Danse contemporaine - Pour une chorégraphie des regards
Un bouleversement des codes /
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3. Une position dans l’histoire
Rupture ou réexamen? Quelles attitudes adoptent les artistes chorégraphiques face à l’histoire de leur art? Comment continue de s’opérer une transmission, un savoir qui passe de corps en corps?
Les anciens contre les modernes?
Les anciens contre les modernes? Il est commode d’opposer une génération
des directeurs des Centres chorégraphiques nationaux (issue de la Nouvelle
danse des années 80) à une génération critiquant
par la suite ces institutions (les Nouvelles tendances dans les années
90-2000).
Mais cela reste très grossier: certains directeurs de Centre chorégraphique,
comme Mathilde
Monnier ou Régine Chopinot, peuvent avoir
des affinités avec les seconds, tandis que parmi ceux-ci, on voit
Emmanuelle Huynh nommée à la tête de celui
d’Angers. Enfin plusieurs de ces derniers peuvent être des artistes
d’âge tout à fait confirmé:
Loïc Touzé,
Alain Buffard ou
Jérôme
Bel, entre autres, ne sont plus de tout jeunes gens.
Love, chorégraphie Loïc Touzé.
Photo Bertrand Prévost © Centre Pompidou
Une
réévaluation plutôt qu’une simple rupture
Beaucoup plus intéressante est l’attitude qu’ils adoptent
face au passé, au regard de l’histoire de leur art. C’est
souvent celle d’un réexamen, d’une réévaluation,
plutôt que d’une irrémédiable rupture. Un goût
pour l’histoire se manifeste. L’ouverture de nouvelles voies passe
aussi par l’ouverture d’une réflexion sur les anciennes.
Par exemple, nombre d’artistes (Boris
Charmatz, Rachid
Ouramdane, Myriam
Gourfink) évoquent volontiers, et positivement, leur passage
auprès d’une chorégraphe-enseignante de la trempe d’une
Odile Duboc.
Pour tout vous dire, chorégraphie Odile Duboc. © Contrejour
L’héritage d’une rupture radicale: le Judson Church
Plus loin d’eux, bon nombre de ces artistes chorégraphiques
ont pointé dans l’histoire l’époque du Judson
Church, cette fois pour y faire franchement référence. Dans
les années 60 à New York, cette expérience collective,
fulgurante et foisonnante, cristallise une remise en cause radicale des codes
installés de l’art chorégraphique. Elle produit la post
modern dance, en désertant les salles de spectacle traditionnelles,
en croisant les disciplines artistiques, en rejetant la narration et l’incarnation
de personnages, en valorisant l’improvisation, les dispositifs, les processus
aléatoires, le recours aux gestes quotidiens, et en systématisant
l’expérimentation.
Steve Paxton, Lisa
Nelson, artistes américains restés fidèles
à leurs recherches d’alors, sont volontiers invités à
partager leur expérience avec la nouvelle génération française,
au Centre Pompidou.
Ou encore revisiter des pièces essentielles du
répertoire du 20e siècle
Souvent mal connue, souffrant de faiblesse théorique, réduite
à des biographies et catalogues d’artistes ou d’œuvres
mythiques, l’histoire de la danse recèle pourtant de passionnantes
questions sur son rapport à la société (l’histoire
des corps…) comme sur ses propres modes d’évolution et de
transmission (comment son savoir passe de corps en corps).
Constitué
de danseurs contemporains, le Quatuor
Knust se donna pour mission de redonner vie à des pièces
essentielles du répertoire du vingtième siècle. Mais il
envisagea cette entreprise comme un chantier à vue, de réflexion
et d’expérimentation autour des systèmes de notation de
la danse (la kinétographie
Laban), ou autour des forces et des références multiples qui sont
au travail dans une œuvre, comme dans son interprétation, puis son
souvenir. Au Centre Pompidou, le projet "… d’un Faune"
(éclats) en fut l’un des plus aboutis.
… d’un Faune (éclats),
chorégraphie Quatuor Knust.
Photo Bertrand Prévost © Centre Pompidou
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