Dossiers pédagogiques - Collections du Musée

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Martial Raysse, Soudain l’été dernier, 1963

 

INTRODUCTION

REPRÉSENTER L’OBJET
L’EXPÉRIENCE CUBISTE
• Georges Braque (1882-1963)
• Pablo Picasso (1881-1973)

DÉTOURNER L’OBJET RÉEL
DE DUCHAMP AUX SURRÉALISTES

• Marcel Duchamp (1887-1968)
Les ready-made
• L’objet insolite des surréalistes

UNE SOCIÉTÉ D’OBJETS
POP ART AMÉRICAIN ET NOUVEAU RÉALISME

• Le Pop Art américain
• Les Nouveaux réalistes

MISES EN SCÈNE DE L’OBJET
DES MYTHOLOGIES PERSONNELLES

• Joseph Beuys (1921-1986)
• Bertrand Lavier (1949)

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 

 

INTRODUCTION

L’objet traverse la tradition picturale occidentale dès l’antiquité. Mais c’est au XVIe siècle que la représentation de l’objet inanimé devient autonome et constitue un genre à part entière, celui de la nature morte, qui se canonisera alors en tant que peinture d’objets qui posent, comme suspendus dans le temps et agencés par la main de l’artiste.

Crânes, instruments de musique, miroirs, corbeilles de fleurs et de fruits semblent enfermer le spectateur dans le monde muet des choses. Les XVIe et XVIIe siècles hollandais seront riches en tables servies de verres transparents et de fruits épluchés, tandis que les vanités s’affirment en France où brillera un siècle plus tard le génie incontesté de ce genre : Chardin.
Cézanne fera de la nature morte, car elle présente un répertoire inépuisable de formes, de couleurs et de lumières, le champ de prédilection de sa création picturale. Les cubistes y verront le genre le mieux adapté pour rendre, en peinture, la question de la représentation de l’espace. Déjà en 1912 avec sa révolutionnaire Nature morte à la chaise cannée, Picasso introduit dans le tableau un bout de toile cirée pour le cannage et une corde pour matérialiser l’ovale du cadre. Des éléments prélevés au réel remplacent donc, par endroits, la représentation et dialoguent avec les parties peintes. L’objet ou plutôt des fragments d’objets réels envahissent la représentation.

Mais c’est à Duchamp que revient le geste radical transformant, par la seule déclaration de l’artiste, l’objet quotidien manufacturé en œuvre d’art. Les premiers ready-made datent de 1913. Depuis, l’objet sort du cadre de la peinture et envahit le monde réel se présentant en tant que tel dans la scène de l’art. Il se prêtera aux détournements et aux assemblages les plus surprenants des surréalistes, aux “accumulations”, “compressions” et différents “pièges” des Nouveaux réalistes, aux mises en scène de la nouvelle sculpture objective contemporaine, en passant par l’adhésion enthousiaste et critique à la fois du Pop art américain qui a fait d’une société de consommation et de ses objets le sujet principal de son  art. L’objet interpelle l’art au XXe siècle, son statut et ses limites, qu’il repousse de plus en plus loin.
C’est une traversée des collections du Musée national d’art moderne à l’enseigne d’un des événements artistiques majeurs du siècle dernier, “l’affirmation de l’objet”, que ce dossier propose.

 

ReprÉsenter l’objet
L’expÉrience cubiste

Violons et bouteilles, guitares et guéridons, journaux et verres peuplent les natures mortes cubistes. Dénoué de toute action, ce genre pictural sert à merveille les recherches plastiques de Braque et de Picasso entre 1910 et 1914. L’objet y est représenté dans ses mille facettes en une diffraction de plans qui le développent dans l’espace. La vision monoculaire de la perspective classique vole en éclats à l’enseigne d’une multiplication des plans qui se rabattent à la surface de la toile.

 

Georges Braque (1882-1963)

Cinq bananes et deux poires, 1908
Huile sur toile
24 x 33 cm

Braque explore ici le motif du compotier de fruits avec une référence explicite à Cézanne. Il est superflu d’évoquer l’influence de Cézanne sur la peinture cubiste mais Braque le fait d’une façon consciente et singulière. Il reprend le motif des natures mortes et le développe dans une dynamique spatiale où ce qui prime est la continuité de l’espace encore plus que la définition stricte de l’objet. Le vert des poires dialogue avec celui de la nappe et l’ocre des bananes avec celui du mur. Les formes géométrisées résonnent avec les ombres et les lumières de l’espace. Braque rappelle que “Le peintre pense en formes et en couleurs, l’objet c’est la poétique” ; il dit aussi qu’ “on ne doit pas seulement reproduire les choses. On doit pénétrer en elles, devenir nous-mêmes la chose”.

Le Guéridon, 1911
Huile sur toile
130 x 89 cm

Le motif de la table ronde sera une constante de la peinture de Braque. De la table il ne reste plus qu’une allusion : le segment de cercle indiquant le plan tandis que les objets nous échappent dès qu’on croit les reconnaître. La fragmentation des objets en une multitude de facettes lumineuses crée, avec la lumière recréée mentalement, la sensation d’un espace tactile en mouvement. La couleur est réduite aux gris et ocres bruns, procédé typique de cette première période du Cubisme dit analytique. L’austérité de la couleur vient du souci de rendre l’espace et avant tout l’espace sans qu’aucune interférence puisse en troubler la perception, affirme l’artiste.

 

Pablo Picasso (1881-1973)

Si la “réalité de la vision” avait été l’obsession du Naturalisme du XIXe siècle, le Cubisme ne cherche pas la vision réelle mais l’expérience mentale que l’artiste a du monde. Ainsi s’élabore une nouvelle “écriture du réel” (Kahnweiler) que Braque et Picasso mettent en pratique d’abord dans la phase dite analytique où domine une “réalité de conception”, à laquelle se plie la représentation du monde.

A partir de l’expérience des papiers collés, inventés par Braque à l’automne 1912 et continuée par Picasso, commence l’autre phase dite synthétique du Cubisme qui se caractérise par un retour à la réalité et une autre façon de dire le réel. L’armature dessinée dialogue avec des coupures de journal choisies pour leur dimension plastique, ou sémantique. L’objet s’y dit par effraction de fragments prélevés au réel qui jouent avec des lettres et des dessins. Picasso invente alors un langage de signes qui résument l’objet, d’où l’appellation de synthétique. De plus en plus il insistera sur l’ambiguïté de la représentation, l’effet de trompe-l’œil, en usant alternativement de trois techniques : peinture, sculpture et papier collé.

Verre d’absinthe, 1914
Bronze peint et sablé et cuillère à absinthe
21,5 x 16,5 x 6,5 cm
© Succession Picasso

Verre d’absinthe est le seul exemplaire monochrome d’une série de six, premier cycle de variations chez Picasso. La forme est ici ouverte vers son intérieur qui doit lui aussi être représenté. Entre la version monochrome brune et les autres, de couleur, la différence semble affecter la forme aussi. Mais ce n’est qu’un effet d’illusion induit par la couleur appliquée à certains endroits. Par la couleur c’est tantôt un élément, tantôt un autre, qui passe au premier plan. Verre d’absinthe appartient au Cubisme synthétique par cette intervention de la couleur dans la synthèse des plans.

Le verre, avec la bouteille, est un des objets de prédilection du Cubisme. Il induit la transparence, la diffraction optique, permettant un élargissement de la forme. Contrairement à l’objet insolite des surréalistes, il s’agit d’un objet d’atelier, d’un objet familier.

Comme le souligne Werner Spies, l’originalité de cette œuvre réside dans le curieux assemblage entre le verre modelé par la main de l’artiste, un verre représenté donc, une cuillère réelle en argent, et l’imitation en fac-similé d’un morceau de sucre. On retrouve donc ici trois niveaux de référence. “Je m’intéressais à la relation entre la vraie cuillère et le verre sculpté. A leur confrontation”, affirme Picasso.

Il s’agit de donner à l’objet, note encore Spies, “le maximum d’expérience de l’objet”. L’objet ne se présente pas dans sa statique, ni dans une perception cinétique (futuristes) qui brouillerait la forme. Picasso concilie la forme et la richesse perceptive d’une forme qui s’ouvre à l’espace où “s’additionnent” les divers plans de l’objet. Le côté sablé de l’extérieur du verre rappelle la rugosité du sucre qui contraste avec l’aspect lisse de la cuillère perforée. L’objet réel et l’objet de l’art coexistent dans une tension qui dynamise l’œuvre et son efficace. Comme l’écrit encore Spies, la cuillère en argent accentue l’illusion à savoir l’effet de réel de la représentation. On est ici au cœur du verre d’absinthe et de sa fonction liée à la boisson de l’alcool mythique. Tout est prêt à recueillir l’eau qui, mêlée à la liqueur et tombant sur le sucre, commence le rituel magique.

 

DÉtourner l’objet rÉel
De Duchamp aux surrÉalistes

Dès sa Nature morte à la chaise cannée (1912), Picasso avait été très loin dans le processus de désacralisation de l’œuvre d’art en incluant des éléments bruts prélevés au réel dans la peinture. L’expérience des papiers collés accentue cette mise en cause de la représentation canonique. Le réel surgit par des matériaux bruts dans la représentation mais ces intrusions dialoguent avec les parties peintes ou dessinées et les cubistes s’en servent à des fins plastiques. Un pas ultérieur vers la désacralisation de l’œuvre d’art est franchi par Marcel Duchamp. Cette désacralisation et la nouvelle relation à l’objet qu’elle implique vont se redéployer dans une nouvelle aventure de l’objet, l’objet surréaliste, à la recherche de l’irruption du rêve dans la réalité.

 

Marcel Duchamp (1887-1968)
Les ready-mades

En 1913, Marcel Duchamp expose une “sculpture” appelée Roue de bicyclette. Deux objets quotidiens sont assemblés et collés l’un sur l’autre par l’artiste : une roue de bicyclette et un tabouret. Ici rien ne sort de la main de l’artiste, qui réalise un collage tridimensionnel en assemblant deux objet usuels.

Peintre à l’origine, Duchamp s‘était déjà insurgé contre les peintres qu’il appellera “les intoxiqués de la térébenthine” et contre “la bêtise rétinienne” qui serait liée à cet art. Il se réclame plus proche de l’expression de Léonard définissant la peinture comme une “chose mentale”. Son Nu descendant l’escalier fait scandale à New York et le rend célèbre. Au-delà du nu, il y recherche une méthode de démultiplication du mouvement dans l’espace.

Porte-bouteilles, 1914 (1964)
(Séchoir à bouteilles ou Hérisson)
Porte-bouteilles en fer galvanisé
64,2 x 42 cm (diam.)

En 1914, avec le fameux Porte-bouteilles, acheté au Bazar de l’Hôtel de ville, Duchamp élabore le concept de ready-made : “objet usuel promu à la dignité d’œuvre d’art par le simple choix de l’artiste” (Dictionnaire abrégé du Surréalisme, André Breton, 1938).

La main de l’artiste n’intervient plus dans l’œuvre. Tout savoir faire ainsi que tout plaisir esthétique lié à la perception de l’œuvre s‘annulent. La trace du créateur a disparu et se réduit au seul choix et à la nomination de l’objet. Le titre qui, d’abord, nomme le plus platement l’objet, Porte-bouteilles, prendra de plus en plus d’importance : l’objet sera rebaptisé, plus tard, Séchoir à bouteilles ou Hérisson.

Le choix de cet objet n’était pourtant pas anodin, les verres et les bouteilles avaient envahi la peinture cubiste de laquelle Duchamp voulait sortir comme d’une “camisole de force”, disait-il. Aux bouteilles et aux verres se démultipliant en mille facettes transparentes du Cubisme analytique succède l’objet réel, opaque et en fer, qui les accueille, piquant comme un hérisson.


Fontaine, 1917
Urinoir retourné, porcelaine
63 x 48 x 35 cm

En 1915 Duchamp part pour les Etats-Unis. Poursuivant ses ready-made il y ajoute des inscriptions comme, sur une pelle à neige, En prévision du bras cassé. La logique verbale seule transforme, par l’humour et les jeux de mots, l’objet usuel en autre chose : une précipitation du futur probable. Duchamp insistera de plus en plus sur cette dimension verbale impliquant par des sous-entendus l’esprit du spectateur dans la perception de l’œuvre. A la délectation de l’œil succède celle de l’esprit.

De 1917 date son ready-made le plus connu, le célèbre urinoir retourné et rebaptisé Fontaine. Présenté au salon des indépendants, à New York, sous un pseudonyme (R Mutt), le jury dont il fait lui-même partie le refuse, scandale par lequel commencent l’épopée et le succès des ready-made.

Les ready-made originaux ont disparu, restent des répliques qui, comme le dit Duchamp, “transmettent le même message que l’original”. Selon lui, le seul critère esthétique ne suffit pas à définir ce qui est de l’art et ce qui ne l’est pas, et l’artiste sera celui qui remettra en question les limites de l’art en les poussant de plus en plus loin. La disparition de la fonction d’usage de l’objet proclamée par son installation dans un milieu muséal et la nouvelle signification que son titre lui confère suffisent, désormais, à qualifier d’œuvre d’art ce qui à priori ne le serait pas.

Le geste radical et inaugural de Duchamp sera à l’origine d’un grand nombre de remises en cause du statut de l’art au XXe siècle et d’une percée de l’objet dans le champ des arts plastiques.

 

L’objet insolite des surréalistes

“Les ready-made et ready-made aidés, objets choisis ou composés par Marcel Duchamp à partir de 1914, constituent les premiers objets surréalistes” selon Breton. Si l’esprit de contestation et de provocation de Dada avait vu en Duchamp un de ses noms les plus représentatifs, les surréalistes aussi lui reconnaissent une certaine paternité en ce qui concerne leur relation à l’objet.

Fidèle au principe de leur esthétique, illustrée par la phrase de Lautréamont : “Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection”, l’objet surréaliste est le fruit du collage d’objets les plus inattendus, issus de la rencontre de deux réalités différentes sur un plan qui ne leur convient pas. L’effet cherché est toujours la surprise, l’étonnement, le dépaysement comme celui provoqué par l’irruption du rêve dans la réalité. L’association d’objets se faisant au nom de la libre association de mots ou d’idées qui, selon Freud, domine l’activité inconsciente et en particulier l’activité onirique.

Les surréalistes s’étant particulièrement intéressés à l’objet, le Dictionnaire abrégé du Surréalisme propose une panoplie d’objets artistiques : objets réels et virtuels, objet mobile et muet, objet onirique, objet fantôme, etc. Ce qui réunit ces différentes déclinaisons de l’objet est leur charge inconsciente et symbolique, l’appel à une surréalité que les surréalistes trouvaient plus réelle que le réel lui-même.

 

Man Ray (1890-1976)

Peintre et photographe, Man Ray illustre littéralement la phrase phare de Lautréamont dans les Chants de Maldoror, “Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection”, en photographiant la réunion de ces objets. Acteur du mouvement Dada, Man Ray marque, avec ses objets étranges, le glissement de l’esthétique de révolte contre la belle peinture chère à Dada, vers la poétique de l’étrange, du fantastique et du rêve propre au Surréalisme, que Breton rendra officielle en 1924 avec son Manifeste du Surréalisme.

Objet à détruire,1923
Métronome et collage
23,5 x 11,5 cm
Surréaliste ante litteram, le métronome qui ne scande plus le temps est un des “objets empêchés” de Man Ray. Comme il l’avait fait en 1921 avec Cadeau, un fer à repasser sur la base duquel il avait ajouté 14 clous qui en rendaient impossible la fonction, le métronome, rendu silencieux et immobile, se pare du collage incongru d’un œil et d’une étiquette qui détournent l’objet originaire et introduisent vers d’autres espaces évoquant les images surdéterminées de sens du rêve.

 

Alberto Giacometti (1901-1966)

Table, 1933
Plâtre
148,5 x 103 x 43 cm

Conçue pour être un meuble, cette sculpture, dont le principe repose sur l’association étrange d’objets, exerce sur le spectateur un sentiment subtil d’inquiétante étrangeté. La tête de femme en partie voilée et son voile qui se poursuit dans le vide évoquent par métonymie un corps absent de la scène de la représentation mais qui pourrait faire partie de la table. Le curieux polyèdre, en équilibre instable sur le bord de la table, contrastant avec les éléments figuratifs de la sculpture, ajoute du mystère à la composition. La dimension de l’attente et de l’angoisse se lisent ici.



Joan Miró (1893-1983)

L’objet du couchant, 1935-36
Tronc de caroubier peint et éléments métalliques
64 x 44 x 26

Sur un tronc de caroubier peint en rouge, Miró accroche des ferrailles trouvées au hasard de ses promenades, qui le fascinent par une force magnétique plus forte que lui. Un ressort, une chaîne, un brûleur à gaz sont supposés représenter un couple de mariés ! A sa création on prit cet objet pour une farce, sauf Breton qui fut saisi par son côté magique et auquel l’objet fut cédé.

 

Victor Brauner (1902-1966)

Loup-table, 1939-1947
Bois et éléments de renard naturalisé
54 x 57 x 28,50 cm

La table, objet on ne peut plus familier et réconfortant car lié aux repas, à l’élément nourricier source de vie, se retourne en son contraire se métamorphosant en animal agressif et dévorant. Le mot loup, contenu dans le titre, évoque les contes d’enfants et les fantasmes d’engloutissement par dévoration. Néanmoins, avec un ultérieur désarçonnement de tous nos repères, c’est un renard que ce curieux assemblage nous présente.



Max Ernst (1891-1976)

Loplop présente une jeune fille, 1930, 1936, 1966
Huile sur bois, plâtre et collage d’objets
194,5 x 89 x 10 cm

Les objets surréalistes ne se présentent pas seulement en tant que tels associés à d’autres objets. Ils peuvent aussi envahir l’espace bidimensionnel de la peinture comme dans ce tableau synthèse de son œuvre, sur lequel Ernst est venu à trois reprises après de longs intervalles.

L’artiste qui s’identifie à Loplop, l’oiseau supérieur, présente sa peinture, dans une mise à distance qui trouble le regard et l’esprit. Max Ernst avait déjà réalisé des tableaux reliefs, mais ici c’est la peinture elle-même qui est remise en question par la citation dérisoire du tableau dans le tableau.

La peinture que Loplop présente n’est qu’un simulacre de peinture que le cadre peint accentue. A l’intérieur, une surface rugueuse, comme le reste du panneau, dans laquelle des objets réels remplacent les objets peints. Remise en cause loufoque de la mimesis picturale, de tout illusionnisme et du travail du peintre, qui se place résolument au-delà de la peinture. Les objets, une roue en métal, une pierre dans un filet, ainsi qu’une crinière de cheval, imposent leur réalité d’objets sans ambiguïté décorative. Ils appartiennent au répertoire thématique de l’artiste qui proclame ainsi sa création à l’enseigne de la distanciation.


 

Une sociÉtÉ d’objets
Pop art amÉricain et Nouveau rÉalisme

Les années soixante s’ouvrent, aux Etats-Unis comme en Europe, à l’enseigne de l’objet. C’est un retour au réel que proposent les artistes pop, réel qu’ils identifient à la société de consommation, s’emparant le plus souvent de ses images médiatiques pour la décrier et la proclamer en même temps. Pour les Nouveaux réalistes, qui définissent leur art comme une «nouvelle approche perceptive du réel», l’objet devient un protagoniste à part entière de leur moyen d’expression.

 

Le Pop Art américain

L’objet en tant que marchandise promu par la société de consommation se met en place, dans les années soixante, avec son langage publicitaire et ses mass-media. Déjà vers la fin des années cinquante, des artistes comme Robert Rauschenberg et Jaspers Johns avaient réagi contre les derniers sursauts de l’Expressionnisme abstrait, trouvant dans l’esprit antiacadémique de Dada et dans la figure de Duchamp leurs inspirateurs. Ces artistes prônent un retour au réel et si Rauschenberg intègre dans ses immenses tableaux, les Combine-paintings, des objets usagés de toutes sortes (journaux tabourets, lits, bouteilles de Coca, etc.), Johns réalise des peintures du drapeau américain ou des cibles de tir qui sont des peintures littérales de l’objet en question.

Dans la voie ouverte par ces deux pionniers, des artistes comme Claes Oldenburg et Jim Dine pour la sculpture, Andy Warhol et Roy Lichtenstein pour la peinture, se tournent résolument vers le monde décrié de la marchandise (hamburger, boîtes de lessive, canettes de Coca Cola) et vers les nouvelles formes de culture populaire : publicité, bande dessinée, stars de cinéma et de la politique, dans un élan à la fois enthousiaste et critique.

Malgré la promotion au rang d’œuvre d’art de tels objets ou de telles images, ce sont, le plus souvent, les rouages pervers d’une société de consommation que ces artistes révèlent avec humour, ironie et inquiétude. Les caisses d’emballage de Warhol pour le jus de tomates Campbell’s sont des faux ready-made, car réalisés par l’artiste qui fait graver sur les caisses le graphisme publicitaire. Ces objets trompent l’œil et l’esprit à l’image de la logique marchande.

Chez les pop artistes américains l’objet n’est que rarement introduit tel quel. Il est reproduit en trompe-l’œil ou sous une forme grotesque par des agrandissements qui en altèrent le sens, en soulignent la trame, paraissant parfois plus réel que le réel lui-même jusqu’à toucher l’irréel et l’inquiétant.

 

Claes Oldenburg (1929)

Sa version du Pop Art, art populaire qui se veut à la portée donc de tout public, consiste à imiter des objets quotidiens, liés à l’univers de la marchandise alimentaire ou vestimentaire, qu’on achète dans des échoppes ou des boutiques “bas de gamme”. Les répliques qu’Oldenburg propose de ces objets sont agrandies, avec une mise à nu de la matière et une exacerbation de la couleur. Sucettes géantes, hamburger, casquettes, vestes, façonnés en plâtre et peints grossièrement avec des coulures, envahissent l’espace et s’imposent à l’enseigne du mauvais goût.

Pink cap, 1961
Peinture à l’émail sur mousseline plâtrée
86 x 97 x 21 cm

Pink cap, casquette rose, fut présentée avec d’autres objets ayant trait à l’habillement, à New York en 1961, dans une exposition de groupe. Elle fera ensuite partie des objets de son magasin, The Store, ouvert par l’artiste dans son atelier pour imiter ironiquement l’endroit où ces marchandises se vendent. Le spectateur-acheteur pourra ainsi, sans mystère, pénétrer dans l’espace de fabrication de l’œuvre, réalisée par un artiste-artisan qui travaille dans le lieu même de vente.

Le circuit de la galerie d’art et la valorisation muséale sont ici visés. Ces objets qu’on ne peut plus saisir avec la main, car ils se déploient dans l’espace, ont quelque chose d’inquiétant. C’est le familier qui se révèle étrange, prend des proportions immenses et nous entoure.

 

Andy Warhol (1930-1987)

Dessinateur publicitaire avant de devenir artiste, Warhol est la figure la plus représentative du Pop Art. Son personnage ainsi que son œuvre ont fasciné. Bien qu’il apparaisse comme le plus impersonnel et le plus distant des artistes pop, son œuvre joue sur l’ambiguïté. C’est à l’image de l’objet que s’attaque Warhol.

Reproduisant à l’infini, par le procédé de la sérigraphie, l’image publicitaire ou des mass-media, Warhol lui enlève sa substance, l’inscrivant dans le vertige du multiple, du banal, promu néanmoins au rang d’œuvre d’art. “Je veux être une machine”, proclame t-il, en légitimant son procédé mécanique de reproduction de l’image, écho d’une société sans âme que son œuvre représente et par là-même critique. Il se fait le représentant d’une société capitaliste à son apogée mais qui est néanmoins troublée par l’image de la mort. Accidents routiers, chaises électriques sont l’autre face de son art.

Electric chair, 1967
Acrylique et laque appliquée en sérigraphie sur toile
137 x 185 cm

Warhol fait subir aux sujets les plus différents le même traitement emprunt d’une grande distance. Puisant toujours dans le répertoire des mass-media, il montre, par le procédé de l’image médiatisée qui s’est glissée entre le spectateur et le réel, l’impossibilité d’atteindre à la chose elle-même. D’où l’absence de tout affect dans ses œuvres qui dénoncent la déréalisation de l’homme moderne produite par la société du spectacle et le devenir marchandise du monde.

Ainsi, la chaise électrique qui, avec la bouteille de Coca-Cola, est un des symboles de l’Amérique, se présente dans son statut d’image, froide et déshumanisée. Cette œuvre appartient aux Disaster Series (1963). Le même sujet violent est présenté sous des couleurs différentes et témoigne, avec cet aspect de la mort, de l’autre polarité de son art qui s’oppose aux visages riants.

A l’objet se substitue ici l’image sérielle, froide et déréalisante dans sa répétition.

 

Les Nouveaux réalistes

Le 27 octobre 1960, chez Yves Klein, rue Campagne Première à Paris, advient la naissance officielle du Nouveau Réalisme qui réunit une dizaine d’artistes : Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jacques Mahé de la Villéglé, Jean Tinguely. Leur signature sera suivie de celle du critique qui sera leur porte-parole, Pierre Restany. La déclaration, qui tient en deux phrases, annonce le programme : “Le jeudi 27 octobre les Nouveaux Réalistes ont pris conscience de leur singularité collective. Nouveau Réalisme = nouvelle approche perceptive du réel”.

A ces premiers noms s’ajouteront ensuite ceux de César, Gérard Deschamps, Mimmo Rotella et Niki de Saint Phalle. L’année suivante Restany, dans un texte intitulé 40° au dessus de Dada, situait ce mouvement dans la filiation de Dada et de Duchamp.

Tout en présentant des démarches très différentes, ces artistes ont en commun le même intérêt porté à l’imagerie de la culture de masse dont ils s’approprient les objets. “Les Prisunics sont les musées d’art moderne” osera affirmer Raysse. Mais l’expression “nouvelle approche perceptive du réel” les différencie du Pop Art et laisse à chaque artiste une très grande liberté. L’objet tel quel devient le protagoniste à part entière de cet art qui consiste à se l’approprier.

Si Arman “accumule” ses objets selon une logique quantitative qui en efface la singularité, César, qui fait des tôles de voiture son objet fétiche, les “compresse”, pour aboutir à des immenses parallélépipèdes qui tiennent au sol comme des sculptures polychromes. Spoerri, avec ses “tableaux-pièges”, capte des instants du réel en s’appropriant les restes de repas qu’il place avec leur plateau à la verticale. Raysse élabore des assemblages où l’image photographique de femmes, anonymes et stéréotypées, joue avec l’objet réel dans une véritable “poésie objective”, tandis que Tinguely, avec ses machineries absurdes et complexes, agrégats d’objets mécaniques bruyants, enclenche des mécanismes incohérents et infernaux à l’image de notre monde contemporain.

 

Arman (1928)

D’abord peintre abstrait, bien qu’il ait toujours revendiqué son art comme une évolution de la peinture, Arman quitte cette pratique avec l’introduction de l’objet quotidien dans son œuvre. Ses réalisations se déclinent dans un rapport toujours différent à l’objet. Accumulé tel quel, ou en tant que détritus (série des Poubelles commencée en 1959), brisé dans la série des Colères, brûlé dans les Combustions, se détachant d’une surface qui serait celle de la peinture qu’il remet en question, ou assemblés en immenses sculptures, les objets scandent son œuvre.

Home Sweet Home, 1960
Accumulation de masques à gaz dans une boîte fermée par un plexigas
160 x 140,5 x 20 cm

Dans cette œuvre, Arman accumule de vieux objets identiques, les fixe sur un support bidimensionnel et les dispose dans une boîte fermée par une vitrine, avec la même méticulosité qu’un entomologiste qui collectionne des papillons. Mais ici il ne s’agit pas d’insectes. Ces objets ne sont pas anodins. Ce sont des masques à gaz, disposés différemment selon chacune des trois versions que l’artiste donnera de l’œuvre.

Le principe est celui de la profusion infinie du même, de la répétition qui tend à déborder le cadre et fait appel à la dimension du all-over. Le titre, qui suggère la dimension de douceur et d’intimité domestique du collectionneur s’adonnant à sa passion dans son chez-soi, contraste, par une ironie tragique, avec l’objet fortement connoté, ces masques à gaz désormais liés dans la conscience de chacun à l’horreur des camps d’extermination nazis. Cet objet symptôme du XXe siècle est rendu à tout son côté macabre, par l’accumulation et l’enfermement dans un cadre strict, la boîte-maison, où s’inscrit l’horreur.

 

Martial Raysse (1936)

Martial Raysse apparaît souvent comme le représentant le plus prestigieux du Nouveau Réalisme dont il a fait partie dans les années 1960. A partir de 1970 l’artiste remettra en cause l’idéologie de la rupture des années 60 par une reprise subtile, sous la forme du pastiche, de la peinture ancienne et par l’évocation d’un univers énigmatique aux connotations mythologiques, résolument singulier.

Soudain l’été dernier, 1963
3 panneaux assemblage : photographie peinte à l’acrylique et objets
100 x 225 cm

De ce “tableau à géométrie variable”, car se déployant sur des plans décalés, jouant finement entre les trois registres de la photographie, de la peinture et de la sculpture, “soudain” l’objet réel fait irruption dans l’espace même du spectateur. Un chapeau de paille et une serviette s’avancent au-delà de la surface peinte, dans une temporalité d’effraction qui rappelle celle du titre emprunté à Tennessee Williams. “Soudain” comme l’a été aussi le déclic photographique qui a pris la pose de la jeune femme à la plage, figure anonyme et stéréotypée d’une imagerie de consommation pour des produits solaires ou pour des vacances au bord de l’eau. Mais sur cette image photographique, agrandie, la retouche à la peinture révèle des parties qui semblent appartenir à la peinture ancienne : trompe-l’œil du bras, modelé des verts sur les jambes de la jeune femme, blanc du drap peint.

Tout en célébrant une imagerie de masse, Martial Raysse la transcende par l’irruption abrupte de la poésie dans l’ici et maintenant de la perception de l’œuvre qui ne tient pas en place. Le modèle photographique sort du cadre de la peinture, et l’objet réel sort du cadre de la représentation pour troubler la perception. Le temps aussi semble sortir de ses gonds et en appeler à plusieurs temporalités à la fois : à l’actualité de la photographie comme technique moderne de représentation s’ajoute le passé de la pose, “l’été dernier”, aux rappels à la peinture ancienne répond le hors temps de l’irruption de quelque chose, le “soudain”, ici surdéterminé de sens, du déclic photographique, de l’impression de l’image et de la perception de l’œuvre.

 

 

Mises en scÈne de l’objet
DES MYTHOLOGIES PERSONNELLES

Masqué, peint, chargé de singulières résonances psychiques, l’objet sera aussi isolé et mis en scène. Dans ces cas, porté au devant de l’espace, l’objet participe du milieu qui le reçoit et qui l’expose : le musée ou la galerie d’art. De plus en plus l’œuvre d’art est l’expression de démarches contemporaines isolées à l’enseigne d’une mythologie personnelle dont seul l’artiste possède la clef d’interprétation.

Jean Michel Sanejouand réalise ses premiers Charges-objets en 1963, qui dérivent de ses anti-peintures. L’objet s’oppose à la peinture et s’impose, seul, dans l’espace. Composés d’objets réels assemblés incongrûment avec d’autres fragments d’objets, ces charges-objets sont assemblés de telle façon que le sens ainsi que l’usage ancien disparaissent. Ils aspirent à une banalité sans signification autre que leur être là, leur présence problématique, leur non-sens. La dimension ironique affleure néanmoins dans ces objets chargés de rien.

Pour Joseph Beuys, proche du mouvement Fluxus, les objets qu’il expose, Chaise de graisse, 1964, ou Infiltration homogène pour piano à queue, 1966, sont des pièces sorties des performances qu’il réalise, où l’objet dissimulé occupe la totalité de la scène. Fin des années 60, Jean-Pierre Raynaud invente les Psycho-objets tandis que, dans les années 80, Bertrand Lavier présente ses “frigidaires” et ses meubles de bureau peints.

 

Joseph Beuys (1921-1986)

Beuys élargit à la totalité du réel la notion d’art. Ses actions rituelles veulent libérer la pluralité des sens. L’art aurait une vertu thérapeutique et l’artiste serait proche du chaman. Objets et matériaux liés à une symbolique toute personnelle ancrée dans sa biographie participent d’un art à visée sociale dans une société malade.

Infiltration homogène pour piano à queue, 1966
Piano à queue recouvert de feutre et tissus
100 x 152 x 240 cm

En associant un piano, instrument de musique et porteur d’ondes sonores, au feutre, matériau symbole de vie et de survie pour l’artiste, Beuys veut faire de cet objet un vecteur d’énergie. A travers le feutre se filtre le potentiel sonore du piano. L’objet se déguise, et se devine derrière le tissu qui l’ouvre à d’autres expériences sensibles. “Les deux croix, dit Beuys, signifient l’urgence du danger qui menace si nous restons silencieux […] Un tel objet est conçu pour encourager le débat et en aucun cas comme produit esthétique.”

Ainsi l’objet se pare de plus en plus de résonances symboliques que l’artiste se doit d’expliquer car elles lui sont propres, comme c’est le cas aussi pour les Psycho-objets de Raynaud. Le pot de fleur et le carreau de faïence blanche récurrents dans son œuvre renvoient l’un à la vie et l’autre à la mort dans un monde froid et de plus en plus aseptisé.

 

Bertrand Lavier (1949)

L’œuvre de Bertrand Lavier s’inscrit dans le sillage ouvert par Duchamp questionnant avec ses ready-made la limite entre art et non art. Cette limite, devenue de plus en plus mince, il la remet en question avec ses objets anodins de la vie de tous les jours : “frigidaires” ou armoires aux lignes rigides, pièces froides tirées de leur contexte et installées dans le musée. Avec ses objets peints des années 80, Lavier résout le dilemme entre art et non art. La peinture acrylique appliquée en couche épaisse parodiant la touche de Van Gogh fait sortir ces objets du simple statut de ready-made. La peinture recouvre exactement, comme le souligne Jean-Hubert Martin, ce dont elle parle. L’objet qui repose au sol nous interpelle donc de son ambiguïté même : objet et peinture à la fois, donc ni totalement l’un ni totalement l’autre.

Par le recours à la superposition d’un objet sur un autre, comme par exemple un réfrigérateur sur un coffre-fort, Brandt\Haffner, 1984, Lavier renoue avec la thématique de la sculpture et de son socle. Contrairement aux apparences, Lavier se réclame plus de Brancusi que de Duchamp, et ses dispositifs subtils de mise en scène montrent, à travers l’objet, une remise en cause de la sculpture elle-même.

Mademoiselle Gauducheau, 1981
Placards métalliques peints à l’acrylique
195 x 91,5 x 50 cm

Le titre humoristique évoque une figure féminine qui contraste avec l’objet et sa forme rigoureusement géométrique. Il l’entoure d’un mystère que redouble le recouvrement pictural de sa surface. Ce placard métallique de bureau est un meuble banal, entièrement recouvert de peinture acrylique verte, une peinture qui colle à l’objet comme une peau élastique et épaisse et lui confère une consistance de cire. Si l’objet est insignifiant, quotidien et préexiste à son appropriation par l’artiste, c’est un acte de peintre qui lui donne le statut d’œuvre d’art.

Cette pièce hybride est présentée dans l’exposition Cinq pièces faciles, galerie Eric Fabre, avec deux autres meubles de bureau, un réfrigérateur Westinghouse et un piano à queue Gabriel Gaveau. Mise en scène et en relation avec les autres objets de la série ainsi qu’avec l’espace qui l’accueille, elle renoue, par son imposante statique, avec la sculpture que l’artiste revendique.

Margherita LEONI-FIGINI

 



Bibliographie sÉlective

 

Ouvrages

La Collection du Musée national d’art moderne, Ed. du Centre Georges Pompidou, 1986.
La Collection du Musée national d’art moderne, Acquisitions, 1986-1996, Ed. du Centre Georges Pompidou, 1997
L’ivresse du Réel, Ouvrage collectif, Carré d’art contemporain, Nîmes, 1993.
• Denys Riout , Qu’est-ce que l’art moderne ? Folio, Gallimard, 2000.
• Catherine Millet, L’art contemporain en France, Flammarion, 1989.
• Werner Spies, Picasso sculpteur, Editions du Centre Pompidou, 2000
Art moderne. La Collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Brigitte Léal, 2007
Art contemporain. La Collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Sophie Duplaix, 2007

 

Liens

Dossiers pédagogiques sur les collections du Musée national d’art moderne
• Pablo Picasso
• L’art surréaliste
• Le Pop Art
• Le Nouveau Réalisme

Parcours expositions
• La Révolution surréaliste

 

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© Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics, décembre 2004
Texte: Margherita LEONI-FIGINI, professeur relais de l’Education nationale à la DAEP
Maquette: Michel Fernandez
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education/ rubrique ’Dossiers pédagogiques’
Coordination: Marie-José Rodriguez