UNE HISTOIRE
Art, architecture, design,
des années 1980 à nos jours


De juillet 2014 à janvier 2016, Musée, niveau 4

Début du contenu du dossier

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Chen Zhen, Round Table, 1995

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Chen Zhen, Round Table, 1995
Ensemble de 29 chaises originaires des cinq continents
ainsi que de différentes classes sociales
Bois, métal
Hauteur : 180 cm, diamètre : 550 cm

1989 : une date-seuil Retour haut de page

À travers plus de 400 œuvres et objets, de près de 200 artistes, architectes et designers, originaires d’une cinquantaine de pays, Une Histoire propose un panorama de la création contemporaine depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Un panorama surprenant, car si les œuvres exposées sont encore peu connues, elles n’en semblent pas moins tout de suite familières. À l’heure des médias et de la mondialisation, des pans entiers de l’histoire récente, ancrés dans la mémoire collective, sont entrés dans l’art, faisant de chaque œuvre une expérience accessible à tous. Aujourd’hui, il semble bien que le monde soit venu à l’art, investissant dorénavant le musée.

Dans l’histoire de ces trente dernières années s’impose une date-seuil : 1989, une année de rupture marquée par la chute du mur de Berlin (9 novembre 1989) et l’éloignement de la Guerre froide, les événements de la place Tian’anmen (fin avril 1989) ayant fait ressentir, quelques mois plus tôt, le besoin d’une irrépressible liberté. Suivent d’autres événements : la libération de Nelson Mandela, les débuts d’un renouveau de l’Amérique latine, l’entrée de la Chine et de l’Inde dans le système économique mondial,... Cependant que d’autres coins du monde voient naître de nouveaux conflits. Accompagnant ces faits, des territoires artistiques émergent. Des artistes font irruption sur la scène internationale, réagissant au phénomène de globalisation et aux nouvelles réalités avec un regard souvent critique, tandis que biennales, musées et galeries d’art contemporain se multiplient.

Cette présentation des collections contemporaines, conçue par Christine Macel, conservatrice au Musée national d’art moderne, propose une lecture de l’art d’aujourd’hui inspirée par la manière même dont les artistes se sont positionnés au regard de ces changements. Si l’accrochage fait la part belle à l’artiste comme historien et témoin du réel, en portant une attention particulière à l’ancienne Europe de l’Est, à la Chine, au Liban et à divers pays du Moyen-Orient, à l’Inde, l’Afrique ou encore l’Amérique latine, il montre aussi comment d’autres artistes revisitent la modernité, réinventent le quotidien en s’en appropriant les objets, s’immergent dans de nouvelles virtualités, ou approfondissent un art du corps ou du récit intime, ultimes recours peut-être contre la désappropriation de soi dans un monde globalisé.
Ce premier dossier, consacré à cet accrochage, propose d’accompagner le visiteur à travers une sélection d’œuvres commentées dans les sections suivantes : l’artiste comme historien, archiviste ou documentariste, l’artiste comme producteur, ainsi que l’artiste face à l’objet.

Un nouvel art d’histoire Retour haut de page

Le 20e siècle, comme l’a montré l’exposition « Face à l’histoire », a réinventé un « art d’histoire » où la volonté de témoigner se doublait d’une détermination engagée face aux événements et aux conflits.1 Depuis les années 1980, les artistes, de manière renouvelée, font des soubresauts de l’histoire le sujet de leurs pratiques. L’accrochage propose trois sections qui, pour toutes se rapporter à ces pratiques, mettent en exergue des « postures » ou références spécifiques : « l’artiste comme historien », terme forgé par Mark Godfrey en 2007, « l’artiste comme archiviste », phénomène mis en lumière par les expositions « Deep Storage » (1998, MoMA) ou « Voilà, le monde dans la tête » (2000, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, co-commissaire : Christian Boltanski) et théorisé plus tard par Dieter Roelstraete, enfin « l’artiste comme documentariste : au plus près du réel » où l’observation n’exclut pas le subjectif. Tour d’horizon de cet art indissociable d’une position critique.

L’artiste comme historien Retour haut de page

L’œuvre de l’artiste dit « historien » peut être assimilée à un combat politique. Elle innove souvent par les médiums qu’elle utilise et les « récits » très construits et humanistes qu’elle sous-tend. Dès l’entrée du Musée, deux installations monumentales introduisent à cette thématique : Round Table, 1995, du Chinois Chen Zhen, et MetroMobiltan, 1985, de l’Allemand Hans Haacke. Pour ces deux artistes, l’art comporte un devoir moral de vérité, et peut même constituer une thérapie sociale.

Chen Zhen

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Chen Zhen, Round Table, 1995

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Chen Zhen, Round Table, 1995
Ensemble de 29 chaises originaires des cinq continents ainsi que de différentes classes sociales
Bois, métal
Hauteur : 180 cm, diamètre : 550 cm

Chaise chalet, chaise thonet, chaise bébé, caquetoire – petit fauteuil à bras non rembourré –, siège Henri II, directoire, chaise pliante ou prie-Dieu, … assise en cuir, en velours, formica, en fines lattes ou en cannage, rectangulaire ou incurvée…, piètement à trois pieds et le plus souvent à quatre, sans ou avec entretoise en forme d’H, d’X ou de T…, dossier concave à la Louis XV, en fines baguettes à la Windsor… , tabouret à visse, tabouret de traite… La description pourrait se prolonger. Vingt-neuf sièges sont là rassemblés, tous issus de temps, de cultures, de milieux variés. Si l’invitation visuelle faite ici est de prendre place, la proposition n’en est pas moins impossible. Non pas parce que présenter ces chaises dans un musée interdit, de fait, d’y toucher, mais parce que celles-ci ont, comme des ready-mades, perdu leur usage. Encastrées dans la table, elles n’ont plus les pieds sur terre, leurs piètements évoquant même des parties de jambes en l’air.
À les regarder de près, toutefois, ces chaises n’ont pas entièrement perdues leur statut d’assise. Face à cette table, plus que l’absence, c’est un sentiment d’attente qui s’impose, l’humain n’a pas tout à fait déserté.

Round table, constituée d’une table et de chaises originaires des cinq continents, a été conçue pour l’exposition « Dialogue de la paix » à l’occasion du 50e anniversaire des Nations Unies à Genève en 1995 – sur le dossier de deux des chaises sont d’ailleurs incrustés le nom de l’organisme international et un numéro d’inventaire. Au centre de la table, sur un disque en bois, au lieu des plats qu’on y aurait déposés, sont gravés, en chinois, d’autres mets plus précieux : les principaux articles de la Charte des Nations Unies sur les droits de l’homme, de l’enfant et de la lutte contre la torture. Façon, sans doute, pour Chen Zhen de s’opposer au non-respect des droits de l’homme par son pays d’origine. Plus précisément, l’artiste invoque, à propos de son installation, « l’union, la communion et la communication, à travers le repas » et la négociation pour faire avancer la paix dans le monde. La disposition des chaises indique l’interruption du dialogue. Toutefois la sensation d’attente qui s’en dégage laisse en espérer la reprise.

Ici, comme dans les autres installations de l’artiste, le corps humain n’est pas présent. Non sans raison tactique. « Dans mon travail, explique-t-il, l’absence du corps est souvent un "oubli naturel" qui permet plus librement de questionner et de parler de l’esprit humain, tout en montrant une façon spécifique d’aborder la notion du Vide, de dévoiler une stratégie de l’indirecte et de créer une métaphore magique. » (Chen Zhen, « Entre thérapie et méditation », entretien entre Jérôme Sans et Chen Zhen, Dijon, Les presses du réel/Palais de Tokyo, 2003, p.159.)

Repères biographiques
Né à Shangaï en 1955 dans une famille de médecins, Chen Zhen grandit dans les années marquées par la Révolution culturelle qui, dès 1966, interdit toute référence aux valeurs chinoises traditionnelles.2 Après des études d’arts et de scénographie, profitant de l'ouverture du pays par Deng Xiaoping, Chen Zhen émigre à Paris en 1986 où il entre à l'École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) puis à l'Institut des hautes études en arts plastiques où il enseigne, ensuite, de 1993 à 1995.
La confrontation des cultures, des systèmes sociaux et politiques, le passage dont il est le témoin du système collectiviste et communiste à un système individualiste et capitaliste, constituent les fondements de son inspiration.

Trois grands thèmes traversent son œuvre : les relations de l'homme avec les objets et la nature, l'incompréhension entre les êtres et leur réconciliation, la méditation et la thérapie. Touché par une maladie incurable – il décédera en 2000 –, Chen Zhen, qui a toujours souhaité devenir médecin, a intégré dans sa démarche artistique l'aspect philosophique et créatif de la médecine chinoise, concevant l’art comme une thérapie sociale : « La cure, la guérison, la thérapie, la purification sont devenus mon univers, dans lequel s'opère la fusion entre l'art et la vie », disait-il.
Son œuvre a été exposée dans les plus grandes institutions et manifestations internationales, ainsi que plusieurs fois en France.

Hans Haacke

Hans Haacke, MetroMobiltan, 1985

Hans Haacke, MetroMobiltan, 1985
Installation composée de fibre de verre, textes, photographies en noir et blanc, bannières en tissus synthétiques polyester, tubes en aluminium, peinture à l’acrylique
55,6 x 609,6 x 152,4 cm

Hans Haacke associe dans cette installation différents éléments, au premier abord hétérogènes : un fragment de fronton, trois bannières en tissu signées Mobil, de lourdes dalles dont on ne sait s’il s’agit d’un sol ou de pierres tombales, une photographie en noir et blanc que cachent, en partie, les bannières. Comme dans une enquête policière ou journalistique, le titre de l’œuvre donne un premier indice : MetroMobiltan ; ce mot associe le nom d’un musée, le Metropolitan Museum of Art à New York, et celui d’une compagnie pétrolière, Mobil. Mais pourquoi ?

Le fronton s’inspire, en effet, de la façade du Metropolitan Museum of Art jusque dans le détail des figurines antiques qui le surmontent. Sur deux des bannières, un texte évoque et justifie le maintien des activités de forage de la compagnie Mobil en Afrique du Sud par les quantités négligeables de ventes de ses produits aux forces policières et militaires… La troisième bannière montre la reproduction d’une sculpture africaine, accompagnée d’un titre : Treasures of Ancient Nigeria. Il s’agit d’une exposition présentée en 1984 au Metropolitan Museum of Art ; exposition rendue possible grâce, notamment, aux subventions de la compagnie pétrolière.

Reste le troisième élément de l‘œuvre : la photographie en noir et blanc dont des fragments apparaissent entre les calicots colorés. Ce sont des visages d’hommes noirs qui, pour la plupart, les yeux baissés, expriment un état de recueillement identique à celui de la sculpture nigériane, évocation saisissante d’une continuité entre ces temps anciens et ceux d’aujourd’hui. En se déplaçant, l’on peut voir ce qui est caché : ces hommes portent des cercueils. La photographie montre une procession funèbre, elle a été prise lors de l'enterrement des victimes du 16 mars 1985 tuées par la police sud-africaine à Crossroads, près du Cap, par le photographe Alan Tinnenbaum.
Avec cette œuvre, Hans Haacke veut dénoncer la compagnie multinationale qui rachète certains de ses agissements en soutenant des manifestations culturelles, tout en mettant en cause les institutions muséales qui en justifient la conduite.

Repères biographiques
Né en 1936 à Cologne, Hans Haacke suit, fin des années 50, des études artistiques à la Staatliche Werkakademie de Kassel puis, au début des années 60, à la Tyler School of Art de Temple University, à Philadelphie. Ses premiers travaux, proches du Land art, montrent son intérêt pour les écosystèmes puis pour des thèmes sociaux et politiques.
Dans les années 80, il commence à produire des peintures de grands formats et des installations. En 1989, il participe à l’exposition « Magiciens de la terre », avec Un jour, en liesse, les lions de Dulcie September cracheront de l’eau, en hommage à la militante anti-apartheid assassinée à Paris l’année précédente. En 1993, il obtient, avec Nam June Paik, le Lion d'Or de la Biennale de Venise : son installation Germania, dans le pavillon allemand dont il brise les dalles en marbre du sol, fait explicitement référence aux connotations fascistes de ce bâtiment. En 1995, il publie avec le sociologue Pierre Bourdieu un livre de conversations, Libre-échange (Seuil/les presses du réel), sur la question des liens entre art et politique.

De 1967 à 2002, Hans Haacke a été professeur à la Cooper Union (Cooper Union for the Advancement of Science and Art) à New York, où il vit et travaille toujours. Pour lui, « le monde de l'art fait partie intégrante de l'industrie. Ses productions et ses débats […] interagissent avec la politique et le climat idéologique. […] ». Faire état de ces interactions pour éveiller la conscience du spectateur-citoyen, tel est le sujet de son œuvre.

Jean-Michel Basquiat, René Green, Glenn Ligon,
Samuel Fosso, Marlene Dumas, Gonçalo Mabunda

Salle 3

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Salle 3

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Salle 3. De gauche à droite : œuvres de Samuel Fosso, Glenn Ligon, Jean-Michel Basquiat ; au centre le « trône » de Gonçalo Mabunda

Après ces deux œuvres manifestes présentées à l’entrée du Musée, la salle 3 propose un regard sur les formes d’art politisé d’artistes d’origine africaine. Avec Slave Auction [Marché aux esclaves], 1982, – une œuvre à l’écriture tourmentée, où dessins, peinture, collage se mêlent pour confronter exclus, exploiteurs et faux héros de l’Amérique –, Jean-Michel Basquiat, artiste noir américain d’origine portoricaine et haïtienne, affirme son intérêt pour le thème des minorités opprimées.
À sa suite, va émerger une génération d’artistes afro-américains politisés, tels René Green et Glenn Ligon. Pour Stranger #56 [Étranger #56], 2012, présenté ici, Glenn Ligon (né en 1960 dans le Bronx, à New York) a retranscrit des extraits de l’ouvrage de James Baldwin, Stranger in the Village (1953) – lequel relate son expérience d’homme noir, seul dans un village de campagne suisse –, recouverts ensuite de poussière de charbon. Le choix du charbon peut être vu comme une référence à l’insulte « coal black » (« noir comme du charbon ») que l’essai de Baldwin rappelle à notre mémoire.

Également dans cette salle, des autoportraits photographiés du Camerounais Samuel Fosso, ou l’impressionnant trône de Gonçalo Mabunda, O trono de um mundo sem revoltas [Le Trône d’un monde sans révolte], 2011, fait d’armes provenant de la guerre civile au Mozambique (1977-1992) qui a causé plus de 900 000 morts.
Avec The Missionary ([Le Missionnaire], 2002-2004, de la Sud-Africaine Marlene Dumas (née au Cap en 1953, elle vit et travaille depuis 1976 à Amsterdam), c’est à la fois le « portrait » d’un Africain allongé, mort ou simple dormeur, « cousin contemporain » du célèbre Christ mort de Hans Holbein – filiation reconnue par l’artiste –, et la transformation de la carte du monde de l’art qui sont donnés à voir – le point de départ ce cette œuvre étant une photographie du critique nigérian Okwui Enwezor, un acteur majeur de cette transformation qui fut notamment commissaire de la Biennale de Johannesburg en 1997 et de la Documenta 11 à Kassel en 2002.

Jean-Luc Vilmouth

Salle 4

Avec Cafe Little Boy, titre emprunté au nom de code de la bombe atomique larguée sur la ville de Hiroshima le 6 août 1945, Jean-Luc Vilmouth propose aux visiteurs de contribuer à la mémoire de cet épisode tragique de l’histoire humaine. L’installation, qui prend l’allure d’un café avec ses tables et tabourets, trouve son origine dans l’histoire de l’école primaire de Fukoromachi, à Hiroshima, détruite par l’explosion de la bombe, hormis un mur et un tableau sur lequel les survivants écrivaient des pensées pour leurs proches. Sur les cimaises de la salle 4, de la teinte d’un tableau d’école, les visiteurs écrivent leur message avec des craies de couleur. Mais que leur est-il possible de dire ? Certains accolent leur nom à tous les disparus et inconnus, d’autres symbolisent la paix par le dessin d’un cœur... De ces signes émanent une cacophonie colorée comme une clameur silencieuse.

Écouter Jean-Luc Vilmouth parler de Cafe Little Boy.

Walid Raad, Marwan Rechmaoui, Ziad Antar, Ayse Erkmen, Sara Rahbar

Salle 5

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Salle 5

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Salle 5. De gauche à droite, œuvres d’Alighiero’Boetti, Ziad Antar, Marwan Rechmaoui, Walid Raad, Sara Rahbar et Ayse Erkmen

Dans les années 1990, apparaissent, sur la scène internationale, des artistes du Moyen-Orient qui se confrontent à l’histoire de leur pays (voir le chapitre « Repères historiques / 1980-2010). Ainsi, peut-on découvrir, au gré du renouvellement de l’accrochage, une vidéo du Libanais Walid Raad (vivant aujourd’hui à New York), Hostage, The Bachar Tapes #17 and #31, by Souheil Bachar [Otage : Les enregistrements Bachar, par Souheil Bachar], montrant le témoignage d’un ex-otage libanais sur sa détention de plusieurs mois avec cinq Américains, son récit sur la promiscuité et les tensions érotiques entre hommes venant troubler celui, officiel, des autres otages.
L’installation du Libanais Marwan Rechmaoui, Veni, Vidi, Vici, 2013 – titre inspiré par l’expression de Jules César : « Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu » –, invite, comme pour une fouille archéologique, à découvrir, dans un amas de mille petits blocs de marbre blanc, les noms de généraux et d’armées ayant envahi le Liban au cours de son histoire.
Également des œuvres du Libanais Ziad Antar, de l’artiste d’origine turque Ayşe Erkmen ou de l’Iranienne Sara Rahbar.

En savoir plus sur Ziad Antar.

Jun Nguyen-Hatsushiba

Salle 7

À voir absolument (jusqu’en janvier 2015), l’installation audiovisuelle (durée : 13’) de Jun Nguyen-Hatsushiba : Memorial Project Nha Trang, Vietnam, Towards the complex, For the Courageous, the Curious and the Cowards [Projet de mémorial Nha Trang, Vietnam, vers le complexe, pour les courageux, les curieux et les lâches], 2001. Né à Tokyo et après des études aux États-Unis, l’artiste vit aujourd’hui au Vietnam. Cette installation a été réalisée en hommage aux milliers de Boat People qui ont tenté de fuir le Sud-Vietnam à la fin de la guerre par crainte des répressions politiques3.
Dans une « performance » à la fois chaotique et onirique, six jeunes Vietnamiens s’échinent à faire avancer trois pousse-pousse sur le sol rocailleux et sablonneux du fond de l’océan. La violence, réelle et symbolique de leur action, évoque tout à la fois leur impuissance, maudits des dieux, poussant leurs chars fragiles comme Sisyphe son rocher, ce qu’ont été leur vie quotidienne de travailleurs pauvres, la fuite et le naufrage. Leur corps en apesanteur évolue dans un milieu marin coloré et somptueux, avant de laisser place à un mystérieux complexe auquel l’œuvre est dédiée : d’immenses linceuls prenant la forme de larges demeures abritées par les eaux.

Edi Hila, Mladen Stilinović, David Maljković

Salle 9

Dans les pays d’Europe de l’Est émergent, après la chute du mur de Berlin, des artistes tels Edi Hila (peintre né en Albanie) ou Mladen Stilinović (artiste conceptuel croate), qui vont avoir un impact décisif sur la génération actuelle, celle d’Anri Sala (salle 32) ou de David Maljković. Née à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), Maja Bajević se fait connaître pour ses performances et ses installations liées à la guerre en ex-Yougoslavie (voir chapitre « Repères historiques / 1980-2010 »).

En savoir plus sur :
Edi Hila, écouter Christine Macel présenter son œuvre (dans le cadre du Nouveau festival 2009).
Les Promesses du passé. Une histoire discontinue de l'art dans l'ex-Europe de l'Est. Exposition présentée en 2010.
Anri Sala : écouter Christine Macel et Anri Sala, à l’occasion de l’exposition consacrée à l’artiste en 2012.

Maja Bajević

Salle 10

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Maja Bajević, Women at Work (Under Construction), in Construction, 1999

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Maja Bajević, Women at Work (Under Construction), in Construction, 1999
[Femmes au travail (en construction) dans Construction]
Toile de bâche synthétique, broderie en laine, métal, bois, vidéo

L’installation est intrigante, sans habillage esthétique. Sur un échafaudage, sorte d’autel des temps modernes, trois tapisseries aux motifs traditionnels sont accrochées. L’ensemble réclame une voix, une légende. Ce n’est pas un texte mais un film qui joue ce rôle de complémentarité.

Under Construction est un des volets de la trilogie Women at Work. Il s‘agit d’une installation issue d’une performance réalisée à Sarajevo. En présence de l’artiste, cinq femmes juchées sur un échafaudage, brodent sur une bâche. Ce sont des réfugiées bosniaques. L’échafaudage, sur lequel s’affairent aussi des ouvriers, a été monté devant la façade de la Galerie nationale de Bosnie-Herzégovine, en cours de reconstruction. Installées là pour cinq jours, ces femmes, aux gestes lents et précis, montrent un savoir-faire issu de leurs activités intimes, des gestes de paix identitaires et immémoriaux. La nuit tombée, éclairées d’une simple lampe, elles continuent de broder, leurs apparitions en clair-obscur évoquent une forme de sacré. À l’origine, outil de documentation et de témoignage, le film, d’une grande harmonie, acquiert, pour le spectateur, un statut d’œuvre.

L’installation comporte également une vidéo Haiku (non présentée dans l’accrochage), qui rassemble des instantanés saisis ici ou là au cours des pérégrinations de l’artiste aux quatre coins du monde, l’image d’une eau sale revenant de façon obsédante sur un fond sonore où s’entremêlent les bruits du quotidien et d’une radio. À l’altération de l’environnement qui sévit partout dans le monde, l’artiste oppose l’identité locale et le travail artisanal féminin.
Le dernier volet de cette trilogie, Washing Up, est une performance réalisée en 2001 avec des femmes où, ensemble, elles lavent, dans un hammam d’Istanbul, du linge brodé de phrases extraites de la propagande communiste yougoslave.

Repères biographiques
Née à Sarajevo en 1967, Maja Bajević est à Paris en 1991, alors boursière aux Beaux-arts, quand éclate la guerre en ex-Yougoslavie. Ne pouvant rejoindre son pays, elle forge, dans ce contexte d’un exil involontaire, les thématiques de l’absence et de l’identité qu’elle va développer dans son travail. Après Paris, puis Berlin, elle s’installe à Sarajevo, où elle explore, à travers des installations, des vidéos et des performances, la désintégration de son pays (Dressed Up, 1999), les interdits des religions (Double-Bubble, 2001), la rhétorique politique (Speakers, 1998).
« Je ne pense pas que l’art doive flatter ou s’adapter aux goûts d’un large public, ni que nous vivons dans un monde globalisé ou homogénéisé », dit-elle, une déclaration que confirme l’œuvre que nous voyons ici, faite à Sarajevo avec des femmes bosniaques.

Thomas Hirschhorn, Fang Lijun

Rue

Thomas Hirschhorn, Outgrowth, 2005

Thomas Hirschhorn, Outgrowth, 2005
Installation
131 globes terrestres posés sur 7 rangées d'étagères
Bois, plastique, coupure de presse, ruban adhésif, métal, papier bulle
374 x 644 x 46 cm
Dimensions minimales de la cimaise : 400 x 670 cm

De part et d’autres de l’allée centrale (appelée Rue), sont exposées trois œuvres monumentales, aussi différentes les unes des autres par leurs propos et l’inventivité de leurs supports.
L’installation du Suisse Thomas Hirschhorn, Outgrowth [Excroissance], 2005, dénonce les conflits qui envahissent la planète par l’alignement de plus de cent-trente globes terrestres, chacun « contaminé » par une excroissance – une accumulation de papier adhésif de couleur boueuse – symbolisant la purulence de la guerre. Sous chaque globe une photographie, extraite d’un magazine de presse le plus souvent, montre un lieu, une rue ou un paysage, à feu et à sang.
L’immense xylographie (un ancien procédé de gravure sur bois) du Chinois Fang Lijun, Sans titre, 2003, imprimée sur sept rouleaux de papier déployés sur quatre mètres de haut, œuvre d’une critique radicale du milieu carcéral, montre une accumulation de faces grimaçantes, à la tête rasée, « signe d’appartenance au milieu social marginal des voyous et des repris de justice »4.
Enfin, l’installation audiovisuelle de l’Espagnole Cristina Lucas, une projection en grand format de 39’, Pantome -500 +2007, questionne notre conception de l’histoire sur 2 507 années.

Cristina Lucas

Rue

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Cristina Lucas, Pantone -500 +2007, 2007. Fang Lijun, Sans titre, 2003

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Rue. De gauche à droite :
Cristina Lucas, Pantone -500 +2007, 2007
Fang Lijun, Sans titre, 2003

Pantone -500 +2007 est une installation vidéo, une animation en 2D d’une quarantaine de minutes, projetée en grand format. Sur un fond blanc, des zones de couleur apparaissent, accompagnées pour chaque nouvelle zone d’un repère temporel : le défilement des années depuis -500 ans avant J.-C. jusqu’à 2007, date de la réalisation de l’œuvre. Les premières taches semblent dessiner l’ancien Empire hittite, des bribes de l’Égypte et du contour du Bassin méditerranéen, une partie du Moyen-Orient, la Perse, quelques îlots sur la droite évoquent l’Asie et l’Inde. Puis, à nouveau, placé bien au centre de l’image, se développe progressivement l’Empire romain, péninsule ibérique, Afrique du Nord, Gaule, Mésopotamie… Mais qu’en est-il du reste du monde ? Du continent américain ou de l’Afrique noire, de l’Australie ?
Pour le spectateur, une hypothèse surgit : ce déploiement ne correspond-il pas à la découverte du monde par les Gréco-romains, une histoire qui a façonné notre mémoire collective ? Au 5e siècle avant J.-C., date butoir de l’œuvre, étaient ébauchées les premières mappemondes tandis qu’Hérodote écrivait le premier livre d’histoire, à travers le récit de ses voyages en Perse, en Asie, ou dans le sud de la Péninsule ibérique…
Sur le mur, des régions continuent d’apparaitre, tandis que d’autres disparaissent. Le planisphère se densifie, les couleurs se multiplient sans qu’en soit perçue la logique, mais qui laissent toujours lisible le morcellement, comme un puzzle, du monde en régions.

Ce projet aura demandé à Cristina Lucas des années de recherche. « Pantone, explique-t-elle, est une animation sur l’ordre du monde. […] Les taches de couleurs correspondent à l’apparition et à la disparition de civilisations ou de nations telles que les historiens les définissent : un territoire délimité, un gouvernement structuré, des règles spécifiques et des modes d’expression culturels […] 500 ans avant J.-C., de grandes civilisations existaient sur les cinq continents […] Civilisations et nations ne font que prendre place sur du vide […] », d’où sa conviction que le nationalisme ne serait qu’« une sorte de virus ».
Le terme « pantone », présent dans le titre, désigne un système de référencement international des couleurs. La mutation silencieuse, volontairement esthétique et distancié des 2 507 images, contraste avec les réalités politiques et historiques qui sous-tendent ces changements, certains pacifiques, tels que des héritages ou des alliances dynastiques, mais pour la plupart liés à l'utilisation de la violence, comme les guerres ou les invasions.
La présentation de l’œuvre est souvent accompagnée d’interventions d'historiens afin, précise encore l’artiste, de « croiser leurs discours et de voir comment ils expriment des choses différentes sur une même région. Mais le dessin, l’aspect visuel ne varie pas, c’est celui que nous a laissé l’histoire. »
Cette œuvre participative montre bien, comme d’autres œuvres présentées dans cet accrochage, comment un artiste peut s’emparer d’un processus lié à la mémoire collective pour mettre en scène une réflexion critique et faire sens.

Écouter Cristina Lucas présenter l’ensemble de son œuvre, conférence donnée le 25 janvier 2010.

Repères biographiques
Née en 1973 à Jaén en Espagne, Cristina Lucas est à la fois plasticienne et vidéaste. Après des études à l'Université Complutense de Madrid et à Irvine, Université de Californie, elle est, en 2006, résidente à la Rijksakademie d’Amsterdam, puis à la Cité des Arts de Paris de novembre 2009 à octobre 2010. Elle vit et travaille entre Amsterdam, Madrid et Paris.
Cristina Lucas construit ses œuvres à partir de différents domaines de réflexion : l’analyse des structures de pouvoir (État ou religion), les contradictions entre histoire officielle, histoire réelle et mémoire collective, la confrontation entre conventions sociales et comportements personnels,… s’amusant des réalités présupposées opposées : l’homme et la femme, l’humain et l’animal, le réel et la fiction,… Dans ses derniers travaux, elle explore la condition féminine.

Son œuvre comprend des vidéos, des installations, des performances, des photographies, des dessins, des animations 3D. Citons notamment More Light, 2003, sa première œuvre, où elle s‘interroge sur la disparition du lien entre l’art et l’église par le biais d'une conversation avec trois prêtres filmés en caméra cachée. You can walk too, 2006, performance filmée, se construit autour de l’émancipation féminine, thème repris dans Redevenir sauvage, 2013. Dans Talk, 2008, elle exhorte la statue du Moïse de Michel Ange de révéler le secret de sa création en la menaçant avec un marteau. Avec La Liberté guidant le peuple, 2014, un court-métrage, elle met en scène le célèbre tableau d’Eugène Delacroix, en réservant une fin insolite à cette figure allégorique de la démocratie et de la liberté.

L’artiste comme archiviste Retour haut de page

Dès les années 1960, des artistes tels que Gerhard Richter5 ou Christian Boltanski fondent leur travail sur la passion des archives. Dans les années 1980, dans le contexte réaffirmé d’un intérêt pour l’histoire et l’utilisation grandissante du film et de la vidéo, l’archive acquiert une nouvelle place, à la fois comme méthode de travail et comme matière de l’œuvre. Les années 1990 voient cette fièvre archivistique prendre une dimension quasi mondiale, des pays européens postcommunistes à la Chine ou aux pays du Moyen-Orient, de l’Amérique latine à l’Afrique.

Walid Raad, Rabih Mroué

Salle 11

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Salle11

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Salle 11. Au premier plan : Hassan Darsi, Le projet de la maquette, 2002-2003
Au fond : Walid Raad, We Decided To Let Them Say « We Are Convinced » Twice. It Was More Convincing That Way, 1982-2004

Dans les années 1990, la scène photographique libanaise s’est particulièrement développée autour de la notion d’archives. Ainsi voit-elle se constituer l’Arab Image Foundation [Fondation arabe pour l’image] à Beyrouth, riche aujourd’hui de 600 000 clichés, témoignages précieux de l’histoire du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de la diaspora arabe, du milieu du 19e siècle jusqu’à nos jours. Des artistes, pour certains affiliés à l’Arab Image Foundation, utilisent le document d’archive associé à un éventail de techniques (texte, photographie, vidéo, installation) autour d’une réflexion sur la représentation de leur pays en guerre (cf. chapitre « Repères historiques / 1980-2010 »).

De Walid Raad sont présentées, jusqu’en janvier 2015, les quinze photographies numériques (111x180 cm chacune) de la série We Decided To Let Them Say « We Are Convinced » Twice. It Was More Convincing That Way [Nous avons décidé de les laisser dire « Nous sommes convaincus » deux fois. C’était plus convaincant ainsi »], 1982-2004. Selon Raad, ces images auraient été prises en 1982 lors de l’occupation de Beyrouth par l’armée israélienne et retrouvées dix-neuf ans plus tard – ce qui expliquerait leur détérioration –, quinze icônes d’une épopée guerrière intemporelle, réparties entre observateurs, enfer des armes (avions, tanks, artilleries), ciel déchiré, immeubles éventrés et insouciance éphémère de soldats désœuvrés.

Cette série sera remplacée, à partir de février, par une installation de Rabih Mroué, Blow Ups. Sept épreuves en couleur (130x90 cm chacune), issues de clichés pris avec des téléphones portables à Homs (Syrie), en 2011-2012, qui laissent deviner, derrière l’esthétique d’un flouté pixélisé, des silhouettes d’hommes en armes en train de tirer, sept épreuves qui mettent le spectateur en état de faire face à la mort. Ces photographies ont été pour la première fois présentées à dOCUMENTA (13), Kassel, sous le titre La Révolution Pixélisée.
Citons encore, parmi les artistes de cette scène libanaise présentés dans l’accrochage, Akram Zaatari, Lamia Joreige ou Khalil Joreige et Joana Hadjithomas.

Akram Zaatari

Akram Zaatari, Objects of Study : The Archive of Studio Sheherazade - Hashem El Madani - Studio Practices, 2006
[Objets d’étude : Les archives du Studio Sheherazade - Hashem El Madani - Pratiques de studio],
117 épreuves gélatino-argentiques en noir et blanc accompagnées de textes

Pas de photo pour Akram Zaatari, Objects of Study : The Archive of Studio Sheherazade - Hashem El Madani - Studio Practices, 2006

Des portraits de face, baignant dans une lumière orientale, souvent coupés à la taille ; des portraits d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieils hommes aux regards souvent attendris, de couples parfois, d’amies s’embrassant tendrement, d’hommes se travestissant en femmes ou de jumeaux en phase ; certains tiennent une arme, d’autres s’habillent en cow-boy ou ressemblent au révolutionnaire mexicain Zapatta, mais ce sont des « résistants syriens » …
Le projet Objects of Study : Hashem El Madani – Studio Practices, 2006, a été développé à partir du fonds du photographe Hashem El Madani, propriétaire du Studio Sheherazade à  Saïda  – également la ville de Zaatari  –, dont il a photographié les habitants pendant plus de cinquante ans. Les 117 portraits sélectionnés qui constituent l’œuvre se concentrent sur les années 1950 à 1970. Toutes réalisées dans le cadre feutré du studio, ces images, outre de montrer les aspirations et les conditions de vie de chacun, expriment une permissivité, un œil et un esprit humanistes. L’accrochage présente une quinzaine d’entre elles qui seront renouvelées à partir de février 2015.

Repères biographiques
Né en 1966 à Saïda, au Liban, Akram Zaatari a étudié l'architecture à Beyrouth et obtenu un master en Media Studies à New York. En 1997, il participe à la création de la Fondation arabe pour l'image. Que ce soit dans ses photographies, ses vidéos ou ses installations, ses œuvres ont pour point de départ des archives : extraits de son journal intime datant de son adolescence, reportages radiophoniques ou télévisés, articles de journaux ou photographies. À travers la réévaluation de la mémoire collective, c’est la réappropriation du présent à laquelle il s’attelle. Par le biais de sujets souvent liés à la sexualité où se confrontent les interdits religieux et les codes moraux, son œuvre touche à l'actualité politique et culturelle du Liban. Un pays où, par exemple, l'homosexualité est encore aujourd'hui punie d'emprisonnement.
Akram Zaatari a participé à l'exposition consacrée aux artistes émergeants du Moyen-Orient, intitulée « Les inquiets », qui s’est tenue au Centre Pompidou en février 2008.
En savoir plus sur l’exposition Les inquiets, présentée en 2008.

Jean-Luc Godard, Chris Marker, Harun Farocki

Salle 9

Chris Marker, Zapping Zone (Proposals for an Imaginary television), 1990-1994

Chris Marker, Zapping Zone (Proposals for an Imaginary television), 1990-1994
Intallation multimédia interactive
13 bandes vidéo, son, couleur, 7 programmes sur disquettes informatiques, 10 photographies noir et blanc et couleur, 4 planches de 20 diapositives, 1 maneki neko, matériel informatique et audiovisuel divers

La vidéo et le film ont constitué des champs privilégiés de cette esthétique de l’archive dans les années 1990-2000, leur technique de montage s’adaptant particulièrement bien au travail de mémoire. Trois artistes et cinéastes prennent une place importante dans cette pratique, les Français Jean-Luc Godard et Chris Marker, et l’Allemand Harun Farocki.
De 1988 à 1998, Jean-Luc Godard travaille aux Histoire(s) du cinéma, un autoportrait et un voyage au pays des images, en huit épisodes. Des extraits de films, de bandes d'actualité, de tableaux, de textes de philosophes ou de poètes, d’œuvres musicales racontent l’Histoire du cinéma dans l’Histoire plus vaste de l’art.

Pionnier dans l’association de l’art et des technologies, Chris Marker, avec Zapping Zone, sous-titrée « Propositions pour une télévision imaginaire », retravaille des images de télévision qu’il mixe avec des images « fabriquées ». Ainsi, dans cette œuvre « ouverte », se rencontrent le monde médiatisé (la guerre en ex-Yougoslavie, la chute du mur de Berlin…) et des documents personnels (les villes aimées par l’artiste telles que Tokyo, San Francisco ou Berlin, des portraits de ses amis comme le peintre Matta, le réalisateur Andreï Tarkovsky…).
De Harun Farocki, l’accrochage présente Videogramme einer Revolution, un film réalisé en 1992 avec le Roumain Andrei Ujica, à partir de 125 heures de séquences vidéos tournées par des amateurs et des professionnels lors du renversement des Ceausescu en 1989.

Pour en savoir plus sur Jean-Luc Godard, voir le dossier pédagogique consacré au cinéaste à l’occasion de l’exposition-rétrospective présentée en 2006.
Pour en savoir plus sur Chris Marker, voir le dossier pédagogique consacré à l’artiste, écrivain, cinéaste, musicien… , à l’occasion de l’exposition-rétrospective présentée en 2013.

Liu Wei, Wang Jianwei

Salle 11.3.

Pour des artistes de générations postérieures à ces grands pionniers, le principe de juxtaposition d’archives devient presque un « style international ». Dans Floating Memory [Mémoire flottante], 2003 (projetée jusqu’en janvier 2015), Liu Wei juxtapose ses propres photographies des événements de la place Tian’anmen en 1989 – notamment de ses amis arrêtés et disparus –, à des séquences tournées en 2001 et à des extraits de films de propagande chinoise. Dans un monde de silence où la mémoire officielle semble avoir annihilé tout ce qui pourrait l’ébranler, Liu Wei cherche à réactiver ce qui est caché, tapi dans l’inconscient politique chinois. À propos de Floating Memory, l’artiste, qui vit toujours à Pékin, confiait : « 1989 était l'année du serpent où j'ai rejoint le mouvement étudiant, mon cœur était rempli de passion et d'idéal. 2001 est de nouveau l'année du serpent. J'emporte avec moi tous ces souvenirs oubliés pour un autre cycle de vie sans savoir où mon destin me mène. Ce dont je me souviens le plus clairement est cette phrase que nous avions écrite sur un large tissu blanc : "Aujourd'hui, nous ne pouvons mourir !" ».

Dans son installation audiovisuelle, My Visual Archive, 2002 (présentée à partir de février 2015), Wang Jianwei, vidéaste, plasticien et metteur en scène, réarticule « selon sa perception » des archives visuelles de la propagande chinoise.

Christian Boltanski

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Salle 11.3

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Rue. De gauche à droite :
Christian Boltanski, Les Archives de Christian Boltanski, 1965-1988, 1989
Étienne Chambaud, Les coloristes coloriés, I, II et III, 2009

« Garder une trace de tous les instants de notre vie, de tous les objets qui nous ont côtoyés, de tout ce que nous avons dit et de ce qui a été dit autour de nous, voilà mon but » écrit, en 1969, Christian Boltanski dans un petit livre : Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance.

Pour réaliser ce projet, l’artiste a rassemblé plus de 1 200 photos et 800 documents trouvés dans son atelier qu’il a rangés dans 646 boîtes à biscuit en fer blanc. Certaines sont plus rouillées que d'autres, symbole d’une usure du temps, les boîtes à biscuit renvoyant aussi à l’enfance. De telles boîtes avaient d’ailleurs déjà été utilisées en 1970, pour Essai de reconstitution (Trois tiroirs), afin de conserver des répliques en pâte à modeler de ses jouets.
Toutefois, avec Les archives de C.B. 1965-1988, l'entreprise prend une toute autre dimension et devient plus complexe. Les 646 boîtes – leur nombre et leur disposition diffèrent à chaque présentation – évoquent un mur de la mémoire ou encore un « monument commémoratif à la gloire de la vie ordinaire » (Catherine Grenier, catalogue de l’accrochage). En rendant inaccessibles les traces de la vie personnelle de l’artiste, cette œuvre en dépasse la simple mémoire. Les lampes de bureau rappellent la dimension sacrée et intemporelle de toute lumière et entreprise mémorielle.

En 2001, Christian Boltanski reprend ce thème des archives personnelles avec une œuvre intitulée La Vie impossible : un ensemble de 20 vitrines dans lesquelles se trouvent amassés des papiers de toutes sortes, cette fois-ci présentés à la vue du spectateur, mais dans un tel désordre qu'il ne peut pas en percer le mystère.

Repères biographiques
Né à Paris en 1944, d'un père juif d'origine russe et d'une mère corse, Christian Boltanski commence à peindre en 1958, à l’âge de 14 ans, sans avoir suivi de formation artistique. Marqué par la Shoah, il représente des scènes historiques ou des personnages dans des situations macabres. À partir de 1967, Boltanski diversifie ses moyens d'expression, s'essaie à l'écriture – rédige des lettres, constitue des dossiers faits de documents et de photographies issues d’albums familiaux, qu’il envoie à des personnalités –, il s’intéresse aussi à la sculpture, à la photographie et au cinéma. Sa propre biographie, réelle ou imaginaire, devient le principal sujet de son œuvre, explorant les thèmes de l'enfance, de la mort et de la mémoire. L’expression « mythologie individuelle », qu’il utilise pour une exposition en 1972, va désormais être attachée à son art.

Depuis plusieurs années, Christian Boltanski réalise d'énormes installations, telles que Personnes à Monumenta, au Grand Palais en 2010 – un hallucinant cimetière de vêtements scandé par des battements de cœurs, en mémoire à la Shoah – ou Chance, au pavillon français de la Biennale de Venise en 2011 – une œuvre sur la naissance, constituée de 600 photographies de bébés d’un jour, publiées par un journal polonais, « des êtres dont la vie n’est pas encore écrite » (C.B.). En dehors de ces projets, il installe des œuvres permanentes qui s'augmentent constamment, telles Les archives du cœur dans l'île de Teshima, au Japon.

L’artiste comme documentariste : au plus près du réel Retour haut de page

Si la fin des années 1980 est marquée par l’éloignement d’affrontements idéologiques et l’espoir d’une humanité plus libre, la décennie suivante voit s’affirmer une méfiance grandissante vis-à-vis d’une économie de marché mondialisée et une société de consommation frénétique. De nouveaux dangers apparaissent, guerres en ex-Yougoslavie, génocides ethniques, menaces islamiques… Les années 1990 voient aussi l’avènement d’une mutation des modes d’information et de communication avec la naissance d’internet. Dans tous les domaines – le fait religieux, la condition des femmes et des travailleurs, l’environnement… – des artistes deviennent des observateurs du réel. Leur pratique diffère de celle du reporter de guerre par l’acceptation, dans leur rôle de témoin, de leur propre subjectivité. (Voir le chapitre « Repères historiques / 1980-2010.)
Si cette démarche de documentation n’est pas neuve – l’apparition, au 19e siècle, de la photographie puis du cinéma a déjà transformé la notion d’œuvre d’art –, elle s’en trouve amplifiée par les médiums utilisés – la vidéo, l’informatique, internet, l’installation ou le recours aux objets de la vie quotidienne.

Allan Sekula, Suboth Gupta, Ahmed Mater

Salles 19, 20, 21, 21 bis

Suboth Gupta, Sister, 2005

Suboth Gupta, Sister, 2005
Installation. Table en bois, vaisselle inox, tubes fluorescents,
Couleur, son, 5'18 d'après une béta numérique.
91 x 243 x 91 cm

Salle 19. Dans Seventy in Seven, 1993, Allan Sekula (1951, États-Unis - 2013, artiste, théoricien et enseignant) documente le monde du travail en Corée du Sud. Photographies et textes mettent en jeu une diversité de registres : fiction, constat, témoignage, discours.

En savoir plus sur Allan Sekula, écouter les enregistrements du colloque organisé en 2013 : « Allan Sekula, La photographie au travail ».

Salle 20. Malachi Farrell (né à Dublin et vivant en France) reconstitue, dans une installation intitulée O’Black (à voir jusqu’en janvier 2015), un atelier de confection clandestin. (Voir notice ci-dessous.)
Salle 21 bis. L’Indien Amar Kanwar témoigne, dans The Scene of Crime, 2011, de la transformation des paysages de l’État d’Orissa – une région située sur la côte Est de l’Inde et qui possède 90% des réserves de chrome indiennes et 70 % de celles de bauxite – sous les effets des spéculateurs industriels. (Voir notice ci-dessous.)

Salle 21. L’Indien Suboth Gupta dénonce, avec Sister, 2005, la condition féminine dans le sous-continent. Il s’agit là d’une installation composée d’une table en bois massif, sous laquelle a été entassé un amas de vaisselle en inox. Sur la table sont projetés des extraits de vidéos amateurs réalisées lors de mariages traditionnels. La vaisselle évoque les banquets organisés pour ces fêtes ainsi que la dot remise à la belle-famille, par les parents de la mariée.
Le Saoudien Ahmed Mater illustre, dans la série The Desert of Pharan, 2013, les mutations radicales que subit la Mecque depuis quelques décennies. Dans des photographies de grand format, il insiste sur les conséquences que font peser les promoteurs immobiliers sur la vieille ville sacrée. Une ville qui n’est dorénavant, pour accueillir toujours plus de pèlerins, que chantiers, autoroutes, immeubles tous semblables et hôtels gigantesques.

Malachi Farrell

Malachi Farrell, O’Black (Atelier clandestin), 2004-2005. Vue 1Malachi Farrell, O’Black (Atelier clandestin), 2004-2005. Vue 2

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Salle 20. Malachi Farrell, O’Black (Atelier clandestin), 2004-2005
Installation composée de chaises en plastique, machines à coudre, sifflets, cintres, verre, bois, cuir, aluminium, tôle d’acier, halogène, air comprimé, coton, laine, tissu synthétique, eau

Un alignement de chaises en plastique derrière des machines à coudre, un sol jonché de vêtements colorés, des portants plantés aux murs, des ampoules pendues à des fils électriques. Du désordre, des machines et des objets en suspens, comme si le lieu avait été abandonné dans la précipitation. La scène est dans le noir.
Cette installation de Malachi Farrell peut s’accorder à l’idée convenue d’un atelier de confection clandestin. Mais les acteurs, les femmes et les hommes qui travaillent sont absents.
Quand brusquement la scène s’éclaire et s’anime, c’est une machine de guerre qui se met en marche. Les chaises clouées sur des tringles en fer rivées au sol sont soumises à des torsions brutales et saccadées, et se transforment en chaises de torture. Dans le crépitement assourdissant des machines à coudre, sous la lumière blafarde, des fumigènes envahissent l’espace. La bande-son prend pleinement sa part dans cette violence. Cris, ordres, insultes se mêlent à des tirs de mitraillettes. Tout s’arrête brutalement. Et tout aussi brutalement, la machine de guerre se remet en marche, grotesque et tragique à la fois. Hors de l’espace et du temps – fait-il jour ou nuit ? –, une machinerie délabrée, et néanmoins implacable, impose son pouvoir écrasant et rend manifeste la négation de l’être humain. Outil d’une guerre économique, politique et sociale à la mesure du monde, et dont l’artiste dénonce la cruauté.

Repères biographiques
Né à Dublin en 1970, Malachi Farrell vit et travaille en région parisienne, à Malakoff. En 1972, ses parents décident de quitter l'Irlande et s'installent à Paris. De 1987 à 1992, il étudie à l’École régionale des Beaux-arts de Rouen, puis à la Rijksakademie d’Amsterdam. En 2002-2003, il est professeur à l’École du Fresnoy. Présenté au Centre Pompidou à plusieurs reprises, l’artiste a notamment participé à l’exposition « Dionysiac » organisée en 2005, et tout récemment avec son frère Liam, musicien connu sous le nom de Doctor L., au spectacle-concert Collateral Fiction. Il a conçu, pour la Galerie des enfants, « Surround » (18 octobre 2014-23 mars 2015), une exposition-atelier interactive, sorte de déambulation poétique sonore et visuelle autour de l’un des thèmes récurrents de son travail : l’environnement.

Plasticien, sculpteur, Malachi Farrell affirme dans sa pratique une critique radicale des systèmes économiques, sociaux et politiques qui régissent le monde contemporain. Dans des mises en scène spectaculaires, faites de machines animées visuelles et sonores, l’artiste combine objets ordinaires, détournés de leur usage, et dispositifs électroniques de haute précision. Ces installations dénoncent la brutalité du monde et questionnent le pouvoir des médias, poussant le spectateur à son libre arbitre.

Amar Kanwar

Amar Kanwar, The Scene of Crime, 2011
[La Scène du crime]
Installation audiovisuelle composée de 2 vidéoprojecteurs, 2 lecteurs multimédia, 8 haut-parleurs, 16/9e, couleur, son stéréo, 42’

Pas de photo pour Amar Kanwar, The Scene of Crime, 2011

« Nous sommes aujourd’hui en guerre contre nous-mêmes, contre notre terre, nos forêts, nos langues, nos cultures, notre peuple ». Ces propos du vidéaste Amar Kanwar éclairent tout particulièrement le sens de son installation The Scene of Crime, qui révèle la cupidité de spéculateurs indiens et internationaux, dont les projets mettent en péril l’équilibre écologique, le mode de vie ainsi que l’intégrité physique des habitants d’une région de l’Inde, l’Orissa.

Comme on revient sur les « lieux du crime », l’artiste est venu relever, pendant plus de dix ans, les séquelles de cette exploitation. Le film prend la forme d’un conte dont le personnage principal est la terre et sa beauté. Dans un texte qui s’inscrit à l’écran de façon intermittente, l’artiste parle d’elle, raconte ce qu’elle a enduré, évoque ses villages, ses habitants, rassemble les preuves de sa vitalité et les  témoignages nécessaires à sa défense. Car le crime a bien eu lieu et se perpétue.

Dans ce procès que l’artiste instruit, chaque plan pourrait être commenté qui célèbre et défend la terre. C’est à une expérience poétique, sensible, qu’il nous convie. Le tempo est lent. Avec patience, Amar Kanwar s’approche au plus près des signes de vie de cette nature, menacée de disparition à très court terme. Des cadrages serrés donnent à voir la survie de vies minuscules – un papillon posé sur une branche desséchée, des plantes en bourgeons dans un champ dévasté. À l’inverse, des plans larges s’ouvrent à l’immensité des rizières et de l’Océan. Son regard accompagne un paysan, pagayant sur une rivière que l’on a dû désensabler, pour la contraindre à rejoindre la mer. Il s’arrête sur une pierre dressée en guise de mémorial. En filmant les mouvements croissants et décroissants de la lune dans une même séquence, l’artiste introduit une double temporalité : celle d’une permanence de la terre à l’échelle des millénaires et celle de l’accélération de sa transformation durant ces dix dernières années. La forêt, l’herbe, l’eau sont sans cesse à l’image, et souvent simultanément. Le thème récurrent de l’arbre, symbole de la vie enracinée, côtoie l’apparente fragilité des herbes sous le souffle du vent. Car le vent est toujours présent, comme si la nature faisait naître le mouvement dans l’image, comme si les mouvements de la terre justifiaient qu’il y ait de l’image en mouvement, du cinéma.

Repères biographiques
Amar Kanwar est né en 1964, à New Delhi en Inde, où il vit et travaille. Sa démarche artistique est celle d’un observateur qui parcourt le pays en quête d’images qui renseignent l’histoire de l’Inde, et témoignent d’une réalité politique et sociale contemporaine souvent tragique. La construction narrative de ses films met en lumière les causes de ces réalités, alternant témoignages, commentaires hors champ, texte à l’écran, plans serrés ou larges sur des objets ordinaires ou sur des paysages. L’agencement poétique de ces éléments suscite la prise de conscience, et met en perspective passé colonial et traumatisme de la Partition, effets pervers de la mondialisation, désastres écologiques, droits et dignité bafoués.

L’installation The Scene of Crime, créée par Amar Kanwar en 2011 pour l’exposition « Paris-Delhi-Bombay » au Centre Pompidou, s’inscrit dans un travail en cours, intitulé The Sovereign Forest (La Forêt souveraine]. Le cadre en est la région de Kalinga, renommée aujourd’hui Orissa, en Inde. Riche en ressources naturelles, particulièrement en minerais, cette région est, depuis les dix dernières années, l’objet de convoitise de spéculateurs indiens et internationaux. Sous une pression incessante, la résistance acharnée des populations rurales – pourtant le plus souvent non violente – fait de l’Orissa une terre de conflits.

L’artiste comme producteur : les années « Traffic » Retour haut de page

Salles 16, 16 bis et Rue

Dans les années 1990, parallèlement à un « art d’histoire », se développent de nouveaux modes de production et de processus créatifs. Héritière des nouvelles technologies et d’une certaine dématérialisation de l’œuvre, des pratiques participatives des années 1970 marquées par la critique de « la société du spectacle » de Guy Debord, par l’émergence aussi d’une culture MTV (Music television) – une culture du clip, des techniques du remix et du sampling –, cette génération d‘artistes va considérablement transformer la notion d’œuvre et d’exposition.6
En 1996, Nicolas Bourriaud réunissait les principaux représentants de cette tendance, au CAPC de Bordeaux, dans une manifestation intitulée « Traffic » (d’où le nom de cette section), puis définissait les lignes-forces de leurs pratiques (cf. son ouvrage Esthétique relationnelle, 1998). À savoir : un art comme « contre-marchandise », qui figure ou suscite des relations interhumaines, lesquelles se matérialisent ou non sous forme de documents ou de traces. L’art devient une proposition qui suscite une relation active avec le spectateur et l’exposition un moment voué à la rencontre.

L’accrochage présente (en fonction de ses renouvellements) des « œuvres » de Maurizio Cattelan, Claude Closky, Olafur Eliasson, Liam Gillick, Carsten Höller, Dominique Gonzalez-Foerster, Felix Gonzalez-Torres, Pierre Huyghe7, Fabrice Hybert, Pierre Joseph, Philippe Parreno, Tobias Rehberger, Joason Rhoades, Pipilotti Rist, Wolfgang Tillmans, Rirkrit Tiravanija, Shimabuku, Xavier Veilhan.

Philippe Parreno

Philippe Parreno, No More Reality II (la manifestation), 1991

Philippe Parreno, No More Reality II (la manifestation), 1991
Betacam SP, PAL, couleur, son, durée : 4'

No More Reality désigne différentes pièces réalisées entre 1991 et 1993. No More Reality I est une vidéo-conférence sur l'histoire des relations entre l'art et le pouvoir, depuis Filippo Lippi à Daniel Buren. Un critique d’art, joué par Parreno, s’y exprime en cinq langues, dans un verbiage incompréhensible. Pour cette caricature, l’artiste s’est inspiré du personnage de Salvatore dans le film Le Nom de la rose, d’après le livre de l’écrivain et linguiste Umberto Eco. Au début du film, le critique répète, en se frappant la tête et en faisant des grimaces : « No More Reality » ! Il s’agit là, d’une critique de la parole du spécialiste.

No More Reality II, la manifestation montre des enfants de sept à huit ans qui défilent dans une cour de récréation. Tout en criant « No More Reality », ils portent des banderoles sur lesquelles est écrit ce slogan. La caméra saisit le mouvement des enfants à travers un filtre, de couleur bleu qui crée un effet perturbant, puis elle enregistre en plans serrés le slogan écrit, les visages et les bouches vociférantes. La substitution des enfants aux adultes renforce l’impression de déréalisation. Le contexte social d’une manifestation a complètement disparu au profit d’un « faire semblant », métaphore critique de ce qu’est une image.8

Plus tard, en 2005, Parreno reprend ce slogan dans une peinture murale réalisée avec Douglas Gordon. Puis en 2009, parallèlement à la rétrospective de son œuvre organisée au Centre Pompidou, No More Reality (fin) est le titre d’un atelier conçu pour le jeune public. Inspirées d’une première série de marionnettes présentées en 1993 à la Biennale de Venise, de petites poupées, recouvertes d’affiches d’œuvres, invitaient les enfants, lors d’une visite au Musée, à les confronter aux œuvres originales malicieusement détournées par l’artiste.
Plus qu’un slogan, No More Reality est donc une interrogation récurrente sur le langage, le réel et l’image, dans des œuvres où l’humour est toujours présent et la participation du public indispensable.

Repères biographiques
Figure majeure de la scène française et internationale, Philippe Parreno, né en 1964 à Oran, a fait ses études aux Beaux-arts de Grenoble et à l’Institut des hautes études en arts plastiques à Paris. Apparu sur la scène artistique en 1988, avec une vidéo, Fleurs, il entame, la même année, une période de projets réalisés en collaboration avec Pierre Joseph, Dominique Gonzalez-Foerster et Bernard Joisten notamment, trois artistes originaires de Grenoble. Dans ses projets tant personnels que collaboratifs, Philippe Parreno travaille les notions d’exposition en temps réel, d’espace de liberté, de décalage entre réalité et fiction, trouvant ses références dans les nouvelles technologies, la télévision, le cinéma et la musique pop.

En 1997, il fonde avec Charles de Meaux, Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster, ainsi que Xavier Douroux et Franck Gautherot – les fondateurs du Consortium de Dijon − la société de production et de distribution Anna Sanders Films, société qui permet à ces artistes de produire leurs propres œuvres, que ce soit des films ou des installations, et de soutenir d’autres créateurs.
Les années 2000 marquent un tournant. Ses œuvres sont plus que jamais hantées par le thème du « fantôme » et du sujet « en creux ». En 2006 il réalise, avec Douglas Gordon, un film en temps réel, Zidane, un portrait du 21e siècle, montrant les moindres faits et gestes du joueur, tout au long d'un match de championnat avec le Real Madrid. En 2009, différentes institutions internationales, dont le Centre Pompidou, l’accueillent pour une rétrospective de son œuvre : « une installation orchestrée selon une boucle temporelle durant laquelle apparaissent des œuvres inédites ou plus anciennes », l’artiste reconsidérant une fois encore les notions d’exposition et de temporalité.

Tobias Rehberger

Tobias Rehberger, Outsiderin et Arroyo grande 30.04.02 - 11.08.02, 2002

Tobias Rehberger, Outsiderin et Arroyo grande 30.04.02 - 11.08.02, 2002
Lampes en verre jaune et lampes en velcro
Capteur photoélectrique, dimensions variables

Outsiderin et Arroyo grande 30.04.02-11.08.02 est une œuvre à la charnière des arts plastiques et du design, composée d’une constellation de 66 lampes en verre jaune et de 20 lampes en velcro, de formes et couleurs différentes. Reliées à un capteur de lumière ambiante, leurs intensités varient en fonction de la luminosité extérieure. Selon l’heure et les conditions météorologiques, le rayonnement solaire ou l’ennuagement, les 86 lampes irradient dans l’espace du Musée, tantôt de leur éclat jaune, tantôt d’une lueur chaude et dorée.
En interaction constante avec l’environnement, elles invitent le spectateur à renouveler sa perception de l’espace et du rôle que la lumière y joue au fil des heures.

Repères biographiques
Né en 1966 à Esslingen (Allemagne), Tobias Rehberger fait des études à l’Académie des Beaux-arts de Francfort, notamment sous la direction de Martin Kippenberger. C’est à cet artiste, peintre, sculpteur, auteur d'installations et d'éditions multiples, qu’il doit son attitude critique vis-à-vis de sa propre pratique. Le caractère novateur de ses œuvres, la remise en cause de toute relation conventionnelle avec le spectateur et la taille inaccoutumée de ses installations le font connaître dès les années 1990.

Pour sa première participation à la Biennale de Venise, en 1997, par exemple, son œuvre consiste en la création de sous-vêtements pour les gardiens, à charge pour chacun de les porter ou pas, sachant qu’aucune vérification ne sera faite par le public. À la fin des années 1990, sa renommée internationale lui apporte des commandes d'aménagement d'espaces. Puis viennent les installations qui interagissent avec l’environnement, tel Outsiderin et Arroyo grande 30.04.02 - 11.08.02. Pour l'exposition organisée au Palais de Tokyo en 2002, Night Shift, il profite des horaires du lieu pour n'ouvrir qu'à la nuit tombée et proposer au public un parcours nocturne de ses œuvres et de l'espace du Musée.

En 2009, Tobias Rehberger remporte le Lion d’Or du Meilleur Artiste à la Biennale de Venise pour sa cafétéria pop installée dans le parc Giardini di Castello. L’œuvre, intitulée Was du liebst, bringt dich auch zum weinen (Cafeteria) (Ce que vous aimez peut aussi vous faire pleurer) se présente comme un immense jeu optique. La RATP et le groupe de promotion immobilière Emerige lui ont récemment confié la création d’une œuvre destinée à la nouvelle station de métro Pont Cardinet sur la ligne 14. Tobias Rehberger vit et travaille à Francfort, employant dans son atelier près de 25 personnes.

Pour en savoir plus sur Tobias Rehberger, lire, dans les Cahiers du Musée national d’art moderne, un extrait de l’article de Marjolaine Lévy, « Tobias Rehberger. Le design du concept, le décor du manque », hiver 2009-2010, n°110.

L’artiste face à l’objet Retour haut de page

Il y a un siècle, l’objet entrait de plain pied dans l’art, remplaçant matières, formes, couleurs, motifs. Depuis le plus connu d’entre eux, Roue de bicyclette, 1913, de Marcel Duchamp9, les objets se sont prêtés à bien des expérimentations. Les dadaïstes en font les supports de leurs œuvres pour mettre en cause une culture qui a conduit à la guerre, et les surréalistes des prétextes pour exprimer leurs rêves. Dans les années 1950-1960, les artistes du pop art s’en saisissent, se décomplexant d’une société de consommation, tandis que les nouveaux réalistes s’en emparent comme déchets pour créer une poésie du réel. Fluxus s’en amuse pour rapprocher l’art et la vie…  Certains imaginent alors son déclin (tel Frank Popper, Le Déclin de l’objet. Art action participation, 1975). Il n’en est rien.
Les artistes des années 1980, d’Haim Steinbach à Bertrand Lavier10 en passant par John Armleder, les reconsidèrent, souvent avec humour, comme vecteurs d’anachronismes, de pertes de repères ou comme archétypes mémoriels ou affectifs. Dans leur lignée, ceux des années suivantes y trouvent matières inépuisables à toutes les inventions et écarts possibles pour interroger le réel.

Gabriel Orozco, Peter Fischli et David Weiss, Michel François

Salle 23

De Gabriel Orozco (né au Mexique), l’auteur de l’iconique DS, 1993, monstre véhiculaire rétréci et à place unique, sont proposées (jusqu’en janvier 2014) sept photographies. Proches d’un langage minimaliste, capturant des situations trouvées ou modifiées, faisant appel à des jeux de plongées et à d’hasardeuses géométries, ces photographies ne sont pas sans rappeler les traces d’un passé enfoui. Ainsi, Manguera mordita [Tuyau rongé], 1990, montrant un tuyau enroulé sur lui-même et rongé par son chien, évoque un pectoral ou un bijou aztèque.

Écouter Gabriel Orozco parler de son œuvre, à l’occasion de l’exposition présentée en 2010.

Peter Fischli, David Weiss, Der Lauf Der Dinge, 1986-1987

Peter Fischli, David Weiss, Der Lauf Der Dinge, 1986-1987
[Le Cours des choses]
U-matic, PAL, couleur, son
28'

En salle 23, les deux artistes suisses, Peter Fischli et David Weiss, prennent la relève (à partir de février 2015) avec quelques clichés « dégentés » d’objets banals, et leur emblématique vidéo, Der Lauf der Dinge [Le Cours des choses], 1986-1987. Sur un long plan séquence d’une trentaine de minutes, s’enchaîne et se déchaîne une suite de réactions, où bouteilles, bougies, pneus de voiture, planches en bois, sacs en plastique, boîtes de conserve, … explosent, roulent, flottent au gré de réactions physiques et chimiques, orchestrées par les deux compères.

En savoir plus sur Peter Fischli et David Weiss, consulter l’Encyclopédie Nouveaux médias.

Gabriel Kuri, Abraham Cruz-Villegas, Damián Ortega, Tobias Putrih

Salle 22

Trois artistes parmi les plus remarqués de la nouvelle génération mexicaine sont ici présentés, Gabriel Kuri, Abraham Cruz-Villegas et Damián Ortega, qui, dans la lignée d’Orozco, réinventent une pratique sculpturale liée à l’objet.
Du premier, une œuvre intitulée Quarry Cast Between a Given Corner and Three Random items [Carrière moulée entre un coin donné et trois objets aléatoires], 2007, une coulée de béton solidifiée entre deux murs, d’où émergent, comme des objets fossiles, une paire de chaussures, une petite boîte en carton et un ruban adhésif, objets aléatoires mais combien familiers, symboles d’un monde enfoui comme le sont aussi les anciennes civilisations mexicaines.
Du second, un travail sur l’identité, un autoportrait qui dissimule plus qu’il ne révèle, fait de papiers trouvés, emballages ou cartes postales, tous recouverts d’une peinture blanche et punaisés au mur, Autoretrato ciego muy feliz y emocionado, pensando en un futuro brillante [Autoportrait d’un aveugle très joyeux et émotionnel, pensant à un avenir radieux], 2012.

Également dans cette salle, quatre collages de l’Allemand Tobias Putrih, de la série Times, 2011, un passionnant travail sur la déstructuration de l’objet ‘journal’ – en l’occurrence le New York Times , pour le libérer de son sens et le rendre à sa matière – la multiplicité de ses feuillets superposés, ses millions de signes pixélisés et ses arbitraires plages blanches. Leurs rythmes visuels évoquent les collages de Schwitters, l’un des premiers aussi à avoir libéré lettres, mots ou images de leurs « carcans ».

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Salle 22

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Salle 22. Damián Ortega, Molecula de glucosa expandida, 1992-2007
[Molécule de glucose agrandie]
Capsules de bouteille, fil de fer, 150 x 400 x 200 cm
Au fond : Tobias Putrih, Times, 2011

Exposée à deux pas de l’œuvre de Kuri, une masse tout en pesanteur et informe, celle de Damián Ortega, située au milieu de la salle 22, chante les vertus de la légèreté, de la ligne sinueuse et du vide, suscite l’imagination, évoque un horizon, celui d’une montagne, ou le dessin d’un fleuve, à moins qu’il ne s’agisse d’une pieuvre ou d‘un monstre en expansion… La matière de la ligne intrigue, qui semble composée d’une accumulation de ventouses ou de modules identiques.
À y regarder de près, il s’agit de capsules de bouteilles. Enfilées sur des fils, suspendues dans l’espace, ces capsules reproduisent, en fait, le dessin de la structure atomique de la molécule de glucose. Damián Ortega fait ici référence à la consommation massive par les Mexicains de boissons sucrées. La reproduction à grande échelle de la molécule fascine par ses lignes apparemment libres, que dément son tracé scientifiquement intangible.

L’artiste dit également que son œuvre est née d’une réflexion sur les processus de développements organiques, les rhizomes, et leurs similitudes avec le développement des villes, souhaitant néanmoins que chacun puisse en avoir une expérience ou une vision personnelle.

Écouter Damián Ortega commenter son œuvre, Molecula de glucosa expandida.

Repères biographiques
Né en 1967 à Mexico, Damián Ortega quitte le milieu familial à seize ans, pour étudier la sculpture et le dessin. Il se fait d’abord connaître pour ses bandes dessinées satiriques, la teneur politique et l’humour de ses premiers travaux infiltrant encore son œuvre aujourd’hui.
Sa carrière artistique démarre véritablement en 1998 où il fait ses premières expositions personnelles et collectives. En 2003, il expose à la 50e Biennale de Venise Cosmic Thing, une Coccinelle Volkswagen démantelée et suspendue au-dessus du sol, dont chaque pièce, isolée des autres, est positionnée avec précision pour donner à voir la voiture s’assembler et se construire sous nos yeux. Œuvre surprenante et ludique qui le fait alors connaître du grand public.

Fidèle à son principe de fragmentation et de dispersion des formes dans l'espace, son installation Champ de vision, présentée au Centre Pompidou en 2008-2009, composée de quelque 6 000 ronds translucides de couleurs suspendus au plafond, s’inscrit dans sa recherche sur la vision et la distorsion entre ce qui est réel et ce qui est perçu. Entre la méditation sur la matière, les phénomènes de perception, les réalités politiques et sociales, ses sculptures, installations, films et actions trouvent dans l’objet usuel un médium qui s’adapte à ses interrogations. Aujourd’hui, Damián Ortega vit et travaille à Berlin.

Wilfredo Prieto

Rue

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4. Tobias Rehberger / Wilfredo Prieto

Une Histoire. Vue de l’accrochage, Musée, niveau 4
Rue. Tobias Rehberger, Outsiderin et Arroyo grande 30.04.02 - 11.08.02, 2002
Wilfredo Prieto, Avalancha, 2003

Il est impossible, pour le visiteur, de ne pas remarquer, surgissant du fond du Musée, l’œuvre de Wilfredo Prieto (né à Cuba, l’artiste vit et travaille à La Havane et à Barcelone), intitulée Avalancha. Sur plus de trente mètres, des centaines d’objets de formes sphériques et de couleurs vives sont disposés en ligne droite selon une taille croissante, balle, porte-clés, lampe, aquarium, ballon, cage à oiseau, cendrier… jusqu’à un élément de design destiné à vendre des jus d’orange. Derrière la familiarité de ces objets semble pourtant sourdre une menace, comme s’ils étaient prêts à se mettre en branle. Outre une réflexion sur le monde actuel, entre consommation et oppression, cette œuvre peut aussi apparaître comme « une métaphore de l’avalanche d’objets qui a envahi l’art moderne et contemporain depuis le début du 20e siècle » (Christine Macel).

Repères historiques / 1980-2010 Retour haut de page

Sources : d’après la chronologie réalisée pour l’application du Centre Pompidou : 110 ans d’art moderne et contemporain, Direction des publics.

 

Une Histoire. Art, architecture et design, des années 1980 à aujourd’hui
> Informations pratiques, visites, catalogue… Voir la bande annonce

© Centre Pompidou, Direction des publics, novembre 2014
Textes : Marie-José Rodriguez - Chantal Noël (notices sur Malachi Farrell et Amar Kanwar)
Design graphique : Michel Fernandez
Intégration : Cyril Clément
Marie-José Rodriguez, responsable éditoriale des dossiers pédagogiques Retour haut de page

Références

_1 Cf. « Face à l’Histoire (1933-1996). L’artiste moderne face à l’événement historique : engagement, témoignage, vision », exposition présentée du 19 décembre 1996 au 7 avril 1997. Catalogue, éditons Centre Pompidou.
Cf. également l’accrochage « Modernités plurielles. Une nouvelle histoire de l’art moderne. De 1905 à 1975 », présenté jusqu’au 26 janvier 2015, Musée, niveau 5. À consulter, en particulier, le dossier : Modernités plurielles. Les réalismes.

_2 Contesté après l’échec du « Grand bond en avant », Mao Zedong lance, en 1966, une « grande révolution culturelle prolétarienne » qui s’appuie sur la jeunesse organisée en « gardes rouges ». Rééducation des intellectuels déportés dans les campagnes, culte de la personnalité, extermination de millions d’individus réfractaires au pouvoir du Grand Timonier caractérisent ce mouvement qui va durer 4 ans. Après la mort de Mao Zedong en 1976, commence une lente « démaoïsation » du pays par Deng Xiaoping.

_3 En 1964, les États-Unis s’engagent dans le conflit qui oppose le Sud-Vietnam au Nord-Vietnam communiste d'Hô Chi Minh. En 1973, la signature des Accords de paix de Paris mettent fin à l’intervention directe des États-Unis. En 1975, après la chute de Saïgon, tout le Vietnam devient communiste. De nombreux Vietnamiens, pour la plupart du Sud, fuient alors leur pays sur des embarcations souvent en surcharge. Le Haut-Commissariat des Nations Unies estime qu'entre 200 000 et 250 000 d'entre eux ont péri, victimes des garde-côtes, des pirates ou de noyades.

_4 Alain Sayag, Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, éditions Centre Pompidou, 2007.

_5 Pour en savoir plus sur Gerhard Richter, voir le dossier pédagogique consacré à l’artiste, à l’occasion de l’exposition présentée en 2012. Les quelque 6 000 clichés de son Atlas, publié en 2006, constituent à la fois un outil pour comprendre son travail et une œuvre en soi.

_6 Pour Guy Debord, la marchandise est le seul spectacle qu’offre la société à l’individu. Dans cette analyse, l’art est nécessairement « praxis », et non objet, pour qu’il puisse participer à son accomplissement. « L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L’extériorité du spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente. C’est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout. » Guy Debord, La Société du spectacle, 1967, Folio Gallimard, 1996.

_7 Pour en savoir plus sur Pierre Huyghe, et en particulier sur l’œuvre présentée dans l’accrochage : Blanche-Neige Lucie, 1997, voir le dossier pédagogique consacré à l’artiste, à l’occasion de l’exposition présentée en 2013.

_8 Cf. le catalogue Philippe Parreno, réalisé sous la direction de Christine Macel, Centre Pompidou / jrp/ringier, 2009.

_9 Pour en savoir plus sur Marcel Duchamp, voir le dossier pédagogique consacré à l’artiste, exposition présentée jusqu’en janvier 2015.

_10 Pour en savoir plus sur Bertrand Lavier, voir le dossier pédagogique consacré à l’artiste, à l’occasion de l’exposition présentée en 2012.

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