Mike KELLEY

Du 2 mai au 5 août 2013 - Galerie Sud

Début du contenu du dossier

Mike Kelley, Tony Oursler, The Poetics Project, 1977-1997

Mike Kelley, Tony Oursler, The Poetics Project, 1977-1997
Installation
Quatorze peintures à l’acrylique sur bois, trois objets-sculptures,
onze projecteurs, six haut-parleurs, un orgue de son, un CD audio,
onze bandes vidéo de 5 à 226 min, couleur, son
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

L’exposition Retour haut de page

Proposée au Centre Pompidou après une première présentation au Stedelijk Museum d’Amsterdam fin 2012, l’exposition Mike Kelley est, à chaque étape, reconfigurée selon un commissariat spécifique. Elle poursuivra sa route aux États-Unis, à New York puis Los Angeles, dont la scène artistique effervescente a, entre 1976 et 2012, vu émerger et se développer la création singulière et dérangeante de Mike Kelley.

Mêlant avec un art du décalage parfaitement maîtrisé et une profonde liberté l’univers de la culture populaire aux références érudites de la culture savante, l’œuvre de Mike Kelley prend toutes les formes et mobilise toutes les techniques : dessin, peinture, sculpture, installation, performance, objet hétéroclite, photographie, vidéo, création sonore, etc. Afin de permettre une immersion du visiteur dans cette œuvre complexe à appréhender et qui supporte mal les interprétations univoques, le parcours s’articule autour des temps forts de la production de l’artiste et des grandes thématiques qui les ont portés. La scénographie de l’exposition prend le parti de donner des repères majeurs sans toutefois contraindre le visiteur à un sens de visite. Elle permet ainsi de conjuguer l’approche fragmentée et la vision englobante qui caractérisent le travail de Mike Kelley.

Mike Kelley (1954-2012) Retour haut de page

Né à Detroit en 1954, Mike Kelley rejoint la scène artistique de Los Angeles dès 1976 en intégrant CalArts (California Institute of the Arts, Valencia), école d’art pluridisciplinaire extrêmement dynamique, réputée pour son audace expérimentale, qui dispose d’un rayonnement international. Les artistes John Baldessari, Laurie Anderson et David Askevold notamment y enseignent. Tous trois joueront un rôle important dans sa formation. Toutefois, lorsqu’il entre à CalArts, Mike Kelley a déjà derrière lui une première expérience artistique : il a en effet fondé l’année précédente, avec Jim Shaw, Cary Loren et Niagara, le groupe Destroy All Monsters, d’inspiration « anti-rock », mêlant notamment, dans un esprit de contre-culture, musique à connotation punk et art de la performance. Dans le prolongement de cette première expérience, il crée avec Tony Oursler à Los Angeles en 1977 le groupe The Poetics. Fondatrices et centrales dans sa réflexion, la création sonore et la théâtralité qui accompagne la culture punk rock marqueront, jusqu’à la fin, l’ensemble de son travail.

Après une première période essentiellement marquée par les performances, il développe une approche personnelle extrêmement riche. Nourri de questionnements philosophiques, de psychanalyse et de littérature, mélangeant culture populaire et contre-culture, sous-tendant le tout d’une forte dose d’humour noir et d’ironie, Kelley se saisit de tabous liés notamment à l’enfance, à l’éducation, à la sexualité. Les questions liées à la mémoire, individuelle et collective, y deviennent parallèlement de plus en plus présentes. Alimentées d’éléments autobiographiques et de faits divers, certaines de ses pièces abordent ainsi la question du souvenir refoulé lié à un traumatisme tandis que d’autres se saisissent de l’histoire officielle pour la déconstruire en revisitant les histoires dites « mineures ». Tout au long de ces années, Mike Kelley produit également une œuvre écrite particulièrement dense et originale, indissociable du reste de son travail.1

À l’aube des années 2000, Mike Kelley s’est définitivement affirmé comme une figure majeure de la scène artistique internationale. Survenu le 31 janvier 2012, son décès inattendu laisse une œuvre protéiforme, sans doute inachevée mais qui n’a ainsi pas eu à subir la formalisation de sa propre histoire officielle. L’acharnement avec lequel Mike Kelley a lutté contre toute forme d’interprétation réductrice, en particulier autobiographique, de son travail rend l’exercice d’écriture à son propos particulièrement complexe… Mais, à l’instar de ce qu’il déclare lui-même en 2000 : « Malgré mon opposition au caractère fixe de la signification, je suis contre l’idée d’une absence de signification »2, ce dossier cherchera à proposer des chemins vers une compréhension de son œuvre sans pour autant prétendre à en produire une lecture officielle. Toute la difficulté réside désormais pour le monde de l’art (des musées à la critique en passant par les divers acteurs de la médiation) dans la nécessité de maintenir vivace ce sentiment d’« inquiétante étrangeté »3 que l’on peut ressentir lorsque l’on est immergé dans l’œuvre de Mike Kelley.

Parcours Retour haut de page

Mike Kelley, Horizontal Tracking Shot of a Cross Section of Trauma Rooms, 2009Mike Kelley, Horizontal Tracking Shot of a Cross Section of Trauma Rooms, 2009 - Vue de la face arrière de l’œuvre

1. Mike Kelley, Horizontal Tracking Shot of a Cross Section of Trauma Rooms, 2009
Acrylique sur panneau de bois, moniteurs vidéo et lecteurs DVD
243,8 x 487,6 x 61,1 cm
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

2. Mike Kelley, Horizontal Tracking Shot of a Cross Section of Trauma Rooms, 2009
Acrylique sur panneau de bois, moniteurs vidéo et lecteurs DVD
243,8 x 487,6 x 61,1 cm
Vue de la face arrière de l’œuvre, Centre Pompidou, 2013

À l’entrée de l’exposition, une première œuvre permet au visiteur de se confronter de plein fouet avec le caractère acerbe et déconcertant de la recherche de Mike Kelley. L’installation Horizontal Tracking Shot of a Cross Section of Trauma Rooms4 se présente comme une œuvre abstraite, assemblage de panneaux verticaux de couleur et de hauteur différentes. Derrière la façade de leur rythme rassurant, trois écrans, verticaux eux aussi, et disposés régulièrement, diffusent en alternance des bandes de couleur semblables aux panneaux colorés et des extraits de vidéos trouvées sur Internet. Envers du décor mais aussi cœur même de l’œuvre, ils montrent des scènes angoissantes, à l’interprétation ambiguë et à l’humour parfois douteux, impliquant des enfants dans leur environnement familial. Très courts, ces extraits ne permettent pas de comprendre ce qui est en train de se jouer et laissent, de façon particulièrement violente, le spectateur complètement dépourvu. La tension qui s’instaure ainsi dans le passage entre une face et l’autre de l’installation, mais également dans la confrontation à ces vidéos dérangeantes, est caractéristique de ce que Mike Kelley tente de mettre en œuvre dans son travail : le spectateur n’a pas de prise sur ce qui est en train de se dérouler. Voyeur malgré lui, il est condamné, par l’expérience qu’il fait de l’œuvre et sans prise sur elle, à être renvoyé à ses propres contradictions. L’immersion peut commencer…

Le langage des objets Retour haut de page

Mike Kelley, Performance Related Objects, 1977-1979Mike Kelley, Performance Related Objects, 1977-1979 [détail]

1. Mike Kelley, Performance Related Objects, 1977-1979
Installation. Objets disposés sur une estrade en bois (20 x 609 x 243,7 cm)
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

2. Mike Kelley, Performance Related Objects, 1977-1979 [détail]
Spirit Voices, 1978-1979
et Spirit Collector, 1978, de la série de performances Tube Music
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Le parcours se poursuit ensuite avec une installation issue des premières performances de Mike Kelley réalisées dans les années 1970 : Perfomance Related Objects. Alors étudiant à CalArts, il fait intervenir la création sonore et l’humour, notamment par le biais d’objets-sculptures intrigants, mêlant références futuristes et minimalistes. Ces objets ont été disposés par l’artiste sur une estrade en bois, accompagnés de bandes sonores et de photographies issues des performances concernées. Portant en eux l’histoire des premières performances de l’artiste, ils construisent également, semblable à un paysage de science-fiction, une œuvre à part entière qui établit des relations nouvelles entre les éléments.

Mike Kelley, Birdhouses, 1978

Mike Kelley, Birdhouses, 1978
Légende détaillée des œuvres : voir dans l’agrandissement
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Non loin de là, la série des Birdhouses présente d’autres objets-sculptures décalés à forte teneur humoristique. En écho à la pratique particulièrement développée aux États-Unis du « Do it yourself », Mike Kelley investit, en 1978, le thème du nichoir.

 

Mike Kelley, Catholic Birdhouse et Title Drawing, 1978 [objet]Mike Kelley, Catholic Birdhouse et Title Drawing, 1978 [dessin]

Mike Kelley, Catholic Birdhouse et Title Drawing, 1978
Deux éléments.
Objet : bois, peinture, toiture en bardeau, 60 x 47 x 47 cm
Dessin : encre sur papier, 24,1 x 15,2 cm

Dans le nichoir gothique les toits s’empilent pour plus d’élévation tandis que le nichoir catholique impose aux oiseaux de faire un choix moral entre ses deux entrées : la voie facile (trou large et accessible en plein milieu de la façade) et la voie difficile (étroite, ébréchée et coincée sous le toit). L’une mène vers « un tout petit puits profond », l’autre vers « la lumière et l’étendue ». À chaque fois accompagnées d’un petit mode d’emploi humoristique, ces propositions parodient les manuels de bricolage, raillant amicalement l’investissement affectif qui se dégage de ces productions. Semblables à des sculptures minimalistes en quête de sens, les Birdhouses proposent également un regard moqueur et acéré sur la création artistique de leur temps.

Une œuvre composite Retour haut de page

Mike Kelley, œuvres de la série Plato’s Cave, Rothko’s Chapel, Lincoln’s Profile, 1985-1986 [vue 1]Mike Kelley, œuvres de la série Plato’s Cave, Rothko’s Chapel, Lincoln’s Profile, 1985-1986 [vue 2]

Mike Kelley, œuvres de la série Plato’s Cave, Rothko’s Chapel, Lincoln’s Profile, 1985-1986
Légendes détaillées des œuvres : voir dans les agrandissements
Vues de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Le travail de Mike Kelley s’organise selon de grands projets englobant des ensembles d’œuvres et d’interventions variées. Plato’s Cave, Rothko’s Chapel, Lincoln’s Profile (« La caverne de Platon, la Chapelle de Rothko, le Profil de Lincoln »), l’un d’entre eux, conjugue un texte, une série de peintures et d’objets, une installation et une performance donnée en 1986 à l’Artists Space de New York à laquelle participe le groupe de rock avant-gardiste Sonic Youth. Juxtaposant arbitrairement trois figures historiques (un philosophe, un artiste et un homme politique), le projet pose la question de ce qui les caractérise, en jouant sur le « ’s » de l’appartenance : Platon donne son nom à la caverne du mythe dont il est l’auteur, le nom de Rothko va être donné à la chapelle dans laquelle il intervient à Houston, tandis que l’identité de Lincoln vient se confondre avec la pièce de 1 penny où son profil est gravé. Mike Kelley s’attaque ici à la grande histoire officielle en la revisitant et à la question du pouvoir.

Une sélection de peintures et d’objets relevant de ce projet est présentée dans l’exposition. De techniques et de styles variés, les œuvres laissent envisager la démarche composite de l’artiste qui fonctionne comme un véritable art de l’assemblage : acrylique sur papier, ketchup sur toile, feutre collé, acrylique sur tapis, etc.

Témoignage de l’influence de la bande dessinée et de la culture populaire, la peinture Exploring II fait jouer, dans sa composition, le texte avec l’image. Le texte, écrit sur l’œuvre, s’insère dans l’épaisseur même du dessin, remplissant les vides des cavités de la grotte : « en spéléologie, parfois il faut se baisser, parfois marcher à quatre pattes et parfois même ramper… Rampe, ver de terre ». La caverne de Platon, depuis laquelle l’homme n’observe que les ombres du monde, devient ici un lieu digne d’être exploré pour lui-même et non plus seulement un élément de rhétorique philosophique.

Réhabiliter les histoires « mineures » Retour haut de page

Mike Kelley, Tony Oursler, The Poetics Project, 1977-1997

Mike Kelley, Tony Oursler, The Poetics Project, 1977-1997
Installation : quatorze peintures à l’acrylique sur bois, trois objets-sculptures,
onze projecteurs, six haut-parleurs, un orgue de son, un CD audio,
onze bandes vidéo de 5 à 226 min, couleur, son
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Autre grand projet de Mike Kelley, développé en collaboration avec Tony Oursler, The Poetics Project, installation magistrale, visuelle et sonore, investit tout l’espace central de l’exposition. Présentée à la documenta X de Cassel en 1997 puis acquise par le Centre Pompidou, elle consiste en une évocation monumentalisée d’une aventure restée jusqu’alors confidentielle, celle du groupe The Poetics que Tony Oursler et Mike Kelley fondent en 1977 alors qu’ils sont tous deux étudiants à CalArts.

Constituée de peintures, de sculptures et de projections, l’œuvre trouve son matériau dans les archives des deux artistes (carnets de notes, croquis, compositions), dans des images de paysages ou de lieux qui ont joué un rôle dans leur projet, mais aussi dans leurs souvenirs et dans ceux de leurs contemporains, avec notamment des interviews de Tony Conrad, John Cale, Alan Vega, Laurie Anderson, David Byrne, Dan Graham… Dans la logique chère à Mike Kelley, il s’agit là de réhabiliter une histoire dite « mineure » tout en échappant au récit linéaire et figé de l’histoire officielle. La multiplicité des médias, des techniques et des références mobilisés invite ainsi à une réinvention des dispositifs d’écriture du récit historique.

Des peluches et des hommes Retour haut de page

Mike Kelley, Garbage Bag V, 1989Mike Kelley, Figure II (Hair), 1989

1. Mike Kelley, Garbage Bag V, 1989
Acrylique sur papier, 102,2 x 81,2 cm

2. Mike Kelley, Figure II (Hair), 1989
Acrylique sur papier, 102,2 x 81,2 cm

Commencé en 1987, la série Half a Man semble introduire un nouveau registre dans l’œuvre de Mike Kelley. Constitué pour une large part d’animaux en peluche usés, récupérés, il évoque, pourtant loin de toute nostalgie, l’univers de l’enfance et la façon dont, inscrit dans des considérations marchandes, il est souvent surinvesti par les adultes. Mises en scène de façon à la fois tragique et comique, ces peluches, chargées dans la vie quotidienne d’une forte valeur affective, suscitent ici un certain malaise. Ce sont d’ailleurs elles qui ont fait connaître plus largement Mike Kelley au début des années 1990 en scandalisant en partie l’opinion publique.
La série Half a Man est complétée par un ensemble de dessins d’organes (poumons, reins, etc.) associés à des dessins de sacs poubelle et de poupées de chiffon. Présentés en alternance, selon un accrochage linéaire, ces différents registres sont ainsi mis sur le même plan, selon l’entreprise de « dé-hiérarchisation » chère à l’artiste qui, mettant sur le même plan nos organes vitaux, nos déchets et nos doudous, revisite tout notre système de valeur. 

Mike Kelley, Ahh… Youth!, 1991

Mike Kelley, Ahh… Youth!, 1991
Huit photographies Cibachrome, 60 x 41 cm chaque
Éd. de 10 + 2 EA. Éd. 2/2 EA

Inscrite dans le projet Half a Man, l’œuvre Ahh… Youth ! a servi de couverture à l’album Dirty (1992), emblématique du style « noisy » développé par le groupe Sonic Youth qui s’affirme alors comme un groupe phare de la scène musicale. Elle se présente comme une galerie de portraits façon photomaton. Les personnages en sont de petites peluches à l’allure misérable, sales et usées, avec un œil en moins, un museau recousu, le poil arraché...

Parmi eux, Mike Kelley se représente lui-même, en adolescent. Sa peau marquée et son regard incertain font écho aux imperfections des peluches dépenaillées. Il semble être l’une d’entre elles. Là encore, le nivellement et la confusion entre humain et non-humain sont à l’œuvre, introduisant une perturbation dans nos repères et un certain malaise, entre amusement et commisération.

Éducation et traumatismes ordinaires Retour haut de page

Mike Kelley, Educational Complex, 1995

Au premier plan : Mike Kelley, Educational Complex, 1995
Acrylique, fibre de verre, bois, latex, mousse, 146,7 x 488,2 x 244,2 cm

Au second plan, à gauche : Mike Kelley, Paul McCarthy, Heidi, 1992
Vidéo, couleur, son, 62 min 40 s
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Le thème de l’éducation est central dans l’œuvre de Mike Kelley. En tant que processus social de mise en conformité des individus, il l’intéresse au plus haut point. Afin de l’appréhender, il se penche sur les lieux dans lesquels ce processus va s’incarner et reconstitue, avec la grande maquette blanche d’Educational Complex, la somme des établissements qu’il a fréquentés pendant ses années de formation.
À plusieurs endroits, des trous ou des surfaces lisses apparaissent qui correspondent, selon l’artiste, aux zones que la mémoire n’a pu restituer. Témoignages de souvenirs refoulés, ils concernent des lieux où s’est déroulée une expérience traumatisante. Le recours à la représentation architecturale permet ainsi de donner à voir ce fonctionnement de la mémoire.
Ici, l’élément autobiographique est revendiqué par l’artiste comme un élément relevant du collectif : « En fait dans une culture il n’y a pas de grande différence entre la mémoire des individus et celle du groupe. Mes souvenirs font tellement partie de mythes culturels, de films, de livres et de magazines, de tout ce genre de choses, et tant de mes souvenirs sont de toute façon des fabrications fondées sur ces modèles, que je ne vois pas de grande différence. Tout ce que je fais, moi, c’est de fournir des détails pour que ça ait l’air vrai. »5

Dans Heidi, Mike Kelley et l’artiste peintre, performer et vidéaste Paul McCarthy parodient le conte moral proposé par le roman du même nom de Joanna Spyri, écrit en 1880. Cette vidéo existe aussi en complément d’une installation intitulée Midlife Crisis Trauma Center and Negative Media Engram Abreaction Release Zone, un décor fabriqué par les artistes, un chalet grandeur nature, qui a servi au tournage.
Kelley et McCarthy y interprètent, en compagnie de marionnettes en caoutchouc, les rôles du grand-père et de la petite Heidi, personnages dénaturés aux comportements troubles. Loin d’être le cadre idyllique de l’épanouissement physique et mental, le chalet dans la montagne devient alors le théâtre de scènes sordides, animées par des personnages grotesques, aux frontières de la folie.

Pour en savoir plus sur l’installation et la vidéo Midlife Crisis Trauma Center and Negative Media Engram Abreaction Release Zone, consulter le dossier de presse de l’exposition Hors Limites. L’art et la vie 1952-1994 à la page 13.

Mike Kelley, Extracurricular Activity Projective Reconstruction #28 (Nativity Play), 2004-2005Mike Kelley, Extracurricular Activity Projective Reconstruction #25 (Devil's Door), 2004-2005

1. Mike Kelley, Extracurricular Activity Projective Reconstruction #28 (Nativity Play), 2004-2005
Installation audiovisuelle, matériaux divers, photographies,
365,8 x 457,2 x 690,9 cm
2. Au premier plan : Mike Kelley, Extracurricular Activity Projective Reconstruction #25 (Devil's Door), 2004-2005
Installation audiovisuelle, matériaux divers, photographies,
287,7 x 396,3 x 203,2 cm

Légendes détaillées des œuvres : voir dans les agrandissements
Vues de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Dans les années 2000, Mike Kelley développe un nouveau corpus intitulé Day is Done, consacré au domaine des « activités extrascolaires » (Extracurricular Activity). Il s’agit là, pour lui, de s’attaquer à ces spectacles, ces fêtes déguisées et autres rituels collectifs qui sont autant de zones de traumatismes potentiels. À partir d’une photo trouvée dans des magazines de lycéens ou d’étudiants, il mobilise la fiction pour réaliser ce qu’il appelle lui-même des « reconstructions projectives ».

La grande installation Nativity Play nait ainsi d’une photographie de trois jeunes enfants déguisés en petits anges pour ce qui est sans doute un spectacle de fin d’année proposé par l’école. Mike Kelley refait la photographie, réalise des vidéos à partir de ce point de départ dont il ne connait pas le contexte et  expose également le décor qu’il a imaginé pour cette fiction. Dans les vidéos, la bande son aidant, le malaise des enfants est rendu perceptible et toute l’absurdité de la scène s’impose. Tel un pantin perplexe, l’enfant semble vivre ici, dans l’indifférence générale, ce que l’on pourrait appeler un traumatisme ordinaire.

Plus directement inquiétante, l’installation Devil’s Door met en scène, à partir d’une simple photographie d’un jeune homme déguisé en diable, un petit garçon en prise à deux adultes malsains dans un salon de coiffure. L’humour noir est au rendez-vous, mais ne permet pas d’échapper à l’angoisse qui s’installe à mesure que la fiction progresse.

L’énergie et l’informe Retour haut de page

Mike Kelley, SS Cuttlebone, 2000

Mike Kelley, SS Cuttlebone, 2000
Pâte à papier, acrylique, bois, graines pour oiseaux, os de seiche, bijoux, chevalets
185,4 x 269,2 x 111,7 cm
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Ondes et fluides en tous genres sont des motifs récurrents dans l’œuvre de Mike Kelley. Ils symbolisent l’énergie vitale, sexuelle, créatrice. Les accompagnent les taches et autres pâtés pour ce qu’ils portent en eux de capacité à faire naître toutes sortes d’images mentales. L’informe, qui peut accueillir toutes les interprétations, s’incarne particulièrement dans l’œuvre SS Cuttlebone de la série Memory Ware. Tel un amas de graisse associé à des graines ou autres os de seiche que l’on suspend aux branches ou dans les cages pour nourrir les oiseaux, l’imposante sculpture aux contours indéfinis, ornée de bijoux fantaisie, est posée sur des tréteaux, masse encombrante mais, ici, sans usage identifié.

Représenter l’irreprésentable : Kandors Retour haut de page

Mike Kelley, Kandor 15, 2007

Au premier plan : Mike Kelley, Kandor 15, 2007
Installation audiovisuelle, verre, métal, tubes fluorescents, matériaux divers
243 x 313 x 216 cm. Éd. de 2
Vue de l’exposition, Centre Pompidou, 2013

Le parcours dans l’exposition s’achève par un dernier ensemble d’œuvres consacré à la ville de Superman : Kandors. On y retrouve l’intérêt de Mike Kelley pour l’architecture et l’urbain, mais également, comme dans Educational Complex, pour la question de la représentation sujette aux aléas de la mémoire. Car cette ville mythique, dont une miniature est conservée par le super-héros dans une bouteille, n’est jamais la même au fil des épisodes de la bande dessinée.
Mike Kelley va chercher à saisir cette ville et l’univers qu’elle incarne avec humour par le biais de représentations multiples : du dessin schématique à l’installation monumentale en passant par la sculpture et la vidéo. Kandor 15 est l’une de ces propositions, installation sophistiquée semblable à un décor de laboratoire, où il explore avec brio la science-fiction et la bande dessinée qui nourrissent l’imaginaire collectif.

Derrière le panneau translucide qui sert de fond à l’ensemble, une bassine est négligemment posée. Sorte d’hommage décalé, elle évoque l’esprit de Mike Kelley dont l’assistant raconte qu’il faisait souvent en sorte de rajouter un élément incongru à ses installations, aussi élaborées soient elles.

Autour de l’exposition Retour haut de page

Consulter l’agenda du site www.centrepompidou.fr

Bibliographie Retour haut de page

 

 

 

Crédits

© Centre Pompidou, Direction des publics, juin 2013
Texte : Noémie Giard
Design graphique : Michel Fernandez
Intégration : Cyril Clément
Coordination : Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques Retour haut de page

Références

_1 Cf. John C. Welchman : Les livres de Mike Kelley.

_2 Jean-Philippe Antoine, « Basket nocturne à dos d’âne. Une conversation avec Mike Kelley », Les Cahiers du Musée national d'art moderne, n°73, automne 2000.

_3 Inspiré de Freud, le concept de « l’inquiétante étrangeté » (Das Unheimliche), joue un rôle important dans la pensée de Mike Kelley (« the uncanny », en anglais). Il sert à évoquer le sentiment de malaise qui peut surgir parfois face à une situation familière qui nous paraît soudainement étrangère.

_4 Le choix a été fait afin de ne pas réduire ou perdre le sens de l’œuvre, de ne pas tenter de donner une version française des titres de Mike Kelley, qui sont, la plupart du temps, intraduisibles.

_5 Jean-Philippe Antoine, « Basket nocturne à dos d’âne. Une conversation avec Mike Kelley », Les Cahiers du Musée national d'art moderne, n°73, automne 2000.

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