Danse 
  contemporaine - Pour une chorégraphie des regards
  Un bouleversement des codes / 1 
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7. Une écriture en déplacement
Lorsqu’elle cesse de se focaliser sur l’apparence extérieure et sur l’expressivité du mouvement, l’attention est plus libre de se porter sur les modalités d’écriture chorégraphique. Ecriture du geste, ou des déplacements, ou composition des pièces. Sous cet angle encore, la re-visitation de certains fondamentaux, la réévaluation des héritages, côtoient des expérimentations toutes nouvelles.
Lorsqu’en 1989, l’Allemand Gerhard Bohner crée Im (Goldenen) Schnitt I et II, il y inscrit son demi-siècle de savoirs essentiels sur l’espace et la ligne, la diagonale, l’angle, la courbe, le carré; sur la composition liée à la musique et à un environnement plastique. Vingt ans plus tard, le Catalan Cesc Gelabert reprend et transmet à nouveau l’héritage de ce prédécesseur disparu .
 Ecriture du geste ou des déplacements
    
  
Pendant 
  de longues années, la Belge Michèle 
  Noiret a été la danseuse impossible dont rêvait 
  le compositeur contemporain Karlheinz Stockhausen. Il imaginait 
  strictement qu’à chaque note puisse correspondre exactement un 
  geste. Si elle s’en est détachée en retrouvant les voies 
  du lyrisme, la chorégraphe revisite la musique de ce maître dans 
  Twelve Seasons, et trouve dans les nouvelles technologies les outils 
  d’une poétisation du trouble. 
  Parfaitement dansants semblent aussi The Moebius Strip de Gilles 
  Jobin, ou le programme Zoo de la compagnie de Thomas 
  Hauert. Pour autant le premier relève d’une composition 
  rigoureuse selon les carrés d’une grille. Ce principe ne doit pas 
  rien à l’héritage du père du chorégraphe, 
  peintre de l’abstraction géométrique.  
  
 
  Quant à la série de pièces des partenaires de Thomas Hauert, 
  elles systématisent la mise en œuvre de principes d’écriture: 
  danser des états d’âge, différer la perception de 
  l’interprétation gestuelle puis de l’interprétation 
  musicale, remonter une danse en sens inverse de son déroulement, etc.
  5, création de Thomas 
  Hauert.
   The Moebius Strip, chorégraphie 
  Gilles Jobin.
  Photos Bertrand Prévost © Centre Pompidou
 Un mode particulier de composition: l’improvisation
    
  
 
  Faut-il automatiquement considérer plus novateurs, ou audacieux, les 
  projets basés sur l’improvisation? Par goût du risque et 
  de l’imprévu, l’improvisation reste un mot magique, pour 
  la plus grande liberté, sans doute illusoire, qu’on espère 
  lui voir concéder aux interprètes. En fait, elle est un mode particulier 
  de composition, dont les contraintes spécifiques sont l’instantanéité 
  et la définition de consignes pré-établies. Ces procédés 
  n’ont rien de nouveau, et l’improvisation jouit même d’une 
  sorte de tradition de prestige dans l’imaginaire de la danse contemporaine. 
  Et elle y demeure féconde. 
  L’Américaine  
  Lisa Nelson en est une figure éminente, et on la retrouve 
  au Centre Pompidou avec son compatriote et pionnier Steve 
  Paxton, pour une semaine d’inventions aux côtés 
  d’artistes européens. Dans la foulée, Olivia 
  Grandville présente Ki-t comme une "partition 
  d’improvisation".  
  
 
  Mais peut-être est-ce le Portugais João 
  Fiadeiro qui redonne le plus d’acuité et d’actualité 
  au potentiel recélé par l’improvisation: ses spectacles 
  se font paradoxalement virtuoses dans la saisie de l’instant infime où 
  la simple présence sur le plateau bascule dans l’amorce d’une 
  projection imaginaire, et dès lors commence à faire trace artistique. 
  Mais ainsi ils cessent de ressortir pleinement au registre de… l’improvisation.
Ki-t, spectacle d’improvisation 
  par Olivia Grandville.
  I am here, chorégraphie João Fiadeiro.
  Photos Bertrand Prévost © Centre Pompidou
 Une écriture qui ménage une part de variabilité
   Absolument singulière, la façon qu’a Myriam 
  Gourfink d’aborder l’écriture de la danse. Il 
  existe divers systèmes de notation du mouvement dansé, à 
  l’instar des partitions musicales (celui de  
  Rudolf Laban jouit d’une certaine notoriété). 
  Alors, pourquoi ne pas imaginer d’écrire de nouvelles pièces 
  de danse sur partition, comme un compositeur le fait pour la musique. De cette 
  façon, la création chorégraphique est dégagée 
  de l’emprise de la relation duelle entre chorégraphe et interprète 
  dans le corps à corps du studio. Et pour ce faire, Myriam Gourfink invente 
  un nouveau système, avec l’appui d’informaticiens, qui permettent 
  de ménager pour l’interprète une part de variabilité 
  en temps réel. 
Une nouvelle intelligence du corps
   Très éloigné de ce type de démarche, l’Anglais 
   Russell Maliphant a su fasciner en produisant 
  une qualité de mouvement d’une fluidité ciselée. 
  Au premier coup d’œil, cela pourrait le rapprocher d’une conception 
  ancienne du corps resplendissant et de la virtuosité en danse. Mais outre 
  qu’il construit ses pièces selon une approche très méthodique 
  des principes de composition du solo, du duo, du trio, et qu’il prête 
  grande attention à leur combinaison systématique avec une architecture 
  de lumière, c’est la source de son mouvement qui attire l’attention.
   
  
 
  Ancien danseur étoile, Russell Maliphant est venu à la danse contemporaine 
  par une pratique assidue, outre le yoga et les arts martiaux, d’un grand 
  nombre de techniques d’éducation somatique (Rolfing, Feldenkrais, 
  Body mind centering, etc). Très subtiles, touchant à 
  des niveaux de conscience corporelle souvent enfouis et assoupis, ces méthodes 
  ont pour point commun de s’intéresser à l’intériorité 
  du mouvement, à la logique des coordinations, au fonctionnement intime 
  des tissus, etc. Soucieux d’autonomie dans l’exercice, de protection 
  face aux traumatismes, et de finesse dans l’invention, beaucoup d’artistes 
  chorégraphiques se sont tournés vers ces techniques. Il s’est 
  agi de se désaliéner des exigences d’un mouvement que la 
  tyrannie de la mise en spectacle réduirait à l’élaboration 
  d’une forme extérieure performante.
 Pus encore que l’écriture d’une danse stricto sensu, c’est 
  la recherche d’une nouvelle intelligence du corps qui mobilise avant tout 
  un bon nombre d’artistes chorégraphiques.
   Two / Knot / Stream / Sheer, chorégraphie 
  Russell Maliphant. © Hugo Glendinning
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