Danse contemporaine - Pour une chorégraphie 
  des regards
  Entretien avec Serge Laurent / 
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2. Décrypter, découvrir, plutôt que se refermer
 N’est-ce pas une attitude quelque peu rigoriste?
   Tout au contraire. En développant chez le public une capacité 
  à se retourner vers l’inconnu, à accepter des langages non 
  évidents, je suis convaincu de favoriser l’exercice d’une 
  forme de tolérance, d’ouverture et de curiosité, une attitude 
  finalement riche d’humanisme et d’universalité.
  Décrypter, découvrir, plutôt que se refermer, voilà 
  un mode relationnel qui peut s’appliquer à tout.
  Reste qu’il est pour moi aussi important de rendre compte à un 
  public, que d’accompagner la démarche d’artistes en recherche. 
  Le public doit pouvoir au moins sentir, sinon lire, les réflexions en 
  jeu. Le spectacle demeure une production, un résultat. Il y a là 
  un lien sans cesse à renouer, d’une manière qui n’est 
  pas toujours aisée.
Mais êtes-vous sûr de ne pas risquer de vous 
  enfermer dans un seul style, un seul courant, et le public avec vous? Dans le 
  concret de votre activité, comment vous assurez-vous de rester en recherche? 
  De quoi vous nourrissez-vous?
  J’essaie d’avoir une démarche engagée dans une certaine 
  direction. On ne peut pas être bon en toutes choses, représentatif 
  en tous domaines. Je ne vais pas tout voir. Il y a aussi toutes les autres programmations. 
  Je dois effectuer des choix. Le Centre Pompidou permet donc à certaines 
  formes de voir le jour, de se développer, plus qu’à d’autres. 
  
  Concrètement, il y a toute une expérience professionnelle. Des 
  réseaux s’y constituent. Je sais qu’il y a plus de chance 
  que je croise les propositions qui m’intéressent dans telle manifestation, 
  en France ou à l’étranger, que dans telle autre. Je reçois 
  aussi énormément d’informations, de sollicitations, face 
  auxquelles je dois rester vigilant, attentif. Le risque existe, c’est 
  vrai, qu’en continuant de s’intéresser fidèlement 
  à un artiste pendant dix ans, on soit moins qu’au début 
  dans une réelle attitude de recherche. Il faut donc toujours rencontrer, 
  écouter. A la fin février 2004, je pourrais être à 
  même de déjà boucler la programmation du premier semestre 
  2005. Je me l’interdis. Par exemple, je vais au festival Mira, à 
  Toulouse, consacré aux créateurs espagnols, où je vais 
  découvrir quatre artistes que je n’ai jamais vus sur scène 
  mais dont j’imagine qu’ils puissent m’intéresser.
 Sous son aspect plutôt austère, la Grande 
  salle du Centre Pompidou semble un outil particulièrement bien adapté 
  aux spectacles de recherche.
  Cette salle est en effet très neutre. Elle présente une configuration 
  frontale scène-salle parfaitement traditionnelle, et pourtant intrigante, 
  comme une boîte englobant et la scène, et la salle. Donc, le plateau 
  se présente lui-même aux artistes comme un champ de réflexion 
  très ouvert. L’espace y est à construire chaque fois. On 
  peut en exploiter toute l’ouverture, ou y inscrire un focal, jouer sur 
  des rapports d’échelle. On y fabrique un objet dans l’objet. 
  Cela entre particulièrement en cohérence avec la démarche 
  des artistes en réflexion, qui ont pour vocation d’inventer.
  N’oublions pas de préciser que, par ailleurs, l’équipement 
  technique de cette salle est très performant. 
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