Danse contemporaine - Pour une chorégraphie 
  des regards
  Entretien avec Serge Laurent / 
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1. Un métier de chercheur
Qu’est-ce qui vous a conduit vers votre activité 
  de programmateur de spectacles?  
  Une idée simple: fondamentalement une attirance pour l’existant, 
  l’humain. Ce goût m’a d’abord orienté vers l’histoire 
  de l’art. Je m’y suis intéressé avec ferveur, comme 
  à un domaine qui me permettait de sortir des dimensions purement matérielle, 
  rationnelle, de l’existence humaine. Et dans l’histoire, l’art, 
  entendu plutôt comme archéologie, venait faire trace, relique de 
  la création humaine. A partir de quoi, je me suis passionné pour 
  ce mystère de la création. Finalement, pour toucher à son 
  essence, il m’a fallu sortir du passé, parcourir le temps, aller 
  à la rencontre des artistes vivants, et de la création en train 
  de se faire.
  Pour évoquer cette attitude, j’aime prendre l’image du bouchon 
  emporté par un cours d’eau, et qui ici accélère, 
  là divague, ailleurs semble s’arrêter, vient fleurer la rive, 
  repart encore. Sa course révèle des courants qui n’apparaissent 
  pas à l’œil nu, et il s’attarde par endroits, comme 
  pour mieux s’imprégner.
Dès lors, comment définir votre métier 
  de programmateur? 
  C’est un métier de chercheur; un chercheur très soucieux 
  de remplir une fonction véritablement utile, c’est-à-dire 
  de partager sa recherche avec une institution et un public. Sur ce point, je 
  souscris tout à fait à la notion de pédagogie.
Comment la programmation des spectacles vivants s’articule-t-elle 
  au restant des vocations du Centre Pompidou?
  Le Centre Pompidou ouvre un champ de possibles extraordinaire. C’est le 
  lieu d’un foisonnement d’idées, d’une confrontation 
  de désirs. C’est aussi un outil impressionnant. Et il se situe 
  au cœur du contexte intellectuel parisien, un contexte fort. Une des vocations 
  du Centre Pompidou est de couvrir et d’ouvrir au maximum le champ de la 
  création, dans une optique pluridisciplinaire. Dans ce paysage, je dirais 
  que je me sens engagé dans la même démarche que celle d’un 
  conservateur d’art contemporain.
  La programmation est aussi une réponse au contexte parisien, avec le 
  souci d’inscrire l’institution dans une démarche de production 
  et de diffusion du spectacle contemporain. 
Mais, en ce qui concerne la danse, on a l’impression 
  que vos choix sont particulièrement resserrés sur certaines démarches 
  très actuelles, et couvrent moins le vaste ensemble de la danse contemporaine.
  Je présente surtout un champ en devenir, qui connaît une importante 
  mutation. Je veux donner aux spectateurs la possibilité de se faire un 
  regard critique, en sortant du pré carré franco-français 
  dans ce domaine. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est 
  de montrer des spectacles qui viennent bouleverser les codes attendus et connus, 
  qui expérimentent.
  J’essaie de rester chercheur. Lorsque je montre une œuvre, ce n’est 
  pas que j’ai la sensation d’en avoir tout compris. Au contraire, 
  c’est souvent qu’elle me pose questions, et que je propose de partager 
  ces questions. Il n’y a pas de recherche qui ne s’avance sur des 
  terrains peu jalonnés.
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