Le nouveau festival du Centre Pompidou
1ère édition, 21 octobre - 23 novembre 2009  / 1 2 3 4 5 6 Repères

 

 

3. L’art comme performance
Les années 50 et 60

Autour de John Cage

i i - Robert Morris, Untitled, 1974
- Robert Rauschenberg, Cunningham Relief, 1974
- Jasper Johns, "M.d." : justificatif de tirage, 1974
Merce Cunningham, portfolio

Avec la montée du fascisme en Europe et la déclaration de guerre, de nombreux artistes d’avant-garde émigrent aux Etats-Unis et font connaître leurs expériences. L’intérêt pour le croisement des arts se manifeste avant tout au Black Mountain College une école pluridisciplinaire fondée en 1933, où enseignent des anciens du Bauhaus tels que Josef Albers ou Lyonel Feininger. Autour de la personnalité du musicien John Cage, qui diffuse aux Etats-Unis les travaux de Russolo et s’intéresse particulièrement aux readymades de Duchamp, se regroupent des artistes plasticiens, Robert Rauschenberg, Jasper Johns, un chorégraphe, Merce Cunnigham, un poète, Charles Olsen, un musicien, David Tudor, qui organisent des événements communs : expositions, soirées, chorégraphies. Après la fermeture du Black Mountain College à la fin des années 50, Cage enseigne à la New School for Social Research où son influence s’étend à toute la jeune génération d’artistes. Le rapprochement entre les arts visuels et les arts de la scène leur ouvre la possibilité d’inventer des formes d’art inédites : le happening et la performance.

Le happening et la Reuben Gallery

Claes Oldenburg, Woman's Leg (Jambe de femme), 1959
Sculpture. Papier journal mâché peint à la caséine, 125 x 40 x 23 cm

Allan Kaprow, Claes Oldenburg, Robert Whitman, tous trois artistes gravitant autour de la Reuben Gallery de New York et en relation avec les danseurs de la Judson Dance Theater – une école alternative qui désacralise la danse en y introduisant des mouvements de la vie ordinaire –, commencent à pratiquer cette forme intermédiaire entre l’art, le théâtre, la danse et l’improvisation qu’est le happening. S’inspirant de Jackson Pollock et de la présence de son corps au cœur de ses peintures ainsi que de John Cage dont il a suivi l’enseignement, Allan Kaprow propose de réaliser des actions sans autre but que celui de constituer une expérience singulière pour ceux qui y participent. En 1959, il exécute à la Reuben Gallery son premier happening, 18 Happenings in six parts où il orchestre une série d’actions simples – notamment des déplacements –, qu’il propose au public. Plus tard, en 1968, il organise, par exemple, Transfer, un happening très représentatif de sa démarche, en demandant à un groupe de volontaires de déplacer des barils vides de leur lieu de stockage jusqu’à ce même lieu en plusieurs étapes. Mobilisant toute l’énergie et l’attention des participants, cette entreprise n’a d’autre dessein que d’attirer l’attention sur l’expérience vécue et partagée : l’entraide, et une certaine poésie de l’instant et du quotidien, que rien de matériel ne saurait capturer.

A ses côtés, Oldenburg, lui aussi, avant de réaliser ses célèbres sculptures, organise des soirées à la Reuben Gallery où il convie artistes et danseurs à collaborer dans des performances où leurs disciplines fusionnent parfois totalement. Ainsi de See Saw, créée par Simone Forti en 1960, interprétée par l’artiste Robert Morris et la chorégraphe de la Judson Dance Theater Yvonne Rainer, une chorégraphie où le happening et le travail du corps s’articulent intimement.

Fluxus, champion du festival

Robert Filliou, Double Happening, Contribution for Happening & Fluxus (extrait de Two events), 1970
Film cinématographique noir et blanc, sonore. Durée : 9'
Production Nagrom Films
Avec la participation d'Emmett Williams et George Brecht

Le début des années 60 voit aussi la formation d’un mouvement, ou plus précisément l’émergence d’un parti pris artistique commun à des artistes venus de tous horizons, chimie, économie, musique, et originaires aussi bien d’Europe que d’Amérique ou d’Asie, Fluxus. Néo-dadaïste, comme l’indique le titre du manifeste rédigé en 1962 par l’un de ses fondateurs, George Maciunas, « Néo-dada en musique, théâtre, poésie et beaux-arts », sa principale visée est de revaloriser la vie en abolissant toute distance qui la sépare de l’art. Comme l’écrit Maciunas, « Si l’homme pouvait, de la même façon qu’il ressent l’art, faire l’expérience du monde, du monde concret qui l’entoure (depuis les concepts mathématiques jusqu’à la matière physique), il n’y aurait nul besoin d’art, d’artistes et autres éléments non-productifs ».

La réalisation de ce programme passe par la création d’œuvres insolites soulignant la dimension ludique du quotidien. Ainsi des Optimistic Box que Robert Filliou confectionne à partir de la fin des années 60. Elle passe aussi par l’invention d’actions qui font évoluer le happening vers une réflexion conceptuelle : les events, créés par George Brecht. Sur de petit carton distribué aux artistes, quelques mots résument des instructions qui sont tout d’abord à interpréter avant d’être exécutées. Que faire en effet avec Three Aqueous Events (Trois événements aqueux) proposé par Brecht en 1961 et qui se résume à trois mots : « Glace, Eau, Vapeur » ?

Puis Fluxus s’exprime largement à travers l’organisation de soirées, notamment celles que donne Maciunas dans sa galerie de New York. Il y convie des artistes, Yoko Ono, Walter De Maria, des musiciens, La Monte Young, Henry Flynt, des poètes, Dick Higgins, Jackson Mac Low, à venir donner des concerts expérimentaux.
Mais Fluxus est surtout le mouvement qui systématise l’organisation de festivals. Dès septembre 1962, durant quatre weeks-ends au Städtisches Museum à Wiesbaden en Allemagne, Emmett Williams, George Maciunas, Dick Higgins, Benjamin Patterson, Wolf Vostell, Nam June Paik… s’évertuent à donner quatorze concerts, ponctués de films et de happenings. Seulement, ils n’ont jamais touché un violon et ont préalablement renvoyé les cinq violonistes virtuoses venus de Vienne pour interpréter les morceaux. Il en ressort des concerts d’« antimusique », représentatifs de l’esprit Fluxus qui revendique l’amateurisme.
Suivent ensuite de nombreux autres concerts et festivals, parmi lesquels le Festival of Misfits, mêlant concerts et exposition, organisé par Daniel Spoerri en novembre 1962, le Yam festival de Maciunas, George Brecht, La Monte Young et Robert Watts à New York en mai 63 qui comporte des events et des propositions originales comme des envois postaux, le Fluxus Festival of total Art de Ben à Nice en août 63, le plus récent étant le Festival Fluxus organisé à Nice en 2003.

 

 

 

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