Arts de la scène et nouvelles technologies
Myriam Gourfink, Les temps tiraillés / 1 2 3 4 5 6 7

 

L’image vidÉo

Pour révéler l’intime des corps

Myriam Gourfink, Les temps tiraillés, 2009
© Eric Legay

Les temps tiraillés mettent en avant deux principes d’écriture différents, deux formes de présence qui se lisent distinctement : proximité de la musique avec le public, sensation d’un ailleurs avec la danse. Pour cette création Myriam Gourfink a voulu développer un univers teinté de féerie. Les costumes et les expressions qui se lisent sur les visages des interprètes dessinent les figures de créatures de contes de fées, telles que des animaux fantastiques ou des monstres. Une incarnation qui n’est jamais totale mais esquissée pour donner à voir la possibilité des multiples images fantasmatiques qui traversent l’imaginaire des danseuses et l’univers de la chorégraphe. L’image évoquée, révélée, surgit dans les corps pour disparaître presque aussitôt. Ces fragments de personnages éphémères invitent le spectateur à éprouver la charge fantastique que recèle chaque micromouvement du corps ou expression du visage dès lors que le danseur s’autorise à suivre son imaginaire et à l’incarner.

Loin du butô et de l’expressionnisme allemand qui usent à l’extrême des expressions du danseur pour transmettre une histoire et sa charge symbolique, la plasticité des expressions livre ici une lecture sur l’imaginaire de l’artiste, sur sa capacité à se laisser habiter par des images souvent irréelles. Elle révèle également que le mouvement peut prendre forme dans l’image et l’image être élément chorégraphique.
Une logique que Myriam Gourfink pousse encore plus loin en proposant à la vidéaste Anne Delrieu d’être présente sur scène pour capter des images qui seront par la suite diffusées sur des écrans vidéos dans l’espace du Centre Pompidou. Présence de l’image pour révéler l’intime des corps, mais aussi création d’un autre lieu pour la danse que celui de la scène. Un espace qui réinvente la chorégraphie, la cadre autrement, révèle des détails qui échappent d’ordinaire à l’œil nu.

 

Des outils innovants pour la danse

Les temps tiraillés est la troisième pièce que Myriam Gourfink réalise en collaboration avec l’Ircam. Cette collaboration régulière s’explique par les affinités évidentes qui existent entre les recherches menées par Myriam Gourfink sur les systèmes de notation et de composition appliqués via des interfaces numériques et la technologie développée par l’Ircam.

Le logiciel LOL
Sa première résidence en 2001 lui permet ainsi de mettre au point le logiciel LOL.
Créé en collaboration avec Frédéric Voisin, Kasper T. Toeplitz et Laurence Marthouret, ce logiciel de composition du mouvement pose les bases de sa recherche entre la notation Laban et l'outil informatique. Il propose de créer des partitions sur la base des signes employés dans la notation Laban qui, sur scène, se déclinent de façon aléatoire afin de régénérer l’écriture chorégraphique pré-écrite. Le but de cette recherche est d'inviter l'interprète à s’inscrire dans une partition ouverte et d’en être le co-créateur.
A partir de ce logiciel, elle crée L’écarlate, une pièce où le corps et l’espace ne sont plus définis par leurs frontières physiques mais par les réseaux de neurones informatiques et les connexions qui les traversent.

Système de captation du mouvement
Au cours de sa deuxième résidence en 2005 elle applique à la construction chorégraphique un système de captation développé en collaboration avec Frédéric Bevilacqua. This is my house, pièce créée au cours de cette résidence, met en scène cinq danseuses qui, grâce à ce système, pilotent par leur souffle et par de lents mouvements la partition chorégraphique affichée sur des écrans LCD placés en hauteur.

En phase avec les techniques informatiques qu’offre l’Ircam, Myriam Gourfink élabore donc un système de composition et de réflexion chorégraphiques de plus en plus rigoureux. Un système qui nourrit fortement l’écriture et la recherche en danse. Preuve que les nouvelles technologies proposent des outils innovants pour la danse.

 

 

Arts de la scène et nouvelles technologies
Myriam Gourfink, Les temps tiraillés / 1 2 3 4 5 6 7

© Centre Pompidou 2009