Danse contemporaine - Pour une chorégraphie 
  des regards 
  Un bouleversement des codes / 1 2 
  3 4 
  5 6 
  7 8 
  9 10
2. ET LE CORPS DEVINT SCÈNE
Des années 80 où les corps dansants s’élancent comme des effigies s’adressant au monde, aux années 2000, ce n’est plus la scène comme territoire d’un espace libéré et sensuel que nous propose la danse mais comme prolongement du questionnement de l’intériorité des corps.
 Un dernier souffle libertaire
  Les années 70 voulurent changer le monde. Elles s’alimentèrent 
  à une dévoration de la chose écrite, une frénésie 
  des discours d’autorité et de contre-autorité. Vibrant encore 
  d’un dernier souffle libertaire, mais plutôt féminine et 
  optimiste, la danse des années 80 vient assurer une prise de relais plus 
  sensuelle. Requinquée par les moyens considérables débloqués 
  par les pouvoirs publics, ce mouvement projette alors des corps juvéniles 
  et prolixes, pleins d’allant et d’histoires à raconter. Sur 
  les scènes leurs courses impétueuses entendent finir de balayer 
  les raideurs de l’héritage classique en danse, tout autant que 
  les dernières entraves du vieil ordre moral en société.
  Ce mouvement foisonnant de la Nouvelle danse vient parachever une visée 
  de libération des corps, en même temps qu’il laisse cadrer 
  ses avancées dans les nouveaux outils institutionnels mis à son 
  service (essentiellement le maillage du territoire par les Centres chorégraphiques 
  nationaux).
 L’altération des identités féminin 
  et masculin
   
  
 
  Mais déjà les enjeux sont en train de se déplacer. 
  La diffusion durable des acquis du féminisme altère en profondeur 
  les identités de genres féminin et masculin. Elle modifie les 
  topographies du désir. La libération sexuelle, particulièrement 
  homosexuelle, heurte dramatiquement l’écueil du sida. L’exacerbation 
  des enjeux économiques et l’accentuation des tensions politiques 
  dans un contexte de mondialisation dessinent une nouvelle perception de l’espace-monde. 
  Celui-ci est plus que jamais traversé de migrations, et sillonné 
  d’expéditions guerrières, humanitaires, mais aussi touristiques. 
  La globalisation médiatique provoque une réduction des espaces, 
  une accélération des temporalités, en même temps 
  qu’une griserie de la submersion par les flux continus d’informations. 
  Les innovations technologiques suggèrent des mises en réseau immatériels, 
  éclatés et décentrés, ouvrant l’imaginaire 
  sur les horizons extraordinaires de la virtualité.
  Dispositif 3.1, chorégraphie Alain 
  Buffard. Photo © Marc Domage
  Traiter du bouleversement de la relation espace-temps 
  
  Certains s’accordent à penser que ce bouleversement global (géopolitique, 
  économique et culturel) est d’une intensité comparable à 
  celui qui vit advenir les Temps modernes voici un demi-millénaire. C’est 
  une vision du monde, une perception désirante de la relation espace-temps 
  qui s’en trouverait radicalement bousculée. La danse n’a 
  d’autre objet que de traiter de cette relation espace-temps. Au travers 
  du plus proche et du mieux partagé des médiums – le corps 
  – ne se retrouve-t-elle pas aux avant-postes sensibles de cette mutation? Quitte à s’en trouver en partie déboussolée.
La "problématisation" des corps
   
  
 
  Assez tardivement, du reste, cet art épouse brusquement la pensée 
  post-moderne, qui fait le deuil des grandes lignes d’utopie pour s’infiltrer 
  dans des arborescences mouvantes de recyclages, de décodages et de détournements. 
  Dès lors, les corps dansants n’ont plus pour souci premier de s’élancer 
  comme des effigies s’adressant au monde. Nouvellement problématisés, 
  ils s’ouvrent autant au questionnement de leur intériorité. 
  Et leur complexité neuve abolit en partie la coupure qui les sépare 
  de la scène-territoire. Ils s’y conçoivent en interfaces 
  propices à des branchements sur de multiples plans mouvants de significations, 
  en quoi ils se construisent. Ils sont eux-mêmes devenus scène. 
 Skull* Cult, une proposition Rachid 
  Ouramdane et Chistian Rizzo.
  L’attention est focalisée sur le corps du danseur qui développe 
  
  une gestuelle lente et minimale. Le corps devient scène. 
  © Fin Novembre XX Solenn Camus
 Danse contemporaine - Pour une chorégraphie 
  des regards 
  Un bouleversement des codes / 1 2 
  3 4 
  5 6 
  7 8 
  9 10