L’identité visuelle du Centre Pompidou / 1 2 3 4 5 6 7 lexique
3. INTÉGRAL Ruedi Baur
1997-2000 : un tournant pour le Centre Pompidou
1.Affiche signalétique sur
l'angle de la façade ouest et du pignon sud
indiquant les expositions et les
manifestations proposées entre juin 1996 et octobre 1997.
Conception Patrick
Rubin et Pierre Bernard
Centre Pompidou – Service des Archives. Dr
2. Le Pot de Jean-Pierre
Raynaud et le Tipi devant la façade ouest pendant le réaménagement du Centre
Pompidou, 1998
© Centre Pompidou - Photo Georges Meguerditchian
Victime de son succès, le Centre Pompidou ferme ses portes fin
septembre 1997 pour une rénovation en profondeur. À la tête de l’institution,
Jean-Jacques Aillagon conduit cette réhabilitation : réaménagement du Forum,
optimisation des espaces, mise en place de nouvelles circulations, modernisation
des équipements techniques et culturels avec, pour objectif, la réouverture au
1er janvier 2000.
L’amélioration de l’accès au bâtiment entraîne un renouvellement des
cheminements tant intérieurs qu’extérieurs. Dans un souci de fluidité et de
contrôle, l’accès à la Bpi est déplacé à l’arrière de l’édifice. En conséquence,
chenille et panorama parisien ne deviendront accessibles qu’aux personnes
munies d’un billet pour la visite du Musée ou d’une exposition. Pendant les
travaux, une signalétique est mise en place sur les façades du bâtiment par Patrick Rubin (Atelier Canal) et Pierre Bernard (Atelier de création
gaphique). Elle oriente le public vers les activités encore présentes dans le
bâtiment tout en annonçant une programmation « Hors les murs »,
informations relayées par le Tipi érigé sur la piazza.
À la veille du 21e siècle, le moment est venu pour le Centre Pompidou de réaffirmer ses missions et son projet culturel : une programmation ambitieuse, une visibilité internationale, un Centre Pompidou en ligne, une offre éducative renforcée, mais aussi de développer un nouveau marketing culturel afin de répondre aux besoins du public et faire face à la concurrence des autres musées parisiens. Jean-Jacques Aillagon vise en même temps une évolution de l’identité visuelle qui puisse incarner le passage au nouveau millénaire. Ruedi Baur, qui intervient d’abord en tant que sous-traitant de Renzo Piano, revisite, dans la foulée, l’image de l’institution. Mais la transition entre les partis pris de VDA et ceux de Ruedi Baur soulèvent quelques polémiques.
Ruedi Baur, de la signalétique À l’identité visuelle
1 .Illustration de la
nouvelle signalétique de Ruedi Baur dans le Forum.
Le principe de
superposition graphique et typographique est mis en avant © Intégral Ruedi Baur, Paris
2. Ruedi Baur. Panneaux
signalétiques dans le Forum, 2000.
La signalétique, suspendue au plafond, occupe l’espace du Forum © Centre
Pompidou - Photos Georges Meguerditchian
3. Ruedi Baur. La
signalétique dans la chenille au niveau 5, 2000
© Centre
Pompidou - Photo Georges Meguerditchian
Ruedi Baur s’est vu confié par Renzo Piano, le maître d’œuvre de la rénovation, la « mise en espace de l’information » dans le Forum dont la restructuration sur trois niveaux implique une nouvelle approche. Renversant le statut trop discret de la signalétique fonctionnelle, Ruedi Baur choisit un système graphique qui occupe l’espace et donne à voir, quitte à remettre en question la réceptivité visuelle. Le résultat : une signalétique « presque encombrante », selon ses termes, dont la présence interpelle tout autant qu’elle reflète la pluralité de l’offre. Jouant sur le thème de l’explosion et du chaos de la ville, elle se veut à l’image de la complexité du monde, de l’art et de la culture.
A la demande de Jean-Jacques Aillagon, Ruedi Baur est ensuite amené à redéfinir l’identité visuelle du Centre Pompidou en proposant l’extension du vocabulaire de la signalétique à l’ensemble des supports de communication et d’information (affiches, invitations, revues, dépliants, papeterie…). Il signe ainsi une identité visuelle globale qui fédère à nouveau très fortement l’ensemble des départements.
Un nouveau système graphique : le « voile identifiant »
1. Surface identifiante transparente
2. Surface identifiante opaque
© Intégral / Ruedi Baur et associés
La conception de la signalétique chez Ruedi Baur dépasse la simple fonction d’orientation. Elle s’affirme en
tant qu’expression graphique et
devient un lien fort qui relie du sous-sol au 6e étage les
différents espaces du bâtiment.
Au Centre Pompidou, la présence du « multilinguisme » s’impose comme
un signe de contemporanéité. Ainsi, pour chaque lieu ou activité, Ruedi Baur et
son agence imaginent, à partir d’une concentration typographique d’un mot traduit en plusieurs langues, une
matière graphique qui s’apparente à un
voile. Superposés, décalés, juxtaposés, les mots provoquent un effet
graphique surprenant, proche de l’illisible. Par des jeux de transparence,
cette trame devient le fond de tous les supports : papeterie, affiches,
documents, brochures, catalogues... Traduite en positif, négatif, noir, blanc
ou couleur, elle est un moyen d’enrichir à la fois les surfaces et l’espace. Outre
le multilinguisme, ce principe de « voile identifiant » exprime la succession des événements culturels et l’activité humaine,
artistique et intellectuelle qui se déploie dans ce vaste lieu.
Dans le Forum et la chenille, les enseignes signalétiques
suivent le principe du voile en se déclinant dans la gamme chromatique du
bâtiment : jaune, rouge, vert et bleu. Le mot lié à l’information du
panneau (Centre Pompidou, Musée, Galerie, Cinéma…), multiplié à l’infini dans
ces quatre couleurs, est rendu lisible par la superposition, sur la trame, de
ses caractères en blanc.
Dans le Forum, les enseignes suspendues au plafond constituent « un nœud d’information » qui
se déclinent en trois familles : les supports permanents (Musée,
Expositions, Cinéma…), secondaires (Information, Accueil…) et temporaires (liés
aux activités).
À la Bpi, sur les enseignes
également suspendues au plafond, le « voile » se fait plus discret
afin de s’adapter à l’atmosphère de calme requise dans les salles de lecture.
La trame se superpose en transparence sur un fond dont les couleurs varient
selon les domaines de recherches.
Du logo au typogramme
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1. Le caractère typographique DIN © Michel Fernandez
2. Le typogramme. La signature du Centre Pompidou
3/4. Les déclinaisons de la signature pour la Bpi et l’ircam
© Intégral / Ruedi Baur et associés
L’apport de Ruedi Baur concerne également la signature de l’institution. Il propose de contracter l’expression Centre Georges Pompidou en Centre Pompidou. Disposés sur deux lignes, les mots Centre et Pompidou sont décalés afin d’être plus expressifs et suggérer une idée d’ouverture. Avec la réalisation de ce qu’il nomme typogramme Ruedi Baur généralise l’utilisation du caractère DIN, plus lisible et fonctionnel, en bas de casse (minuscule) pour la signature, la signalétique et les supports de communication. Le CGP reste utilisé uniquement pour certains courriers administratifs.
Menace de la disparition du logo.
Tract imaginé par le personnel du Centre Pompidou afin de s’opposer
à la disparition du sigle historique. Dr
Pendant les travaux, une vive polémique se déclenche autour
du sigle historique que Ruedi Baur souhaite supprimer dans une logique de
rupture liée à son projet. Interpellée par la menace de cette disparition, une
partie du personnel se mobilise, rédige des tracts et reçoit même le soutien de l’Alliance graphique internationale.
Après une période de réflexion, Ruedi Baur propose d’accorder au logo une
nouvelle place en lui donnant une utilisation plus libre. C’est ainsi que les
termes identifiant chaque département (Ircam, Bpi, Ddc [6], Mnam/Cci)
sont associés au typogramme et au sigle alors que, pour l’institution, le
typogramme Centre Pompidou se suffit à lui-même. Ruedi Baur estime avoir fait
ici un « travail de patrimoine très
juste ».
Une idée ouverte du graphisme
Au lieu de figer cette nouvelle identité visuelle, Ruedi Baur, chargé du suivi de sa mise en application pendant un an, propose le principe d’une « boîte à outil » (le typogramme, les voiles identifiants, la gamme colorée, la typographie) permettant d’associer une certaine liberté et la conservation d’éléments identifiants. Il est convenu, qu’à chaque saison, une nouvelle équipe de graphistes prenne en charge la communication visuelle du Centre Pompidou en y introduisant une part de sa propre culture.
Cette idée, séduisante mais sans doute difficile à mettre en pratique, ne fonctionnera pas. Pierre Bernard et son Atelier de création graphique obtiennent le marché en 2001 et le conserveront jusqu’en 2009.
[6] En 1992, tandis que le Mnam et le Cci fusionnent, naît un nouveau département, le Ddc, Département du développement culturel, dont la vocation est alors de diffuser et de croiser les arts et les disciplines du 20e siècle : édition, audiovisuel, pédagogie… Ses missions évoluent à partir de 1998, se recentrant sur les arts vivants, le cinéma, les questions d’actualité...
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