Danse contemporaine - Pour une chorégraphie
des regards
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1. Un processus en courS
S’agissant de définir et de nommer la danse aujourd’hui, la difficulté d’y parvenir atteste par elle-même de l’intérêt du processus en cours.
La décennie 80 et la Nouvelle danse
Au cours de la décennie 80, la France observe l’emballement
impétueux de sa Nouvelle danse. Bousculant l’héritage
classique, ce mouvement très neuf épouse son temps. Il culmine
symboliquement avec la désignation de Philippe Decouflé
comme magicien-ordonnateur de la cérémonie d’ouverture des
Jeux olympiques d’hiver d’Albertville (1992). Voici qu’un
leader de la danse contemporaine se voit confier un formidable enjeu national
et médiatique, touchant à la représentation de masse des
corps en compétition.
Dès lors comment, au tournant des années 2000, moins de dix ans
plus tard, vient à se répandre, tout à l’inverse,
une pratique de non-danse ?
Les années 2000: de la non-danse aux nouvelles
tendances
Notons d’emblée qu’il n’est guère
d’artistes chorégraphiques qui se reconnaissent sous ce vocable,
apparu sous les plumes de la critique (comme, par exemple, en d’autres
temps, le terme d’impressionnisme). Quoique fortement imagée,
la notion de non-danse semble, de fait, fort réductrice, ne
s’attachant qu’au ralentissement du tempo et au minimalisme des
formes, observés sur la scène chorégraphique depuis le
milieu des années 90. Outre leur caractère parcellaire et point
systématique, peut-on s’attacher valablement à ces aspects
qui touchent à la seule apparence, alors qu’il s’agit d’évoquer
des esthétiques qui justement invitent à percevoir tout autre
chose?
Faut-il alors préférer les notions de conceptuels, ou
de performatifs pour désigner les auteurs de ces nouvelles esthétiques?
Mais, directement importées du domaine des arts plastiques, ces notions
subissent des torsions excessives au moment d’être plaquées
sur le chorégraphique. Commode et consensuel, circule aussi le fourre-tout
des nouvelles tendances, mais il est si vaste qu’il se vide de
signification suffisamment précise.
De la difficulté d’une définition
Arrêtons cette liste. Car cette difficulté à poser
une définition atteste par elle-même de l’intérêt
du processus en cours. Certes, cette imprécision a de quoi plonger la
critique et le public dans la perplexité, voire le malaise. Mais il faut
aussi y voir un signe probant de la réussite de ces artistes, qui se
croisent – plutôt qu’ils ne se rejoignent – dans leurs
actions de mise en mouvement des catégories, de défiance à
l’égard des écoles et des manifestes, de traque aux évidences
et aux apparences; dans leurs micro-stratégies de transferts, de dérivations
et de branchements.
Une nouvelle conception des rapports entre corps, environnement
et esprit
C’est toute une nouvelle conception des rapports entre le corps
et son environnement d’une part, le corps et l’esprit d’autre
part, que mettent en jeu certains artistes chorégraphiques. Cela passe
avant toute chose par une exploration des mécanismes, subjectifs autant
qu’objectifs, de la perception. Autant s’en convaincre d’emblée: bon nombre de démarches actuelles ne parleront qu’à des
spectateurs véritablement disposés à ce que leur propre
regard s’intègre lui aussi dans un mouvement d’innovation
chorégraphique. C’est à une crise de la représentation
– du monde en général, et par le spectacle en particulier
– que se voit confronté le sujet, littéralement déplacé.
Eventuellement déroutante, cette opération de déconstruction
est éminemment stimulante. Encore faut-il ne pas se tromper de danse…
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