i Dossiers pédagogiques
Parcours exposition

 


PATRICK JOUIN

LA SUBTANCE DU DESIGN

Du 17 février au 24 mai 2010, Galerie du Musée, niveau 4


i
 

image


Patrick Jouin. One Shot, tabouret pliant, MGX by Materialise, 2006
Agence Patrick Jouin : Laurent Janvier (chef de projet)
Fabricant/éditeur : MGX by Materialise, Louvain, Belgique
© Thomas Duval

L’exposition : raconter une histoire, « de l’intuition à la réalisation »

Patrick Jouin : une formation, des expériences et des rencontres

La « substance » de l'exposition
- Le film
- Patrick Jouin à Vallauris, Chaud-chaud, Chaud-froid, Froid-froid, 2002
- Avec les souffleurs de verre de Murano, Mercure, 2008
- Cuisine et arts de la table : Pasta Pot, 2004-2007, et Puiforcat, 2010
- Design et hautes technologies : Solid, 2004, One Shot, 2006, et Jules, 2007
-
« Experience as design » : le Nightcove, 2007
- Patrick Jouin dans les rues de Paris : Vélib' et sanisettes, 2007, 200
9

En savoir plus
- Autour de l'exposition
- Repères bibliographiques

 

 

L'exposition : raconter une histoire
« de l'intuition À la rÉalisation » retour sommaire

Image en 3D de l'exposition, Galerie du Musée
© Agence Patrick Jouin

Alors que l'agence créée par Patrick Jouin en 1999 vient de fêter son dixième anniversaire, le Centre Pompidou accueille, dans la Galerie du Musée, une vingtaine de ses projets sous un jour très particulier. Conçue en étroite collaboration avec le designer et son équipe, l’exposition a pour ligne directrice la volonté de faire entrer le visiteur dans les méandres du processus qui conduit de la conception des objets à leur fabrication. Le dispositif devant permettre la découverte et la compréhension de la pensée créatrice et de la méthodologie du designer, elle est organisée en deux temps, deux espaces distincts : le premier développe l'élaboration des projets, le second met en scène les projets finalisés.

Le visiteur est convié à explorer le processus de conception des objets. Il s'agit « de rendre visibles / lisibles le surgissement, la convocation, l'amont, le déclencheur ; de recenser les sources, les associations, les intentions, les (im)possibles ; de déplier ce qui, du réel, s'est ajouté par strates dans la création ». (Catalogue de l’exposition, p. 189.) Un tel objet d'exposition pourrait sembler des plus informels et diffus, puisqu'il tient pour une large part à ce qui fait l'inspiration, aux hasards des découvertes et des rencontres qui la nourrissent et l'orientent. Et pourtant, à travers cette vingtaine de projets représentant la diversité de l'activité de l'agence, c’est bien toute la démarche intellectuelle du designer, les enjeux de la conception et les processus de fabrication qui se déploient et s'expliquent.

Au cœur des 300 m2 de la Galerie du Musée, une structure centrale accueille dans le premier espace la projection d'un film réalisé par Alain Fleischer pour l'exposition, et de l'autre coté, dans le deuxième espace, sur une sorte de scène, les produits finis à découvrir. Le parcours proposé s'enroule, ou se déroule, autour de ce noyau théâtral. Tout autour, sur les murs de la salle, un papier peint reproduit l’univers de l’agence du designer. Cette peau unifie l’ensemble de la présentation, mêlant aux objets réels des éléments graphiques ainsi que des images fixes ou en mouvement. Dessins, rendus 3D, maquettes, échantillons et prototypes sont présentés en vitrine, sur des étagères et de façon non hiérarchisée.

Né à Nantes en 1967, Patrick Jouin fait aujourd'hui figure d'acteur majeur du design contemporain, à l'échelle nationale et internationale. Avec des réalisations aussi marquantes que les bornes du fameux Vélib' parisien, les nouvelles sanisettes ou encore l'aménagement intérieur des deux restaurants de la tour Eiffel, il s'est inscrit dans le quotidien de nombre d'habitants et visiteurs de tous horizons de la capitale française.

Patrick Jouin, la substance du design, vidéo
Entretiens avec Patrick Jouin et Valérie Guillaume, commissaire de l'exposition
© Centre Pompidou


 

 

patrick jouin
une formation, des expÉriences et des rencontres retour sommaire

Diplômé de l'Ecole nationale supérieure de création industrielle (Ensci) en 1992, Patrick Jouin fait ses débuts chez Thomson Multimedia, dans l'équipe du Tim Thom. Dirigé de 1993 à 1997 par le célèbre designer Philippe Starck, à qui il doit d'ailleurs son nom, ce studio de design intégré marque l'histoire du design français en renouvelant toute l'esthétique des objets électroniques et en accompagnant la formation de personnalités telles que Matali Crasset, Elsa Francès, Laurent Massaloux ou Bernard Moïse. Au sein du Tim Thom, Patrick Jouin développe un certain nombre d'objets, dont l’enceinte Boos, le téléviseur Saba, la radio cassette Don O et le téléphone Aloo. Il poursuit ensuite son activité dans l'agence même de Philippe Starck, jusqu'à ce que, fort de cette expérience et porté par des projets personnels qui, comme la chaise Steel Life (future chaise Facto), commencent à le faire reconnaitre, il crée sa propre agence en 1999.

58 Tour Eiffel, 2009
Restaurant/Paris
Agence Patrick Jouin, aménagement intérieur
Pour Alain Ducasse 
© François Christophe

Les débuts de l'agencei sont marqués par la rencontre avec le chef Alain Ducasse qui devient son partenaire privilégié. Après l'assiette Wave, premier fruit de leur collaboration conçu, avec une grande modestie, comme une nappe en faïence de Gien pour que l'objet s'efface devant le goût, Patrick Jouin réalise pour lui l'aménagement intérieur de son restaurant parisien : le Plaza Athénée. Fonctionnant comme un véritable duo de créateurs, le designer et le chef multiplient ensuite les projets et les réalisations. C'est avec Alain Ducasse que l'agence de Patrick Jouin fait ses preuves dans le domaine de l'aménagement d'intérieur. Après le Plaza Athénée viendront, notamment, les deux restaurants de la Tour Eiffel : le Jules Verne en 2007 et le 58 Tour Eiffel en 2009. C'est aussi avec lui qu'il explore le monde des objets liés à la gastronomie.

Mais Patrick Jouin n'est pas exclusif, et l'agence se signale au contraire par la grande diversité de ses projets et sa polyvalence. A l'architecture d'intérieure très présente dans son activité, notamment depuis 2004, date de son association avec l’architecte Sanjit Manku, s’ajoutent la scénographie, le transport et bien sûr le design produit. Dans cette dernière catégorie on trouve, aux côtés des pièces de mobilier, des ustensiles de cuisine et des créations pour les arts de la table, des objets électroniques et de communication, des instruments de musique ou encore des éléments de mobilier urbain. Autant de types de réalisations qui sollicitent la force d'invention et d'expérimentation du designer comme la capacité de création et de mise en œuvre de son agence et de ses collaborateurs, et qui apportent donc la substance de cette exposition.

 

 

La « substance » de l'exposition retour sommaire

Le film

Le film réalisé par Alain Fleischer propose en début de parcours un regard sur plusieurs réalisations de l'agence. Patrick Jouin avec ses collaborateurs et d’autres intervenants y présentent l’histoire et les processus d’élaboration des projets. Huit réalisations sont expliquées du dessin au produit fini. De petits reportages emmènent le spectateur sur les lieux de fabrication. Par le dispositif élaboré, tel un théâtre d'illusions, la projection du film se transforme en véritable installation visant à créer un temps d'immersion dans l'œuvre du designer.

Après ce bain d’images, le visiteur est amené à découvrir les documents produits dans le cadre de la conception des objets : carnets de croquis, dessins, rendus 3D, maquettes, échantillons de matériaux, prototypes, etc. La sélection des objets ainsi décryptés permet d'entrer dans la diversité de la production et des pratiques du designer et de son agence.

 

Patrick Jouin À Vallauris
chaud-chaud, chaud-froid, froid-froid, 2002

Chaud-chaud, Chaud-froid, Froid-froid, 2002
Agence Patrick Jouin : Ramy Fischler (chef de projet)
Fabricant/Artisan potier : Gérard Crociani, Vallauris, France
© Thomas Duval

En 2002, Patrick Jouin clôt un cycle d'interventions de designers invités à Vallauris afin de valoriser les savoir-faire locaux dans le domaine de la céramique. Chaque année entre 1998 et 2002, deux designers sont ainsi venus travailler en collaboration avec des artisans de la ville : Olivier Gagnère et Martin Szekely, François Bauchet et Ronan Bouroullec, Pierre Charpin et Jasper Morrison, les RADI Designers et Roger Tallon puis, la dernière année donc, Frédéric Ruyant et Patrick Jouin. Sur le thème de la céramique utilitaire, l'objectif de ces recherches était d'aboutir à la réalisation de prototypes puis de produire de petites séries destinées à la commercialisation.

Patrick Jouin collabore dans ce contexte avec le potier Gérard Crociani et oriente ses recherches en fonction des usages des professionnels de la restauration. Il conçoit ainsi une série de plats empilables formant ensemble une sorte de colonne sans fin. Ceux-ci, accompagnés de leurs couvercles, sont de trois sortes : chaud-chaud (pour la cuisson), froid-froid (le saladier) et le troisième (pour la dégustation) fait de deux compartiments : chaud-froid. Tandis que le cœur accueille le chaud, l'anneau périphérique sert au froid. Patrick Jouin a travaillé ici sur les capacités de résistance du matériau dans le contexte d'une utilisation dans un cadre professionnel (lavage en machine, hautes températures, utilisation intensive, etc.), mais aussi sur la recherche d'un code couleur en rapport avec les contenus. Tout en rondeurs organiques à la fois conceptuelles et sensorielles, ces plats en terre cuite, avec leurs couvercles, pris un à un ou assemblés en colonne, s'inscrivent dans la longue histoire de l'art culinaire, de la poterie et du design, des plats à tajines traditionnels aux recherches d'Ettore Sottsass.

Ce travail rejoint des préoccupations chères à Patrick Jouin qui touchent au lien étroit avec l'artisanat et la maîtrise de « savoir-faire ». A propos de la mise en œuvre il écrit : « Le dessin technique s'est révélé inutile : Gérard Crociani est parti de mes croquis et aussi de ce que je me représentais et que je décrivais ». Parmi ces croquis, deux dessins sur calque sont présentés dans l'exposition. Ils permettent d'envisager, avec le récit de Patrick Jouin, la transmission qui a pu se faire entre le designer et l'artisan, les chemins qu'elle a dû emprunter en gestes et en paroles, loin des consignes bien balisées du dessin technique.

 

Avec les souffleurs de verre de Murano
Mercure, 2008

Mercure, suspension, Murano Due, 2008
Agence Patrick Jouin : Claudia Del Bubba (chef de projet)
Fabricant/Éditeur : Groupe Firme di Vetro S.p.A., Salzano (Vénétie), Italie
© Murano Due

Cette relation avec les métiers d'art, Patrick Jouin la nourrit aussi auprès des souffleurs de verre de l'entreprise Murano Due implantée en Vénétie et héritière d'une tradition pluriséculaire de maîtres-verriers. En 2006, il y réalise Ether, suspension constituée d'une multitude de boules de verre soufflées artisanalement qui amplifient les jeux de lumière et jouent avec leur environnement. Dans l'aménagement intérieur du Mix Las Vegas, quinze mille de ces boules, toutes uniques, créent ainsi un espace et des expériences hors du commun.
Outre la suspension Ether, l'exposition propose une installation de 90 lustres Reed en cristal soufflé, longs roseaux (traduction littérale de « reed ») translucides, aux dimensions variables et aux fines arêtes verticales qui diffractent la lumière. Finalement, le travail du verre pour Patrick Jouin semble un moyen d'atteindre le travail de l'espace dans son immatérialité même, et ce grâce aux jeux d'ombres, de reflets et de lumière.

L’applique Mercure, qui peut aussi se faire suspension, participe à sa manière à cette recherche. L'inspiration qui a nourri son invention vient de l'observation du mercure, ce métal qu'on ne peut saisir, dont les gouttes éclatent en une multitude de boules plus petites et qui a des reflets très spécifiques, hybride de la goutte d'eau et de la petite cuillère avec un soupçon de viscosité supplémentaire. Si le mercure, reconnu comme toxique, n'est plus présent dans notre vie quotidienne, il a été longtemps utilisé pour l’étamage des miroirs, et notamment ceux de la Galerie des Glaces à Versailles, ou encore, dans l'Allemagne du XIXe siècle, pour tapisser l'intérieur des boules de Noël et leur donner ainsi un aspect argenté lumineux.

Pour Mercure, Patrick Jouin utilise une technique spécifique destinée à reproduire les effets du mercure au cœur du verre soufflé. Le verre utilisé, le verre Pulegoso, est mêlé à chaud à une substance chimique générant les bulles gazeuses qui se retrouvent emprisonnées dans la pâte. Le globe est alors soufflé par le maître verrier, qui lui imprime ensuite manuellement sa forme, le rendant par ce geste définitivement unique, puis le laisse refroidir avant d'en enduire l'intérieur, à la manière d'une boule de Noël d'autrefois, d'une chromature d'argent.
Dans l'exposition, les résultats des essais réalisés pour la mise en œuvre de ce verre transparent soufflé permettent au visiteur de comprendre la recherche du designer. L'effet obtenu, s'apparentant aussi à celui d'une méduse évoluant sous la surface de l'eau, génère un rapport sensible à l'objet. La lumière est démultipliée par l'effervescence des bulles d'air saisies dans la matière, semblables à autant de gouttelettes suspendues dans l'air.

 

Cuisine et arts de la table
Pasta Pot, 2004-2007, et Puiforcat, 2010

Etablissant un échange privilégié avec tous ses interlocuteurs (artisans, partenaires, fabricants, clients), Patrick Jouin a construit une relation tout à fait spécifique, on l'a vu, avec le chef Alain Ducasse. Outre les aménagements intérieurs dont il a été question plus haut, deux créations particulières émanent de cette complicité construite depuis dix ans au fil des projets.

Elaborée entre 2004 et 2007, la casserole Pasta Pot a ainsi fait l'objet d'essais culinaires réalisés tout au long de son élaboration au sein des cuisines du restaurant d'Alain Ducasse, le Plaza Athénée. Car il s'agissait de permettre un mode de cuisson optimal avec un minimum d'eau, les pâtes cuisant, à la manière d'un risotto, dans leur propre sauce. Un récipient de cuisson en triple sandwich d'inox et d'aluminium a ainsi été réalisé, complété par un couvercle permettant de réguler l'évacuation de la vapeur. L'observation et l'analyse des gestes de cuisine par le designer sont aussi à l'origine de l'incrustation d’une cuillère en bakélite dans le manche même de la casserole. Enfin, un socle assorti à ce qui devient une « casserole universelle » permet de l'utiliser pour servir à table.

Des maquettes réalisées dans le cadre de l'étude de forme et des prototypes en polyamide et en acier viennent, dans l'exposition, se joindre aux croquis et dessins de Patrick Jouin. Tous ces documents, produits dans le cadre de ce projet de recherche et de développement, aident à en comprendre la nature, qui repose sur la notion d'expérimentation.

Couverts de table, Puiforcat, 2010
Agence Patrick Jouin ID : Jean-Baptiste Auvray (chef de projet), Richard Perron
Fabricant/Éditeur : Compagnie des Arts de la Table Hermès, Paris, France/ Puiforcat, Paris, France
© Thomas Duval

Dans le même registre de la gastronomie, mais cette fois pour les arts de la table et l'industrie du luxe, Patrick Jouin est sollicité par Puiforcat (racheté en 1993 par Hermès) pour imaginer des couverts de table. L'héritage ici est celui de l'orfèvrerie. Jean Puiforcat, orfèvre et membre de l'Union des Artistes Modernes, est à l'origine d'un renouveau de la forme des couverts et un acteur de leur modernisation. L'intervention de Patrick Jouin s'inscrit dans cette histoire faite de tradition et de modernité. En collaboration avec les orfèvres des ateliers Puiforcat, il propose des couverts monoblocs en métal. Leurs arêtes continues et leurs surfaces incurvées captent la lumière qui en transforme par là-même leur masse.

Patrick Jouin écrit à leur sujet : « Je suis très sensible à la ligne de lumière sur un objet. Dans sa prise en main, les lignes d'ombre et de lumière doivent s'équilibrer. La masse fluide de ce couvert m'intéresse tout particulièrement. Les orfèvres de Puiforcat m'ont aidé à mieux incurver les lignes aux endroits nécessaires » (catalogue de l’exposition, p. 62). Là encore, l'inspiration de l'artiste se conjugue à des expérimentations et des savoir-faire pour aboutir à la création de l'objet. Carnets de croquis, dessins sur calque, maquettes en frittage ABS et en frittage métallique, issus des différentes recherches menées par le designer au fil de ses observations et de ses rencontres, accompagnent et mettent en perspective dans l'exposition la présentation de ces couverts.

 

Design et hautes technologies
Solid, 2004, One Shot, 2006, et Jules, 2007

Si l'artisanat et la notion de « savoir-faire » tiennent une grande place dans le travail de Patrick Jouin, son œuvre mobilise également les hautes technologies et se nourrit de leur potentiel créatif. La série Solid, élaborée en 2004, en est peut-être le témoignage le plus significatif. Cette collection de mobilier, réalisée à compte d'auteur et produite par Materialise, est issue d'une réappropriation des techniques de prototypage rapide par stéréolithographie utilisées habituellement dans la production de maquettes.

En utilisant le laser pour fabriquer un objet en trois dimensions à partir d'une image produite par le biais de la conception assistée par ordinateur, cette technique ouvre tout un champ de possibles dans le domaine de la création. Patrick Jouin l'utilise non plus pour produire des maquettes, mais pour fabriquer directement les pièces de mobilier, s'affranchissant ainsi des contraintes de la chaîne de production. Plus besoin ici d'usinage, de moule ou d'assemblage, les objets sont produits en une seule fois à partir d'une cuve de résine époxy ou de poudre polyamide progressivement solidifiées par l'action du laser, selon les informations issues de la modélisation 3D. Ils sont ainsi monoblocs, ce qui, en plus de garantir leur résistance, assure une économie de matière et de moyens et libère ou stimule d'une certaine manière l'inventivité du designer.

One Shot, tabouret pliant, MGX by Materialise, 2006
Agence Patrick Jouin : Laurent Janvier (chef de projet)
Fabricant/Éditeur : MGX by Materialise, Louvain, Belgique
© Thomas Duval

La série Solid se conclut de façon remarquable en 2006 avec le tabouret One Shot. Pliable, et donc articulé, il est néanmoins fabriqué sans aucun assemblage grâce à cette technique de prototypage rapide, agrémentée d'un logiciel de conception permettant de vérifier la mise en mouvement des éléments (pales, rotules et pieds) et sa fluidité.
Dans une cuve remplie de poudre polyamide, douze tabourets peuvent être fabriqués en même temps, et ce en 53 heures. « Le volume intérieur utilisable de la plus grande machine du fabricant étant de 660 x 390 x 590 mm, la première étape du travail a consisté à déterminer la meilleure façon d’agencer les pièces dans la cuve de fabrication. » (Patrick Jouin dans Design d’objets, Paris, Eyrolles, 2008, p. 46. Cité dans le catalogue de l'exposition, p. 214.)

Présent dans l'exposition, un carnet de croquis rappelle, si besoin, que dans ces cas de conception et de fabrication assistées par ordinateur, l'inspiration de l'artiste et son inventivité en matière de formes et d'usages reste bien fondamentale. Le prototypage rapide ne déconnecte en aucune manière la création du geste et de la pensée de l'artiste.

Jules, fauteuil pour le Jules Verne, D3, 2007
Agence Patrick Jouin : Richard Perron (chef de projet), Jean-Baptiste Auvray
Fabricant/ƒditeur : D3, Courbevoie, France
1. © Eric Laignel
2. © Agence Patrick Jouin

Dans le domaine des outils et matériaux de haute technologie, le fauteuil Jules réalisé pour le restaurant Jules Verne de la tour Eiffel, relève d'autres perspectives. Est utilisé ici un textile « technique » en fibre de carbone fréquemment présent dans l'industrie aéronautique et automobile en raison de sa très grande résistance et de sa légèreté exceptionnelle. Garnie de cuir à l'intérieur et à l'extérieur, la coque en fibre de carbone repose sur un piètement central qui se divise en deux porte-à-faux parallèles. Tels deux patins, ces pieds, alliés à la grande légèreté de l'assise, permettent d'accompagner le mouvement du maître d'hôtel. Patrick Jouin exploite les particularités du matériau pour construire la silhouette tout à fait spécifique et élégante, en accord avec son usage, du fauteuil Jules.

 

« ExpÉrience as design »
le Nightcove, 2007


Nightcove , accompagnateur de sommeil, Zyken, 2007
Agence Patrick Jouin : Ramy Fischler (chef de projet)
Éditeur : Zyken, Pépinière Innovation République, Paris, France
1. © Grégoire Alexandre — 2/3. © Hélène Hilaire

La capacité qu'a Patrick Jouin à s'entourer de collaborateurs variés et sa curiosité à l'égard des recherches scientifiques menées dans tous les domaines touchant à la vie quotidienne l'ont conduit à travailler à partir de 2004 avec le professeur Damien Léger, neurophysiologiste et directeur du Centre du sommeil à l’Hôtel-Dieu de Paris. Ensemble, ils conçoivent un objet étrange et inédit : l'accompagnateur de sommeil et de réveil, baptisé Nightcove et fabriqué en série depuis 2008 par Zyken.

Ce mystérieux monolithe diffuse dans l'espace de la chambre à coucher des couleurs-lumières accompagnées de séquences sonores et musicales spécialement composées pour lui. Construisant une ambiance et donc transformant l'espace autour de lui, il agit directement sur l'organisme. En effet, les fréquences lumineuses des couleurs qu'il diffuse stimulent (lumière rouge) ou au contraire freinent (lumières bleue et blanche) la sécrétion de l'hormone du sommeil par la glande pinéale : la mélatonine, et accompagnent le sommeil ou le réveil de son utilisateur.

Le Nightcove mêle ainsi dans sa conception le design d'objet et le design d'environnement pour mettre en acte le concept de design d'expérience. Patrick Jouin parvient ainsi à donner forme à ce qui, dans notre environnement, agit sur notre corps et modifie nos sensations et nos perceptions non conscientes. Plus de quatre années de recherches, d'échanges, de tests scientifiques et de développement technique ont été nécessaires à l'élaboration d'un tel objet, dont témoignent les dessins mais aussi les études de formes et les études techniques présentées en maquettes dans l'exposition.

 

Patrick Jouin dans les rues de Paris
Vélib'  et sanisettes, 2007, 2009


Vélib’, JC Decaux SA, 2007
Agence Patrick Jouin
Jean-Baptiste Auvray (chef de projet)
Fabricant/Éditeur/Distributeur : JCDecaux SA, Neuilly-sur-Seine, France
© Thomas Duval

Présent grâce au Nightcove dans l'espace le plus intime de la chambre à coucher, Patrick Jouin investit aussi, avec les équipements urbains parisiens, l'espace le plus public de la rue. A la demande de la société JCDecaux, le designer conçoit dès 2007 les nouveaux panneaux publicitaires et conjointement l'ensemble du système de location de vélos en libre-service implanté dans la capitale, le célèbre Vélib'.
1400 stations jalonnent l'espace urbain afin d'accueillir les 20 000 vélos mis à la disposition des usagers. Patrick Jouin a conçu son intervention sous le signe de la métaphore végétale : les bornes de location et les points d'attache des vélos de chaque station évoquent en effet, par leurs silhouettes et leurs découpes, les lignes courbes des herbes. Les carnets de croquis de Patrick Jouin témoignent, dans l'exposition, de cette inspiration. C'est de la part du designer également une forme d'hommage à Hector Guimard dont les lignes courbes inspirées de la végétation ont puissamment marqué le visage de Paris au début du XXe siècle et jusqu'à aujourd'hui.

L'autre marché confié par JCDecaux à Patrick Jouin est, en 2009, celui des sanitaires à entretien automatique qui viennent remplacer les anciens datant des années 1980. 400 nouvelles sanisettes accessibles à tous, et pourvues d'une borne d'eau potable extérieure, ont ainsi vu le jour récemment dans les rues de Paris. En accord avec les lignes des bornes du Vélib' et des panneaux publicitaires qui l'accompagnent, les formes souples des sanisettes s'installent harmonieusement sur les trottoirs. Tous ensemble, ces éléments de mobilier urbain participent, par leur densité d'implantation, au renouveau de l'esthétique du paysage parisien et à la construction d'un territoire unifié et balisé.
Une fois sorti de l'exposition, le visiteur peut ainsi retourner dans la rue pour prolonger, ou renouveler in situ et en action, sa découverte de l'œuvre de Patrick Jouin.

 

 

En savoir plus retour sommaire

Autour de l'exposition

- Voir l'Agenda lien
- Promenade urbaine en compagnie du designer : « Patrick Jouin, l'espace urbain », le samedi 13 mars, de 11h à 18h lien
- Soirée Patrick Jouin, le mercredi 5 mai, Petite salle, niveau -1

 

Repères bibliographiques

Ouvrages

- Patrick Jouin. Espaces et objets. Valérie Guillaume, Patrick Jouin, catalogue de l'exposition. Editions Centre Pompidou, 2010 lien
- Le Paris de Patrick Jouin [29 juil.-27 sept. 2009, Instituto Tomie Ohtake, S‹o Paulo], Valérie Guillaume, Ricardo Ohtake, São Paulo, Instituto Tomie Ohtake, 2009
- VIA Design 3.0, 1979-2009. 30 ans de découverte et de soutien aux designers [16 déc. 2009-1er fév. 2010, Centre Pompidou, Paris], Valérie Guillaume, Gérard Laizé, Paris, VIA/Éditions du Centre Pompidou, 2009 lien
- Design d’objets, collection Les cahiers du designer, n°20, Paris, Eyrolles, 2008
- Pierre Doze, Patrick Patrick, Paris, Pyramid, 2004
- Parade, 1901-2001 : coleções do Centro Pompidou, Museu nacional de arte moderna, Centro de criação industrial (collections du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Centre de création industrielle) [2 oct. 2001-15 janv. 2002, Pavillon de l’Oca, São Paulo], Laurent Le Bon, Nelson Aguilar; Nicolas Castin, São Paulo, BrasilConnects, 2001

Films

- Patrick Jouin. La substance du design, Alain Fleischer (réal.). Moyens techniques : Service audiovisuel du Centre Pompidou, production Centre Pompidou, 2010
- Patrick Jouin : le tabouret Solid, 2004, dans Paroles d’artistes : acquisitions du Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle, Centre Pompidou, Patricia Cartier-Million (réal.) ; Danielle Schirman (réal.), vol. 2, DVD, Paris, Centre Pompidou, 2009
- velib’, le film, François-Marie Le Lay (réal.), Philippe Dixmier (pr.), DVD, Paris, JCDecaux, 2007

Vidéo

- Patrick Jouin. La substance du design. Entretiens avec Patrick Jouin et Valérie Guillaume, commissaire de l'exposition lien

Liens internet

- Le site de l'agence Patrick Jouin lien
- Sur le site de Rfi, lire « le Paris de Patrick Jouin s’expose à São Paulo », article publié le 1/7/2009 lien

 

 

Pour consulter les autres dossiers sur les expositions, les collections du Musée national d'art moderne, les spectacles, l'architecture du Centre Pompidou
En français   lien
En anglais  lien

Contacts
Afin de répondre au mieux à vos attentes, nous souhaiterions connaître vos réactions et suggestions sur ce document.
Vous pouvez nous contacter via notre site Internet, rubrique Contact, thème éducation lien

Crédits
© Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics, mars 2010
Texte : Noémie Giard
Maquette : Michel Fernandez
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education rubrique ’Dossiers pédagogiques’ lien
Coordination : Marie-José Rodriguez (responsable éditoriale des dossiers pédagogiques)