LE FUTURISME À PARIS
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L’orphisme

La dernière salle de l’exposition nous ramène sur la scène parisienne, avec l’orphisme, un mouvement dont Guillaume Apollinaire a signalé l’apparition au Salon des Indépendants de 1912, confirmé par les œuvres exposées au Salon de la Section d’Or. Puis, elle s’ouvre sur la scène américaine avec le synchromisme, tendance apparentée à l’orphisme par ses formes et ses couleurs, et une œuvre de Joseph Stella.

Peintures de Fernand Léger (Contrastes de formes, 1913), Robert Delaunay (Formes circulaires. Soleil n°2, 1912-13), Sonia Delaunay (Contrastes simultanés, 1912), Morgan Russell (Cosmic Synchromy, 1914), Stanton Macdonald-Wright (Conception Synchromy, 1914), Joseph Stella (Battle of Lights, Coney Island, Mardi Gras, 1913-14), Giacomo Balla (Luna Park a Parigi, 1900).

> L’orphisme : « peinture pure, simultanéité »

> Robert Delaunay : construire par la couleur et la lumière

> Le synchromisme américain : peinture et musique

> L’Armory Show, février 1913

 

L’orphisme : « peinture pure, simultanÉitÉ » retour sommaire

Au Salon des Indépendants (mars-mai 1913), l’orphisme marque le grand retour de la couleur et de l’épuration des formes. Apollinaire avait officiellement annoncé sa naissance dans son ouvrage les Peintres cubistes (voir chapitre Le Salon de la Section d’Or). Aujourd’hui, il exulte : « Si le cubisme est mort, vive le cubisme. Le règne d’Orphée commence » (Salon des Indépendants, Montjoie !, 29 mars 1913.) Et parle « d’impressionnisme des ‘‘formes’’ ». Il définit l’orphisme en ces termes : « peinture pure, simultanéité ». Ici commence (et chacun peut s’en douter) la nouvelle querelle, autour du terme simultanéité, qui va opposer futuristes et cubistes.

Boccioni d’abord : « L’orphisme […] n’est qu’une élégante mascarade des principes fondamentaux de la peinture futuriste » (Lacerba n°7, avril 1913). Puis Léger reproche au futurisme de n’être que la somme des principes impressionnistes et de Cézanne (Montjoie ! mai et juin 1913). Boccioni, à nouveau, revendique la priorité des notions de « dynamisme plastique », de « complémentarisme inné » dans l’utilisation de la couleur, de « simultanéité » (août et décembre 1913). Delaunay répond dans la revue der Sturm (janvier 1914). Puis c’est au tour de Carrà, Papini et Soffici (mars 1914) de revendiquer la paternité du concept, …

Les cubistes avaient affirmé leurs bases théoriques en s’éloignant du postimpressionnisme (voir chapitre Hybridations / Futurisme→Cubisme / Metzinger et Gleizes). Mais le mot « simultané » appartenait bien à leur patrimoine théorique (celui d’une analyse scientifique de la couleur héritée de Seurat). Son appropriation par les futuristes les avait conduits à ne plus l’utiliser. En 1913, « simultané » redevient un mot « français ». « Cette querelle de ‘‘simultanéité’’ est révélatrice de la symbiose qui s’opère, autour de 1913, entre valeurs cubistes et futuristes ». (Pour en savoir plus : voir le texte de Didier Ottinger : Cubisme + Futurisme = Cubofuturisme, catalogue de l’exposition).

 

Robert Delaunay : construire par la couleur et la lumiÈre retour sommaire

Delaunay avait noté à propos de la Ville de Paris : « transition vers la couleur constructive, état entre le destructif et le constructif » (voir chapitre Hybridations. Futurisme→Cubisme).
Depuis, il a atteint cet art construit uniquement par la couleur et la lumière. La juxtaposition futuriste des formes restituant toutes nos sensations, présentes ou passées, pour « en créer l’illusion » est, selon lui, un « simulacre de mouvement ».

img Robert Delaunay, Formes circulaires. Soleil n° 2, 1912-1913
Peinture à la colle sur toile, 100 x 68,5 cm
Centre Pompidou, Mnam

Formes circulaires, Soleil, no2 fait partie d’une série de toiles réalisées au printemps et à l’été 1913 (Formes circulaires, Soleil ; Formes circulaires, Lune ; Formes circulaires, Soleil et Lune).

Sonia Delaunay a relaté la genèse de ces œuvres : «  Robert voulait regarder en face le soleil de midi, le disque absolu. […] Il se forçait à le fixer jusqu’à l’éblouissement. Il baissait les paupières et se concentrait sur les réactions rétiniennes. De retour à la maison, ce qu’il cherchait à jeter sur la toile, c’était ce qu’il avait vu les yeux ouverts et les yeux fermés ; tous les contrastes que sa rétine avait enregistrés. – Sonia, je vois les points noirs du Soleil… Il avait découvert des taches en forme de disques. Il allait passer de la couleur prismatique aux formes circulaires ». (Sonia Delaunay, Nous irons jusqu’au soleil, Robert Laffont, 1978, p.44.)

A l’opposé des conceptions futuristes fondées sur une « polyphonie » des sens, l’organe de la vue est pour Delaunay – rejoignant, ici, Léonard de Vinci – le seul sens dont procède la peinture. « L’œil est notre sens le plus élevé, celui qui communique le plus étroitement avec notre cerveau, la conscience. […] Notre compréhension est corrélative de notre perception. » L’œil est ce qui permet de retrouver une innocence, une langue primitive des couleurs qui puise son origine dans « l’essence lumineuse » du monde. (Robert Delaunay. De l’impressionnisme à l’abstraction, 1906-1914, éditions du Centre Pompidou, 1999, p.167).

Quant à la forme circulaire, si elle est celle des disques découverts par l’artiste lors de son expérience − rien de mystique, en effet, chez Delaunay, ni d’émotionnel, contrairement à Kupka par exemple −, elle rappelle aussi les disques d’études des couleurs de Chevreul ou de Rood. Sorte de pale d’hélice fixée sur un axe central, chaque surface colorée apparaît comme autonome et illimitée dans son mouvement. Au centre : le blanc, la somme de toutes les couleurs.

 

Le synchromisme amÉricain : peinture et musique retour sommaire

Les synchromistes Morgan Russell et Stanton Macdonald-Wright ont exposé au Salon des indépendants de 1913. Synchromisme, nom donné à leur mouvement, est une contraction des mots « symphonie » et « chromatisme ». Eux aussi disciples picturaux des théoriciens scientifiques de la couleur (Eugène Chevreul, Charles Henry…), ils vont être accueillis, en octobre-novembre 1913, par la galerie Bernheim-Jeune et son directeur Félix Fénéon. Nourris des débats parisiens entre futuristes et cubistes, ils vont affirmer leur différence, notamment avec l’orphisme − malgré l’apparente similitude de leurs compositions avec les « disques » de Delaunay −, auquel ils reprochent son impuissance à « évoquer des volumes ».

Stanton Macdonald-Wright

img Stanton Macdonald-Wright, Conception Synchromy, 1914
[Synchromie conception]
Huile sur toile, 91,3 x 76,5 cm
Hirshhorn Museum and Sculpture Garden,
Smithsonian Institution, Washington D.C., NY

Dans le catalogue de la galerie Bernheim-Jeune, Morgan Russell écrit : « Nous estimons que l'orientation vers la couleur est la seule direction où puissent pour le moment s’engager les peintres. Ainsi ne parlerons-nous pas ici de cubistes ou de futuristes, trouvant leurs efforts secondaires et superficiels, sans d’ailleurs que nous en contestions la légitimité […] Une ressemblance superficielle entre les œuvres de cette école [l’orphisme] et une toile synchromiste exposée au Salon des Indépendants a permis à certain critique de les confondre : c’était prendre un tigre pour un zèbre, sous prétexte que tous deux ont un pelage rayé ».

« "Ces couleurs rythmes" incorporent, en quelque sorte, à la peinture la notion de temps : elles donnent l’illusion que le tableau se développe, comme une musique, dans la durée. »

 

L’Armory Show, fÉvrier 1913, New York retour sommaire

Tandis que le cubisme va affirmer sa tendance orphique au Salon des Indépendants, l’Armory Show révèle au public américain la diversité de l’art moderne européen. Si les futuristes en sont absents, car les organisateurs ont refusé qu’ils exposent dans une même salle, ils en ressortent agrandis. Pour la presse et le public, la modernité est appelée « futurisme ». Le cubisme y apparaît comme « un futurisme statique » − Picasso et Braque y étant peu représentés. Avec le Nu descendant l’escalier, Duchamp triomphe, tandis que Picabia devient la « coqueluche » des médias.


Joseph Stella, Battle of Lights, Coney Island, 1913-14
Giacomo Balla, Luna Park à Paris, 1900
1’13’’

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© Centre Pompidou, Direction de l’action éducative et des publics, septembre 2008
Texte et coordination : Marie-José Rodriguez
Maquette: Michel Fernandez, Coralie Pachaud
Lectures des Manifestes : extraits de l'Audioguide sur l'exposition, coproduit par le Centre Pompidou et Antenna Audio.
Intégralité des textes : in Giovanni Lista, Futurisme : Manifestes, proclamations, documents, 1973
Dossier en ligne sur www.centrepompidou.fr/education/ rubrique ’Dossiers pédagogiques’

 


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