Arts de la scène et nouvelles technologies
Myriam Gourfink, Les temps tiraillés / 1 2 3 4 5 6 7

 

1. Les annÉes 90 

Une nouvelle génération de chorégraphes

La danse de cette génération des années 90 ne s’inscrit plus seulement dans l’héritage de la danse classique et moderne. Elle puise dans toutes les sources artistiques pour faire du corps et de l’espace de représentation le lieu d’une critique et d’une remise en question du spectacle mais aussi du rapport que l’individu entretient avec son environnement quotidien.

Au milieu des années 90, une génération de jeunes danseurs ayant travaillé avec les chorégraphes majeurs des années 80 – Odile Duboc, Régine Chopinot, Hervé Robbe, Jean-Claude Gallotta, François Verret, etc. – volontairement en marge du spectaculaire, s’inscrit dans une mouvance radicalement postmoderne qui, à la figure de personnages héroïques et marquants, des récits structurés et narratifs, préfèrent mettre à nu interprètes et dispositifs scéniques. Les déjouer aussi en faisant sortir la danse des plateaux de théâtre, en préférant le mouvement quotidien à celui stylisé de la danse, en mettant en scène des dramaturgies qui interrogent le geste de la danse et ses conditions d’apparition.

Parmi les pièces majeures de cette époque, Mua (1995) d’Emmanuelle Huynh plonge les spectateurs dans l’obscurité d’un plateau à peine éclairé. La danse se devine dans cette quasi-invisibilité, elle s’entend plus qu’elle ne se voit. Emmanuelle Huynh est nue, ses mouvements sont à peine perceptibles, presque au bord de l’immobilité. Antithèse absolue des dispositifs scéniques chatoyants, des costumes travaillés et des danseurs souvent nombreux sur scène, Mua est un geste radical à partir duquel le spectateur ne peut plus aborder la scène de la même manière.

image 1. Jérôme Bel, The show must go on 2, 2002
© Centre Pompidou - Bertrand Prévost

2. Claudia Triozzi, Park, 2003
Dr

Idem pour les premières pièces de Jérôme Bel, Nom donné par l’auteur (1994), Jérôme Bel (1995), ou plus récemment The show must go on (2001). Jérôme Bel épure le plateau au maximum pour mettre en scène et désosser les éléments constitutifs de la société de consommation, ses interrogations, son inscription au quotidien, ses identités multiples et interchangeables. Il crée un langage chorégraphique entre théâtre et performance tout comme La Ribot qui, avec ses séries des Pièces distinguées (1993 – 2000), se met en scène nue sur ou hors plateau à travers de très courts solos. Elle active des objets et des accessoires de la vie quotidienne et révèle progressivement une dramaturgie très intime, faite de petits événements à la fois drôles et saisissants. Claudia Triozzi avec Park (1998) crée également un personnage féminin en prise avec des objets du quotidien qu’elle détourne de leur fonction. En résulte un langage poétique et burlesque, visuellement très précis, proche de l’installation plastique.

Catherine Contour avec Chambre – étapes chorégraphiques en chambres d’hôtel (1997 – 2000) invite le public dans des chambres d’hôtel et le confronte à une très grande proximité avec les danseurs.

Aattenentionon (1996) de Boris Charmatz déplace la chorégraphie sur une structure d’échafaudage sur laquelle dansent trois interprètes vêtus d’un simple tee-shirt et répartis sur trois niveaux différents. Les spectateurs sont disposés librement autour de cette structure. Les danseurs qui ne se voient pas entre eux évoluent aux sons qu’ils se renvoient les uns les autres. L’espace qui se structure verticalement et non plus horizontalement oblige le spectateur à ajuster son regard, à se confronter au danger que représente un tel dispositif pour le danseur et à évacuer une nudité qui très vite devient secondaire.

D’autres créations parmi celles de Xavier Leroy (Self Unfinished – 1998), Jennifer Lacey ($ Shot – 2000), Alain Buffard (Good Boy – 1998) reconfigurent l’histoire contemporaine de la danse en créant des dispositifs scéniques et chorégraphiques qui empruntent beaucoup à la performance des années 70 et à la danse postmoderne américaine des années 60 et 70. Les objets présents sur scène, la danse ramenée à son expression la plus ténue et la plus intime, le traitement de l’espace, ouvrent des perspectives de création très larges, loin des carcans imposés par une gestion trop lourde de la scène.

 

Spectacles présentés au Centre Pompidou

Jerôme Bel, The show must go on, du 4 au 6 décembre 2002 >
Claudia Triozzi, Park, les 29 et 30 mars 2003 >
Catherine Contour, Chambre – étapes chorégraphiques en chambres d’hôtel, du 22 au 26 mars 2000 >
La Ribot, présentation des 34 Pièces distinguées sous le titre Panoramix, du 15 au 20 octobre 2003 >
Xavier Leroy, Self Unfinished, les 15 et 16 mars 2000 >

 

 

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