéro, ainsi que tous les numéros de l’année 1928 paraîtront également en langue allemande. J’ai loué à cet effet un bureau à Berlin, 3 Courbierstr. Berlin W 62. Le but de ce bureau est aussi de servir de moyen de liaison entre artistes allemands et français. Ainsi je serai plus à même de surveiller l’œuvre des artistes des deux pays et organiser des expositions à Paris et à Berlin. Somme toute je voudrais que les préjugés qui séparent l’œuvre des artistes des deux pays disparaissent et organiser des expositions à Paris et à Berlin. Avec de la bonne volonté nous réussirons sûrement.

Aussi je vous prie de bien vouloir de votre côté recommander la revue à des amis, car si chaque personne que je connais chez vous prenait réellement intérêt à CAHIERS D’ART, ma force deviendrait encore plus grande et je pourrais davantage agir auprès des amateurs et des marchands de tableaux.

Mes amitiés les plus respectueuses à Madame Kandinsky. Bien cordialement à vous,

Christian Zervos

(1) La réponse de Kandinsky à cette lettre a disparu.

Lettre de Vassily Kandinsky À Christian Zervos, 15 mars 1930 (2)
Vassily Kandinsky. Correspondances avec Zervos et Kojève, Cahiers du Musée national d'art moderne, Hors-série Archives, 1993

Cher Monsieur Zervos,

J’ai reçu hier le catalogue de mon exposition envoyé par l’édition « Cahiers d’art » et je m’empresse de vous remercier cordialement pour vos soins et le beau texte que vous m’avez fait l’honneur d’écrire sur mon art. Je suis très, très content des reproductions et des autres articles […].
En étant ces derniers jours à Dresde j’ai reçu encore une surprise en entendant de M. Grohmann du livre que vous voulez éditer sur mon art. Vous comprendrez, cher Monsieur Zervos, que cette nouvelle m’a fait vraiment très heureux. M. Grohmann s’intéresse comme je vois beaucoup pour son travail dans ce livre, qu’il a l’intention de commencer bientôt.
C’est assez sûr que je pourrais faire un cadeau à ma femme – un voyage à Paris pendant les Pâques et nous pensons tous les deux avec un grand plaisir à vous revoir. Ou avez-vous peut-être l’intention de visiter l’Allemagne avant la fin d’avril ? Vous m’avez fait tant des plaisirs et je voudrais me montrer reconnaissant d’une sorte agréable pour vous. Permettez-moi d’en parler quand nous nous reverrons. Peut-être ça vous ferait plaisir d’avoir une toile de moi – dans ce cas nous pourrions choisir ensemble dans mon atelier ou à Paris, où je voudrais que mes toiles restent encore quelques semaines après l’exposition.
Ça m’était très agréable d’entendre les succès des « Cahiers d’art » en Amérique et je peux constater avec une grande satisfaction la popularité croissante de vos « Cahiers » en Allemagne. En étant ces jours à Dresde j’ai très souvent entendu parlé des numéros différents et en général du journal comme « le meilleur à la domaine d’art ». D’où prenez-vous tout ce matériel toujours tellement différent et important ? […].

Votre Kandinsky

(2) Le texte est ici reproduit tel qu’il a été écrit par Kandinsky, avec ses quelques fautes de syntaxe bien pardonnables pour un artiste russe qui s’exprime en français.

 

 

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1889
Naissance de Kristos Zervos en Grèce.

Début des années 10
Arrivée de Zervos à Paris.

1918
Soutenance de sa thèse de philosophie à la Sorbonne.

1923
Il s’initie à l’édition en travaillant pour Albert Morancé et deux de ses périodiques, L'Art d'aujourd'hui et Les Arts de la maison.
Rencontre avec Picasso.

1926
Création de la revue Cahiers d’art.

1928
En janvier, accompagné d’Alfred Flechtheim, un galeriste allemand, il se rend à Dessau pour y rencontrer Klee et  Kandinsky.
Rencontre avec Yvonne.

1931
Dans la série des monographies éditées par Cahiers d’art, paraît celle consacrée à Kandinsky, avec des textes de l’historien de l’art allemand Will Grohmann.

1932
Mariage avec Yvonne.
Parution du premier volume du catalogue de Picasso.

1934
Ouverture de la galerie des Cahiers d’art dans les locaux des éditions : sont présentées des peintures de Kandinsky.

1937
Achat de la ferme à la Goulotte, sur la commune de Vézelay où les Zervos se réfugieront pendant la guerre.

1939
Yvonne ouvre la galerie MAI (Meubles Architectures Intallations). Elle y exposera Léger, Picasso, Brauner…

1940
Après avoir tenté en vain de poursuivre son travail d’édition, Zervos suspend la parution de sa revue. Les Zervos s’installent à Vézelay.

1945
Reprise de la parution de la revue.

1947
Les Zervos organisent une première exposition au Palais des Papes d’Avignon où ils montrent des peintures et des sculptures contemporaines.

Joaquin Gomis. « Exposition de peintures et sculptures contemporaines »,
Palais des Papes, Chapelle Clémentine, 27 juin-30 septembre 1947
Au premier plan, posées sur des dalles funéraires,
trois sculptures : Hans Arp, La Culbute, 1935, bronze ;
Alexander Calder, Objet explosif, 1946, mobile ;
(coll. Louis Carré) ; Alberto Giacometti, Figure-Objet
[Femme égorgée], 1934, bronze
17,5 x 17,5 cm


1948
Yvonne se lance dans la production cinématographique en collaborant au film de René Char Sur les Hauteurs qui sortira, sans succès, l’année suivante.

1960
Parution du dernier numéro de Cahiers d’art.

1970
Les Zervos organisent une exposition Picasso au Palais des Papes d’Avignon. Yvonne n’aura pas le temps de voir le fruit de ce travail, elle meurt en janvier. L’exposition ouvre le 1er mai.
Christian Zervos meurt en septembre et lègue sa maison à la ville de Vézelay.

1979
Achat de la librairie-galerie Cahiers d’art par Yves de Fontebrune, fils du principal collaborateur de Zervos.

Anonyme. Marc de Fontbrune (1909-1995)
devant la galerie Cahiers d’art, 1957
13 x 18 cm

1982
Création de l’association Fondation Christian et Yvonne Zervos qui gère le Musée Zervos de Vézelay.

1989
Début de la constitution du fonds Cahiers d’art à la Bibliothèque Kandinsky.

 

 

Bibliographie sÉlective retour sommaire

Ouvrages

Christian Derouet, Zervos et Cahiers d’art, Paris, Centre Pompidou, 2011
Cahiers d’art. Musée Zervos à Vézelay, sous la direction de Christian Derouet, Paris, Hazan, Conseil général de l'Yonne, 2006
La collection Zervos de Vézelay, Paris, Assemblée nationale, 1996
Vassily Kandinsky. Correspondances avec Zervos et Kojève, Cahiers du Musée national d'art moderne, Hors-série Archives, 1993
L’art abstrait des années 50 dans le Legs Zervos, préf. de Dora Vallier, Vézelay, 1985
Hommage à Christian et Yvonne Zervos, Galeries nationales du Grand Palais [Paris], 11 décembre 1970-18 janvier 1971.

Tous les numéros de Cahiers d’art sont consultables en accès libre à la Bibliothèque Kandinsky.

Liens internet

Le Musée Zervos à Vézelay
Catalogue de la Bibliothèque Kandinsky

 

Dossiers pédagogiques

La diffusion de l’art à travers les revues, collections du Musée, Bibliothèque Kandinsky
Pablo Picasso, collections du Musée
Henri Matisse, collections du Musée
Vassily Kandinsky, collections du Musée
Kandinsky, exposition
Fernand Léger, collections du Musée
Calder les années parisiennes, 1926-1933,
La Subversion des images, exposition
La Révolution surréaliste, exposition
L’Art surréaliste, collections du Musée

 

 

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