Arts de la scène et nouvelles technologies
Richard Siegal / Alberto Posadas, Glossopoeia / 1 2 3 4 5 6 7 Repères

 

7. La technÉ ÉprouvÈe

Glossopoeia. Premier quatuor, répétition au 104, 3 décembre 2009.
De gauche à droite, Lorenzo Bianchi, réalisateur en informatique musicale ; Samuel Favre, percussionniste ; Odile Auboin, altiste ; Julie Guibert, danseuse ; Alain Billard, clarinettiste ; Raphaëlle Delaunay, danseuse ; Eric-Maria Couturier, violoncelliste ; Asha Thomas, danseuse
© Centre Pompidou – Photo Hervé Véronèse

Grâce à la technologie, les danseuses deviennent des musiciennes, et presque des chefs !

R.S. Si elles ne dirigent pas réellement la musique, elles se dirigent mutuellement et leurs mouvements génèrent des sons, comme si leurs corps étaient des sources sonores. Pour elles, c’est une pièce extrêmement difficile, surtout dans la seconde partie, justement. En plus de se frayer un chemin dans le jeu If/Then, elles doivent le faire en accord avec la musique. Il n’y a toutefois pas de réel dialogue entre elles et les musiciens.
Il en va autrement de l’environnement musical qu’elles contrôlent dans une certaine mesure, mais qui pourra également influencer leurs comportements — et leurs choix au sein du système If/Then. L’environnement musical devient ainsi une troisième voix, immatérielle et transcendante, née de la conjonction du jeu des musiciens et de celui des danseuses, et avec lequel elles instaurent cette fois une forme incertaine de communication, même si ce dialogue relève peut-être davantage de l’inconscient…

Que pensez-vous de votre appropriation à tous deux du matériau technologique brut ?

R.S. Ayant travaillé deux fois auparavant avec Fred, j’ai une assez bonne idée du mode de fonctionnement de la machine. Bien travailler avec prend du temps, c’est laborieux. Cette fois, j’ai donc employé des mouvements que je savais facilement reconnus par la machine.

A.P. D’une certaine manière, j’ai travaillé en tant que compositeur et Richard en tant que chorégraphe quand il aurait fallu que nous intégrions davantage l’outil technologique dans nos modes de pensée… La technologie est vivante — tout comme le son et la danse. C’est un instrument sur lequel le compositeur et le chorégraphe doivent jouer main dans la main.

Une technologie aussi puissante implique de nombreuses variables que l’on ne peut contrôler, voire que l’on ignore totalement, que pensez-vous de cette imprédictibilité ?

R.S. Je dois avouer que je m’y abandonne sans arrière-pensée. C’est trop compliqué pour que je l’appréhende. Il en va de même en tant que superviseur d’un projet : dois-je tout contrôler ? ou puis-je me fier au talent des gens auxquels je délègue une partie du travail ? Dans le cas présent, j’ai la chance de ne travailler qu’avec les meilleurs dans leur domaine. C’est donc pour moi l’occasion, justement, de me laisser surprendre. L’utopie est une chose. Travailler avec des gens, ou avec une technologie, en est une autre. L’œuvre est vivante. Il ne faut pas l’étouffer, la contraindre.
Se mouvoir aisément entre contrôle et abandon : ce n’est une question ni de chance, ni de détermination. Je vis dans une société technologique complexe. Plutôt que de vouloir tout contrôler, je préfère garder une certaine flexibilité — la flexibilité est une thématique importante, dans ma vie comme sur la scène. Que faire d’autre que de jouer avec cette part d’imprévisible ?

 

 

 

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