Arts de la scène : aux limites du théâtre
Steven Cohen, Golgotha  / 1 2 3 4 5 6 7 Repères

 

2. Golgotha, projet extrÊme

« Steven Cohen, Golgotha, New York 2007

Créée le 9 octobre 2009 aux Subsistances de Lyon, programmée du 4 au 7 novembre 2009 avec le Festival d’Automne à Paris dans le cadre du nouveau festival du Centre Pompidou, la pièce Golgotha condense des implications extrêmes du parcours de Steven Cohen. Les difficultés du processus de réalisation de ce projet se sont auparavant traduites par plusieurs annulations et reports des présentations scéniques annoncées. Ces difficultés mêmes renseignent sur les spécificités de l’art de Cohen. Elles furent de trois ordres : pratique, physique et symbolique.

Une mise en œuvre difficile

La réalisation de Golgotha révèle la complexité des projets de Steven Cohen, artiste offshore opérant ses prélèvements de signes à la surface du monde. Elle a nécessité des tournages dans les rues de New York, où Steven Cohen, vêtu en complet-veston, déambule au cœur des paysages les plus significatifs de l’économie de marché financiarisée (Wall Street, mais aussi Broadway, univers du spectacle). Ces marches, il les effectue suspendu sur d’incroyables chaussures à talons aiguilles, dont les semelles ont été montées sur d’authentiques crânes humains. Lesquels ont eux-mêmes été acquis dans le commerce. C’est qu’un régime de vie intégralement asservi à l’exultation de la marchandise irait de pair avec une capacité d’absorption et d’évacuation de la mort.

Ces scènes sont restituées à l’écran, durant la représentation scénique. Leur réalisation aura recélé son lot de difficultés matérielles et/ou relatives à la réglementation, contrariant leur mise en œuvre. Obstacle pratique.

Aux limites de l’impossibilité physique

Semblant orchestrer une cérémonie païenne, Steven Cohen parcourt le plateau sur ces mêmes chaussures, qui placent la marche aux limites de l’impossibilité physique. Transmuté en icône, il tord son corps dans des positions extrêmes, le harnache et l’accouple à des machines éveillant un imaginaire sadomasochiste. Ce type d’engagement corporel s’est traduit, à la longue, par une discopathie dégénérative de sa colonne vertébrale, lui ayant fait souffrir le martyre au cours des préparatifs de Golgotha. Obstacle physique.

En honneur à son frère

Enfin, l’artiste annonce explicitement que Golgotha répond à la disparition de son frère, qui lui fut l’être le plus cher, mort par suicide. La nature même de cette mort, taboue au regard des origines juives de sa famille, affirmant pourtant jusque là son détachement de la religion, priva la mémoire du défunt d’obsèques dignes de ce nom. « J’ai alors décidé de réaliser un grand projet en son honneur, qui porterait la mort jusqu’à la vie. Mais le travail que je peux faire ne sera jamais parfait, aussi parfait que la performance de la mort de mon frère. » Projet extrême ? Voire impossible ?

Ainsi Golgotha présente-t-il un dispositif de significations tournoyantes et insondables poussant à l’extrême les tensions de l’art-performance entre le privé et le public, l’intime et le politique, cela au possible prix de contradictions insolubles. Obstacle symbolique.

 

 

 

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