Dabord peintre, George Segal sintéresse à la peinture figurative expressionniste quil pratique pendant une dizaine dannées avant de sorienter vers la sculpture à la fin des années 50. Il commence par mettre en scène des sculptures avec des tableaux puis avec des objets et développe alors un art de lenvironnement avec des moulages en plâtre de personnages isolés dans leur univers quotidien. Ces uvres deviennent emblématiques de son travail et sont rapprochées du Pop art avec sa participation à lexposition New Realist, organisée en 1962 par la Janis Gallery de New York. Issu dun milieu modeste et doté dune solide formation universitaire, Segal a une profonde compassion pour lêtre humain prisonnier de sa banalité quotidienne. Sorte de fermier philosophe, profondément attaché à sa ferme de Brunswick dans laquelle il produit toute son uvre et accueille ses amis artistes, Segal entretient une simplicité et une proximité avec le monde qui lentoure.
1941-1953 - Les années de formation et
le travail à la ferme
1953-1958 - De la peinture à la sculpture
1961-1970 - De l’expérience du Happening
à la création d’environnements
1970-1993 - Des environnements à la sculpture
dans l’espace public
1993-2000 - Le retour à la peinture
Issu dune famille démigrés juifs polonais, George Segal naît le 26 novembre 1924 à New York. Ses parents tiennent une boucherie dans le Bronx. En 1940, ils achètent une ferme et sinstallent à South Brunswick dans le New Jersey avec son frère aîné, Morris. Confié à sa tante, George, le fils cadet, poursuit ses études universitaires à New York tout en participant aux travaux de la ferme chaque week-end. En 1941-42, il étudie à la Cooper Union of Art and Architecture à Manhattan où il obtient un diplôme en 1944. Son frère étant mobilisé pendant la guerre, George rejoint la ferme de ses parents tout en étudiant, de 1942 à 1946, la philosophie et la littérature à la Rutgers University à New Brunswick. En 1947-48, il suit les cours du Pratt Institute of Design de Brooklyn et, en 1949, il obtient le titre de professeur, au département Art Education de lUniversité de New York. En 1946, il épouse son amie denfance, Helen Steinberg, qui laccompagne toute sa vie et devient le modèle préféré de ses oeuvres. Ensemble, ils achètent une ferme à South Brunswick, en 1954, pour faire un élevage de poulets qui sera leur principale ressource pendant 4 ans. La peinture de Segal (nus, intérieurs, natures mortes) est alors très influencée par Matisse et Bonnard. En 1956, Segal obtient un poste de professeur à lUniversité de New Jersey, ce qui lui permet dabandonner le travail harassant de la ferme et de se consacrer uniquement à la peinture. Limmense poulailler est alors aménagé en atelier dartiste.
En 1953, George Segal fait la connaissance de Allan Kaprow qui lintroduit à la Hansa Gallery, une coopérative dartistes fondée par des étudiants et admirateurs de Hans Hofmann. Ce peintre, formé au sein des mouvements davant-garde en Allemagne avant la Première Guerre mondiale représente une influence considérable pour la génération des peintres expressionnistes abstraits. Segal, insatisfait de sa peinture, cherche une nouvelle voie artistique. Sa rencontre avec Hofmann lencourage à rechercher une expression plus proche de sa propre personnalité, et lincite à se rapprocher de la sculpture. A loccasion dune exposition organisée par la Hansa Gallery en 1958, Segal présente pour la première fois des sculptures devant des tableaux, Loth et ses filles, inspiré dun chapitre de lAncien Testament. Ces premières sculptures sont réalisées avec de la toile de jute imprégnée de colle ou de filasse fixée sur une armature en fil de fer. Malgré son intérêt pour la peinture expressionniste abstraite, Segal ne passe jamais à labstraction pure. Son attirance se porte plus vers la condition humaine et les qualités émotionnelles et physiques de la figure.
Kaprow enseigne à cette époque lhistoire de lart à la Rutgers University située à proximité de la ferme de Segal où ils se rencontrent souvent pour discuter sur lart et en particulier de la peinture de Jackson Pollock. Kaprow attire alors son attention sur la vision englobante du all-over et des grands formats de Pollock, quil ne considère plus comme des peintures mais comme des environnements.
Cette découverte amène progressivement Segal à sorienter vers un art dans lequel le spectateur puisse pénétrer et se déplacer. En 1958, Kaprow réalise son premier happening dans la ferme de Brunswick à loccasion dun pique-nique organisé par les membres de la Hansa Gallery.
Segal est fasciné par les expériences de Kaprow et participe
à certains happenings. Il rejette toutefois la dimension éphémère
de cette nouvelle expression artistique.
En 1960, il fait la connaissance du photographe Robert Frank qui passe six mois
dans la ferme pour le tournage de son film : The Sin of Jesus, 1961.
Segal est impressionné par le travail du cinéaste, en particulier
sur le décor.
Au même moment, il découvre les bandes de plâtre à
usage médical nouvellement fabriquées par la firme Johnson &
Johnson, lui permettant de réaliser une sculpture à partir dun
moulage sur un modèle vivant. Il fait sa première expérience
sur lui-même avec laide de sa femme Helen qui lui recouvre entièrement
le corps de bandelettes.
Ce qui donne un autoportrait
quil assemble avec une table et une chaise, Man sitting at the table,
1961. Segal est époustouflé par les qualités plastiques
de ce nouveau matériau dont la capacité est de figer une attitude
presque instantanément. En 1962, à loccasion de sa première
exposition à la Janis Gallery, les uvres de Segal sont rapprochées
du Pop Art pour leurs sujets relatifs à la vie quotidienne des Américains.
Pourtant le sculpteur sintéresse aux archétypes de la condition
de lêtre ordinaire, à lencontre des artistes Pop dont
les images, puisées dans les clichés, proposent une vision beaucoup
plus cynique de la société américaine. A partir de 1962,
il abandonne définitivement la peinture pour se consacrer à la
réalisation denvironnements composés de sculptures en plâtre
mises en scène avec des objets trouvés.
Au cours des années 70, les environnements de Segal sont plus sophistiqués.
Lutilisation dun nouveau plâtre séchant plus rapidement,
lhydrostone, lui permet dobtenir une meilleure finition des détails
des moulages. Segal innove en introduisant parfois des images filmées
et de la musique dans ses uvres. Mais ces tentatives se révèlent
insatisfaisantes pour lartiste limité dans ses projets par les
moyens audiovisuels de lépoque. En 1976, il reprend le thème
du restaurant déjà utilisé dans La fenêtre du
restaurant III (1971) et ladapte pour une commande publique :
The Restaurant , Federal Office Building de Buffalo, NY. Lœuvre
de Segal soriente alors vers lespace public sous la forme de sculptures
commémoratives liées à lhistoire contemporaine :
In Memory of May 4, 1970 : Abraham et Isaac (1979), Princeton University;
Gay Liberation (1980), New York; The Holocaust (1984), San Francisco ;
Depression Bread Line(1993), Washington.
Voir les reproductions de ces uvres sur le site consacré à
Segal : Site de la George and Helen Segal Foundation.
En 1993, George Segal retourne à la peinture après trente ans
dinterruption. Il réalise surtout des portraits.
Il meurt le 9 juin 2000 à South Brunswick à lage de 76 ans.