Arts de la scène : aux limites du
théâtre et de la danse
Claudia Triozzi, Ni vu ni connu /
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Repères
Quoi faire ?
Si « être une femme » revient à interpréter un rôle, dans lequel se jouent des relations de pouvoir, la même remarque vaut pour les identités professionnelles : tout un pan de la démarche de Claudia Triozzi consiste à interroger les métiers et le monde du travail.
Pour la création de Dolled up (2000), elle va à la rencontre de commerçants et leur demande de lui apprendre leur métier : « L’apprentissage, c’est un peu une perte de moyens... Ça m’intéressait de mettre le corps dans ce danger, dans cette difficulté[13]. »
La vidéo tirée de cette série d’apprentissages sera projetée au cours de la pièce : on y voit Claudia Triozzi chercher à convaincre une cliente, se débattre avec les produits... Quant à la pièce elle-même, elle met en scène une femme qui, affairée sur une sorte de table-machine, déclare à intervalles réguliers, en anglais : Ce n’est pas pour moi et Je cherche un autre travail.
« Cette femme essayait de résoudre la question du "quoi faire". L’apprentissage, c’est ça aussi : quel métier faire ? [...] Comment accepter de ne pas pouvoir choisir ce qu’on a envie de choisir ? » Quelques années plus tard, on retrouvera des questionnements proches dans La Prime 2008 : au sein d’une entreprise, Claudia Triozzi interroge chaque personne sur ses conditions de travail et cherche à mettre à jour les paradoxes de l'identité professionnelle.
Le monde social est un théâtre
La question du personnage déborde alors largement le cadre théâtral : la vie quotidienne est une mise en scène, le monde social est un théâtre, et toute interaction est une représentation, comme le rappelle le sociologue Erving Goffman.[14].Claudia Triozzi met en abyme ce théâtre de la vie de tous les jours : en « mettant l’extérieur sur le plateau », comme elle le dit, elle renvoie chacun de nous aux rôles qu'il joue, à ce que ce rôle permet ou interdit.
Elle-même est toujours rattrapée par son métier : « Dans Ni vu ni connu, quand je chante "j'ai perdu connaissance avec beaucoup d'aisance à cause de mon métier qui me colle au nez", je dis aussi que même si on m'a donné un gros coup sur la tête, je me suis évanouie, mais je reste une danseuse – et que, quels que soient les chemins que prennent mes pièces, il n'y a pas d'ambiguïté ; je garde cet ancrage dans ma "famille", qui est celle du spectacle et, avant tout, de la danse... »
[13] Claudia
Triozzi. Entretien conduit par Geisha Fontaine, op. cit.
[14] Erving Goffman, La
Mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1973
[1959].
Arts de la scène : aux limites du théâtre et de la danse
Claudia Triozzi, Ni vu ni connu /
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