Dossiers pédagogiques/Collections du Musée
Un mouvement, une période

 

 

art conceptuel

 

 


Joseph Kosuth, One and Three Chairs, 1965

L'Art conceptuel : " Ce qui permet à l'art d'être art "

Les artistes et leurs œuvres
Sol LeWitt, 5 Part Piece (Open Cubes) in Form of a Cross, 1966-1969
Robert Morris, Card File, 1962
Joseph Kosuth, One and Three Chairs, 1965
Stanley Brouwn, Trois Pas = 2587mm, 1973
Art & Language, Singing Man, 1976
Lawrence Weiner, Stones + Stones. 2 + 2 = 4, 1987

Texte de référence

Chronologie

Bibliographie sélective

Ce dossier s’inscrit dans une série Un mouvement, une période, qui sera régulièrement augmentée dans cette partie du site.
- Ces dossiers sont réalisés autour d’une sélection d’œuvres des principaux mouvements ou tendances représentés dans les collections du Musée national d’art moderne.
- S’adressant en particulier aux enseignants ou aux responsables de groupe, ils ont pour objectif de proposer des points de repères et une base de travail pour faciliter l'approche et la compréhension de la création au 20e siècle, ou pour préparer une visite au Musée*.

Chacun de ces dossiers comporte :
- une présentation générale permettant de définir et de situer le mouvement dans un contexte historique, géographique et esthétique,
- une sélection des œuvres des collections du Musée les plus représentatives, traitées par fiches comportant une notice d’œuvre, une reproduction et une biographie de l’artiste,
- un ou plusieurs textes de référence apportant en complément une approche théorique,
- une chronologie,
- une bibliographie sélective.


*À NOTER
Les collections du Musée comportent 65 000 œuvres. Régulièrement, le Musée renouvelle les œuvres présentées dans ses espaces situés aux 4e et 5e niveaux du Centre Pompidou. Les dossiers pédagogiques sont réalisés en lien avec ces accrochages.

Pour en savoir plus sur les collections du Musée : www.centrepompidou.fr/musee

 

L'Art conceptuel : "ce qui permet à l'art d'être art"

L’Art conceptuel n’est pas un mouvement structuré, ni même une tendance univoque. Il concerne plutôt des artistes qui ont pour première exigence d'analyser ce qui permet à l’art d’être art, analyse qui elle-même se conduit selon deux grandes orientations.

D’une part, avec un artiste comme Sol LeWitt, suivi de Dan Graham, l’Art conceptuel reçoit une acception large, fondée sur l’affirmation de la primauté de l’idée sur la réalisation. En conséquence, tout un pan de l’histoire de l’art peut être qualifié de "conceptuel", depuis le 15e siècle avec l'appartenance de la peinture aux arts libéraux où le travail de l'esprit tient la plus grande part : l'art est "cosa mentale" avait écrit Léonard de Vinci. En somme, tout artiste qui privilégie le "disegno", la conception par le biais du dessin, participe de l’Art conceptuel.

Pour Sol LeWitt, tout le cheminement intellectuel du projet (gribouillis, esquisses, dessins, repentirs, modèles, études, pensées, conversations) a plus de valeur que l'objet présenté. "La couleur, la surface, et la forme ne font qu'accentuer les aspects physiques de l'œuvre. Tout ce qui attire l'attention sur le physique d'une œuvre nuit à la compréhension." (Artforum, été 1967).

D’autre part, une acception restreinte de l'Art conceptuel est circonscrite par Joseph Kosuth ou le groupe d’origine anglaise Art & Language à travers la revue du même nom. Il s’agit de limiter le travail de l’artiste à la production de définitions de l’art, de répondre à la question "Qu’est-ce que l’art ?" par les moyens de la logique (Cf. texte de référence de Kosuth). A la primauté de l’idée, se substitue ici celle de l’exigence tautologique : définir l’art et rien que l’art sans se contredire. Le but de cette restriction de l’activité artistique est de refuser toute visée métaphysique, jugée comme incertaine, pour n’évoluer que dans le domaine du fini, assurément viable.

Outre Joseph Kosuth et Art & Language, de nombreux artistes ont contribué à cette recherche, notamment Robert Barry, On Kawara, Lawrence Weiner aux Etats-Unis, Victor Burgin en Grande-Bretagne, Bernar Venet et Daniel Buren en France, et ont assuré son développement international.

En résumé, la divergence des deux interprétations dépend de ce que l’on entend par "conceptuel" : l’idée ou la tautologie. Cependant, si cette distinction peut sembler subtile, on ne peut en négliger les implications : à travers l’opposition des deux orientations de l’Art conceptuel, c’est le choix de l’infini ou du fini qui est en jeu.

Bien que remettant en cause l’objet et sa production, l'Art conceptuel n'a cependant jamais pu se passer de réalisations formelles qui se matérialisent le plus souvent par la photographie ou l'édition de livres et de catalogues, mais aussi de diagrammes, de schémas, de plans, de fichiers et d'installations diverses.

La spécificité de l'Art conceptuel est parfois difficile à cerner tant par la diversité des démarches artistiques que par l'ampleur de son influence sur différentes tendances contemporaines qui prouve sa vitalité.

 

Les artistes et leurs Œuvres

La plupart de ces textes sont extraits ou rédigés à partir des ouvrages La Collection, Musée national d’art moderne, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1987, et La Collection, Acquisitions, 1986-1996, Ed. du Centre Pompidou, Paris, 1996.

Sol LeWitt 
Hartford, Connecticut, 1928 - New York, 2007

Sol LeWitt, 5 Part Piece (Open Cubes) in Form of a Cross, 1966-1969
(Pièce en cinq unités (cubes ouverts) en forme de croix)
Acier peint (laque émaillée)
160 x 450 x 450 cm
© Adagp, Paris

Cette œuvre, emblématique de la sculpture de Sol LeWitt, illustre un principe de construction des formes qu’il met en place à partir de 1965. Ses sculptures deviennent des structures modulaires : des constructions qui répètent et ordonnent une même unité en suivant des principes de progression géométrique. 5 Part Piece (Open Cubes) in Form of a Cross, comme l’énonce son titre, se compose de cinq cubes évidés émergeant d’un plan en croix. Plus précisément, quatre cubes disposés en croix font apparaître un cinquième élément central et virtuel, formé par les arêtes des autres cubes.

Cette œuvre hérite de l’expérience acquise par Sol LeWitt auprès des artistes de l’Art minimal : les formes sont posées à même le sol pour remettre en cause l’usage du socle dans la sculpture classique ; elles sont peintes en blanc, afin d’éliminer toute qualité de représentation et d’expression.
Mais elle applique un postulat énoncé par Sol LeWitt tour à tour en 1967 et 1969 dans ses deux grands textes "Paragraphs on conceptual Art" et "Sentences on conceptual Art" : l’œuvre n’est que l’illustration d’une idée. Ni ses détails matériels, ni ses limites dans l’espace, n’ont d’importance. En droit, elle pourrait se développer à l’infini.
Avec ce parti pris théorique, Sol LeWitt quitte l’Art minimal pour l’Art conceptuel. Grâce à la prédominance de l’idée, "l’art devient la machine qui fabrique l’art".

Biographie

Après des études d’art, Sol LeWitt travaille comme graphiste auprès de l’architecte I. M. Pei. De cette expérience, il retient d’idée de la supériorité d’un projet sur sa réalisation.
Il élabore ses premières œuvres autour de 1962, des tableaux en relief où se mêlent des mots et des formes géométriques.

Sa première exposition personnelle a lieu à New York en 1965, année de l’apparition de ses structures modulaires. Il expose alors avec les artistes de l’Art minimal, notamment à la célèbre exposition collective du Jewish Museum de New York, Primary Structures, en 1966.

A partir de 1967, il rompt avec l’Art minimal en qualifiant son travail de "conceptuel". Il s’oriente vers la création d’œuvres qui se réduisent de plus en plus à des modèles, voire de simples textes indiquant les opérations à effectuer pour leur réalisation. Il conçoit ainsi à partir de 1968 des Wall Drawings, fresques à composer par la répétition d’un motif géométrique en couleurs primaires. Quant à l’authentification de ses œuvres, Sol LeWitt utilise des certificats, ouvrant la voie par ce système à d’autres artistes comme Daniel Buren ou Lawrence Weiner.

Plus récemment, ses Wall Drawings réintroduisent un espace illusionniste, des couleurs plus subtiles, et une technique graphique plus complexe.
Ses dernières œuvres réconcilient la sculpture et le dessin par la création d’ensembles conçus in situ, où des Wall Drawings multicolores font écho à de grands solides blancs et irréguliers.

Sol LeWitt au musée Guggenheim

 

Robert Morris 
Kansas City, 1931

Morris-M.jpg (3165 octets) Robert Morris, Card File, 1962
(Fichier)
Tiroir de fichier métallique, monté sur planche de bois, fiches cartonnées
68,5 x 27 x 4 cm
© Adagp, Paris

Card File (en français tout simplement fichier) répond au projet d’une œuvre entièrement tautologique, qui n’est constituée que de sa propre histoire : rien qu’une série de fiches, alignées dans un classeur de type Cardex, regroupant par ordre alphabétique les données constitutives de l’œuvre. A "Décision", on peut lire la liste des premières fiches et la date de leur choix ; à "Erreurs" le recensement des fautes d’orthographe contenues dans les autres fiches ; à "Titre" le titre ; à "Signature" la signature de Morris, etc, la plupart des fiches renvoyant l'une à l’autre. Ce jeu virtuellement infini est arrêté par décision arbitraire au 31 décembre 1962, comme l’indique la fiche "Travail".

Card File anticipe le mouvement de l’Art conceptuel qui s’efforce, dans les années 60 et 70, d’appliquer aux arts visuels un modèle issu de la philosophie du langage (en particulier celui de J. L. Austin, dont les articles ont été publiés sous le titre How to do Things with Words*, littéralement "comment faire des choses avec des mots"). Joseph Kosuth, l'un des principaux acteurs de ce mouvement, reconnaît dans Card File une œuvre fondatrice, d’ailleurs citée dans d’innombrables articles et publications sur l’Art conceptuel comme une référence essentielle.

Biographie

Après avoir fréquenté différentes écoles des beaux-arts, à Kansas City, San Francisco et Portland, Robert Morris pratique tout d’abord la peinture, dans un style proche de celui de Pollock. A la fin des années 50, son intérêt pour la musique et la danse le conduit à New York où il fréquente des musiciens comme John Cage et la Monte Young, avant de rencontrer Jasper Johns et Frank Stella. C’est dans ce contexte qu’il développe l’idée d’un art sans qualités, ni peinture ni sculpture, ses "Formes neutres" ("Blank Form"), dont le principe est très proche de celui des "objets spécifiques" de Donald Judd. Ces formes ont été utilisées comme accessoires au cours de performances réalisées notamment avec Yoko Ono et le Living Theater. Dans le même temps, son intérêt pour Marcel Duchamp lui suggère des objets post-dadaïstes qui jouent avec humour des contradictions entre l’intelligible et le visible.

A partir du milieu des années 60, l’univers de Morris est en place : il inclut à la fois la peinture, le dessin, la sculpture, la danse, le théâtre, la performance - parfois à vocation politique - , le Land Art et les constructions à grande échelle, la pratique de l’empreinte ou du moulage, le film, la vidéo.

Au début des années 80, Robert Morris surprend le public avant-gardiste en présentant des peintures d’apocalypse, enchâssées dans de grands cadres baroques faits de moulages d’ossements et de fragments de corps. Cette nouvelle orientation confirme que Robert Morris est un artiste inclassable.

*J. L. Austin, Quand dire, c’est faire, éd. du Seuil, Paris, 1970, pour la traduction française.

A propos de J. L. Austin et la philosophie du langage sur le site .philosophypages.com
Robert Morris au musée Guggenheim

 

Joseph Kosuth 
Toledo, Ohio, 1945

Kosuth-M.jpg (3559 octets) Joseph Kosuth, One and Three Chairs, 1965
(Une et trois chaises)
Installation : chaise en bois et 2 photographies
200  x 271 x 44 cm
© Adagp, Paris

Cette pièce fait partie des Proto-investigations, série de travaux qui annonce l’avènement de l’Art conceptuel. Rappelant les Philosophical Investigations de Wittgenstein que Joseph Kosuth cite fréquemment, cet intitulé a été choisi rétrospectivement par l’artiste, en fonction de son programme de recherche ultérieur : the First Investigations, the Second… qui s’acheminent vers une réflexion de plus en plus abstraite. Les Proto-investigations désignent en réalité une série d’œuvres conçues dès 1965, mais restées à l’état de notes : "Je ne disposais tout simplement pas de l’argent nécessaire, à cet âge, pour fabriquer des œuvres, et, franchement, il n’y avait pas lieu de le faire, alors que je n’avais pas d’espoir tangible de pouvoir les présenter, et aussi compte tenu de la nature du travail".

Dans One and Three Chairs, un objet réel, une chaise quelconque, est choisi parmi les objets d’usage courant les plus anonymes. Il est placé contre une cimaise, entre sa photographie – son image reproduite par un procédé mécanique – et sa définition rapportée d’un dictionnaire anglais (ou bilingue en fonction du lieu d’exposition). L’ensemble est la triple représentation d’une même chose sans qu’il y ait une répétition formelle. Ce qui est multiplié d’une partie à l’autre de l’œuvre, ce n’est pas la chaise réelle, encore trop particulière malgré sa neutralité, ni la photographie qui ne représente que son image du point de vue du spectateur, ni enfin sa définition qui envisage tous les cas répertoriés de l’emploi du mot "chaise" mais néglige de fait celui de la chaise réelle et de son image. Il s’agit dans les trois cas d’un degré distinct de la réalité de l’objet. Tous trois désignent, par leur association, une quatrième chaise, idéale et invisible dont le concept se trouve ainsi suggéré, bien plus que défini. Là où défaille l’objet, intervient l’image, et là où celle-ci à son tour défaille, apparaît le langage, lui-même insuffisant mais déjà relayé par l’objet.

Biographie

Joseph Kosuth, en réaction contre l’école formaliste américaine, abandonne la peinture sitôt ses études d'art achevées. Pour lui, l’art doit se fonder sur des propositions positives, alors que les questions d’ordre formel ou celles touchant à la personnalité de l’artiste ne le sont jamais absolument. En théoricien de l’Art conceptuel, dont il devient rapidement une figure majeure, il affirme que l’art, par les efforts de l’artiste, ne peut que mettre l’art en question, en l’interrogeant sur sa propre nature : "Le ready-made fit de l’art une question de fonction. Cette transformation – ce passage de l’apparence à la conception – marquera le début de l’art moderne et de l’Art conceptuel. Tout l’art après Duchamp est conceptuel" (Art after philosophy, 1969). Il reprend la formule du peintre Ad Reinhardt "Art as art as art", l’adapte à ses vues "Art as idea as idea", et parvient à une proposition satisfaisante : "l’idée de l’art et l’art sont la même chose". Prenant exemple sur l’analyse logique, il reconnaît que les tautologies sont les seules propositions valables puisque, comme l’art, elles restent vraies en vertu d’elles-mêmes : "L’art est une tautologie. L’art est la définition de l’art".

L’ensemble de son œuvre jusqu’à aujourd’hui s’élabore au plus près de ces schémas. Ses pièces n’apparaissent pleinement à la conscience du spectateur qu’au moment même de la lecture du texte qui y figure. Les objets encore présents dans les Proto-investigations de 1965 disparaissent ensuite pour n'être plus qu'un texte placardé, indice suffisant de l’existence de l’œuvre.

Visiter un site sur Ludwig Wittgenstein (en anglais) 
Joseph Kosuth au musée Guggenheim

 

Stanley Brouwn 
Paramaribo, Suriname, 1935

Stanley Brouwn, Trois Pas = 2587mm, 1973
Casier métallique : 3 tiroirs superposés avec fiches blanches imprimées
46 x 19,8 x 39,7 cm
Achat 1989
AM 1989 - 199

Cette œuvre appartient à un projet gigantesque entrepris à partir de 1971, lequel consiste pour l’artiste à compter ses pas avec la plus grande précision possible, et à établir des mesures entre son corps, ses déplacements et le territoire dans lequel il évolue.
Intitulée de manière précise et tautologique, Trois Pas = 2587 mm, elle est constituée de trois casiers métalliques. Chaque casier contient des fiches dont chacune porte la mention 1 mm, mesure qui, en s’additionnant selon le nombre de fiches, totalise la longueur d’un de ses propres pas : soit successivement 864 mm, 860 mm et 863 mm.
Peu importe ici les circonstances et le contexte du déplacement sur lesquels l’artiste ne s’exprime pas : seule la mesure des trois pas fait sens.

Par la suite, Stanley Brouwn synthétise son rapport au monde dans des dessins réduits à deux traits parallèles, par exemple dans One Meter, One Step. L’œuvre intitulée 1x1 m, 1x1 pas, 1x1 coudée, 1x1 pied, renvoie à l’unité de mesure linéaire, et à la mesure de son propre corps exprimée en mesure ancienne.
Ces œuvres se dérobent à toute appréciation de qualité au sens traditionnel. Leur titre recouvre exactement ce qu’elles montrent. Elles ne signifient rien d’autre que ce qu’elles exhibent : le rapport entre une expérience concrète et l’espace. Ce qui relève peut-être précisément du domaine de l’art.

Biographie

Depuis le début des années 60, Stanley Brouwn refuse tout catalogue personnel contenant d’autres indications que la stricte description des œuvres exposées. Son retrait de toute scène publique (ainsi n’est-il jamais présent à ses vernissages) explique en partie la discrétion dans laquelle est tenu son travail. Il s’agit pourtant d’une œuvre fondée sur une rigueur et sur une cohérence internes, qui en font l’une des œuvres les plus significatives de l’Art conceptuel. Toutefois, à la différence d’autres artistes conceptuels, Stanley Brouwn se situe toujours par rapport à une réalité physique. Son langage se constitue non à l’intérieur d’un champ clos, mais toujours dans un rapport au monde.

Après avoir détruit ses dessins et ses peintures antérieurs, puis côtoyé des artistes de Fluxus, il réalise en 1959 à Amsterdam ses premières expériences : il pose sur le sol des feuilles de papier qui conservent la trace du passage des piétons. En 1960, il commence la série This Way Brouwn, croquis d'itinéraire esquissés par des passants auxquels il demande son chemin et où il impose ensuite son tampon. Ces croquis n’interprètent rien ; ils décrivent une activité à la fois physique et mentale et inscrivent le lien que l’artiste entretient avec l’espace. Bien avant les artistes conceptuels américains, Stanley Brouwn montre que l’art peut naître de situations banales, être une trace de l’échange social qui en découle. L’œuvre n’est plus un objet unique aux qualités esthétiques imposant sa contemplation, mais le constat d’une activité : le déplacement du corps dans l’espace.

A partir de 1964, il systématise sa méthode en associant l’activité décrite au comptage précis des éléments qui la composent.

 

Art & Language 
Formé en mai 1968 à Coventry, Grande-Bretagne, le groupe Art & Language est composé de Terry Atkinson (1939), Michaël Baldwin (1945), David Bainbridge (1941), Harold Hurrell (1940), Charles Harrison (1941-2009), Mel Ramsden (1944), tous de nationalité britannique, Ian Burn (1939-1993) de nationalité autralienne.

Art & Language, Singing Man, 1976
Sérigraphie avec mine de plomb et encre de Chine
76 x 61 cm
Achat 1977
AM 1977 - 661 (1 à 3)

Cette sérigraphie est caractéristique des œuvres conçues par le groupe Art & Language et du vif débat qui s'instaure entre ses membres dans la seconde moitié des années 70 autour de la notion d'art engagé. En faisant allusion à l’art soviétique des années 20, le groupe propose une réflexion critique sur l'enthousiasme de ces avant-gardes et l’ambiguïté des images.

Cette œuvre fait partie d’un ensemble de douze sérigraphies qui portent chacune l’inscription manuscrite d’un couplet de chanson, ici "The Language of Working Class is universal, its lyricism lightens the he/art (le langage de la classe ouvrière est universel, son lyrisme soulage le cœur/art)".
Exposée en 1977 à la galerie Fabre à Paris, cette série était présentée avec un film vidéo montrant les artistes chantant ce couplet. A travers cette parodie d’une chanson populaire, Art & Language pointe, sur un mode ironique, les relations qui tendent à substituer l’art au cœur.

Combinant image et langage, le groupe, qui joue sur les mots (heart = cœur et/ou art), manifeste ses préoccupations centrées sur l’articulation de problématiques sociales et visuelles, et affirme ici ses distances avec la plupart des pratiques artistiques britanniques plus directement engagées dans l’action politique.

Histoire du groupe Art & Language

A partir de 1969, le groupe publie aux Etats-Unis une revue, Art & Language, éditée par Joseph Kosuth. En 1971, Mel Ramdsen (1944) et Ian Burn (1939) le rejoignent. Constitué à un moment où l’art minimaliste semble représenter l’apogée du formalisme et où l’Art conceptuel atteint sa pleine maturité, le groupe fonde son activité, ses "conversations", sur une recherche des relations entre théorie et pratiques artistiques.

Aux premières œuvres de 1966-1967, comme Air Show ou Temperature Show, constituées de rapports rédigés dans le style des protocoles scientifiques sur des expériences imaginaires, succèdent des pièces purement textuelles qui ne renvoient qu'à elles-mêmes.

L'œuvre fondatrice de cette démarche est l'éditorial du premier numéro de la revue paru en mai 1969, texte composé collectivement et non signé, pour contester la notion d'auteur. Cet écrit pose dès ses premières lignes l'hypothèse selon laquelle un texte qui explique ce qu'est l'Art conceptuel est une "œuvre d'art conceptuelle". Il analyse les divers critères qui président à la reconnaissance d'une œuvre d'art : à la suite de Duchamp, le groupe conclut qu'un environnement artistique suffit à la transfiguration d'un objet en art. Ainsi, un texte mentionnant qu'il est destiné à une galerie d'art, deviendrait de ce seul fait une œuvre. L'essai se conclut par une remise en cause de la théorie selon laquelle l'art visuel corrigerait la pensée conceptuelle. "L'utilisation du langage du monde de l'art" peut suffire à faire de l'art.

Depuis la fin des années 70 marquée par le départ de Terry Atkinson qui se consacre à la recherche d'une esthétique marxiste, le groupe recentre son interrogation sur la peinture : elle est présentée comme un "site culturel" dont il s’agit de dégager la spécificité par rapport à d’autres productions intellectuelles, par exemple des textes historiques, politiques ou philosophiques. L’atelier des artistes et le musée deviennent alors des thèmes récurrents et démultipliés d’une vision ironique du monde de l’art, notamment dans les séries des Incidents in a Museum et des Ateliers d’artistes.

 

Lawrence Weiner 
Bronxville (Etats-Unis), 1942

Stones + Stones. 2 + 2 = 4, 1987
Lettres de dimensions variables, peintes en gris et bleu
© Adagp, Paris

Cette œuvre est, comme toutes celles de Weiner depuis 1968, une proposition linguistique écrite sur un mur choisi par le collectionneur ou l'institution détentrice. Les phrases de Weiner sont des titres d'œuvres qu'il a réalisées pour sa part dans son atelier, sans les communiquer au public, et qu'il transmet en offrant la possibilité d'une nouvelle matérialisation. C'est pourquoi Wiener se déclare à de nombreuses reprises sculpteur.

Stones + Stones. 2 + 2 = 4 est composée de cinq œuvres qui constituent des travaux autonomes et qui peuvent être exposées séparément (les cinq énoncés "pierres + pierres" avec des variantes ajoutées). Mais elles forment également un ensemble qui "fonctionne comme un groupe de rock avec cinq membres". Les énoncés peuvent être traduits dans la langue souhaitée et la dimension des lettres est modulable en fonction de la taille du support. En revanche, les inscriptions sont pour cette œuvre nécessairement grises et bleues. La réalisation oscille donc entre liberté et contraintes, comme l’indique l'ensemble des clauses que Lawrence Weiner publie dès 1968 dans la revue Art News pour définir son travail :
"1. L'artiste peut construire le travail.
2. Le travail peut être fabriqué.
3. Le travail peut ne pas être réalisé.
Chacune de ces possibilités étant égale et en accord égal avec l'intention de l'artiste, le choix d'une condition relève du récepteur à l'occasion de chaque réception".

Si le caractère poétique de Stones + Stones. 2 + 2 = 4 est indéniable, l'artiste dit l’avoir conçue également en référence à la situation politique de la Nouvelle-Calédonie en 1986.

Biographie

Les caractéristiques de l'œuvre conceptuelle de Lawrence Weiner ont été élaborées au fil d'une première carrière picturale méconnue. Dans le contexte artistique américain du début des années 60, qui hésite entre une problématique concentrée sur le pouvoir de la peinture et, à l'opposé, l'introduction d'objets quotidiens dans le domaine de l'art, Lawrence Weiner choisit une solution hybride qui consiste à démystifier la peinture en assimilant le tableau à un objet courant. Par exemple, en 1964, il expose à la galerie dirigée par Seth Siegelaub de New York des toiles représentant des hélices vues à la télévision, dont les variations tiennent aux couleurs, aux formats et aux matériaux.

Il s'agit pour l'artiste de contester l'idée qu'une peinture est un objet précieux, le tableau peint n’étant qu'une illustration de "ce que devrait être une peinture".

Plus tard, il peint des tableaux à la manière de Pollock mais contrairement à l'inventeur du Dripping, il n'est pas question ici d'en extraire la meilleure partie, mais d'indiquer le caractère aléatoire de l'œuvre dans sa matérialité. D'ailleurs chez Weiner, la couleur, le format, la dimension sont déterminés par le commanditaire. Ainsi l'œuvre inclut la participation de son destinataire, ce qui devient par la suite un facteur décisif et original de sa production conceptuelle.

En 68, Lawrence Weiner présente dans un espace public une œuvre faite de cordes et de pieux enfoncés dans le sol. Détruite par des passants, ignorant qu'il s'agissait d'art, l'artiste décide de ne plus produire d'œuvre matérielle et de cette anecdote naît sa pratique conceptuelle. Il publie la même année Statements, qui est à la fois un recueil de titres d'œuvres potentielles, et une exposition, puisque l'art conceptuel n'habite plus d'autre lieu que l'espace mental.

Lawrence Weiner au musée Guggenheim
Lawrence Weiner sur le site de artseensoho

 

Texte de référence

Joseph Kosuth, "Art after philosophy I" (extraits), Studio International, octobre 1969.
Première publication en français (version abrégée) dans Art Press, n°1, décembre-janvier 1973. Reproduit dans le catalogue L’Art conceptuel, une perspective, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, seconde édition, 1991, pp.236-241.

Le 20e siècle a vu l’avènement d’une époque dont on pourrait dire qu’elle est celle de la "fin de la philosophie et du commencement de l’art". J’entends bien entendu par là qu’il s’agit d’une "tendance" de la situation. Il est certain que la philosophie linguistique peut être considérée comme l’héritière de l’empirisme, mais c’est une philosophie rigide(1)*.

Par ailleurs, il existe certainement une "condition artistique" à l’art précédant Duchamp. Néanmoins, ses autres fonctions ou raisons d’être sont si accusées que son habilité à fonctionner en tant qu’art limite sa condition artistique au point qu’il ne s’agit plus d’art que de façon minime (2). Il n’y a pas de relation mécanique entre la "fin" de la philosophie et le "commencement" de l’art mais je ne pense pas qu’il s’agisse uniquement d’une coïncidence. Bien que les mêmes causes puissent être responsables de deux faits, c’est moi qui fais le rapprochement. Je soulève ceci pour analyser la fonction de l’art et, conséquemment, sa viabilité. J’agis ainsi pour permettre la compréhension de ma démarche et par implication celle d’autres artistes, en même temps que pour donner une interprétation plus claire du terme "Art conceptuel"(3)…

… Je me propose dans ce chapitre, de généraliser une distinction entre "l’esthétique" et l’art, d’examiner l’art formaliste (parce que l’un des principaux responsables de l’assimilation de l’esthétique et de l’art) et d’établir que l’art est analytique. C’est parce que l’art existe en tant que tautologie qu’il demeure à "l’écart" des présomptions philosophiques.

Il est nécessaire de séparer l’esthétique de l’art parce que l’esthétique concerne des jugements sur la perception du monde en général. Autrefois, l’un des deux pôles de la fonction artistique était sa valeur décoratrice. La tranche de la philosophie qui traitait du "beau", et donc du goût, se trouvait inévitablement dans l’obligation de discuter aussi de l’art. De cette "habitude" naquit l’idée qu’il y avait un rapport conceptuel entre l’art et l’esthétique, ce qui est faux. Jusqu’à ces derniers temps, cette idée n’était jamais directement entrée en conflit avec les considérations esthétiques, non seulement parce que les caractéristiques formelles de l’art perpétuaient cette erreur, mais aussi parce que les autres "fonctions" apparentes de l’art (peinture de thèmes religieux, portraits d’aristocrates, éléments d’architecture, etc.) usaient de l’art pour dissimuler l’art.

Lorsque des objets sont présents à l’intérieur du contexte artistique (et jusqu’à une réponse récente, on a toujours utilisé des objets), ils méritent autant d’être choisis en fonction de considérations esthétiques que n’importe quels objets dans le monde et considérer d’un point de vue esthétique un objet du royaume de l’art signifie que l’existence de l’objet, ou son fonctionnement artistique, est sans rapport avec le jugement esthétique.

La relation entre l’esthétique et l’art ne va pas sans rappeler celle qui existe entre l’esthétique et l’architecture, en cela que l’architecture a une fonction tout à fait spécifique et quelle que soit la qualité de son dessin, il est avant tout relatif à l’accomplissement de sa fonction. Ainsi, les jugements portés sur son apparence correspondent au goût et l’on peut discerner, tout au long de l’histoire, différents exemples, loués à des époques différentes selon l’esthétique particulière à ces époques. La pensée esthétique est même allée jusqu’à emprunter des exemples à l’architecture sans aucun rapport avec l’art, pour en faire des œuvres d’art elles-mêmes (les pyramides d’Egypte).
Les considérations esthétiques sont en fait toujours étrangères à la fonction d’un objet ou à sa raison d’être, sauf, bien sûr, si la raison d’être de cet objet est strictement esthétique. Un objet décoratif est un exemple d’objet purement esthétique dans la mesure où la fonction première de la décoration est "d’ajouter quelque chose afin de rendre plus attrayant, embellir, orner" (4) et ceci est entièrement une question de goût. Ce qui précède nous mène tout droit à l’art "formaliste" et à sa critique (5). L’art formaliste (peinture et sculpture) correspond à l’avant-garde de la décoration et, à vrai dire, on peut raisonnablement affirmer que sa condition artistique est à ce point réduite que fonctionnellement il ne s’agit pas d’art, mais de pures exercices esthétiques. Avant tout, Clément Greenberg** est le critique du bon goût. Derrière chacun de ses choix se trouve un jugement esthétique, reflétant son goût. Et que reflète son goût ? L’époque au cours de laquelle il s’affirma comme critique, celle qui est réelle pour lui, les années cinquante…

… Les critiques tout comme les artistes formalistes ne s’interrogent pas sur l’entité art. Or, comme je l’ai dit ailleurs, être artiste aujourd’hui signifie s’interroger sur l’entité art. Si l’on s’interroge sur l’entité peinture on ne peut s’interroger a fortiori sur l’entité art. Si un artiste accepte la peinture (ou la sculpture), il accepte la tradition qui l’accompagne. Ceci, parce que "art" est un terme général et "peinture" un terme spécifique. La peinture est une forme d’art. En réalisant des tableaux, vous acceptez déjà la nature de l’art (et ne la mettez pas en question). Vous acceptez alors la nature de l’art selon la tradition européenne d’une dichotomie peinture-sculpture.
("Four Interviews", par Arthur Rose, Arts Magazines, fév. 1969).

L’objection la plus solide que l’on puisse soulever à l’encontre d’une justification formaliste de l’art traditionnel est qu’une telle notion referme implicitement une conception a priori des possibilités de l’art. Et un tel a priori sur la nature de l’art (distinct des propositions ou des "œuvres" de forme analytique dont je parlerai plus tard) fait de l’art lui-même un a priori : il est impossible de s’interroger sur la nature de l’art. Et cette interrogation de la nature de l’art est une idée très importante pour comprendre la fonction de l’art.

L’art "moderne" et les réalisations antérieures semblaient liés en vertu de leur apparence formelle. Autrement dit, le "langage" artistique demeurait le même alors qu’il exprimait de nouvelles choses. L’événement qui permit de concevoir et de comprendre qu’il était possible de "parler un nouveau langage" tout en conservant un sens à l’art fut le premier "ready-made" de Marcel Duchamp. À partir du "ready-made", l’intérêt de l’art ne porte plus sur la forme du langage, mais sur ce qui est dit. Ce qui signifie que le "ready-made" fit de l’art non plus une question de forme, mais une question de fonction. Cette transformation – ce passage de l’apparence à la conception – marqua le début de l’art moderne et celui de l’art "conceptuel". Tout l’art (après Duchamp) est conceptuel.

La valeur de certains artistes venant après Duchamp peut être mesurée en fonction de questionnements plus ou moins importants qu’ils ont effectués de l’entité art ; ce qui revient à dire "ce qu’ils ont ajouté à la conception de l’art" ou "ce qui n’existait pas avant qu’ils entreprennent leur œuvre". Les artistes mettent en question l’entité art en avançant des propositions nouvelles quant à la nature de l’art. On ne peut s’en tenir, pour y parvenir, au "langage" de l’art traditionnel qui nous a été transmis, cette activité reposant sur le postulat selon lequel il n’y a qu’une manière de formuler des propositions artistiques…

… L’art "n’existe" qu’au travers de son influence sur un autre art et non comme les restes concrets des idées d’un artiste. Si divers artistes du passé "revivent", c’est que certains aspects de leur œuvre deviennent "utilisables" pour des artistes vivants. Il semble que l’on n’ait pas tout à fait compris qu’il n’y avait pas de "vérité" en matière artistique.

Quelle est la fonction de l’art, quelle est sa nature ? Si nous continuons à considérer les formes artistiques comme étant le langage de l’art, nous comprendrons alors qu’une œuvre d’art est en quelque sorte une proposition avancée dans le contexte artistique en tant que commentaire sur l’art.

Précédée d'un chiffre : note de Joseph Kosuth
Précédée d'une * : note de la rédaction

(1) La tâche dont une telle philosophie s’est chargée est la seule "fonction" qu’elle pouvait remplir sans poser des affirmations philosophiques
* Il s'agit de la philosophie contemporaine américaine qui, globalement, à la suite de Wittgenstein et des penseurs du Cercle de Vienne (1926-1935), réduit l’activité philosophique à l’analyse logique, d’où son apparente austérité. Selon ces courants de pensée, la philosophie doit disparaître au profit de la logique.
(2) J’en traite à la section suivante.
(3) Je voudrais toutefois dire clairement que je n’ai l’intention de parler au nom de personne d’autre. Je suis arrivé seul à ces conclusions, et c’est à partir de cette pensée que mon art, depuis 1966 (sinon avant) a évolué. C’est seulement récemment après avoir rencontré Terry Atkinson que j’ai su que lui et Michael Baldwin partagent des opinions qui sont analogues aux miennes, bien que ne leur étant pas identiques. 
(4) Webster’s New World Dictionary of the American Language.
(5) Le niveau conceptuel de l’œuvre de Kenneth Noland, Jules Olitsky, Morris Louis, Ron Davis, Anthony Caro, John Hoyland, Dan Christensen, etc. est fourni par les critiques le soutenant. On le verra plus tard.
** Clement Greenberg est un éminent critique d’art américain, défenseur de l’Expressionnisme abstrait contre l’arrivée des néo-dadaïstes et du Pop Art, qu’il assimile au "kitsch" (en yiddish "mauvais goût").

 

Chronologie

1961
Henry Flynt utilise pour la première fois les termes "Concept Art" (ce qui n’est pas encore le Conceptual Art) pour intituler un court essai, publié en 1963 par La Monte Young, représentant du mouvement Fluxus. Dans ce texte, il est question pour Flynt d’inventer un art dont le matériau serait le concept et dont la beauté serait analogue à celle des formules mathématiques.
Robert Morris réalise Card File, une œuvre qui ouvre la voie de l'Art conceptuel.

1965
One and Three Chairs de Joseph Kosuth, travail emblématique de l’Art conceptuel.

1966
L'artiste conceptuel Mel Bochner organise à la School of Visual Arts de New York l'exposition Working Drawings and Other Visible Things on Paper not necessarily meant to be Viewed as Art. Il y présente des dessins, esquisses, documents, listes et photocopies d’originaux à consulter dans des classeurs. Plus que l’inachèvement des travaux, c’est le principe de mise en forme "administrative", propre à l’Art conceptuel, qui est posé.
Dans son ouvrage Statements, rédigé pour l’exposition Non Anthropomorphic Art présentée à la Lannis Gallery de New York, Kosuth a recours à l’adjectif "conceptuel" : "Mes objets d’art sont des totalités : ils sont complets et désintéressés. Ils sont constitués de matériaux non organiques, sans couleur, absolument synthétiques et non naturels ; ils sont plus constitués de matériaux conceptuels que de matériaux trouvés".
Dan Graham propose à Arts Magazine, pour son numéro de décembre-janvier 1966-67, une double page intitulée "Homes for America" composée d’un texte et de photographies. Quand le numéro paraît, la rédaction a substitué aux images de Dan Graham une photographie de Walker Evans. La maquette originale, reconstituée en 1970-71, forme ce que l’on considère comme "l’œuvre" Homes for America.

1967
Sol LeWitt, artiste issu de l’Art minimal, publie dans le numéro d’été de Art Forum les "Paragraphs on Conceptual Art". Il définit comme Art conceptuel tout travail artistique entièrement conçu avant sa matérialisation. Ainsi, "l’idée devient une machine qui fait de l’art". LeWitt est le tenant d’une acception large de l’Art conceptuel.

1968
Formation du groupe Art & Language à Coventry, Grande-Bretagne, par Terry Atkinson et Michaël Baldwin. David Bainbridge et Harold Hurrell se joignent à eux.

1969
En janvier, le critique Seth Siegelaub organise, dans un bureau new-yorkais, une exposition intitulée January 5-31 dont le communiqué de presse précise que l’exposition est le catalogue lui-même, la présence concrète des œuvres n’étant qu’un supplément à ce dernier, voire un échantillon : 32 œuvres figurent au catalogue, 8 seulement sont présentées. Il ne s’agit pas de renoncer à la pratique de l’exposition mais de la revisiter : l’Art conceptuel poursuit son investigation en interrogeant aussi le concept d’ "exposition".
Sol LeWitt, publie ses "Sentences on Conceptual Art" dans 0-9, revue éditée à New York par l'artiste Vito Acconci. Propositions éclairantes quant à la distinction des deux orientations de l’Art conceptuel : "Les artistes conceptuels sont plutôt des mystiques que des rationalistes. Ils arrivent à des conclusions que la logique ne peut atteindre. Les jugements rationnels répètent des jugements rationnels. Les jugements irrationnels débouchent sur des expériences nouvelles." (cité par B. Buchloh, in L’Art conceptuel, une perspective, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, seconde édition, 1991, p. 28).
Les artistes anglais et l'Américain Kosuth veulent s’en tenir aux possibilités structurantes du langage, tandis que les artistes venant de l’Art minimal acceptent d’abandonner la rationalité pour l'idée.
En mai, publication aux États-Unis du premier numéro de la revue Art & Language, avec pour sous-titre "The Journal of Conceptual Art". Sol LeWitt y publie ses "Sentences on Conceptual Art".
Kosuth fait paraître, dans Studio international, une série de trois articles qui forment l’un des textes fondamentaux de l’Art conceptuel, "Art after Philosophy".
La suite de l’histoire du mouvement développera les bases théoriques ainsi posées.

 

Bibliographie sélective

A consulter sur Internet 
- www.conceptual-art.net
- L’Art conceptuel sur le site du musée Guggenheim 

Essais sur l'Art conceptuel
- Peter Osborne, Art conceptuel, éd. Phaidon, Paris, 2006.
- Benjamin Buchloh, De l’esthétique d’administration à la critique institutionnelle (aspects de l’Art conceptuel, 1962-1969), Essais historiques II, Art édition, Lyon, 1992.
- Langage et Modernité, actes du colloque organisé par le Nouveau Musée de Villeurbanne, sous la direction de Benjamin Buchloh, 1990.
- Catherine Millet, Textes sur l’Art conceptuel, éd. Daniel Templon, Paris, 1972.
- Catherine Millet, "L’Art conceptuel", Opus International, décembre 1969.

Catalogues d’exposition
- Michael Baldwin, Charles Harrison, Mel Ramsden, Art and Language, Homes for Homes II, Migros Museum, Zurich, 2006 (en anglais)
- Art & Language, Galerie nationale du Jeu de Paume, Paris, 1994 .
- Art conceptuel Formes conceptuelles, Galerie 1900-2000, Galerie de Poche, Paris, 1990.
- L’Art conceptuel, une perspective, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 2e édition, 1991.
- Art conceptuel I, CAPC, Bordeaux, 1988.
- Joseph Kosuth, Investigations sur l’art et problématiques depuis 1965, ARC 2, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 1974.

 

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