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Ce dossier s’inscrit dans une série
“Un mouvement, une période ”,
qui sera régulièrement augmentée
dans cette partie du site.
• Ces dossiers sont réalisés autour
d’une sélection d’œuvres des
principaux mouvements ou tendances représentés
dans les collections du Musée national d’art
moderne,
• S’adressant en particulier aux enseignants
ou aux responsables de groupe, ils ont pour objectif
de proposer des points de repères et une base
de travail pour faciliter l’approche et la compréhension
de la création au 20e siècle, ou pour
préparer une visite au Musée.*
Chacun de ces dossiers comporte :
- une présentation générale permettant
de définir et de situer le mouvement dans un
contexte historique, géographique et esthétique,
- une sélection des œuvres des collections
du Musée les plus représentatives, traitées
par fiches comportant une notice d’œuvre,
une reproduction et une biographie de l’artiste,
- un ou plusieurs textes de référence
apportant en complément une approche théorique,
- une chronologie,
- une bibliographie sélective.
*A NOTER
Les collections du Musée comportent plus de
59 000 œuvres. Régulièrement, le
Musée renouvelle les œuvres présentées
dans ses espaces situés aux 4e et 5e niveaux
du Centre Pompidou. Les dossiers pédagogiques
sont réalisés en lien avec ces accrochages.
Pour en savoir plus sur les collections du Musée : www.centrepompidou.fr/musee.
Genèse de l'Art surréaliste
Le
groupe des Surréalistes sest formé à partir de lesprit de révolte
qui caractérise les avant-gardes européennes des années 20. Tout comme le mouvement Dada,
auquel certains ont appartenu, ces poètes et ces artistes dénoncent larrogance
rationaliste de la fin du 19e siècle mise en échec par la guerre. Constatant
néanmoins lincapacité du Dadaïsme à reconstruire des valeurs positives,
les Surréalistes sen détachent pour annoncer lexistence officielle de
leur propre mouvement en 1924.
Dominé par la personnalité dAndré Breton, le Surréalisme est
dabord dessence littéraire. Son terrain dessai est une expérimentation
du langage exercé sans contrôle. Puis cet état desprit sétend rapidement
aux arts plastiques, à la photographie et au cinéma, non seulement grâce aux goûts de
Breton, lui-même collectionneur et amateur dart, mais aussi par ladhésion
dartistes venus de toute lEurope et des États-Unis pour sinstaller à Paris,
alors capitale mondiale des arts.
Les artistes surréalistes mettent en uvre la
théorie de libération du désir en inventant des techniques
visant à reproduire les mécanismes du rêve. Sinspirant
de luvre de Giorgio De Chirico,
unanimement reconnue comme fondatrice de lesthétique
surréaliste, ils sefforcent de réduire le rôle
de la conscience et lintervention de la volonté.
Le frottage et le collage
utilisés par Max Ernst, les dessins automatiques
réalisés par André Masson, les rayographes
de Man Ray, en sont les premiers exemples.
Peu après, Miró, Magritte et Dali
produisent des images oniriques en organisant
la rencontre déléments disparates.
Leur première exposition collective a lieu à Paris
en 1925. Puis le mouvement se diffuse à létranger
pour atteindre une renommée internationale avec les
expositions de 1936 à Londres et à New York, de 1937
à Tokyo, de 1938 à Paris, notoriété renforcée par
limmigration aux États-Unis de la majeure partie
du groupe pendant la guerre. Le Surréalisme
a ainsi profondément inspiré lart américain :
la pratique de lautomatisme est par exemple
lune des origines du travail de Jackson Pollock
et de lAction Painting, tandis
que lintérêt porté par les Surréalistes
au thème de lobjet annonce le Pop Art.
Le Surréalisme est un mouvement qui se développe
pendant plus de quarante ans, depuis les avant-gardes
historiques du début du siècle jusquà lémergence
de nouveaux courants dans les années 60 : outre
la peinture américaine et le Pop Art, lart
surréaliste a motivé lapparition dune
seconde vague avant-gardiste en Europe dans les années
60, dont le Nouveau Réalisme est léminent
représentant.
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Nouveau Réalisme
Giorgio De Chirico
Volos, Thessalie, 1888 - Rome, 1978
Giorgio De Chirico, Portrait prémonitoire
de Guillaume Apollinaire, 1914
Huile sur toile
81,5 x 65 cm
© Adagp, Paris 2007 
Ce tableau, vraisemblablement intitulé Homme-cible
lors de sa création, na acquis son titre définitif
quaprès la blessure de Guillaume Apollinaire
en 1916, que De Chirico avait, en quelque sorte, annoncée.
En effet, le portrait en ombre chinoise, qui apparaît
dans une fenêtre au second plan du tableau, comporte
sur la tempe un cercle blanc qui figure une cible,
précisément à lendroit où le poète sera atteint
par un éclat dobus pendant la guerre. Cette
coïncidence a été interprétée comme un signe du destin
par Apollinaire lui-même, ainsi que par les Surréalistes
enclins à reconnaître chez De Chirico quelques facultés
visionnaires. Un dessin de ce portrait a appartenu
à Paul Éluard, grâce auquel luvre
a été diffusée au sein du groupe, tandis que le tableau,
offert au poète par lartiste, a longtemps fait
partie des collections privées de ses héritiers.
Le vif intérêt qua suscité cette uvre
auprès des Surréalistes ne se limite cependant
pas à la prémonition. De même que les images des rêves
condensent des significations multiples, les éléments
de la composition autorisent des lectures qui se superposent
et senrichissent mutuellement. Le profil dApollinaire
sinspire dun portrait numismatique, réalisé
la même année par De Chirico, qui érige le poète au
rang dun empereur antique, cette grandeur étant
nuancée par le choix dune représentation en
ombre chinoise qui évoque les lanternes magiques,
ou encore les cibles qui défilent dans les jeux de
tir.
La statue au premier plan superpose elle aussi plusieurs
images. Peinte sur le modèle de la Vénus de Milo,
elle doit être identifiée au poète Orphée,
dont la figure est suggérée par ses attributs, le
poisson et la conque. Elle porte des lunettes noires
qui symbolisent la cécité, infirmité associée dans
la mythologie grecque à la sagesse.
Ainsi, la composition densemble propose une
"énigme", selon le mot de De Chirico, à
déchiffrer par association didées, qui fait
apparaître Apollinaire comme lincarnation même
de la poésie hypostasiée en sagesse.
Biographie
Dorigine italienne, Giorgio De Chirico naît
et grandit dans une ville portuaire à lEst de
la Grèce, fréquente lInstitut Polytechnique
dAthènes, en même temps quune école de
dessin et de peinture. Il poursuit ses études dart
à Munich, où il est attiré par la peinture de Böcklin,
et par la philosophie de Nietzsche.
Son installation à Paris en 1911 lui fait découvrir
les paysages de la modernité, dont les symboles, comme
les gares, les cheminées, les enseignes, se mêlent
à ses souvenirs de Grèce et dItalie. Ces superpositions
lui inspirent des peintures volontairement énigmatiques
quApollinaire qualifie de "métaphysiques".
Régulièrement exposées à partir de 1912 au Salon dAutomne
et au Salon des Indépendants, ces toiles représentent
des objets juxtaposés, dont certains sont récurrents,
des éléments architecturaux qui projettent des ombres
accentuées, des sculptures antiques qui se confondent
bientôt avec les mannequins des ateliers de couture,
ou encore un gant ou un artichaut.
En 1915, lentrée en guerre de lItalie
mobilise lartiste à Ferrare, ville dont larchitecture
lui suggère une série de peintures intitulée "Intérieurs
métaphysiques", où lespace se fragmente
en une multiplicité de points de vue, allant du trompe-lil
à la perspective la plus vertigineuse. En 1918, il
sinstalle à Rome, où il participe à la fondation
de Valori Plastici, revue qui soriente
rapidement vers la défense de lart italien du
Quattrocento.
De Chirico désavoue alors sa production passée au
moment où elle est reçue comme une révélation par
les Surréalistes : en 1922, une grande
exposition personnelle lui est consacrée à Paris,
préfacée par André Breton.
Max Ernst
Brühl, près de Cologne, 1891 - Paris, 1976
Max Ernst, Ubu Imperator, 1923
Huile sur toile
81 x 65 cm
© Adagp, Paris 2007 
Acquise par Paul Éluard avec deux autres grandes
huiles sur toile, Ubu Imperator marque demblée
lentrée de Max Ernst dans le champ du Surréalisme.
Cette uvre illustre avec éclat la combinatoire
déléments hétérogènes, héritée du collage.
Sa force est de produire une image unifiée, tout en
conservant la perturbation, introduite dans la vision,
par chacun des éléments : pointe de la toupie,
carcasse rouge où transparaît une armature de fer,
mains humaines exprimant létonnement.
Ainsi se compose, dans le jeu et la dérision, limage
du Père Ubu, symbole grotesque de lautorité
inventé par Alfred Jarry. Plus encore, sous
ce déguisement ressurgit lenfance de Max Ernst,
une vision de "demi-sommeil" selon les termes
mêmes de sa description, dans laquelle les prestiges
de lautorité paternelle ainsi que ceux de la
création artistique sont désacralisés. Derrière la
bouffonnerie du pouvoir désignée par la toupie Ubu,
cest aussi toute lesthétique traditionnelle
construction rationnelle et perspective géométrique
- qui est tournée en ridicule.
Un an avant la parution du Manifeste du surréalisme,
Ernst élabore non seulement la définition des voies
formelles dans lesquelles il sengage - processus
complexe dalchimie visuelle où se superposent
et se combinent des symboles résurgents de lenfance
- mais surtout le sens de sa propre attitude devant
lacte de peindre, à la fois distanciée et ironique,
qui commandera toute sa poétique.
Biographie
Max Ernst étudie la philosophie et lhistoire
de lart à luniversité de Bonn de 1909
à 1912. Après sa mobilisation durant la Première Guerre
mondiale, il crée avec Arp et Baargeld
une section Dada à Cologne. Inspirés par la
peinture de De Chirico diffusée par la revue
Valori Plastici, ses premiers collages
composés en 1919 jouent sur la multiplicité des sens,
lambiguïté et la contradiction, pour échapper
à toute logique. Ces travaux sont présentés à Paris
en 1921 lors dune exposition organisée par André
Breton, posant ainsi les bases esthétiques du
futur groupe surréaliste.
Dans le cadre des recherches de ce jeune mouvement,
Max Ernst invente de nouvelles techniques picturales
comme le frottage en 1925
: grâce à ce procédé qui relève du hasard, il instaure
une distance face à luvre qui le conduit
à se situer "au-delà de la peinture". De
même, il invente en 1929 le roman-collage
avec La Femme cent têtes, puis réalise des
sculptures, des décors pour les Ballets russes.
Son uvre occupe une part importante de lexposition
"Fantastic art, Dada and Surrealism" organisée
en 1936 au MoMA de New York, où quarante-huit de ses
tableaux sont présentés. La Seconde Guerre mondiale
le conduit à sexiler aux États-Unis où il peint
une série de toiles, notamment Le Surréalisme et
la peinture, de 1942, (titre faisant écho au célèbre
ouvrage dAndré Breton) pour laquelle il utilise
la technique du "dripping". Un véritable
manifeste de lautomatisme est ainsi proposé
à la jeune génération de peintres américains qui sera
profondément marquée par ses innovations. Il épouse
Peggy Guggenheim en 1942 puis, en 1946, Dorothea
Tanning, avec laquelle il sinstalle en Arizona
avant de revenir en France en 1953.
Man Ray
Philadelphie, 1890 - Paris, 1976
Epreuve gélatino-argentique montée sur papier
31 x 24,7 cm
(hors marge : 28,2 x 22,5 cm)
© Man Ray Trust / Adagp, Paris 2007
Dans ses mémoires, Man Ray raconte quAlice Prin,
dite Kiki de Montparnasse, refusait de poser
pour lui, parce que, disait-elle, "un photographe
nenregistrait que la réalité". Relatant
sa réponse à Kiki, il poursuit : "Pas moi
je photographiais comme je peignais, transformant
le sujet comme le ferait un peintre. Comme lui, jidéalisais
ou déformais mon sujet". Le Violon
dIngres illustre particulièrement ces propos
évoquant une photographie à mi-chemin entre la peinture
et la reproduction mécanique.
Le corps de Kiki vu de dos ainsi que la position de
sa tête, coiffée dun turban oriental, rappellent
les baigneuses d'Ingres, notamment le personnage
situé au premier plan du Bain turc, référence
suggérée à Man Ray par la perfection du corps de la
jeune femme qui, dit-il, "aurait inspiré nimporte
quel peintre académique".
Grâce aux deux ouïes dessinées à la mine de plomb
et à lencre de Chine sur lépreuve, le
corps est ici métamorphosé en violon. Si Man Ray joue
avec lexpression populaire "avoir un violon
dIngres", cest-à-dire un hobbie,
qui rappelle quIngres était un fervent violoniste,
il entend aussi révéler lérotisme de la jeune
femme et sa propre passion : elle est son violon
dIngres. Le photographe évoque ainsi le thème
de "lamour fou", quAndré
Breton explore à son tour dans louvrage
éponyme de 1937.
Enfin, le rapprochement dun corps de femme et
dun violon illustre le principe de la rencontre
insolite cher aux surréalistes. À cet égard, cette
photographie est publiée pour la première fois en
juin 1924 sur la page de garde du numéro 13 de la
revue dAndré Breton et Philippe Soupault,
Littérature, et a longtemps appartenu à Breton.
Cest ce tirage original que possède le Mnam,
ainsi quune variante où Kiki pose de profil.
Man Ray ayant autorisé des retirages à plusieurs reprises,
il existe dautres exemplaires de cette photographie.
À partir de lune des rééditions, il réalise
en 1965 une autre version du Violon dIngres
en traçant quatre cordes, non pas en trompe-lil
comme les ouïes, mais au milieu de limage sur
toute sa longueur.
Le Bain turc de Jean-Auguste Dominique Ingres
au Musée du Louvre
Biographie
Après ses études secondaires, Emmanuel Rudnitsky
occupe divers emplois dans la publicité et le graphisme,
tout en commençant à peindre: il adopte alors son
nom dartiste, Man Ray ou "lhomme-rayon".
En fréquentant régulièrement, à New York, la
galerie 291 dirigée par le photographe Alfred Stieglitz,
puis la célèbre exposition de lArmory
Show en 1913, il découvre les avant-gardes
européennes, et en particulier les travaux de Marcel
Duchamp, dont Man Ray fait la connaissance deux
ans plus tard, pour nouer une amitié de toute une
vie. Ensemble, ils assistent Katherine S. Dreier,
riche mécène américaine, dans la création dun
musée dart contemporain en 1920: "La Société
anonyme". La même année, ils inaugurent aussi
une section Dada à New York en publiant une
revue, dont il ne paraît quun numéro: "Lépoque
nen méritait pas davantage. Cétait une
dadadate" dira Man Ray. Cest durant cette
période quil sinitie en autodidacte à
la photographie, dabord pour reproduire ses
peintures ainsi que les travaux de Duchamp, puis pour
réaliser des portraits.
Après son installation à Paris en 1919, parallèlement
à un travail de studio, notamment pour le couturier
Paul Poiret, il fréquente les Surréalistes
et poursuit ses recherches personnelles en expérimentant
de nouveaux procédés comme le rayographe.
Il en publie le résultat dans un ouvrage intitulé
les Champs délicieux, en hommage aux Champs
magnétiques de Soupault et Breton. Il réalise
aussi quelques films comme Retour à la raison
en 1922, ainsi que des objets
surréalistes. Celui que Duchamp définit comme
"nom masculin : syn. de joie, jouer, jouir"
participe à toutes les expositions surréalistes de
1925 à 1959.
Man Ray sur Internet:
http://www.manray-photo.com/
Joan Miró
Barcelone, 1893 - Palma de Majorque, 1983
Joan Miró, La Sieste, 1925
Huile sur toile
113 x 146 cm
Cette toile, qui appartient à la période des "peintures de rêve" initiée
en 1924, est significative de la contribution de Joan Miró au Surréalisme.
Tout en prenant appui sur le réel, le peintre élabore son propre univers onirique
constitué dun répertoire de signes, inspirés de luvre de Paul
Klee, quil disperse sur un espace pictural monochrome et sans repère,
à la limite du vide.
Le processus de simplification dont est issue la Sieste peut être reconstitué
à partir des dessins préparatoires de Miró. Dans lun deux, une femme
est allongée par terre devant une maison sur laquelle figure un cadran solaire;
au loin, sur une plage, quatre personnages dansent la sardane. Au-delà se dressent
les pics des montagnes de Montroig, lieu de villégiature de Miró en Catalogne,
tandis que dans le ciel sélève un soleil flamboyant. Dans un autre dessin
qui préfigure le résultat final, Miró a rassemblé ces différents éléments en
les schématisant: la femme et la maison sont confondues en une sorte de cerf-volant
blanc; les flèches du cadran solaire agrandies indiquent le chiffre 12, lheure
de la sieste; la ronde des danseurs se traduit par un cercle de pointillés;
la crête des montagnes devient une sorte de parapluie renversé.
Le résultat de cette simplification progressive est une restructuration du tableau
qui donne toute son importance au fond et à la couleur.
Biographie

Très tôt passionné par le dessin, Joan Miró est contraint de suivre une formation
de comptable. À la suite dune maladie qui lisole quelques mois,
il se réoriente vers la peinture en sinscrivant, en 1912, dans une école
dart de Barcelone. Lenseignement anti-académique de létablissement
lui fait découvrir les artistes pionniers de lart moderne comme Cézanne,
les Fauves et les Cubistes, dont ses premières toiles ressentent
linfluence.
À partir de 1918, date de sa première exposition personnelle à Barcelone, il
entame une période "détailliste", série de peintures où chaque détail
est précisément représenté dans un style naïf, comme dans La Ferme
de 1921-22, achetée par Hemingway. Son travail se détache progressivement
de ce réalisme méticuleux sous linfluence du milieu artistique parisien
quil fréquente au cours de nombreux séjours effectués à partir de 1920:
introduit par son compatriote Pablo Picasso, Miró rencontre André
Masson, son voisin, par lintermédiaire duquel il rejoint le groupe
surréaliste.
La montée de la violence en Europe dans les années 30 loriente vers une
recherche plus dramatique qui aboutit à une série de pastels à la fois effrayants
et grotesques, ses "peintures sauvages". La guerre dEspagne
loblige à se fixer à Paris, puis en Normandie, où en 1940 il commence
la série des Constellations reproduites dans un ouvrage préfacé par Breton.
En 1941, la première rétrospective de son uvre au MoMA de New York le
consacre.
Après la guerre, une grande diversité duvres voit le jour, aussi
bien des céramiques que des fresques, par exemple le panneau mural de lUNESCO
à Paris en 1958, la série des 3 Bleus de 1961, vastes surfaces monochromes
vigoureusement ponctuées, ou encore des sculptures monumentales telles que la
pièce réalisée pour le parvis La Défense en 1978.
René Magritte
Lessines, 1898 - Bruxelles, 1967
René Magritte, Querelle des universaux,
début 1928
Huile sur toile
53,5 x 72,5 cm
© Adagp, Paris 2007 
Cette peinture est lune des premières de la
série des "peintures-alphabets" ou "peintures-mots"
réalisée par Magritte au cours de son séjour parisien
de 1927 à 1930. Ces uvres constituent une proposition
pour établir un nouveau rapport entre les mots et
la peinture, révélant ainsi lambiguïté des liens
entre les objets réels, leur image et leur nom. Ce
problème est aussi abordé par Magritte dans "Les
mots et les images", article publié en décembre
1927 dans La Révolution surréaliste, qui
présente un tableau confrontant des énoncés linguistiques
à des vignettes illustratives. Par exemple, la première
phrase nous apprend qu"un objet ne tient
pas tellement à son nom quon ne puisse lui en
trouver un autre qui lui convienne mieux".
La Querelle des universaux pourrait illustrer
cet autre énoncé tiré de larticle: "parfois
le nom dun objet tient lieu dune image".
En effet, les mots "feuillage", "cheval",
"miroir", "convoi", écrits sur
la toile, remplacent limage quils désignent.
Placés à lextrémité des pointes dune étoile
énigmatique et inscrits chacun sur une tache brune,
"une forme quelconque qui peut remplacer limage
dun objet", ces mots participent pleinement
à la composition spatiale dune nouvelle image
fantomatique. Grâce à cette toile, la connexion que
nous établissons spontanément entre les objets, les
images et les mots, se trouve mise en déroute.
Biographie
Né dans le Hainaut, au sud de la Belgique, René Magritte
sinstalle à Bruxelles en 1915, un an après le
suicide de sa mère, retrouvée noyée, une chemise lui
masquant le visage. Son souvenir est sans doute à
lorigine de nombreuses peintures où Magritte
présente des figures voilées. Après des études à lAcadémie
des Beaux-arts de Bruxelles de 1916 à 1918, il est
employé comme dessinateur dans une usine de papier
peint, et parallèlement à ce travail, peint des toiles
abstraites.
En 1925, la découverte de luvre de De
Chirico lincite à adopter une facture réaliste
pour représenter des objets quotidiens comme des chaussures,
des clés
organisés selon des rapports formels
déroutants et dans des situations invraisemblables.
En 1926, en compagnie des poètes Marcel Lecomte,
Camille Goemans et E.L.T. Mesens, il
fonde le groupe surréaliste belge, avant de rejoindre
pour trois ans, à Paris, le groupe dAndré
Breton.
De retour à Bruxelles en 1931, tout en étant devenu
le chef de file du Surréalisme en Belgique,
Magritte ouvre un atelier de création publicitaire,
activité qui nest pas sans lien avec le style
de sa peinture. Pendant la guerre, il revient brièvement
à lImpressionnisme, pour retrouver ensuite
sa facture classique et traiter de nouveaux thèmes
surréalistes. En 1973, Michel Foucault lui
consacre son célèbre essai Ceci nest pas
une pipe.
Salvador Dali
Figueras, 1904 - Figueras, 1989
Salvador Dali, Lion, Cheval, Dormeuse invisibles,
1930
Huile sur toile
50,20 x 65,20 cm
© Salvador Dali, Fondation Gala - Salvador Dali /
Adagp 
Composée au printemps 1930, cette toile développe
pour la première fois le processus dapparition
des images doubles, triples, et même multiples, qui
relèvent de lactivité paranoïaque
critique tout juste instituée par Dali: "récemment,
au travers dun processus nettement paranoïaque,
jai obtenu limage dune femme dont
la position, les ombres et la morphologie, sans altérer
ni déformer en rien son aspect réel, sont en même
temps un cheval". Par cette multiplication des
images possibles, Dali entend instaurer un doute sur
ce que représente limage, pour étendre ensuite
cette attitude critique à toute la réalité: "on
pose le doute mental de savoir si les images mêmes
de la réalité sont uniquement un produit de notre
faculté paranoïaque".
Dans cette toile, la remise en cause de lunivocité
de la perception est provoquée par la métamorphose
dune barque en un corps de femme, puis de cheval,
dune chevelure qui devient une crinière, dans
un décor de plage qui, peuplé de motifs architecturaux,
évoque le Modern Style tant admiré par Dali.
Exposée au cinéma dart et dessai de Montmartre,
le Studio 28, à loccasion de la première
projection de lÂge dor co-réalisé
par Dali et Buñuel, luvre a été
lacérée par un public hostile, ce qui témoigne du
scandale suscité par lartiste au début des années
30.
Biographie
Originaire de Catalogne, Salvador Dali entre en 1921
à lÉcole des Beaux-arts de Madrid, doù
il est renvoyé en 1926 pour indiscipline. De cette
formation, il conserve malgré tout lamour de
la grande peinture, quil complète par la découverte
des avant-gardes artistiques telles que le Futurisme
italien, le Cubisme et luvre
de De Chirico. À cette époque, il fréquente
les milieux anarchistes et se lie dune profonde
amitié avec le poète Federico Garcia Lorca,
qui écrit lOde à Salvador Dali, et avec
Luis Buñuel alors étudiant.
Il commence à produire une uvre personnelle
autour de 1927, par exemple la toile intitulée Le
sang est plus doux que le miel, qui dépeint un
paysage désertique où sont dispersées des figures
insolites, dont ses premières formes molles. Mais
ce nest quavec le film Un Chien andalou,
réalisé en 1929 avec Luis Buñuel, quil simpose
dans le milieu artistique et attire lattention
des Surréalistes.
Au cours de lété 1929, ses nouveaux amis lui
rendent visite en Catalogne avec, parmi eux, Helena
Diakonova, surnommée Gala, future compagne
de Dali. La même année a lieu sa première exposition
personnelle à Paris. À partir de 1930, le scandale
causé par la projection de LAge dor
accroît sa notoriété. Il réalise de multiples objets
surréalistes et applique à sa peinture la méthode
paranoïaque critique.
Pendant la guerre, il séjourne aux États-Unis où il
produit des illustrations, des publicités et rédige
sa biographie, La Vie secrète de Salvador Dali.
Il conçoit aussi des décors de théâtre et de cinéma,
notamment pour Spellbound en 1945 (La Maison
du Dr Edwardes) dAlfred Hitchcock.
Par la suite, il partage son temps entre New York,
Paris et Port-Lligat, où se trouve sa propriété de
Cadaqués, ne cessant dapparaître au cours dinterventions
provocatrices.
Le site de la Fondation Gala Salvador Dali
:
http://www.salvador-dali.org/
Victor Brauner
(Pietra-Naemtz - Roumanie - 1903, Paris -1966)
Victor Brauner, Loup-table, 1939-1947
Bois et éléments de renard naturalisé
54 x 57 x 28,5 cm
© Adagp, Paris 2007 
Le Loup-table est un être hybride imaginé par
Victor Brauner en 1939, dabord sous forme de
peinture. Il apparaît en effet dans deux tableaux,
Fascination et Espace psychologique,
tandis que lobjet en trois dimensions est réalisé
pour lExposition internationale du Surréalisme
de Paris, 1947, sans doute à la demande dAndré
Breton.
Il constitue un objet
surréaliste, proche du ready-made avec sa table
fabriquée en série, mais introduisant avec le renard
naturalisé un "objet trouvé", notion propre
au Surréalisme : il sagit dun
objet qui simpose de lui-même à la sensibilité
du spectateur grâce à une forte connotation symbolique.
La fourrure du Loup-table, terme qui évoque
lui-même le mot "redoutable", symbolise
à la fois la chaleur et la mort, ce qui a conduit
André Breton à interpréter cette uvre comme
un signe prémonitoire de la Seconde Guerre mondiale :
"Victor Brauner seul alors a tablé sur la peur,
et il la fait au moyen de la table que lon
sait
Cette période de son uvre nous apporte
le témoignage incontestablement le plus lucide de
cette époque, elle seule est toute appréhension du
temps qui va venir" (Le Surréalisme et la
peinture, 1946).
Biographie
Originaire dune petite ville des Carpates,
Victor Brauner étudie la peinture à lÉcole des
Beaux-arts de Bucarest, doù il est renvoyé,
ses uvres étant jugées scandaleuses. À partir
de 1924 jusquà la fin des années 20, il participe
activement aux mouvements davant-garde de la
capitale roumaine, proches de lesprit
dadaïste, en collaborant à de nombreuses
revues. Parallèlement à ces activités, après avoir
découvert luvre de De Chirico lors
dun premier voyage à Paris, il pratique une
peinture figurative, mettant en scène des figures
danimaux fantastiques.
En 1930, il sinstalle définitivement en France,
où il rejoint son compatriote Constantin Brancusi,
grâce auquel il rencontre les Surréalistes.
André Breton préface le catalogue de sa première
exposition parisienne en 1934 qui présente des toiles
suggérant un univers ubuesque. À cette époque, Victor
Brauner développe aussi le thème de lil
énucléé, ce qui sera interprété comme une prémonition,
lorsquen 1938 Oscar Dominguez lui crève
accidentellement un il au cours dune bagarre.
Après la guerre, il rompt avec le groupe surréaliste
pour se rapprocher de Matta, lui-même exclu
par Breton, avec lequel il collabore, notamment à
la réalisation de quelques toiles.
En 1966, la France lui rend hommage en le désignant
comme son représentant à la Biennale de Venise.
Textes de référence
Texte extrait de "La glace sans tain", Les Champs magnétiques,
André Breton et Philippe Soupault, 1919
"Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux
perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches
enchantées ne nous touchent plus. À quoi bon ces grands enthousiasmes
fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien
que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisirs.
Notre bouche est plus sèche que les pages perdues ; nos yeux tournent
sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous
nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés
et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées
nos ombres mortes de la veille.
Quelquefois, le vent nous entoure de ses grandes mains froides et nous attache
aux arbres découpés par le soleil. Tous, nous rions, nous chantons,
mais personne ne sent plus son cœur battre. La fièvre nous abandonne.
Les gares merveilleuses ne nous abritent plus jamais :
les longs couloirs nous effraient. Il faut donc étouffer
encore pour vivre ces minutes plates, ces siècles
en lambeaux. Nous aimions autrefois les soleils de
fin d’année, les plaines étroites
où nos regards coulaient comme ces fleuves
impétueux de notre enfance. Il n’y a
plus que des reflets dans ces bois repeuplés
d’animaux absurdes, de plantes connues.
Les villes que nous ne voulons plus aimer sont mortes.
Regardez autour de vous : il n’y a plus que
le ciel et ces grands terrains vagues que nous finirons
bien par détester. Nous touchons du doigt ces
étoiles tendres qui peuplaient nos rêves.
Là-bas, on nous a dit qu’il y avait des
vallées prodigieuses : chevauchées
perdues pour toujours dans ce Far West aussi ennuyeux
qu’un musée".
Définition du Surréalisme, in André Breton, Manifeste
du Surréalisme, 1924 
"SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique
pur par lequel on se propose dexprimer, soit verbalement,
soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement
réel de la pensée. Dictée de la pensée, en labsence
de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de
toute préoccupation esthétique ou morale.
ENCYCL. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de
certaines formes dassociations négligées jusquà lui, à la toute-puissance
du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les
autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des
principaux problèmes de la vie. Ont fait acte de SURRÉALISME ABSOLU MM. Aragon, Baron,
Boiffard, Breton, Carrive, Crevel, Delteil, Desnos, Éluard, Gérard, Limbour, Malkine,
Morise, Naville, Noll, Péret, Picon, Soupault, Vitrac.
Ce semblent bien être, jusquà présent, les seuls, et il ny aurait
pas à sy tromper, nétait le cas passionnant dIsidore Ducasse,
sur lequel je manque de données. Et certes, à ne considérer que superficiellement
leurs résultats, bon nombre de poètes pourraient passer pour surréalistes, à
commencer par Dante et, dans ses meilleurs jours, Shakespeare. Au cours des
différentes tentatives de réduction auxquelles je me suis livré de ce quon
appelle, par abus de confiance, le génie, je nai rien trouvé qui se puisse
attribuer finalement à un autre processus que celui-là".
Poème de Joan Miró, novembre 1936, cité in Joan Miró, Fondation
Pierre Gianadda, Martigny, 1997, p.14
"La belle comtesse
montre sa vieille cuisse
ses entrailles cuisent
les nuées
son rond ventre éventail
défie le soleil rond
Les poils de ses aisselles
se collent aux cils
des chérubins
Lorteil de son homme
transperce larbre fleuri
vérole du potager
un oiseau se pose sur le nez de son homme
et fait descendre la lune
la lune se pose sur le cul de son homme
et tombe amoureuse de larc-en-ciel
larc-en-ciel senferme dans le cercueil
et le cercueil dit à lécureuil merdre! Veux tu finir"
Glossaire du Surréalisme
Cadavre exquis :
Le Cadavre exquis est le plus célèbre des jeux surréalistes. Pratiqué à partir
de 1925, Ernst consiste à composer des poèmes ou des dessins à plusieurs, chacun
inscrivant un mot ou un motif sur un papier plié, à linsu des autres participants.
Les uvres ainsi obtenues présentent des rapprochements inattendus, comme
la phrase "le cadavre exquis boira le vin nouveau", à laquelle le
jeu doit son nom.
Collage :
Au sein du Surréalisme, le procédé du collage est surtout employé par
Max Ernst. Dès 1919, il assemble des images issues de multiples domaines, dans
le but de provoquer des rencontres insolites. À partir de 1929, il crée des
romans-collages, séries dimages confectionnées à partir de gravures de
la fin du 19e siècle ou de catalogues illustrés, et reliées entre elles par
la simple répétition de motifs visuels.
À la différence du collage cubiste voué à la seule recherche plastique, et
des photomontages éminemment politiques du dadaïsme allemand, le collage surréaliste
suggère de nouvelles associations visuelles, poétiques et oniriques.
Décalcomanie :
Cette technique a été utilisée pour la première fois dans un cadre artistique
par Oscar Dominguez en 1936. Lartiste presse une feuille blanche sur une
autre feuille enduite de gouache noire, et répète lopération, de manière
à reporter plusieurs fois les taches de peinture. Limage qui en résulte
permet à lartiste de libérer son imagination en interprétant à sa guise
les formes obtenues. À la suite dOscar Dominguez, Max Ernst applique le
principe de la décalcomanie à la peinture à lhuile.
Écriture automatique :
Inspirée de la psychanalyse, et surtout de la poésie dArthur Rimbaud
et de Lautréamont, lécriture automatique consiste à écrire si rapidement
que la raison et les idées préconçues nont pas le temps dexercer
leur contrôle. Le premier texte issu de cette méthode, Les Champs magnétiques
de 1919, a été rédigé tour à tour par André Breton et Philippe Soupault.
Frottage :
Équivalent pictural de lécriture automatique, le procédé du frottage
a été découvert par Max Ernst à loccasion dun épisode précis de
sa vie, en 1925. En fixant le plancher usé dune auberge où il séjournait
en Bretagne, il décide de relever lempreinte de cette matière en frottant
à la mine de plomb un papier posé sur les lattes de bois. Il étend ensuite ce
procédé à dautres textures et publie son premier recueil de frottages,
Histoire naturelle, en 1926. Il poursuit cette recherche en utilisant
la peinture à lhuile.
Fumage :
En 1937, le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente
le procédé du fumage : il réalise des dessins
tracés en promenant la flamme dune bougie sur
une feuille de papier. Plus tard, il applique cette
technique à la peinture à lhuile. Il annonce
ainsi les peintures de feu dYves Klein.
Grattage :
Inventé par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage, le grattage est
surtout pratiqué par Esteban Francès, peintre dorigine espagnol et rallié
au Surréalisme en 1937. Cette technique consiste à gratter à la lame
de rasoir des couches superposées de peinture de différentes couleurs, afin
de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diaprées.
Objet surréaliste :
Après les Ready-made de
Marcel Duchamp, André Breton suggère au milieu des années 20 de fabriquer
"certains de ces objets quon naperçoit quen rêve",
et "dont le sort paraît infiniment problématique et troublant".
Comme chez Duchamp, il sagit dassembler des objets déjà
existants et de peu de valeur. Mais contrairement à lui, les surréalistes
attendent du nouvel objet quil provoque une réaction affective,
voire "une émotion sexuelle particulière" selon Salvador Dali.
Les plus célèbres des objets surréalistes sont dûs à Alberto Giacometti, Salvador
Dali, Joan Miró, André Breton, Oscar Dominguez ou encore Man Ray.
Paranoïa-critique :
Développée par Salvador Dali à partir de 1929, la théorie de la paranoïa-critique
consiste en un délire dinterprétation, appliqué non seulement à lart,
mais aussi à la réalité. Son but est de dépasser la perception habituelle jugée
trop pauvre, au profit dune appréhension du réel démultipliée.
Rayographe :
Le procédé du rayographe a été inventé par Man Ray en 1922. Il sagit
de réaliser des photographies sans appareils, en plaçant des objets sur une
plaque sensible que lon expose à la lumière.
Chronologie
1922
André Breton rompt avec le mouvement Dada en publiant des textes critiques dans
sa revue Littérature, et regroupe autour de lui quelques poètes comme Robert
Desnos, René Crevel ou Benjamin Peret. Ils poursuivent les recherches entreprises
par Breton et Philippe Soupault dans les Champs magnétiques, texte écrit
selon la méthode de lécriture automatique et publié en 1919. Le groupe sauto-désigne
comme le "mouvement flou" jusquà lofficialisation du Surréalisme
en 1924.
1924
Le mouvement est officialisé à Paris par la publication
du Manifeste du Surréalisme, texte quAndré
Breton avait initialement conçu pour préfacer la parution
dun recueil de poèmes automatiques, Poisson
soluble. Il définit le Surréalisme comme "automatisme
psychique pur par lequel on se propose dexprimer,
soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre
manière, le fonctionnement réel de la pensée".
Breton tire ainsi les conséquences artistiques de la
théorie psychanalytique, en particulier de linterprétation
des rêves par Freud.
La Révolution surréaliste remplace Littérature
et un "bureau de recherches surréalistes"
est ouvert : "son but initial est de recueillir
toutes les communications possibles touchant les formes
quest susceptible de prendre lactivité
inconsciente de lesprit".
Les peintres André Masson et Joan Miró rejoignent le mouvement.
1925
À la galerie Pierre, à Paris, le 13 novembre à minuit, est inaugurée la
première exposition de peinture surréaliste, regroupant des uvres de Giorgio
De Chirico, Hans Arp, Max Ernst, Paul Klee, Man Ray, André Masson, Joan Miró,
Picasso et Pierre Roy.
Max Ernst se consacre à ses premiers frottages.
Les premières expériences de "cadavre exquis", expression dune
pensée à plusieurs voix, sont réalisées.
Louis Aragon publie Le Paysan de Paris.
À Bruxelles, un groupe réuni par les écrivains Paul Nougé et E.L.T. Mesens autour
de la revue Correspondance se lie avec les surréalistes français. Le peintre
belge René Magritte réalise ses premières uvres surréalistes et devient le chef
de file de ce Surréalisme belge.
1926
André Masson réalise ses premiers tableaux "presque uniquement faits de sable
collé" qui mettent laccent sur la matière et le hasard.
En mars, à Paris, Jacques Trual et André Breton ouvrent la Galerie Surréaliste avec
lexposition Tableaux de Man Ray et objets des Îles (Océanie) qui établit
pour la première fois un rapport entre la création surréaliste et des uvres
primitives. La presse est scandalisée par une statue océanienne, jugée indécente,
choisie par Man Ray pour figurer en vitrine de lexposition et en couverture du
catalogue.
1927
En janvier, André Breton adhère au parti communiste.
En juin, la première exposition personnelle du peintre Yves Tanguy est organisée à
la Galerie Surréaliste. Ses peintures, héritant de lunivers de Giorgio De Chirico,
présentent un monde qui semble flotter entre le milieu sous-marin et le milieu terrestre.
André Breton écrit Nadja, portrait dune
jeune femme dont il a été amoureux et qui a sombré
dans la folie. Louvrage sachève sur laffirmation
désormais célèbre : "La beauté sera CONVULSIVE
ou ne sera pas".
1928
En février, paraît Le Surréalisme et la
peinture, recueil darticles dAndré
Breton sur Picasso, Giorgio De Chirico, Max Ernst,
Man Ray, André Masson
Salvador Dali et Luis Buñuel réalisent le film Un chien andalou grâce
au mécénat de Marie-Laure et Charles de Noailles, qui financent aussi au même
moment un autre film surréaliste resté célèbre, Le Sang dun poète
de Jean Cocteau.
1929
En février, André Breton adresse un courrier aux collaborateurs du Surréalisme
pour mesurer "le degré de qualification morale de chacun", ce
qui le brouille avec Bataille, Leiris et Masson. Cette démarche aboutit à la
mise au point théorique que constitue le Second manifeste du Surréalisme
publié en décembre.
Max Ernst réalise son premier roman-collage :
Perturbation, ma sur, la femme 100 têtes.
En utilisant des gravures anciennes issues de limagerie
populaire, Max Ernst présente un univers de rêve soumis
aux caprices de linconscient.
Du 20 novembre au 5 décembre, à la galerie Gmans, se tient la première
exposition parisienne de Salvador Dali. Son uvre invite à la pratique
de la paranoïa-critique, méthode pour appréhender le réel en doutant de lunivocité
de ses significations.
1930
En riposte au Second Manifeste, Georges Bataille fait paraître en janvier
un tract intitulé Un cadavre dans lequel il dénonce les principes quil
juge moralisateurs dAndré Breton. Le tract est co-signé notamment par Michel
Leiris, Robert Desnos, Raymond Queneau et Jacques Prévert.
Le premier numéro du Surréalisme au Service de la Révolution, dont le titre
est suggéré par Louis Aragon, paraît en juillet et remplace La Révolution
surréaliste.
En décembre, le second film de Dali et Buñuel LÂge dor est
projeté au "Studio 28", salle de cinéma montmartroise. Des membres
de la Ligue des patriotes et de la Ligue antijuive saccagent les locaux.
1931
Les artistes surréalistes sont exposés pour la première fois aux États-Unis, à
Hartford (Connecticut). Cette manifestation réunit des uvres de Salvador
Dali, Giorgio De Chirico, Max Ernst, André Masson, Joan Miró, Picasso et Pierre
Roy.
Alberto Giacometti réalise ses premières sculptures-objets, des "objets
mobiles et muets" composés de formes organiques qui peuvent être mises
en mouvement.
1932
En novembre, André Breton publie les Vases communicants, ouvrage qui tente
détablir lexistence de liens étroits entre les rêves et létat
de veille, dont il envoie un exemplaire à Freud. Il y critique les objets "à
fonctionnement symbolique" de Salvador Dali quil juge trop réducteur
du désir.
1933
Albert Skira publie la revue surréaliste Minotaure (1933-1938) dont le
premier numéro est consacré à Picasso.
1934
Au Musée Royal de Bruxelles, les Surréalistes belges organisent la première
grande exposition d'uvres surréalistes venant de toute lEurope quils
intitulent, elle aussi, Minotaure.
Lartiste allemand Hans Bellmer adhère au Surréalisme avec la
publication dans le numéro 6 de la revue Minotaure (décembre 1934) de
photographies présentant un de ses objets surréalistes, La Poupée.
1935
Alberto Giacometti est exclu du groupe. Il récuse son uvre surréaliste et
annonce son désir de travailler à nouveau "d'après modèle".
En novembre, la première exposition parisienne de l'artiste Victor Brauner est
organisée à la galerie Pierre.
1936
En mai, à Paris, une exposition dobjets surréalistes à la galerie Charles
Ratton réunit pour la première fois des objets naturels, des objets trouvés et
des objets composés par les artistes surréalistes.
LInternational Surrealist Exhibition est organisée à Londres par
lhistorien dart Herbert Read, et préfacée par André Breton.
En décembre, le MoMA de New York présente lexposition Fantastic Art, Dada
and Surrealism.
1937
André Breton devient rédacteur en chef de la revue Minotaure.
Il fait paraître lAmour fou.
1938
À la galerie des Beaux-arts, à Paris, se tient une nouvelle Exposition
internationale du surréalisme, avec la collaboration scénographique de Marcel
Duchamp. Cette exposition réunit plus de 60 artistes de différents pays, présentant
près de 300 peintures, objets, collages, photographies et installations.
1939
Salvador Dali est exclu du groupe.
La guerre disperse les Surréalistes, dont
une grande partie sexile aux États-Unis :
le modèle quils représentent sera déterminant
pour les mouvements artistiques naissants ou à venir,
comme lExpressionnisme abstrait, le Néo-dadaïsme,
et le Pop Art.
Bibliographie sélective
Essais sur le Surréalisme
- Pierre Chavot, LABCdaire du Surréalisme,
Paris, Flammarion, 2001
- Gérard Durozoi, Histoire du mouvement surréaliste,
Paris, Hazan, 1997
- Jean-Paul Clébert, Dictionnaire du Surréalisme,
Paris, Seuil, 1996
- Gaëtan Picon, Journal du Surréalisme : 1919-1939,
Genève, Skira, 1976
Catalogues dexposition
- La révolution surréaliste, Centre Georges Pompidou, Paris, 2002 
- Miró, la Collection du Centre Georges Pompidou, Musée dart
contemporain de Bordeaux, 1999
- Man Ray, la photographie à lenvers, Centre
Georges Pompidou, Paris, 1998 
- Dessins surréalistes : visions et techniques,
Centre Georges Pompidou, Paris, 1995
- Max Ernst, rétrospective, Centre Georges Pompidou, Paris, 1992
- André Breton, la beauté convulsive, Centre Georges Pompidou, Paris, 1991
- De Chirico, Centre Georges Pompidou, Paris, 1983
Écrits dartiste
- René Magritte, Les Mots et les images : choix
décrits, Bruxelles, Labor, 2000
- Man Ray, Autoportrait, Arles, Acte Sud, 1998
- Joan Miró, Ecrits et entretiens, Paris, Daniel Lelong, 1995
- Salvador Dali, Journal dun génie, Paris, Gallimard, 1994
Filmographie
Man Ray, Retour à la raison, 1922
Man Ray, Emak Bakia, 1926
Man Ray, LÉtoile de mer, 1928
Man Ray, Les Mystères du château de Dé, 1929
Jean Cocteau, Le Sang dun poète, 1929
Salvador Dali et Luis Buñuel, Un Chien andalou, 1929
Salvador Dali et Luis Buñuel, LÂge dor, 1930
Liens internet
La Révolution surréaliste. Exposition, cinéma, publications...
Parcours
de l’exposition La Révolution surréaliste
(6 mars – 24 juin 2002, Centre Pompidou)
Parcours
Cinéma Luis Buñuel : Un chien
andalou – L’Age d’or (sur
la collaboration entre Salvador Dali et Luis Buñuel)
Collections
du Musée : L’objet dans l’art
du 20e siècle
Collections du Musée : pour voir toutes
les œuvres de ces artistes appartenant aux collections
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